Une politique d'accessibilité historique à Grenoble
Avant-gardiste grâce à Hubert Dudebout, maire de 1965 à 1983, Grenoble a pris une grosse longueur d?avance. La ville qui se targue aujourd?hui d?être la plus accessible de France a commencé à mener une politique d?accessibilité dès 1975 « La ville aménageait déjà des bateaux et rampes d’accès pour les personnes en fauteuil roulant et, en 1979, créait un service municipal travaillant sur la question », rappelle Yannick Belle, conseiller délégué à l’accessibilité au SMTC de Grenoble (26 communes, près de 400 000 habitants). C’est donc tout naturellement que lorsque la décision de réintroduire le tram à Grenoble est prise, à la même période, toujours sous Hubert Dudebout, soutenu par Louis Maisonnat, à l’époque président du SMTC, il est immédiatement question d’un tramway « accessible »… Mais quand la décision est entérinée par un référendum, en 1983, le matériel rêvé n’existe pas sur le marché. « Le SMTC a dû monter un groupe de travail avec les associations et avec Alstom, relate l’élu. C’est ce qui a permis la livraison, en 1987, du premier tramway accessible au monde. Une telle innovation que la ville recevait chaque semaine trois ou quatre délégations étrangères… ». Après ce premier coup d’éclat, la collectivité n’a eu de cesse de faire progresser les dispositifs, la concertation avec les associations telles que l’APF étant devenue quasi permanente. Pour la ligne B du tram, on améliore les dispositifs d’annonces sonores et visuelles. Pour la ligne C, les associations en veulent plus : un véhicule non pas accessible par deux de ses portes, mais « entièrement accessible et en toute autonomie, c’est-à-dire sans avoir à appuyer sur un bouton pour déployer la palette », raconte Yannick Belle. Un nouveau challenge qui sera gagné en 2006 avec le citadis d’Alstom. Entre-temps, le SMTC rehausse l’ensemble des quais, puis fait modifier les 55 TFS (tramway français standard). Résultat : « la lacune entre le quai et le véhicule n’est que de 2 cm, exit la palette ». Si bien qu’aujourd’hui l’agglo affiche 100 % d’accessibilité pour les 35 km du réseau tram. Les 2 lignes en projet pour 2014 le seront aussi, naturellement. Une jolie prouesse. Et du côté des bus ? On applique plus ou moins les mêmes recettes. Dès 1996, une ligne entière est rendue accessible avec une palette rétractable associée à l’agenouillement du bus par un système de vérins hydrauliques. « Il est étendu progressivement à toute la flotte, sur chaque ligne, en aménageant les trottoirs. Nous sommes à environ 80 % d’arrêts de bus accessibles, soit 800 sur un millier. » Autant dire que, l’essentiel du travail étant fait, la rédaction du schéma directeur d’accessibilité (SDA) n’a pas posé de véritable problème à l’agglo. Voté par le SMTC à l’unanimité en juin dernier pour la période 2009-2012, il vise trois objectifs. Primo, étendre l’accessibilité à 95 % du réseau de bus, sachant qu’atteindre les 100 % sont techniquement impossibles. 9 millions d’euros y seront consacrés. Deusio, perfectionner les dispositifs d’information, de signalisation sonore, visuelle et podotactile. Tertio, confirmer le service spécifique PMR. Avec ses 11 véhicules adaptés, ce service de porte à porte transporte environ 125 personnes chaque jour. Il coûte 2 millions d’euros par an à la collectivité, qui aurait pu choisir de l’alléger une fois le réseau classique utilisable par tous les usagers. Cerise sur le gâteau : la SNCF et RFF ne sont pas en reste à Grenoble. Des ascenseurs tout neufs, des quais rehaussés dans la gare de centre-ville… Ou encore un SDA régional qui promet 100 % d’accessibilité pour les TER en 2015, soit 12 millions d’euros supplémentaires investis chaque année. De plus, grâce à l’antériorité de la démarche, la ville, ses trottoirs, ses magasins sont pensés pour les PMR. Mais, même dans ce monde presque idéal, il reste un défi pour les prochaines années, reconnaît Yannick Belle : « traiter le handicap psychologique. Nous butons encore parce qu’il est difficile à appréhender ».
Cécile NANGERONI