Decaux ou le savoir-faire dédié au vélo
Pour négocier sa place sur le territoire, JCDecaux a compris qu’il lui fallait développer des services en phase avec les nouveaux usages de la ville L’expérience Vélib’ a été un véritable tremplin pour JCDecaux. En décrochant le marché du vélo en libre service à Paris, l’afficheur a pu s’affirmer pleinement comme un acteur de la mobilité. Certes, Decaux ne partait pas de rien puisqu’il opérait déjà Vélov’ à Lyon, un système de VLS qui compte plus de 2 000 vélos. Mais il lui fallait faire la preuve que sa solution était adaptée à une ville capitale comme Paris. Le défi était de taille puisqu’il s’agissait de mettre en place plus de 20 000 vélos. Pourquoi Decaux a t-il décidé de le relever ? « Nous sentions depuis déjà quelques années que la voiture ne pouvait plus être le seul moyen de transport, qu’il y avait une demande du côté des villes pour des services liés à la mobilité, explique Albert Asséraf, directeur général stratégie, études et marketing. Nous avons travaillé autour du vélo en partant du constat que plus de la moitié des déplacements en ville se font sur une distance de moins de 2 kilomètres. Dans la même logique, nous développons du mobilier urbain intelligent capable de délivrer de l’information sur les téléphones portables. » L’idée de Decaux n’est pas de marcher sur les plates-bandes des opérateurs historiques mais de proposer des services adaptés aux nouveaux usages de la ville, et par là même de convaincre les élus de lui accorder le marché publicitaire. L’afficheur qui se définit désormais comme city provider (fournisseur d’accès à la ville) n’a pas changé de modèle économique : il propose toujours d’inclure les services qu’il apporte dans le contrat de concession de l’affichage publicitaire. Ce qui change, c’est la nature des prestations proposées en échange de l’accès à l’espace publicitaire.
Une solution accessible à tous.
C’est son concurrent, Clearchannel, qui a été le premier à sentir qu’il fallait bouger, offrir des services en lien avec la mobilité. En 1998, l’afficheur américain qui opère aujourd’hui des systèmes de VLS dans quelques villes françaises et plusieurs métropoles européennes dont Barcelone, Oslo et Stockholm, a proposé une solution de vélo en libre service à l’occasion du renouvellement du contrat de concession de l’affichage à Rennes. Le service mis en place était relativement modeste puisqu’il n’y avait que 200 vélos. Mais grâce à cette idée, Clear Channel a emporté le marché face à JCDecaux. La leçon a porté. Depuis, le français a rattrapé son retard. Les ingénieurs et les designers de Decaux se sont mis au travail. « Nous n’avons pas inventé le vélo en libre service, c’est sûr. Michel Crépeau avait déjà mis en place un service de ce type dans les années 70 à La Rochelle. Par contre, nous avons mis au point un système qui permet à tout le monde grâce à une carte bleue d’accéder à un vélo 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 », explique Albert Asséraf en soulignant que la solution made in Decaux a déjà convaincu une quinzaine de villes françaises et des villes européennes comme Séville, Cordoue, Bruxelles, Dublin, Luxembourg. « Non seulement, notre solution permet à tous les usagers d’avoir accès au service puisqu’il n’y a pas besoin d’être abonné mais en plus elle a fait ses preuves à grande échelle. Avec Vélib’ nous avons acquis un vrai savoir-faire », ajoute Albert Asséraf.
Un avantage concurrentiel.
Avec 80 000 à 100 000 locations quotidiennes, Decaux qui a concédé un investissement de 90 millions d’euros a pu voir ce qu’impliquait la gestion d’une solution de mobilité et peaufiner son offre. L’afficheur s’est aperçu qu’il y avait des heures de pointe et des heures creuses, que le niveau de vols et de dégradation était « significatif », qu’il fallait gérer en même temps la répartition des vélos, la maintenance, le centre d’appels… « Grâce à Vélib’, nous avons acquis un avantage concurrentiel considérable alors même que de nouveaux acteurs, notamment les transporteurs, s’intéressent à ce marché, note Albert Asséraf. Vélib’ a suscité des envies dans les grandes villes françaises mais aussi à l’international. La réflexion est déjà bien avancée à New York, Chicago, Londres. Nous avons reçu la visite de représentants de grandes villes chinoises et coréennes… Quand nous avons répondu à l’appel d’offres de Lyon en 2005, il n’y avait pas encore cet engouement pour le vélo en libre service. Les transporteurs, pour la plupart, étaient encore loin d’avoir une réflexion sur le vélo en ville. A eux aujourd’hui de faire aussi bien. »
Nicolas REYNAUD
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