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Citaro Hybrid, le premier produit en série
Publié le 05/05/2009 à 10h00

Ayant eu jusqu’ici mille peines à dépasser la simple expérimentation, l’autobus hybride entre aujourd’hui en scène Tout juste rentré de Laponie, où il a été essayé plusieurs semaines sous des conditions climatiques extrêmes, le premier autobus articulé Citaro à propulsion hybride de Mercedes vient de faire l’objet d’une série de présentations à Mannheim, chez son constructeur. Quelque 250 experts venus de quinze pays, bientôt suivis des représentants de la presse spécialisée, auront ainsi pu voyager à son bord, pour la toute première fois, dans des conditions réelles de circulation. Or cet autobus n’est déjà plus un prototype. En tous points ou presque, il préfigure désormais les véhicules de série qui doivent être livrés aux opérateurs avant même la fin de cette année !
L’atout majeur du nouvel autobus de 18 m présenté à Mannheim pourrait se résumer en un seul paramètre : l’économie de carburant qu’il procurera à ses futurs exploitants et qui, par rapport à un véhicule au gazole du modèle équivalent, devrait aller jusqu’à 30 % ! Si l’on ajoute la réduction des émissions de dioxyde de carbone qu’induit parallèlement la technologie hybride, il est clair que ce nouveau produit, encore plus propre qu’un autobus fonctionnant au GNV (gaz naturel pour véhicules), s’inscrit à merveille dans une logique de développement durable. Resterait, cependant, à régler le problème de son prix, dont on suppose aujourd’hui qu’il devrait excéder d’au moins un tiers (dans le cadre d’une production de série) celui d’un classique Citaro diesel articulé. Pour le constructeur, cet ultime obstacle n’a pourtant rien d’infranchissable. « Si l’on tient compte des gains secondaires permis par cette nouvelle technologie, tels ceux engendrés par la réduction importante du bruit, et si les pouvoirs publics acceptent aussi de nous soutenir en favorisant l’achat de véhicules hybrides par des mesures incitatives en direction des opérateurs, alors nous pourrons effacer définitivement le surcoût actuel », affirme Michael Goepfarth, directeur « bus et car » de Mercedes-Benz.
Que le constructeur allemand soit le premier à proposer sur le marché un « hybride » véritablement « de série » n’a finalement rien de très étonnant : Daimler, le groupe auquel il appartient, s’y intéresse depuis maintenant quarante ans. De fait, c’est en 1969 que la société Daimler-Benz présentait le tout premier prototype pour service urbain, réalisé sur base Mercedes O 302. Représentant la génération suivante d’autobus du même constructeur, le célèbre O 305, arrivé dix ans plus tard, aura lui aussi connu une variante « hybride », mais l’état d’avancement de cette technique et surtout son prix rendaient, à l’époque, la diffusion de tels produits extrêmement confidentielle. Il faudra donc attendre le milieu des années 90 pour que le développement de la propulsion hybride connaisse un nouvel élan. Nous sommes alors en pleines années « O 405 », autre génération fameuse qui devait succéder au O 305, et Mercedes sort à l’occasion le O 405 GNDE, véhicule articulé à plancher surbaissé et traction diesel-électrique, avec déjà des moteurs-roues, mais toutefois sans batteries pour le stockage de l’énergie. Une petite série de ces autobus assez révolutionnaires sera mise en service commercial pour plusieurs années à Stuttgart, sur une ligne au profil difficile…
Si, en Europe, la propulsion hybride demeurait ainsi l’exception, il en allait tout différemment du continent nord-américain, où circulent déjà 1 700 véhicules de la marque Orion, justement filiale de Daimler, et qui font eux aussi appel à cette technologie. Compte tenu des commandes en cours, ce parc devrait très bientôt flirter avec la barre des 3 000 unités. Des tests réalisés chez les clients d’Orion, sur des véhicules hybrides produits par ce constructeur, ont d’ailleurs mis en évidence une baisse effective de la consommation de carburant d’environ 25 % par rapport à celle relevée sur des autobus diesels de caractéristiques comparables…
