Le 24 mars à Lille, dans le cadre du salon Sifer, Ville, Rail & Transports a organisé la cinquième édition des Grands Prix des Régions. Avant la remise des prix, une conférence-débat « Nouvelles attentes de mobilités : comment faire évoluer l'offre et réduire les coûts d'exploitation ? » a réuni
des représentants des transporteurs, des élus et des experts. Extraits. Avion low cost, covoiturage et demain autocars sur les liaisons longue distance. Les trains font face à une multitude de concurrents qui fondent leur succès notamment sur deux points forts : des prix très attractifs et une simplicité d’utilisation. Dans ces conditions, et dans un contexte de pénurie budgétaire, quelles sont les chances du train ? Pour Vincent Kaufmann, professeur de sociologie urbaine et d’analyse des mobilités à l’EPFL (Ecole polytechnique fédérale de Lausanne), il faut avant tout s’intéresser aux attentes des utilisateurs. « Désormais, les usagers sont moins sensibles au temps passé dans les transports mais plus attentifs à la qualité de ce temps passé, rappelle-t-il. Nous avons tous dans nos poches ou nos sacs des iPhone, des tablettes ou des ordinateurs qui nous font passer le temps autrement, que ce soit dans le TGV ou lors de nos déplacements quotidiens. »
A cela s’ajoute la question du « porte-à-porte ». « Les usagers attendent sans doute plus que par le passé des services. Ils demandent une simplicité d’accès et d’utilisation », résume Vincent Kaufmann. Même tonalité du côté de Luigi Stähli, directeur conseil Sud-Ouest Europe du cabinet suisse SMA. « Il ne faut pas prendre uniquement en compte le facteur du prix. D’autres paramètres entrent en ligne de compte, en particulier la disponibilité et la lisibilité de l’offre, en un mot sa simplicité. » Selon lui, « il faut structurer l’offre autour de deux principes : industrialiser l’offre et la production avec une offre systématique, lisible, simple, avec des produits clairs définis sur des critères fonctionnels et non institutionnels, TGV, Intervilles, TER, en donnant une vraie place aux trains intervilles (bien au-delà des TET actuels) comme en Allemagne par exemple ». Il cite l’exemple du Japon, où l’exploitation est « simplifiée, répétitive, efficace, productive. Ce qui suppose de faire du train là où le train fait sens (et de bien le faire), et du bus là où le bus fait sens (il vaut mieux un bus chaque heure que deux trains par jour) ». Enfin, ajoute-t-il, « il faut penser l’offre en réseau intégré, coordonné, multimodal. Ce qui permet de faire du train (TGV, Intervilles et TER) efficace et du bus efficace qui se complètent et s’alimentent mutuellement, notamment grâce au nouveau rôle des régions de coordinateur de l’offre ». Bref, « une offre simple, lisible et disponible » constituerait « une alternative crédible à l’automobile (et donc au covoiturage) ».
Jean-Yves Petit, le vice-président EELV chargé des Transports de la région Paca, s’inquiète d’une évolution à venir qui ne serait pas maîtrisée. Il reprend à son compte la position de l’Association des régions de France (ARF), qui ne se dit pas opposée à la libéralisation du transport par autocar mais demande que les régions aient la responsabilité d’autoriser ou non les services pour les dessertes de moins de 200 kilomètres. Faute de quoi, rappelle Jean-Yves Petit, cette concurrence venue de la route pourrait se faire au détriment de l’offre TER, alors que les régions ont consenti de lourds investissements en faveur du rail. « La demande existe contrairement à ce qu’on entend ici ou là pour tenter de justifier un remplacement par les autocars. Les TER ont une fréquentation moyenne supérieure aux trains régionaux suisses et allemands », rappelle l’élu, qui plaide pour une nouvelle dynamique et une « plus forte mobilisation de l’opérateur ». Ce qui passe notamment par « une harmonisation multimodale et une réelle liberté tarifaire ». Il souhaite une meilleure maîtrise des coûts de production des TER « qui augmentent de 4 % en moyenne par an ».
