Le modèle MittelrheinBahn
Depuis décembre 2008, c’est TransRegio qui exploite la MittelrheinBahn, ligne qui relie Cologne à Mayence en longeant le Rhin C’est une ligne prestigieuse, et la Deutsche Bahn, quand elle l’a perdue, a plutôt fait grise mine. Qu’on en juge : elle relie Cologne à Coblence et Mayence en longeant le Rhin, et dessert Bonn, petite ville qu’on a beaucoup moquée pour son provincialisme, mais qui fut tout de même, de 1949 à 1990, la capitale de la République fédérale allemande. Et elle traverse des paysages parmi les plus beaux de la vieille Allemagne, passant au large de la célèbre Lorelei. C’est une ligne historique qui a été conquise par TransRegio. Une ligne à forte fréquentation touristique, très dense sur certains tronçons, où se combinent les trafics « commuteurs », régionaux et touristiques. Et où l’on voit autant de monde, sinon plus, dans les trains le week-end que les jours de semaine. EuRailCo, qui avait auparavant en Allemagne trois lignes un peu rurales d’exploitation modeste, a donc changé de dimension avec cette forte relation cadencée qu’elle exploite pour quinze ans. C’est à la fin 2005 que les offres ont été remises pour l’exploitation de la ligne. TransRegio a été déclaré vainqueur en mai 2006. La DB a introduit un recours, ce qui n’a pas changé le fond de l’affaire, mais a retardé la décision définitive : elle n’est intervenue qu’en décembre de la même année. Six mois de perdu. Aussi le nouveau venu a-t-il dû mettre les bouchées doubles pour commencer le service dans les temps, le 14 décembre 2008.
Premier point à résoudre, le matériel. Car l’appel d’offres en Allemagne suppose que le nouvel exploitant arrive avec armes et bagages : matériel et personnel. TransRegio a lancé un appel d’offres européen pour le financement des matériels afin de choisir le bon couple constructeur-financier. Les financiers Angel Trains, Mitsui, CB Rail et Société générale ont répondu. « On a choisi Angel Trains pour des raisons de coût et de vraie expérience technique », précise Francis Nakache, directeur général d’EuRailCo. En l’occurrence, le choix a porté sur le couple Angel-Siemens. Dès le début, l’exploitant penchait d’ailleurs pour le Desiro de Siemens qui est, pour Francis Nakache, « un matériel très moderne, à motorisation répartie, très silencieux, consommant 30 % de moins que les matériels de ce type, ou censé le faire ». C’est, rappelle-t-il, le même matériel que le RER de Bruxelles. Le choix d’un matériel moderne était de toute façon facilité par la politique allemande, qui consiste à donner un bonus à l’exploitation de matériels neufs.
TransRegio a une « productivité de petite structure », précise Francis Nakache. La conduite se fait à agent seul, sauf le soir, à la demande de l’autorité organisatrice, pour des questions de sûreté. TransRegio emploie pour la MittelrheinBahn une centaine de personnes (61 conducteurs, 104 personnes en tout). Des conducteurs dont il a fallu recruter les trois quarts, la Deutsche Bahn étant repartie avec son équipe : ce type de relation, qui crée une pénurie de conducteurs, n’est pas défavorable à l’opérateur historique. La maintenance confiée au constructeur contribue à la légèreté, même s’il a fallu investir environ 11 millions d’euros dans la construction de l’atelier. L’ensemble de l’investissement pour l’exploitation se monte à 100 millions d’euros, dont 80 pour le matériel, mais cette partie est supportée par le loueur Angel Trains, ce qui permet d’alléger le bilan de TransRegio. Cette légèreté d’exploitation se traduit en chiffres. Comparée aux régions françaises, la différence est criante. Selon Francis Nakache, qui se fonde d’ailleurs en grande partie sur notre palmarès annuel des régions, le coût du kilomètre-train dans les régions françaises varie, hors sillons, de 12 euros du train-kilomètre (Basse-Normandie) à 20 euros pour le Centre. En Allemagne, hors sillons aussi, on est 6 à 7 euros en moyenne. La DB est la plus chère, les exploitants privés étant environ 20 % moins coûteux. Mais la concurrence jouerait bel et bien son rôle d’aiguillon, et la Deutsche Bahn, constate Francis Nakache, qui perdait tous les appels d’offres il y a 10 ou 15 ans, a su se réajuster.
L’atelier a été construit en un temps record sur un ancien terrain de la DB de 54 000 m2 acquis début 2008. Le premier coup de pioche a été donné en avril de la même année. Les trains ont pu prendre place en septembre, et la maintenance a commencé début novembre. L’atelier est chargé de l’entretien courant et de la grande révision. Le travail est assuré par Siemens dès l’origine. L’atelier, qui compte deux voies, pourra en comporter jusqu’à six. Ce qui pourrait servir à faire face à une éventuelle expansion de la société ou à répondre aux besoins d’autres entreprises ferroviaires. Actuellement, 14 rames tournent, 2 sont en réserve et, fin mai, une 17e était en cours de réception. De quoi assurer des kilomètres-trains supplémentaires à la demande de l’exploitant.
TransRegio a tenu à obtenir une billetterie indépendante de la DB et a donc installé dans les gares ses propres automates de vente. L’automate permet le retour rapide du cash au nouvel exploitant. Le système doit être complété bientôt par la possibilité de paiement par Internet ou par mobile. TransRegio tenait absolument à son autonomie, se méfiant de l’opacité des comptes de la DB. De plus, le système est lent, avec un retour de la recette qui se fait attendre. Il est encore lourd et imprécis, les chambres de compensation (Verkehrsverbunden) opérant une répartition en fonction de comptages aléatoires et parfois anciens. D’où une autre bataille, celle du comptage. C’est pourquoi TransRegio a installé dans ses rames des capteurs aux portes qui permettent d’établir la fréquentation, système qui, après une phase de mise au point, devait être opérationnel le 1er juin.
Les nouvelles technologies sont par ailleurs utilisées pour connaître la régularité, établie par l’exploitant grâce au GPS, à tout moment consultable par l’autorité organisatrice. L’objectif de régularité est de 91 %. Elle s’établit à 93 %, selon Francis Nakache. Ce qui est comptabilisé dans le système de bonus-malus. Condition de la régularité, la disponibilité de l’infrastructure fait l’objet d’une guéguerre permanente avec DB Netz. Les recours se font directement auprès de DB Netz comme auprès de la Bundes Netz Agentur, l’autorité de régulation. « Il faut se battre directement en permanence », assure Francis Nakache.
François DUMONT
Publié le 06/02/2025 - Philippe-Enrico Attal
Publié le 06/02/2025 - Gaëlle Ginibrière, Nathalie Arensonas
Publié le 05/02/2025 - Sylvie Andreau, Nathalie Arensonas