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Avenio, la renaissance de Siemens
Publié le 08/09/2010 à 02h30

ll n?existe encore que sur le papier mais fait déjà sensation. S?écartant résolument des canons actuels sur la conception des tramways, l?Avenio conjugue intelligemment innovations présentes et recettes éprouvées des temps passés A  quelque chose, malheur est  bon. C’est à l’évidence ce que l’on a dû penser chez Siemens. Après ce que d’aucuns ont appelé, non sans une certaine sévérité, le « désastre » du Combino, et le retour extrêmement coûteux de très nombreuses rames des premières séries dans les usines de leur constructeur pour modification des structures de caisse, les ingénieurs de Siemens ont visiblement appris de la mésaventure ainsi vécue avec la précédente gamme de produits. Dans la profession, beaucoup s’accordent d’ailleurs à reconnaître que pareille mésaventure aurait finalement pu survenir chez n’importe quel constructeur, et qu’elle aura au moins servi à rendre tous les acteurs du marché particulièrement vigilants sur ces questions, à commencer d’ailleurs par les opérateurs. L’un d’eux (et non des moindres), qui avait commandé un produit concurrent, mit ainsi en demeure son constructeur de lui fournir in extremis une note de calcul démontrant, de manière exhaustive, que la structure de caisse de son futur matériel ne risquait en aucune manière de connaître un jour des symptômes analogues à ceux des Combino incriminés. Un énorme travail qu’il fallut rondement mener…
Fort de la gestion de cette situation de crise et de l’expérience corrélativement acquise sur le terrain auprès de treize réseaux, Siemens a développé, ces deux dernières années, un tout nouveau concept de tramway à plancher bas intégral. Baptisé Avenio, il se veut une synthèse entre les indéniables points forts d’une architecture articulée traditionnelle et certaines dispositions originales avantageusement mises en œuvre sur la rame « multi-articulée » Combino. L’architecture articulée traditionnelle, avec ses caisses de longueur équivalente reposant toutes sur des organes de roulement (à la différence de la « multi-articulée » basée sur une alternance de caisses-ponts suspendues et de courts modules-bogies), se caractérise, on le sait, par une optimisation facile de la répartition des portes le long des faces latérales, un excellent comportement dynamique, des usures minimales et, surtout, de moindres sollicitations sur le chaudron. Or c’est justement des phénomènes de concentration de contraintes sur certains des éléments de la structure du Combino, notamment en partie haute au voisinage des articulations, qui avaient engendré des fissurations du métal à partir desquelles décision avait été prise d’arrêter immédiatement les rames concernées ou susceptibles de l’être. En réalité, on redoutait alors que sous un choc violent (par exemple dans le cas d’une collision) la rupture d’un élément ainsi fragilisé ne provoque l’effondrement dans la caisse (et donc sur la tête des voyageurs) des lourds équipements en toiture, à commencer par les conteneurs des chaînes de traction…
Exit, donc, l’architecture « multi-articulée », mais Siemens, en revanche, voulait assez naturellement reconduire, tout en les améliorant, les dispositions constructives adoptées à l’époque pour les organes de roulement remarquablement compacts du Combino et qui avaient alors fait sensation. « Les tramways proposés aujourd’hui sur le marché, qui sont le plus souvent “multi-articulés”, se caractérisent donc par une architecture asymétrique qui est génératrice de sollicitations significatives au niveau des articulations, mais aussi dans l’ensemble du véhicule. Avec ce concept, le confort de roulement dans les virages est la plupart du temps plus mauvais car les valeurs d’accélération transversale en entrée de courbe, mesurées à l’intérieur de la rame, sont très élevées », explique Silke Vandersee, vice-présidente de la division Light Rail chez Siemens. « Or l’Avenio résout justement ce problème grâce à une construction génialement simple ! »
Siemens a donc choisi une solution en rupture totale avec les actuels « multi-articulés » de la concurrence, et qui n’est pas sans rappeler (même si la réalisation en est très différente) les GT 6N de 1990, premiers tramways à plancher bas intégral du monde conçus par la division ferroviaire de Man, intégrée ensuite par AEG, Adtranz puis Bombardier. De fait, l’architecture articulée de l’Avenio met en œuvre des caisses de longueur équivalente reposant chacune, en son milieu, sur un bogie à quatre roues. Il en résulte une répartition des charges symétriquement parfaite, avec pour corollaire une minoration des efforts transversaux exercés par les roues sur les files de rail. Du coup, la structure de caisse se trouve moins sollicitée, tandis que le franchissement des courbes devrait être exempt de tout grincement, ce qui, pour les riverains, s’avère aussi très intéressant… Le bogie de l’Avenio se compose de deux paires de roues indépendantes. Mais, à la différence des GT 6N, les deux roues situées d’un même côté du bogie se trouvent mécaniquement couplées par l’entremise du moteur de traction qui les entraîne. Il y a donc deux moteurs par bogie, solidaires de celui-ci, chacun étant rejeté latéralement dans le sens longitudinal. Ces moteurs, de type triphasé asynchrone, sont refroidis par air, gage d’un minimum d’entretien. La compacité de l’ensemble, héritée du Combino, est assez remarquable. Enfin, l’absence de liaison mécanique entre roues de part et d’autre du bogie annihile les glissements au franchissement de courbes serrées, et l’on peut penser que la rame devrait donc bien se comporter, y compris sur des voies géométriquement de mauvaise qualité.