Claude Gewerc, le président socialiste de la région Picardie plaide aussi pour une optimisation de l’existant et une meilleure coordination des modes. Il s’inquiète d’une dégradation sensible de l’offre de TER. « Il y a trop de trains en retard, trop de trains supprimés », estime-t-il en fustigeant aussi le manque de transparence de la SNCF. « Nous pourrions être tentés par d’autres opérateurs », prévient-il. « Nous sommes prêts », répond Mathias Emmerich, le directeur général délégué Performances à SNCF Mobilités, pour qui il faut ouvrir le marché ferroviaire à la concurrence. Selon lui, « c’est avant tout un problème politique : quand nous proposons aux élus de transférer un trafic sur un bus pour réaliser des économies, ils refusent… » Autre incongruité, toujours selon le directeur délégué de la SNCF, en France, on va ouvrir à la concurrence le marché des autocars avant celui des trains. Ce qui risque de fragiliser un peu plus l’édifice. « Dans les autres pays, on a fait l’inverse », rappelle-t-il.
Pour Alain-Jean Berthelet, le président de Reunir, une association qui fédère des PME d’autocaristes, le secteur attend la libéralisation du marché. « Il faut jouer sur la complémentarité », indique-t-il aux élus, rappelant que les autocars représentent un mode sûr, confortable, rapide et souple. Il plaide pour un rééquilibrage entre le fer et la route, ce qui nécessite la mise en place de « vraies » gares routières. « Les décideurs doivent intégrer la notion de pôles d’échanges. Ces pôles permettront à la fois une identification des modes de transport mais aussi la mise en œuvre d’un service efficace offert aux voyageurs, que ce soit en termes de prise en charge ou d’informations. » A bon entendeur…
Marie-Hélène POINGT
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Nouvelles attentes de mobilités : comment faire évoluer l’offre et réduire les coûts d’exploitation ?
30 Avr 2015
Exploitation
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Mis à jour le 23 mai 2017
Le 24 mars à Lille, dans le cadre du salon Sifer, Ville, Rail & Transports a organisé la cinquième édition des Grands Prix des Régions. Avant la remise des prix, une conférence-débat « Nouvelles attentes de mobilités : comment faire évoluer l'offre et réduire les coûts d'exploitation ? » a réuni
des représentants des transporteurs, des élus et des experts. Extraits. Avion low cost, covoiturage et demain autocars sur les liaisons longue distance. Les trains font face à une multitude de concurrents qui fondent leur succès notamment sur deux points forts : des prix très attractifs et une simplicité d’utilisation. Dans ces conditions, et dans un contexte de pénurie budgétaire, quelles sont les chances du train ? Pour Vincent Kaufmann, professeur de sociologie urbaine et d’analyse des mobilités à l’EPFL (Ecole polytechnique fédérale de Lausanne), il faut avant tout s’intéresser aux attentes des utilisateurs. « Désormais, les usagers sont moins sensibles au temps passé dans les transports mais plus attentifs à la qualité de ce temps passé, rappelle-t-il. Nous avons tous dans nos poches ou nos sacs des iPhone, des tablettes ou des ordinateurs qui nous font passer le temps autrement, que ce soit dans le TGV ou lors de nos déplacements quotidiens. »
A cela s’ajoute la question du « porte-à-porte ». « Les usagers attendent sans doute plus que par le passé des services. Ils demandent une simplicité d’accès et d’utilisation », résume Vincent Kaufmann. Même tonalité du côté de Luigi Stähli, directeur conseil Sud-Ouest Europe du cabinet suisse SMA. « Il ne faut pas prendre uniquement en compte le facteur du prix. D’autres paramètres entrent en ligne de compte, en particulier la disponibilité et la lisibilité de l’offre, en un mot sa simplicité. » Selon lui, « il faut structurer l’offre autour de deux principes : industrialiser l’offre et la production avec une offre systématique, lisible, simple, avec des produits clairs définis sur des critères fonctionnels et non institutionnels, TGV, Intervilles, TER, en donnant une vraie place aux trains intervilles (bien au-delà des TET actuels) comme en Allemagne par exemple ». Il cite l’exemple du Japon, où l’exploitation est « simplifiée, répétitive, efficace, productive. Ce qui suppose de faire du train là où le train fait sens (et de bien le faire), et du bus là où le bus fait sens (il vaut mieux un bus chaque heure que deux trains par jour) ». Enfin, ajoute-t-il, « il faut penser l’offre en réseau intégré, coordonné, multimodal. Ce qui permet de faire du train (TGV, Intervilles et TER) efficace et du bus efficace qui se complètent et s’alimentent mutuellement, notamment grâce au nouveau rôle des régions de coordinateur de l’offre ». Bref, « une offre simple, lisible et disponible » constituerait « une alternative crédible à l’automobile (et donc au covoiturage) ».
