InOui, le pari risqué de la SNCF
29 Mai 2017
Mis à jour le 08 juin 2017
L’info avait fuité, Le Parisien allait la sortir… La SNCF, qui avait prévu de communiquer ce lundi, a dès vendredi, sorti un communiqué interne (Temps Réel)…
pour que les cheminots n’apprennent pas par la presse ce que la direction de l’entreprise avait décidé. Mal partie, tant bien que mal rattrapée, l’info a animé les réseaux sociaux tout le week-end : la SNCF abandonne le TGV et lance inOui à la place. Et des explications pas toujours bien claires ont été distillées : TGV reste TGV tweete Rachel Picard. Les clients vont continuer à prendre le TGV, dit Guillaume Pepy à l’AFP. Le TGV continue, mais, si les trois lettres demeurent, elles vont se faire discrètes, apparaissant en tout petit sur les nouveaux trains – dont la livrée blanche doit être dévoilée cet après-midi – au profit du nouveau logo qui lui aussi va faire son apparition. On va donc continuer à prendre le TGV (personne ne pouvant entraver un usage depuis tant d’années installé), mais ce qui devient accessible commercialement, ce qu’on va acheter, c’est un billet inOui, pour un ensemble de services, garantis par le nouveau label. Cela commence quasiment tout de suite, le 2 juillet, avec l’ouverture de la nouvelle ligne Paris – Bordeaux. Paris – Lyon doit devenir inOui à la fin de l’année ; un peu plus tard ce sera Strasbourg, et, à la fin 2018, Rennes, Marseille, Lille, Metz et Nancy. Au bout du compte, iDTGV disparaissant, ne devraient plus subsister que le Ouigo (25 % de l’offre d’ici 2020) et l’inOui (tout le restant).
A chaque fois, le changement de nom doit sanctionner un saut de qualité : standards d’aménagement intérieurs, qualité de service, Wi-Fi à bord. Tout un ensemble jusqu’à présent concocté dans l’entreprise sous le nom de code TGV Plus. A priori, le passage à l’inOui ne se traduira pas par une augmentation de tarifs ; même si c’est le cas (10 euros de plus en moyenne) pour la première relation concernée, Paris – Bordeaux, du fait du gain de temps d’une heure sur le trajet.
La SNCF doit consacrer en tout 2,5 milliards d’investissements pour déployer le nouveau service. Le plus lourd vient des commandes de nouveaux trains, mais il y a aussi, par exemple, l’installation progressive des portiques de contrôle des billets sur les quais, qui doivent libérer les contrôleurs pour des missions d’accueil ou de conseil à bord.
Dans l’ensemble, les premières réactions, soit des experts conviés sur la toile ou les ondes, soit dans les conversations personnelles, sont négatives, même si, à la SNCF, on s’estime plutôt correctement traité par la presse. Il n’empêche. Selon un sondage du Parisien, 93 % des Français trouvent qu’il s’agit là d’une mauvaise idée. La SNCF va avoir fort à faire pour dissiper une incompréhension de fond.
Car le produit phare connu de tous en France et connu dans le monde entier, c’est le TGV. Ce n’est peut-être pas une marque, c’est au départ un sigle, et on a vu depuis des années les communicants ou les grands gardiens de la marque s’efforcer en vain de faire dire « TGV » quand les gens tout bonnement prennent le TGV. C’est un peu cet échec que sanctionne le nouveau nom. Faute d’avoir pu imposer le TGV comme marque déposée, on se résout à observer qu’il s’agit d’un nom générique. Comme frigidaire. Les trois lettres pourront aussi bien, avec la concurrence, désigner les trains et les services de la DB ou de Trenitalia en France. D’où la nécessité de lancer une marque. Pas sûr que ce raisonnement soit imparable, d’autant que la concurrence n’est peut-être pas, dans la grande vitesse, un danger massif et menaçant. Et après tout, nous semble-t-il, chaque voyageur aérien prend tout simplement l’avion et ce terme générique ne l’empêche pas de distinguer Air France, Emirates ou Lufthansa. Mais, surtout, c’est le nom retenu qui stupéfie. InOui, cela promet un voyage exceptionnel. Mais ce qu’on demande à la SNCF, est-ce de l’exceptionnel ? Ne s’agit-il pas, d’abord, de trains qui partent à l’heure, arrivent à l’heure, ne tombent pas en panne, offrent de bonnes correspondances, ne soient pas trop chers, et dont les tarifs soient clairs et compréhensibles par tous ?
Pas de chance, samedi soir, le TGV qui ramenait après la finale de la Coupe de France, les footballeurs et les supporters d’Angers dans leur ville est tombé en panne quasiment toute la nuit. « Inoui, comme on dit à la SNCF », se sont amusés les commentateurs…
F. D.