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Suite aux élections régionales du mois de décembre, nos experts nous donnent leur vision de ce que doivent être les priorités des nouveaux exécutifs. Les transports après les régionales : c’est le moment de bouger !
Par Dominique Bussereau, Député LR de Charente-Maritime, président du conseil départemental de Charente-Maritime, vice-président du Gart.
Au lendemain d’élections régionales compliquées, dont personne ne sort véritablement vainqueur, une réforme des politiques de transport est indispensable et urgente.
Je souhaite très fortement que les nouveaux présidents, les nouveaux exécutifs, quelle que soit leur sensibilité, aient le courage de briser les tabous, d’innover et de bouger !
Pourquoi est-ce aussi indispensable ?
1) Parce que le coût du transport régional a atteint des sommets démesurés : 30 milliards d’euros investis depuis dix ans selon l’Association des régions de France, avec une augmentation de la fréquentation des TER de 53 % depuis 10 ans. Mais l’ARF ne donne aucun chiffre sur l’ampleur de l’offre nouvelle qui l’a entraînée !
Chaque année, les régions dépensent, tous postes confondus, 5,5 milliards d’euros pour le transport régional. TER et Transiliens représentent 232 millions de train/km, avec 8 400 TER et 6 000 Transilien chaque jour mais emploient pour ce faire près de 4/5e des cheminots !
En 2017, avec l’inutile disposition de la loi Notre intégrant les transports scolaires et interurbains dans le périmètre des régions (mais elles pourront déléguer cette compétence aux départements volontaires), cette dépense augmentera de 2 milliards d’euros.
Ainsi, depuis 2002 les contributions des régimes au financement des déficits d’exploitation des services de transports régionaux ont grimpé de 1,5 à 2 milliards d’euros, soit une augmentation annuelle de 8 % inflation comprise.
En croisant diverses sources, on peut considérer que le coût pour une région de sa contribution au déficit d’exploitation des TER représente 17 euros au train/km alors que la recette par voyageur représente en moyenne 5 euros par train/km. Pour comparaison, le coût train/km est de 33 % moins élevé en Allemagne et en France le coût de l’autocar par kilomètre représente 1/8e celui du train.
2) Les nouvelles régions vont donc devoir bouger et ont déjà commencé à le faire en particulier en Provence-Alpes-Côte-d’Azur. Quels doivent être leurs objectifs ? Baisser les coûts ; améliorer la lutte contre la fraude systémique (portillons, contrôles) ; améliorer la régularité, la propreté et le confort des rames ; améliorer la sûreté à bord des trains (portiques), la présence des forces de sécurité.
3) Comment bouger ?
Naturellement, les régions vont devoir réviser leurs relations contractuelles avec la SNCF et cela ne peut être que bénéfique et utile à la modernisation nécessaire des pratiques de l’opérateur ferroviaire historique.
Vraisemblablement, un meilleur partage entre trains et autocars doit être étudié, en particulier pour les trop nombreuses circulations hors heures de pointe, circulant souvent avec un nombre très faible de clients et utilisant des sillons qui seraient fort utiles pour le trafic de fret.
4) L’introduction de la concurrence, par le biais de délégations de service public, est-elle possible ?
Oui bien sûr. Il ne s’agit ni de remettre en cause le service public, ni d’un positionnement idéologique. Cela consiste à mettre en place une concurrence organisée, avec des cahiers des charges, des obligations de service public, des normes de sécurité, de sûreté, de qualité de service, de desserte et de tarification. Cela permettra, comme en Allemagne, d’innover et améliorer l’offre, de baisser les coûts et de mieux utiliser les réseaux.
Connaissant bien les contraintes fortes du système ferroviaire et en particulier le contexte social, je sais pertinemment qu’un « grand soir libéral » n’est pas immédiatement possible car des attitudes brusquées empêcheraient toute innovation.
Mais une région peut expérimenter une ouverture sur une ou plusieurs lignes, une étoile ferroviaire, et en tirer ensuite les enseignements. Si cela n’est pas fait, le mur des coûts, dans un contexte très tendu des finances locales, deviendra vite infranchissable et le transport public régional basculera dans le déclin.
Chers collègues, présidents des régions, la balle est dans votre camp !
Les nouvelles régions : un tigre dans le moteur des transports collectifs !
Par Gilles Savary, député PS de la Gironde et ancien vice-président de la commission Transport du Parlement européen.
Les assemblées et les exécutifs des 13 conseils régionaux métropolitains élus le 11 décembre 2015 sont en place. Pour sept régions issues de fusions, aux territoires souvent plus étendus que certains Etats européens, c’est une nouvelle Histoire et une gouvernance à une tout autre échelle qui commencent.
