Le tramway est plébiscité par les élus et les usagers mais pas par les conducteurs. C’est ce qui ressort d’un rapport du cabinet Indigo ergonomie remis à la fin de l’année dernière au CHSCT de Keolis Bordeaux. Ce document pointe du doigt les conditions de travail des traminots à Bordeaux, mais aussi à Lille, Montpellier ou Clermont-Ferrand, rapporte le magazine Santé et Travail (n° 85). Selon le rapport Indigo, les traminots sont soumis à une pression psychologique permanente : la peur de l’accident. Un piéton imprudent, un cycliste négligent ou un automobiliste étourdi : le machiniste se doit d’anticiper tous les risques possibles. L’arrêt d’un tramway lancé à pleine vitesse prend plusieurs mètres, sans aucune possibilité d’éviter la collision. Une source de stress permanente. A cela s’ajoute la fatigue générée par la Vacma (Veille automatique à contrôle de maintien d’appui).
Sous la forme d’un bouton ou d’une pédale, c’est le système dit « de l’homme mort », qui impose d’être régulièrement activé. Faute de quoi, le tramway s’arrête. Le but est de s’assurer de l’état de conscience du conducteur et d’éviter qu’un malaise ou un endormissement ne conduise à un accident. Revers de la médaille, ce système serait à l’origine de troubles musculo-squelettiques (TMS) chez les traminots. A Bordeaux, 15 salariés ont été déclarés inaptes à la conduite de ce fait en 2010, dont neuf définitivement.
Robin Foot, sociologue et chercheur du Laboratoire technique, territoire et société, explique au magazine Santé et Travail avoir « établi un lien entre les douleurs [des traminots] et la conception du poste de conduite et particulièrement du système de veille à maintien d’appui, mais nous avons également constaté des effets sur le plan cognitif ». Il explique que la Vacma a un effet « distractif » sur le conducteur, à défaut de le maintenir concentré. Effectuer le travail de conduite (gong, klaxon, etc.) devient plus difficile dans un tissu urbain souvent dense. L’arrêt d’urgence peut aussi avoir des conséquences sur les passagers, comme le montre l’accident survenu à Montpellier en septembre 2012, lorsqu’un passager âgé est tombé sur la tête et est décédé, après un freinage automatique. Trop concentré sur les piétons, le conducteur a oublié d’appuyer sur le bouton de Vacma, qui a déclenché le frein.
Selon certains traminots, le Vacma n’empêcherait pas de courts endormissements, les conducteurs continuant par automatisme à actionner le bouton. D’où la conclusion du rapport qui conseille de modifier ce système pour l’améliorer. Le syndicat mixte des transports en commun de Clermont-Ferrand a modifié son cahier des charges pour les constructeurs, qui demande maintenant la modification de la veille. Une amélioration pour les conducteurs, qui amènera aussi plus de sûreté pour les passagers.
Alexandre Nekrassov
Il y a 5 mois - Marie-hélène Poingt
Il y a 5 mois - Marie-hélène Poingt