Alain Flausch, président de l?UITP : « Devenir l?endroit où cela se passe »
Entretien avec Alain Flausch, administrateur directeur général de la Stib et nouveau président de l?UITP depuis le 8 juin de l?UITP Ville, Rail & Transports. Un an, c’est très court, pouvez-vous néanmoins déjà dresser un premier bilan de votre présidence de l’UITP ?
Alain Flausch. Il faut être honnête, durant la première année de mandat, on dresse surtout un inventaire des sujets. Il est un enjeu pour l’UITP qui mobilise mon attention : notre secrétaire général, Hans Rat, va partir l’an prochain et nous devons organiser la transition et la suite des événements. Ce n’est pas si simple de trouver le bon candidat. Quel type de profil faut-il pour diriger une association : faut-il un bon opérateur pour la crédibilité, ou bien un bon promoteur des transports publics ? Pour ce qui est de l’organisation, nous avons déjà un peu fait évoluer le mode de fonctionnement de nos organes. Nous souhaitions que nos réunions régionales ne soient pas des monologues, mais qu’elles donnent plus d’espace aux participants pour s’exprimer et participer à l’élaboration d’une stratégie. Au plan de la stratégie, justement, nous avons lancé l’objectif du doublement de la part de marché des transports publics. Il faut maintenant faire vivre cela localement. Autre sujet important, celui du financement. En novembre, nous organisons une conférence sur ce sujet. Comment trouver des sources de financement non ponctionnables, comme le VT en France ? On trouvera des solutions alternatives de financement, mais il faut insister sur un point essentiel : l’infrastructure aura toujours besoin de fonds publics.
VR&T. Comment améliorer l’attractivité des transports publics ?
A. F. Les opérateurs de mobile disent « be connected », c’est également l’un de nos enjeux. J’aime bien aussi le « Umdenken-umsteigen » (réfléchir et changer de mode/sa façon de penser, ndlr) du président du Gart, Roland Ries : il faut que nous sachions capter ces quelques minutes préalables à un déplacement, où l’on se pose la question du mode. Le choix facile et impulsif est de sauter dans sa voiture, même si l’on se retrouve dans les embouteillages deux minutes après. Hans Rat montre souvent ce célèbre tableau de Van Gogh, Les Mangeurs de pommes de terre, et en même temps une image plus actuelle, la publicité pour les french fries de McDonald. Je ne veux pas faire de pub à McDonald, mais je trouve que le sujet est vraiment là : comment changer une image, comment faire en sorte de devenir l’endroit où cela se passe. Tout l’art sera de réussir à changer les comportements. Pour cela, nous devons travailler à utiliser les ressorts de la psychologie, de l’intuition, et cesser de croire qu’un cours ex cathedra peut suffire à générer le changement. Dire à nos clients que l’on est fiers d’eux parce qu’ils sauvent la planète… ça ne va pas.
VR&T. L’UITP est-elle une organisation internationale ou une organisation européenne ?
A. F. Il y a dix ans, c’était une organisation vraiment très européenne. C’est devenu bien plus international que ce n’était. Et c’est un miracle permanent, car faire vivre une association internationale avec les moyens dont on dispose est un exercice compliqué. Cela dit, l’internationalisation de notre gouvernance se fera peut-être plus progressivement que celle de l’UIC. Il est sans doute un peu tôt pour avoir un nouveau secrétaire général hors d’Europe, mais, à terme, un numéro 2 de l’organisation qui serait hors d’Europe, ce ne serait pas mal ! Derrière cette réflexion, il faut aussi comprendre qu’à l’international les grands opérateurs sont passés d’une option « coopération-assistance » à une option « marché ». Nous devons repenser notre UITP en prenant cela en compte. Nous devons maintenir la cohérence au prix d’un grand écart permanent entre des pays en voie de développement qui souhaitent qu’on les aide pour structurer leurs réseaux et des acteurs comme la RATP ou Veolia. N’oublions pas qu’une association sert aussi à aider des membres qui en sont à des stades différents de développement. C’est un peu la raison contre le rendement, mais cela relève de la responsabilité sociétale des entreprises.
VR&T. Le rôle de l’UITP comme interlocuteur des institutions européennes est-il satisfaisant ?
A. F. Nous avons décidé de réformer quelque peu notre lobby européen. Nous travaillons sur ce sujet avec nos associations nationales pour déterminer comment la voix du secteur pourrait être mieux entendue à Bruxelles. La Commission attend cela, elle veut un interlocuteur, pas 25 ! L’objectif est de mieux articuler les prises de parole avec le groupe des grandes métropoles et les grands acteurs qui disposent de représentations à Bruxelles. Par ailleurs, sur les sujets techniques, nous n’avons pas aujourd’hui l’organisation pour répondre à la Commission quand elle produit des réglementations.
VR&T. Quel devenir pour votre congrès bisannuel, n’est-il pas en train d’être dépassé par la concurrence ?
A. F. C’est indubitable, Innotrans et Busworld prennent de plus en plus de place dans le secteur. Il y a dix ans, le salon de l’UITP était l’endroit où il fallait être pour se parler. Sommes-nous un lieu de business ou de prestige. Ne sommes-nous pas un événement hybride entre ces deux formules ? Il faut que nous repensions sans doute notre politique commerciale. L’année où nous n’avons pas de congrès, nous souhaitons être présents d’une autre manière, par exemple en s’associant à des événements de plus petite taille partout dans le monde. Si on peut « créer des hubs » au niveau régional et être présents par ce biais-là, c’est une belle opération. A Paris, cette année, nous l’avons expérimenté dans le cadre du Salon des transports publics. La part de l’UITP était un peu congrue, mais cela découle de l’accord qui était a minima : quand on se fiance, forcément, on n’est pas mariés !
Propos recueillis par Guillaume LEBORGNE
Publié le 10/12/2024 - Marie-hélène Poingt