Toutes cependant ont considérablement gagné en compétences en matière de transport, que ce soit à travers la réforme ferroviaire de la loi du 4 août 2013, ou plus encore la loi Nouvelle organisation territoriale de la république (Notre) du 7 août 2015 qui confère aux régions à partir du 1er janvier 2017 l’intégralité de la compétence des services de transports interurbains et scolaires de voyageurs, quel qu’en soit le mode ! En d’autres termes et sauf subdélégations conventionnelles aux départements ou à des structures de coopération intercommunale, le paysage local des transports ne compte plus que deux niveaux d’autorités organisatrices des transports : les régions et les agglomérations urbaines.
D’aucuns regrettent que les routes nationales restent de compétences départementales, mais les régions ne se sont pas montrées plus empressées à en revendiquer la compétence et les coûts qui vont avec, que de récupérer une partie du réseau ferré. L’Etat et les départements resteront donc leurs interlocuteurs obligés en matière d’infrastructures et de points d’arrêts et de correspondances.
Les conférences territoriales de l’action publique ainsi que les schémas régionaux de l’intermodalité prévus par la loi Notre, devraient être les outils institutionnels privilégiés de cette nécessaire articulation des politiques d’infrastructures de la SNCF et des départements d’une part, et des politiques de mobilité des régions et des agglomérations d’autre part.
Chargées par la loi de définir un schéma régional de l’intermodalité, qui leur confère « un chef de filat » en la matière, les régions devront s’atteler à combler le retard français dans ce domaine trop longtemps pris en otage par la complaisance publique envers un corporatisme ferroviaire révolu, notamment pour ce qui concerne l’équipement du pays en gares routières sur la base de lignes directrices gouvernementales très attendues.
Les campagnes électorales ont quasi unanimement dessiné une priorité affirmée pour l’amélioration de la qualité de services des trains du quotidien. Dans les régions fusionnées, cet objectif recouvre celui d’une priorité impérieuse pour l’amélioration des ex-liaisons interrégionales, devenues liaisons intérieures, ce qui ne manquera d’attiser la tentation de l’Etat de « régionaliser » certaines lignes de trains d’équilibre du territoire (grandes lignes) devenues intrarégionales.
Ce nouveau paysage institutionnel coïncide avec un nouveau paysage politique, puisque sept régions sur 13 sont désormais dirigées par la droite et qu’à gauche la traditionnelle réservation des vice-présidences Transport à des élus communistes, par principe hostiles à toute perspective d’ouverture à la concurrence sur le rail, ne concerne plus que la région Languedoc-Roussillon–Midi-Pyrénées.
Ce nouveau contexte politique attise une curiosité freudienne : qui va passer des intentions électorales aux actes en matière d’ouverture à la concurrence des TER ?
Puisqu’il n’est plus douteux que les régions sont désormais des AOT de plein exercice, on observera avec intérêt les régions qui vont s’engager dans la faculté qui leur est donnée par le règlement européen 1370/2007 en cours de révision dans le cadre du quatrième paquet ferroviaire, d’expérimenter l’ouverture à la concurrence des TER.
On sait que l’Etat prétend qu’une loi française doit en constituer le préalable, mais on sait aussi qu’un règlement européen ne souffre aucune nécessité de transposition législative (à la différence des directives). Tout indique que la région qui oserait franchir ce pas sans attendre la date butoir fixée par l’Union européenne, serait en position de force devant les juridictions européennes si l’Etat français s’avisait à la contester !
De ce point de vue, la libéralisation des cars « Macron » a d’ores et déjà ouvert une brèche et l’on voit mal les régions opérer des cars interurbains et scolaires ouverts de longue date à des opérateurs privés, sans l’étendre de proche en proche aux cars, puis aux trains express régionaux.
Enfin, en 2016, le gouvernement devrait, en application de la loi de réforme ferroviaire, publier un rapport sur le statut des gares ferroviaires, qui pourrait envisager de renforcer les prérogatives des régions sur les gares principalement dédiées au trafic des TER.
Du coup, on peut se demander ce qu’il adviendra des engagements pris par les anciennes régions de participer au financement de très anciens projets de LGV qui ne sont pas de leurs compétences, mais dont le modèle économique s’avère de moins en moins soutenable pour la SNCF, comme pour les finances publiques et pour les usagers.
Dans un paysage politique où l’opposition contrôle désormais une majorité de régions, l’ensemble de ces nouveaux et considérables défis de transports, qui leur sont transférés, ne devraient pas tarder à allumer la mèche d’un vigoureux débat sur leur financement !
Une chose est sûre, c’est un bouleversement de grande ampleur de nos politiques des transports qui est en marche, et le secteur des transports de voyageurs y trouvera sans doute une dynamique de réformes et d’innovations inédite !
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