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Pierre Cardo : « On n’est pas que gendarme, on est aussi juge de paix »

Publié le 01/12/2010 à 02h45

Le 1er décembre, l’Araf, l’Autorité de régulation des activités ferroviaires, devient pleinement opérationnelle. Rencontre avec son président, Pierre Cardo. Quand Jean-François Carenco, le directeur de cabinet de Jean-Louis Borloo, lui a demandé s’il voulait présider l’Araf, Pierre Cardo (61 ans) n’a pas caché sa perplexité. Le ferroviaire, il ne connaissait pas. Mais, après tout, le député était assez vite devenu, à la suite d’une mission précédemment confiée, un spécialiste du démantèlement des navires en fin de vie… Pierre Cardo s’est laissé convaincre. Il a accepté, une fois qu’un amendement eût assoupli certaines des conditions qui empêchaient un élu local d’être président de l’Araf. L’ancien maire de Chanteloup-les-Vignes, et désormais ancien député des Yvelines, a donc pu rester président de la communauté d’agglomération des Deux Rives de la Seine.

Le président de l’Araf revendique un « regard neuf » sur les sujets ferroviaires, mais il est aidé par les six autres membres du collège. Avant même d’entrer pleinement en exercice, l’Araf a déjà entendu Veolia, la Deutsche Bahn, la SNCF, Gares et Connexions… Une trentaine d’auditions qui ont donné au président la culture du sujet. Parallèlement, l’Araf regarde ce que font l’ORR britannique, qui a aussi les fonctions de l’EPSF, la Bundesnetzagentur allemande, régulateur de l’ensemble des secteurs. En France, l’Araf naissante s’est comparée à l’Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques et des postes) ou à la CRE (Commission de régulation de l’énergie), a commencé à tracer les frontières avec l’Autorité de la concurrence, et a vu comment, dans le secteur ferroviaire, l’EPSF s’était peu à peu forgé une doctrine.

Parmi ses premières tâches, l’Araf doit donner un avis conforme chaque année sur la tarification et les conditions d’accès au réseau. L’autorité doit aussi être saisie afin de donner un avis sur les conditions économiques d’accès au réseau de la concession de la LGV Sud Europe Atlantique.

La grande affaire, ce sera de répondre à toutes les interpellations qui pourraient montrer une discrimination. Or, glisse Pierre Cardo, il y a « des choses qui laissent supposer que nous ne resterons pas inactifs à partir du 1er décembre ». Saisie, l’Araf devra instruire le dossier dans les deux mois. Pour faire face, elle devrait compter une vingtaine de salariés début 2011, et tourner avec une soixantaine à plein régime. Les 10 millions de budget annuel proviennent d’un prélèvement de 3,7 millièmes du montant des péages, ce qui assure l’indépendance de l’autorité. Les avis seront rendus à la suite d’une procédure de type judiciaire observant une séparation entre les services qui instruisent et le collège qui juge.

L’Araf ne va pas se contenter de compter les coups ni de réprimander. « On n’est pas que gendarme, on est aussi juge de paix », explique Pierre Cardo, qui complète : « On est là pour avoir une doctrine. Pour l’instant, il n’y en a pas réellement. » L’autorité peut s’autosaisir. Exemple : « Faut-il développer le réseau, l’entretenir ou le rénover : il nous appartiendra d’avoir un avis sur la question. » Sur la question du fret aussi, le président Cardo commence à se forger son idée.

Enfin, il est conscient que le système ferroviaire français n’est pas totalement inattaquable. Déjà, remarque Pierre Cardo, la DCF (Direction de la circulation ferroviaire) fait l’objet de remarques, alors qu’elle est une entité distincte, qu’elle a son propre budget, ses locaux, que son président est nommé par le gouvernement après avis de l’Araf (ce qui fut d’ailleurs son premier acte), et qu’il est donc en théorie complètement indépendant de Guillaume Pepy. A plus forte raison, la gestion des gares, avec une direction Gares et Connexions intégrée à la SNCF sera peut-être plus difficile à défendre face aux prochains concurrents.

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