Chez Mercedes, c’est en 2004 que les premières réflexions sont amorcées en vue de parvenir à la définition d’un vrai véhicule de série, enfin commercialisable à grande échelle. « Certes, il nous aura fallu cinq ans pour parvenir à nos fins, mais nos exigences étaient vraiment très pointues », s’excuserait presque aujourd’hui Richard Averbeck, le responsable recherche et développement du constructeur. Pourtant, l’autobus hybride n’est qu’une étape technologique incontournable dans la stratégie de Mercedes, qui doit lui permettre, à terme, de parvenir à l’objectif ultime, à savoir le véritable « zéro émission », avec la pile à combustible remplaçant le moteur diesel…
Dès le démarrage du projet, les ingénieurs du constructeur ont misé sur l’hybride « série » déclinable en version articulée. Et ils se sont donc fixé d’emblée comme but à atteindre cette réduction de consommation de 20 à 30 % par rapport au Citaro diesel (dont ils reprenaient au demeurant l’essentiel de la partie mécanique), afin de garantir l’amortissement du véhicule pour l’opérateur dans un délai raisonnable. Comme le Citaro reste actuellement, de par sa sobriété, la référence du marché, réduire encore de 20 % la consommation de carburant pouvait déjà sembler un incroyable challenge ! Autre difficulté à résoudre, le système de refroidissement qu’il a fallu totalement repenser : sur le Citaro hybride, coexistent désormais un circuit « haute température » (95 °C) et un circuit « basse température » (73 °C), car il faut refroidir le diesel et les composants électriques. L’essieu arrière, mais aussi l’essieu médian, sont tous deux entraînés. De type « portique » comme sur le Citaro diesel, ils incorporent des moteurs de roue de deuxième génération, refroidis par eau et logés dans les moyeux. Chacun de ces moteurs électriques est amené à développer une puissance de 60 à 80 kW, ce qui pourrait sembler a priori un peu faible pour un autobus articulé, sauf que leur caractéristique effort-vitesse F(v) n’a bien évidemment rien à voir avec celle d’un diesel. Les batteries de toute dernière génération mises en œuvre sur ce véhicule sont de type « lithium-ion ». Sans entretien et d’une longévité évaluée à six ans, elles affichent une puissance de 200 kW pour une masse de seulement 330 kg ! Apparemment, le fournisseur n’est pas allemand, mais Mercedes n’a pas voulu révéler son nom. Une chose est sûre : peu d’industriels au monde doivent actuellement être en mesure de fabriquer pareil équipement aussi performant. L’autonomie sur batteries serait théoriquement très longue, mais le souci de préserver leur espérance de vie conduit à optimiser la gestion des modes diesel et électrique selon des cycles courts, et donc à ne pas dépasser des parcours maximaux « diesel coupé » de 2 à 3 km. Sur le plan conceptuel, le grand intérêt de l’hybride réside dans le « downsizing », autrement dit la possibilité de remplacer le gros moteur diesel OM457 de l’articulé diesel Citaro G, de 12 l de cylindrée et d’une masse de 960 kg, par un moteur beaucoup plus petit, en l’occurrence un OM924 de 4,8 l de cylindrée et d’une masse n’excédant pas les 450 kg. A l’arrêt, le moteur diesel est coupé. Le démarrage s’effectue sur batteries, qui seront rechargées au freinage suivant. Aussi, l’ensemble des auxiliaires, y compris la climatisation, doivent pouvoir fonctionner électriquement en autonomie. Du coup, ils n’ont plus besoin d’être reliés mécaniquement au moteur diesel, et peuvent donc être repositionnés pratiquement en tout point du véhicule, notamment en toiture. Cela permet d’obtenir un plancher plat sur toute la longueur, et une bien meilleure répartition des masses par rapport aux classiques « articulés pousseurs » (comme le Citaro G), qui demeurent très lourds à l’arrière mais plutôt légers sur l’essieu médian. Il faut savoir que le surpoids lié à l’hybridation reste sensiblement inférieur à la tonne. Quant à la maintenance, son coût devrait tendre à terme vers celui de l’autobus diesel, certains organes, comme les disques de frein, s’usant beaucoup moins en raison du freinage électrique…
Actuellement, Mercedes est en discussion avec de nombreux opérateurs, avec le souci de pouvoir livrer dès le début un grand nombre d’exemplaires, pour que l’effet « série » joue tout de suite sur les prix…

Philippe Hérissé
 

Junjie Ling
Par Junjie Ling
Journaliste
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