Les appels d’offres pour l’exploitation de franchises régionales rencontrent toujours moins de succès. La faute à des procédures trop complexes et extrêmement coûteuses. Officiellement, la compétition n’aurait jamais été aussi ouverte sur le rail allemand. C’est en tout cas ce qu’affirme la Deutsche Bahn dans son dernier rapport annuel sur l’état de la concurrence. Selon les calculs de l’opérateur historique, les compagnies privées contrôleraient actuellement 21,6 % du trafic régional de passagers : un record. Et leur part de marché devrait même continuer de croître rapidement car, au cours des cinq prochaines années, 325 millions de trains-kilomètres vont être soumis à des appels d’offres. La moitié des franchises régionales allemandes sont ainsi susceptibles de changer de main. « En Allemagne, la concurrence fonctionne », vante Rüdiger Grube. Mais ces chiffres cachent une autre réalité, moins glorieuse. De fait, cette vague de renouvellement des contrats d’exploitation serait de nature à submerger les concurrents de la DB. Aucun d’entre eux n’a les reins assez solides pour se porter candidat à l’ensemble des procédures. En cause, les nombreuses formalités à accomplir : trop lourdes et surtout très coûteuses, entre deux et cinq millions d’euros à chaque fois. De quoi décourager les compétiteurs de la Bahn. Selon la Fédération des opérateurs privés, le nombre moyen de participants à un appel d’offres a ainsi chuté de 2,9 à 2,4 l’an dernier.
Une tendance qui commence à inquiéter l’Association des autorités ferroviaires : « Il va falloir rendre les appels d’offres plus attractifs, faute de quoi, d’ici quelques années, seule la Bahn sera en mesure de déposer une offre », affirme t-elle. Et encore : la DB affirme qu’elle aussi éprouve des difficultés à suivre la cadence. « Chaque appel d’offres mobilise une équipe de vingt personnes à plein-temps pendant six mois », affirme Frank Sennhenn, le chef de DB Regio. « La Deutsche Bahn atteint ses limites. Un jour viendra où nous ne pourrons plus être sur tous les fronts. »
Lancée il y a quinze ans, l’ouverture du marché ferroviaire régional faisait jusqu’ici figure de « succes story ». La concurrence a permis de moderniser les trains et d’améliorer le service. Mais le modèle semble aujourd’hui en panne. Pour stimuler à nouveau la compétition, la DB et ses challengers estiment qu’il conviendrait d’alléger les cahiers des charges. « Les Länder donneurs d’ordres déterminent jusqu’à la couleur des boutons de l’uniforme des contrôleurs », critique le chef d’une compagnie privée, cité par Die Welt. « Il faudrait laisser une plus grande marge de manœuvre aux compagnies. Cela permettrait de répondre plus rapidement aux appels d’offres », explique Frank Sennhenn de DB Regio. Autre piste évoquée : une meilleure coordination entre les régions afin de répartir les appels d’offres sur une plus longue période et permettre à davantage d’opérateurs de se lancer dans la bataille. Reste à voir si cet appel sera entendu : « Je ne me fais pas de souci pour la concurrence », lance le chef de l’autorité ferroviaire de Berlin Brandebourg. « Les compagnies danoises ou néerlandaises ont déjà fait savoir qu’elles souhaitaient se lancer sur le marché allemand. »
Antoine Heulard
Il y a 5 mois - Junjie Ling