Le bogie ainsi constitué offre une liberté en rotation de 4,5°. « Il se comporte donc comme un bogie conventionnel, et cela sur un véritable tramway à plancher bas intégral », insiste Silke Vandersee. « Un bogie avec de telles aptitudes n’était jusqu’ici réalisable que sous la forme d’un bogie classique à essieux qui nécessitait, pour sa motorisation, un rehaussement du plancher à cet endroit. »
La longueur des caisses modulaires de l’Avenio a été fixée à 9 m, ce qui permet d’envisager des rames à plancher bas intégral de 18 à 72 m. Trois gabarits en largeur différents seront proposés (2,30 m, 2,40 m et 2,65 m), qui permettent de couvrir l’étendue des besoins des réseaux de tramways et de Stadtbahn. La plus courte des versions envisageables (18 m) se présentera sous la forme d’une rame articulée à deux caisses et pourra, selon le gabarit choisi, emporter de 103 à 122 voyageurs. De même, la plus longue (72 m), avec une composition de huit caisses, offrira de 457 à 542 places. Ces capacités sont chacune calculées sur la base d’une rame bidirectionnelle, avec un ratio de densité de quatre voyageurs au mètre carré. Avec son nouveau tramway articulé à caisses d’égale longueur reposant chacune sur un bogie médian, Siemens se positionne donc désormais avec un concept unique sur le marché…
L’un des avantages de ce concept, déjà évoqué, est l’optimisation de la répartition des portes. La largeur cumulée des portes doubles aménageables (y compris au niveau du poste de conduite) peut représenter jusqu’à 30 % de la longueur de la rame, ce qui garantit un échange rapide de voyageurs aux arrêts. Au droit des bogies, seize vrais sièges confortables peuvent être implantés (sauf, bien sûr, pour le plus petit gabarit). L’Avenio sera disponible en versions unidirectionnelle et bidirectionnelle. A noter que les rames seront équipées d’un éclairage des quais au droit des portes, disposition peu commune même si, par le passé, l’idée avait été déjà concrétisée, par exemple sur d’anciennes rames Düwag en service à Innsbruck…
A l’image de son concurrent Alstom, Siemens offre désormais la possibilité à ses clients de personnaliser, dans une large mesure, le design du « bout avant ». Une telle personnalisation est permise par la réalisation de ce nez sous la forme d’un module indépendant, aisément détachable de la rame, ce qui permettrait, en outre, son échange standard après un choc accidentel avec dégâts importants. Le matériel satisfait, bien sûr, à la nouvelle norme européenne EN 15227 relative à la résistance passive des structures de tramways.
Grâce à l’architecture adoptée et le recours à un bogie à trois étages de suspension, le constructeur annonce un comportement dynamique de très haute qualité, avec un minimum de bruit de roulement et de vibrations au sol, le tout garanti jusqu’à la vitesse de 80 km/h. Le système original de transmission déjà largement éprouvé sur le Combino, avec ses roues indépendantes mécaniquement accouplées d’un même côté du bogie, et la répartition symétrique sur ces dernières des charges en provenance des caisses conféreront à l’Avenio une grande douceur au franchissement des courbes. L’intérêt n’est pas seulement pour le voyageur (qui bénéficiera d’un plus grand confort de roulement), mais aussi pour l’exploitant (avec la diminution des usures sur les structures de caisses, les articulations, les roues et la voie). « Sur les multi-articulés du marché, les roues doivent souvent être changées entre 100 000 et 250 000 km, ce qui conduit à une immobilisation de deux à trois jours à l’atelier », souligne Silke Vandersee. Selon la vice-présidente de la division Light Rail, « l’Avenio, tout au contraire, à l’image du matériel récemment livré par Siemens à Budapest, et en raison des efforts bien plus faibles qui transitent au niveau de ses organes de roulement du simple fait de l’architecture même de la rame, peut atteindre effectivement des parcours de 450 000 à 500 000 km avec les mêmes roues ». La diminution des usures des roues, qui vont de pair avec celle des rails, devrait donc pouvoir entraîner une réduction significative des coûts de maintenance…
Les ingénieurs de Siemens ont visiblement souhaité mettre l’accent sur le silence et l’économie d’énergie de leur nouvelle génération de tramway, en circulation comme à l’arrêt. Y concourent le choix des roues indépendantes, le freinage électrique jusqu’à l’arrêt, la récupération et une nouvelle génération d’onduleurs d’un rendement au moins égal à 98 %.
Enfin, la faible charge à l’essieu de l’Avenio constitue aussi un « réservoir » potentiel de masse pour pouvoir embarquer très facilement d’autres équipements. En option, un dispositif d’accumulation d’énergie chargeable en moins d’une minute permettra d’économiser jusqu’à 30 % sur l’énergie consommée ainsi que sur les investissements en installations de traction électrique, tout en permettant à la rame de parcourir 2,5 km sans ligne aérienne de contact. Successeur légitime de la célèbre maison « Düwag », Siemens peut se targuer de quelque 130 années d’expérience dans la construction de tramways, et beaucoup attendent donc son Avenio avec quelque impatience…
 

Philippe?HÉRISSÉ

Junjie Ling
Par Junjie Ling
Journaliste
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