Après La Poste et EDF, la SNCF bientôt sur le grill
La Commission européenne estime que la garantie d’Etat est un avantage anormal dans un marché ferroviaire ouvert à la concurrence Fin janvier, la Commission européenne a annoncé qu’elle mettait fin à son enquête sur la garantie financière illimitée accordée par l’Etat français à La Poste. Une enquête qui s’est éteinte d’elle-même après le changement de statut entériné par la loi en France. La Poste n’est désormais plus un Epic, établissement public à caractère industriel et commercial, mais une société anonyme, ce qui du coup supprime de facto son droit à la garantie d’Etat. Il y a quelques années, EDF avait suivi le même chemin. L’enquête de la Commission était suivie de près à la SNCF pour une raison simple : l’opérateur public est aussi un Epic et il dispose aussi de la garantie d’Etat illimitée qui lui permet d’emprunter de l’argent à de meilleurs taux qu’une entreprise classique. Or, il y a un peu moins de deux ans, la Commission européenne a adopté les lignes directrices pour les aides d’Etat dans le ferroviaire. A l’époque, l’exécutif européen avait clairement pointé que les garanties dont disposaient encore certains opérateurs historiques seraient considérées comme des subventions illégales, une disposition contre laquelle le gouvernement français s’était discrètement mobilisé mais sans résultat. La Commission européenne estime que la garantie est un avantage anormal dans un marché ferroviaire ouvert à la concurrence. La France et la SNCF contestent cette analyse, avançant que la réalité de l’avantage économique n’est pas démontrée. Ceci dit, ailleurs en Europe, la plupart des opérateurs y ont déjà renoncé d’eux-mêmes, c’est le cas en Allemagne par exemple. Bruxelles avait donc donné un délai de deux ans à ceux qui ne l’avaient pas fait, délai qui arrive à terme en juillet prochain. Ce qui signifie que cet été la France s’expose potentiellement à une enquête et à l’ouverture d’une procédure d’infraction qui pourrait se terminer devant la cour de justice. La Commission européenne peut se saisir elle-même du problème ou donner suite à des plaintes de concurrents qui s’estiment lésés. On n’en est pas encore là. Officiellement, personne ne se préoccupe du problème pour le moment. Mais en coulisses, les argumentaires sont déjà préparés pour dissuader la Commission européenne d’ouvrir une enquête équivalente à celle qui visait La Poste. Certaines sources pointent que cette enquête avait déjà duré deux ans et demi sans aboutir, et tentent de mettre en doute sa base légale, signe que le problème est déjà pris très au sérieux. Lors de la publication des aides directrices, les syndicats de la SNCF avaient d’ailleurs senti le risque, car toucher à la garantie d’Etat pourrait signifier tout simplement un changement de statut pour la compagnie, comme cela s’est passé pour EDF ou La Poste, ce qui aurait d’autres conséquences pour les employés. Autre aspect qui inquiète les défenseurs de la SNCF, le secteur aide d’Etat aux transports vient de passer de la DG Tren à la Direction générale de la Concurrence. Une direction réputée beaucoup plus inflexible… Dans quelques mois, c’est elle qui devra décider des suites à donner au dossier garantie d’Etat. A suivre donc.
Isabelle ORY
Publié le 10/12/2024