Jean-Yves Petit, le vice-président EELV chargé des Transports de la région Paca, s’inquiète d’une évolution à venir qui ne serait pas maîtrisée. Il reprend à son compte la position de l’Association des régions de France (ARF), qui ne se dit pas opposée à la libéralisation du transport par autocar mais demande que les régions aient la responsabilité d’autoriser ou non les services pour les dessertes de moins de 200 kilomètres. Faute de quoi, rappelle Jean-Yves Petit, cette concurrence venue de la route pourrait se faire au détriment de l’offre TER, alors que les régions ont consenti de lourds investissements en faveur du rail. « La demande existe contrairement à ce qu’on entend ici ou là pour tenter de justifier un remplacement par les autocars. Les TER ont une fréquentation moyenne supérieure aux trains régionaux suisses et allemands », rappelle l’élu, qui plaide pour une nouvelle dynamique et une « plus forte mobilisation de l’opérateur ». Ce qui passe notamment par « une harmonisation multimodale et une réelle liberté tarifaire ». Il souhaite une meilleure maîtrise des coûts de production des TER « qui augmentent de 4 % en moyenne par an ».
Claude Gewerc, le président socialiste de la région Picardie plaide aussi pour une optimisation de l’existant et une meilleure coordination des modes. Il s’inquiète d’une dégradation sensible de l’offre de TER. « Il y a trop de trains en retard, trop de trains supprimés », estime-t-il en fustigeant aussi le manque de transparence de la SNCF. « Nous pourrions être tentés par d’autres opérateurs », prévient-il. « Nous sommes prêts », répond Mathias Emmerich, le directeur général délégué Performances à SNCF Mobilités, pour qui il faut ouvrir le marché ferroviaire à la concurrence. Selon lui, « c’est avant tout un problème politique : quand nous proposons aux élus de transférer un trafic sur un bus pour réaliser des économies, ils refusent… » Autre incongruité, toujours selon le directeur délégué de la SNCF, en France, on va ouvrir à la concurrence le marché des autocars avant celui des trains. Ce qui risque de fragiliser un peu plus l’édifice. « Dans les autres pays, on a fait l’inverse », rappelle-t-il.
Pour Alain-Jean Berthelet, le président de Reunir, une association qui fédère des PME d’autocaristes, le secteur attend la libéralisation du marché. « Il faut jouer sur la complémentarité », indique-t-il aux élus, rappelant que les autocars représentent un mode sûr, confortable, rapide et souple. Il plaide pour un rééquilibrage entre le fer et la route, ce qui nécessite la mise en place de « vraies » gares routières. « Les décideurs doivent intégrer la notion de pôles d’échanges. Ces pôles permettront à la fois une identification des modes de transport mais aussi la mise en œuvre d’un service efficace offert aux voyageurs, que ce soit en termes de prise en charge ou d’informations. » A bon entendeur…
Marie-Hélène POINGT
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