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Jean-Marie Bockel, président de Mulhouse Alsace Agglomération (m2A) : « On a planté le drapeau du tram-train »

Publié le 30/11/2010 à 11h00

VR&T : Le tram-train arrive. Pour vous, c’est la fin d’une aventure ?
Jean-Marie Bockel : Sur le tram-train, j’ai été persévérant. On a été jusqu’au bout de cette démarche, dont j’avais eu l’intuition il y a quinze ans. Et s’il n’y avait pas eu cette intuition de tram-train, il n’y aurait jamais eu de tramway à Mulhouse ! VR&T : Le tram-train arrive. Pour vous, c’est la fin d’une aventure ?
Jean-Marie Bockel : Sur le tram-train, j’ai été persévérant. On a été jusqu’au bout de cette démarche, dont j’avais eu l’intuition il y a quinze ans. Et s’il n’y avait pas eu cette intuition de tram-train, il n’y aurait jamais eu de tramway à Mulhouse ! Je suis content qu’on ait pu aller jusqu’au bout de la démarche, parce qu’on aurait pu s’arrêter en 2006 avec l’inauguration des deux premières lignes du tramway et dans la foulée la petite extension qu’on a faite en 2009. On a réussi à convaincre la région, qui est le principal investisseur et financeur du fonctionnement. C’est comme ça que les choses se sont déroulées : j’ai pris mon bâton de pèlerin, et je suis allé à convaincre [le président du conseil régional d’Alsace, ndlr], Adrien Zeller, à l’époque que ça serait une très belle opportunité pour la région, ce tram-train, même s’il avait un coût. L’objectif explique largement l’investissement qui a été fait, c’est un doublement du trafic sur cette ligne. Est-ce que la fréquentation sera au rendez-vous ? On ne le sait jamais à l’avance, mais jusqu’à présent, s’agissant en tout cas de ce tramway, nous avons toujours eu un retour de fréquentation supérieur à nos prévisions. Je pense que les prévisions de quasi-doublement de trafic sont des prévisions qui sont raisonnables et qui peuvent être tenues. C’est vrai que le tram-train donne toute sa pertinence à une démarche d’ensemble qui ne s’arrêtera pas là, etconstitue également pour l’agglomération mulhousienne, une troisième ligne de tramway, puisque cette ligne nouvelle qui longe la voie TER permettra d’avoir à la fois les trams-trains et les tramways urbains, jusqu’à Lutterbach.

 

VR&T : Puisqu’on aborde le sujet du tramway urbain, quel bilan en tirez-vous ?
J-M B. : Le bilan du tram est excellent. C’est la raison pour laquelle il y a de telles attentes, et il explique pourquoi le débat sur le report des extensions a été quelque peu difficile. On aurait eu ce débat il y a cinq ans avant la mise en service du tramway, je pense que ça n’aurait suscité
aucune émotion. Mais là, comme tout le monde voit que le tramway est un succès, puisque tout le monde l’emprunte (et pas seulement les gens qui habitent le long des lignes), cela crée un désir, une attente. C’est un succès en termes de fréquentation, ce qui est quand même l’objectif premier d’un tramway, mais aussi en termes de rénovation urbaine. Il faut dire que cela a transformé la ville. Pas seulement d’un point de vue urbanistique, mais aussi d’un point de vue déplacements urbains. Prenez le principal croisement, Porte-Jeune : c’était un croisement de circulation automobile, presque une autoroute urbaine, à l’image de la ville telle qu’elle avait été redessinée dans les années 1950 et 60. On ne pouvait pas traverser ! Il y avait d’ailleurs un passage souterrain, que l’on a finalement supprimé parce que c’était devenu ingérable. Le tramway a profondément changé les habitudes de déplacements urbains. On était dans le tout automobile, et aujourd’hui l’automobile a retrouvé sa juste place. Il était impossible d’avoir une politique cyclable dans une ville qui avait été tellement redessinée pour l’automobile, et aujourd’hui la bicyclette – et bien sûr les aménagements qui vont avec – se développe à toute vitesse. Les cheminements piétons étaient interrompus par un trafic automobile dense. Aujourd’hui, le centre-ville a commencé à s’élargir, et il n’y a qu’à venir un jour de grande affluence pour voir que le tramway est parfois freiné par les piétons. Il y a eu, au-delà du succès même du tramway, un effet considérable sur les déplacements urbains.

 

