La SNCF expérimente le multilot/multiclient
Le plan de Fret SNCF vise à concentrer un volume important de marchandises sur quelques grands axes et à savoir à l?avance quels moyens engager, mois par mois. Beaucoup craignent que ce plan aboutisse au report du fret sur le réseau routier La mobilisation ne faiblit pas. Le 6 juillet, des syndicats de cheminots, des associations de protection de l’environnement et des élus de gauche ont organisé un rassemblement à Paris pour demander la suspension du plan de Fret SNCF et l’ouverture d’un débat public. Le lendemain, le comité de suivi de l’engagement national pour le fret ferroviaire se réunissait au secrétariat d’État aux Transports pour faire un point d’étape. L’occasion pour certains chargeurs de redire leurs craintes sur la réorganisation du transport des wagons isolés. Certaines fédérations professionnelles du secteur industriel et des transports, en particulier la Fédération française de l’acier, le Comité des constructeurs français d’automobile et l’Union des industries chimiques, appellent la SNCF à revoir ses projets de réorganisation. Elles demandent plus précisément « un report du démarrage du multilots/multiclients » à échéance beaucoup plus lointaine. « Le communiqué de ces fédérations industrielles, qui ne sont pas les clients avec qui nous discutons, fait perdre de vue l’objet de la réforme de Fret SNCF, qui est de développer le transport ferroviaire de marchandises. Le système actuel est ruineux et inefficace, c’est pourquoi nous revoyons complètement notre offre », a déjà répondu Pierre Blayau dans un entretien aux Échos du 5 juillet dernier. Et le directeur général délégué de SNCF Geodis d’ajouter : « Au fond, il faudrait que nous subventionnions les coûts logistiques des grandes entreprises. » Même tonalité dans les propos de Sylvie Charles, la directrice de Fret SNCF, affirmant que des discussions pour réorganiser les acheminements sont en cours pour 80 % des volumes transportés (un peu moins de 300 000 wagons isolés ont été traités par la SNCF en 2009). Avec des clients du secteur de la sidérurgie et de la chimie, Fret SNCF expérimente depuis début juillet son nouveau service de multilots/multiclients sur quatre lignes : deux entre Woippy d’une part et Marseille et Lyon d’autre part ; une entre Marseille et Bordeaux, une autre entre Dunkerque et la région parisienne. Neuf plateformes sont concernées. Jusqu’alors, les clients envoyaient leurs wagons au fur et à mesure de leurs besoins, sans préavis. Le nouveau dispositif leur demande des prévisions et des engagements sur des volumes. L’engagement se fait chaque mois, quinze jours avant le début du mois. « En contrepartie, nos clients auront un retour régulier sur la localisation de leurs wagons, dans une continuité tarifaire », affirme Sylvie Charles. Un système de bonus-malus va être mis en place. Il sanctionnera les volumes non respectés de la part des clients et les retards dus à SNCF. Ce dispositif a été assoupli à la demande des chargeurs qui souhaitent que le malus s’applique à leurs volumes globaux et non point par axe. Selon Fret SNCF, l’expérimentation va permettre de tester les processus de prise de commande et la façon dont les commandes sont intégrées aux systèmes d’information. « L’un de nos objectifs est de permettre à nos équipes de bien s’installer, car elles vont devenir des gestionnaires des axes. Elles doivent s’assurer que le fret a bien été acheminé de bout en bout », souligne Sylvie Charles. Fret SNCF pense acheminer environ 200 000 wagons annuels multilots/multiclients. Des solutions sur-mesure sont aussi prévues avec des clients qui ne peuvent se couler dans la nouvelle organisation. « Ces solutions concernent des flux relativement importants ou des marchandises sensibles traités sur des sites non reliés à nos axes », explique Fret SNCF, qui s’attend à transporter 30 000 à 40 000 wagons isolés de ce type. Sur ce créneau, les prix devraient augmenter de 10, 20 ou 25 % selon les cas. « Les clients d’une même zone peuvent mutualiser leurs envois. Ils ne s’engagent pas sur des volumes mais sur une fréquence de desserte, par exemple deux dessertes par semaine. Et ils paient un forfait », souligne Sylvie Charles. Selon elle, l’expérimentation en cours a déjà buté sur quelques soucis, principalement liés à la qualité des sillons et à des inspections de sécurité sur les essieux des wagons. Celles-ci se traduisent par un nombre beaucoup plus important qu’avant de wagons réformés. « D’où un engorgement des voies. Le contexte de production est tendu pour ces deux raisons. » La bascule complète du système multilots/multiclients est prévue à la fin de l’année, si tout se passe normalement. Un bouleversement qui verra la SNCF abandonner la logique de desserte d’un réseau maillé pour passer à l’exploitation de quelques grands axes. Et qui devrait lui permettre de baisser ses coûts fixes de moitié.
Marie-Hélène POINGT
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