MTR, un Chinois à Stockholm
Depuis un an, MTR, le très rentable opérateur du métro de Hong Kong, est aussi aux commandes de celui de Stockholm. Il y a remplacé Veolia Transport, qui a ainsi perdu une de ses plus belles vitrines et pas mal d’argent. Rencontre avec la nouvelle équipe. La transition est douce dans le métro de Stockholm. C’est à peine si l’usager peut s’apercevoir que l’exploitant a changé, il y a un an. MTR, l’opérateur du réseau de Hong Kong, a alors remplacé Veolia Transport, qui était aux manettes depuis 1999. Pourtant, la révolution est en marche, assure la nouvelle équipe. On nous parle de « révolution culturelle » et de « qualité totale », des concepts très asiatiques. Et même de sondages de satisfaction déjà encourageants, alors que le gros des changements ne devrait être vraiment visible que dans deux ou trois ans.
Long de 106 km avec exactement 100 stations, le métro de Stockholm (appelé Tunnelbana en suédois) est le 22e du monde par son importance, selon les autorités locales. Ce qui est plutôt impressionnant pour une ville de cette taille : la capitale suédoise ne fait après tout que 830 000 habitants, et son agglomération, 1,3 million. Pour l’usager moyen, il y a trois lignes, la verte, la rouge et la bleue (dans l’ordre de leur construction, dans les années 1950, 1960 et 1970). Officiellement, il y en a sept, regroupées dans les trois bouquets traditionnels. Le métro stockholmois transporte 1,1 million de voyageurs par jour.
Petit retour en arrière : en janvier 2009, l’autorité organisatrice Storstockholms Lokaltrafik (SL) annonçait que MTR succéderait à Veolia pour exploiter le métro pendant huit ans – et peut-être même quatorze si tout le monde est content – contre 265 millions d’euros par an. De son avis même, le français n’avait pas démérité, mais le gagnant promettait mieux et moins cher, dans un combat où étaient également présents S-Bahn Berlin – la filiale de la Deutsche Bahn qui exploite le RER berlinois – et un groupement associant Arriva et Keolis. Officiellement, SL n’avait comparé que les performances des différents candidats. Mais Veolia avait été beaucoup attaqué sur place pour sa participation au projet de tramway de Jérusalem, controversé car il doit traverser la partie arabe de la ville sainte et conduire à des quartiers conquis lors de la guerre des Six-Jours, sur lesquels la souveraineté israélienne n’est pas reconnue par la communauté internationale. Et ce en pleine offensive israélienne sur Gaza… De plus, on trouvait à la tête de l’équipe de MTR une certaine Torborg Chetkovich, transfuge de Veolia qui connaissait particulièrement bien le dossier puisqu’elle s’y occupait auparavant du métro !
Après un court passage devant la justice, MTR a comme prévu pris le relais le 2 novembre 2009, reprenant l’essentiel des effectifs de Veolia. Et pour la petite histoire, Torborg Chetkovich n’est pas restée très longtemps à la tête du nouvel exploitant, puisqu’elle a été nommée en mai à la tête de la compagnie publique des aéroports suédois. Elle vient d’être remplacée par un dirigeant de la compagnie aérienne SAS. Qu’est-ce qui a changé depuis un an dans le métro stockholmois ? A vrai dire, pas grand-chose au premier regard… Sur les flancs des voitures, on voit que SL travaille maintenant « en coopération avec MTR », tandis que le logo de l’opérateur chinois s’affiche sur les uniformes des employés. Assez discrètement d’ailleurs. Quant aux affiches et aux prospectus, ils ne mentionnent pas l’exploitant. « SL veut communiquer avec les clients sous la marque SL, nous devons nous effacer », indique Margareta Stefanutti, qui dirige la communication de MTR Stockholm. Si l’on voit ici et là dans ses bureaux quelques prospectus en chinois venus du siège, la filiale de l’opérateur hongkongais est restée très suédoise dans son fonctionnement quotidien, raconte-t-elle. Seuls les rapports à la direction se font en anglais, via Londres.
« Dans notre offre, nous avons dit que les changements prendraient deux ou trois ans », explique Kimmo Piri, le directeur des stations, qui parle de « révolution culturelle ». « Ce qui nous rend hongkongais, poursuit-il, c’est que nous allons améliorer le service au client, la qualité – ce qui inclut la ponctualité et la propreté, notamment – et aussi la satisfaction du personnel. Nous avons un long chemin à parcourir et personne ne dit que ce sera facile, mais nous sommes sur la bonne voie ! » Il cite dans son domaine la mise à disposition de personnels à toute heure à tous les accès au réseau, et surtout l’embauche de 250 personnes envoyées sur le terrain à la rencontre des voyageurs, en particulier aux heures de pointe. Côté propreté, ajoute-t-il, les 100 stations doivent être nettoyées au moins tous les jours, les graffitis doivent disparaître dans les 24 heures et les vitres cassées être réparées presque aussi vite. En outre, ajoute perfidement M. Piri, « 40 millions de couronnes [4,3 millions d’euros] vont être consacrés à la remise à niveau du métro. Après l’ère Veolia, et il y a beaucoup à faire ! » Un nettoyage de fond, en quelque sorte…
Côté exploitation, MTR a promis une plus grande ponctualité, s’appuyant sur le formidable exemple de Hong Kong. Reste que si des progrès peuvent être faits dans la disponibilité du matériel roulant, l’autorité organisatrice a gardé la gestion de l’infrastructure, pour laquelle elle a fait appel à d’autres sous-traitants. Les gros problèmes rencontrés l’hiver dernier quand des amas de neige ont empêché les métros de rouler n’étaient donc pas de la responsabilité du nouvel opérateur, explique Lena Eriksson, chef de l’exploitation de la ligne verte, la plus importante. Ce qui n’empêche pas d’améliorer la coordination entre les différents intervenants, bien au contraire. « MTR est beaucoup plus proactif, raconte cette ancienne de l’équipe Veolia (comme la plupart de ses collègues). Dès qu’il y a un incident, nous l’analysons afin qu’il ne se reproduise pas. Avant, nous voulions le faire, mais nous ne le faisions pas vraiment, en fait ! »
Dans cet esprit de qualité totale très asiatique, une sorte de téléphone rouge a été mis en place avec SL pour réagir immédiatement en cas de problème. Et, au cas où, cinq bus estampillés MTR stationnent en permanence à des points stratégiques du réseau. Une mesure d’ailleurs plus symbolique qu’autre chose, puisqu’un unique bus ne pourra jamais transporter tous les passagers d’une rame de métro en perdition… « Nous étions déjà sur une bonne tendance du temps de Veolia, estime Mme Eriksson. Mais maintenant nous faisons encore mieux, même si les objectifs du contrat sont plus élevés. Nous sommes au-dessus du contrat, je suis fière ! » La recette ? « Je crois que tout le monde a besoin de stimulation et de défis », estime-t-elle.