VR&T : Pourtant, les extensions vers Wittenheim et Illzach ont bien été reportées…
J-M B. : Avant même d’aborder la question des extensions qui sont retardées, il faut d’abord regarder ce qui a été fait, les mises en service effectives, et ce n’est quand même pas rien ! D’autant que ce n’est pas seulement un investissement, mais c’est aussi un coût de fonctionnement relativement important. Et c’est aussi une manière de dire que, nonobstant la question des extensions reportées, cette agglomération qui à la fin de l’année n’aura pas encore un an est d’ores et déjà très fortement positionnée en termes de priorité budgétaire pour les transports publics. Le discours que certains ont pu tenir sur un recul ou sur un abandon ne résiste pas à l’analyse. Il n’en est pas moins vrai que nous avons pris la décision de renoncer au PPP sur les extensions des deux lignes déjà existantes. Ce renoncement au PPP n’est pas un abandon à tout jamais. Les études qui ont été faites et les propositions des candidats au PPP sont des matériaux qui nous seront utiles lorsque, la situation financière le permettant dans quelques années, nous pourrons reprendre ces extensions, et sûrement d’autres aussi. Tout ne se fera pas en un jour ! Mais ces extensions se feront vers le bassin potassique [Wittenheim et peut-être au-delà, ndlr], vers Illzach, et nous sommes d’ores et déjà intéressés par des extensions qui se feront également, quand ce sera possible, vers la zone franche urbaine au-delà des Coteaux vers l’ouest, du côté de la gare et de Riedisheim. Faire franchir les voies ferrées au tramway au moins jusqu’à Riedisheim, un jour, c’est une question qui se posera. Je ne donne pas de date. On pourra recommencer à réfléchir à la question dans le prochain mandat très certainement, mais pour une mise en oeuvre un peu plus tard. On a quand même quelques années pendant lesquelles il faudra que l’on assimile tout ça. Et pendant ce temps-là, l’amélioration du réseau
de bus va se poursuivre. Rappelons que c’est un maillage : il n’y  pas que le tramway et le tram-train, il y a aussi le bus. On a également une réflexion sur d’éventuelles lignes express, à l’instar d’autres villes. Pour le moment, on est au stade des études, mais ça peut concerner le bassin potassique, entre autres.

 

VR&T : Est-ce l’échec du PPP ?
J-M B. : Je suis favorable aux PPP. Cela permet d’étaler la dépense dans une durée longue, et moralement c’est tout à fait justifié dans la mesure où il s’agit de projets pour les générations à venir. Mais l’inconvénient des PPP, c’est que c’est tout ou rien. C’est-à-dire qu’à partir du moment où l’on considère que la situation financière a changé, ce qui est le cas, et que ce n’est pas dans un contexte donné raisonnable de le faire, on peut justifier de l’arrêter, mais on ne peut pas dire « je n’en fais qu’un bout ». Là, c’est vrai que dans l’idéal on aurait pu imaginer faire un petit bout, faire 400 m par ci, une station par là, mais le PPP, c’est tout ou rien. Si j’avais la machine à remonter le temps, je dirais que pour la situation mulhousienne d’aujourd’hui, le PPP n’était pas la bonne solution. Mais à l’époque, on ne le savait pas ! On était dans un contexte différent, et on pensait que c’était la bonne solution pour faire d’un coup ce qui nous manquait.

 

VR&T : Pensez-vous que Mulhouse fera école avec le tramtrain ?
J-M B. : A l’origine, la SNCF ne voulait qu’un train-tram, c’est-àdire un train léger qui rentre dans la ville. Le fait que nous ayons réussi ce que Paris n’a pas réussi, c’est-à-dire d’avoir un partage entre des rames Soléa et des rames SNCF qui font tout le parcours, non pas une montée et une descente d’un agent à Lutterbach ça marque une évolution des esprits. La gageure du tram-train n’était pas uniquement technologique. On a planté le drapeau du tram-train. Mais toutes les villes qui ont des chemins de fer n’ont pas vocation à avoir un tram-train. Il faut plusieurs conditions, qui sont des conditions de population, de géographie ou de physique : il faut une configuration urbaine et périurbaine, il faut un existant préalable qui permette de rendre l’investissement raisonnable… Cela dit, un certain nombre de villes françaises et européennes s’intéresseront au modèle mulhousien, et j’en suis fier.

 

VR&T : Mais la phase 2, jusque Kruth, semble bien incertaine, d’autant que m2A ne semble pas prête à s’investir davantage…
J-M B. : Franchement, personne ne peut reprocher à l’agglomération mulhousienne un manque de solidarité avec les territoires alentour. Je rappelle que le tram-train va desservir, au-delà de m2A, Wittelsheim (une grosse commune de 10 000 habitants qui n’appartient à aucune intercommunalité), Cernay, Thann (avec deux  stations à Vieux-Thann et trois stations à Thann)… Cette desserte très importante sera cofinancée, pour l’investissement et le fonctionnement, par la région Alsace et m2A. On ne peut pas dire qu’on n’est pas dans une démarche de solidarité, alors que les territoires qui en bénéficieront n’ont pas de versement transport à l’heure actuelle, et donc n’ont pas de capacités contributives. Au-delà, on verra, à chaque jour suffit sa peine. Kruth, c’est pour l’instant sans date. Seul le succès avéré jusqu’à Thann d’ici quelques années pourra relancer, surtout avec l’encombrement routier de la vallée, l’idée d’aller jusqu’au bout. Mais, il y aura aussi une discussion financière. Et je vois mal m2A s’engager financièrement jusqu’en fond de vallée, d’autant, encore une fois, que les communes concernées n’ont pas de versement transport.
 

 

VR&T : Et les extensions dont on a pu parler vers Altkirch ou Guebwiller ?
J-M B. : C’est vraiment à la région Alsace de gérer le dossier. Il y a une réflexion sur Guebwiller, il peut y avoir des réflexions vers le sud… Pour le moment, confortons l’existant, vérifions que nos prévisions s’avèrent justes, confortons le tramway urbain – et ça sera notre priorité dès qu’on va recouvrer des marges de manoeuvre.  

 

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