Huit idées reçues sur les transports publics
1/ POUR L'UTILISATEUR, LES TRANSPORTS PUBLICS COÛTENT TROP CHER
Synthèse du point de vue de l’UTP
Une telle affirmation oublie le coût d’utilisation de la voiture individuelle. « Malgré l’impression véhiculée par les médias, le carburant ne représente qu’une faible proportion du budget automobile », rappelle l’UTP. 15 %, selon l’Automobile-club. Un calcul simple est effectué sur la base d’un véhicule de 6 CV et d’un trajet quotidien de 6 km sur 225 jours par an. En appliquant le barème fiscal, cela se traduit par une dépense annuelle de 1 407 euros. Rapporté au taux d’occupation moyen des véhicules (1,38), le coût par personne est de 1 019 euros par an. Comparativement, « de plus en plus de réseaux proposent des abonnements annuels dont le prix moyen est inférieur à 400 euros », souligne l’UTP. Et en reprenant les mêmes conditions (12 km l’AR par jour), avec un tarif moyen 10 voyages à 11 euros, le coût annuel de l’utilisateur des transports collectifs est de 480 euros par an. Toujours moins cher que la voiture.
La réaction de la CLCV
Thierry Saniez, délégué général de l’association nationale de consommateurs et d’usagers.
« Ce qui est certain, c’est que souvent le transport n’est pas forcément hors de prix. Mais il faut mettre ce prix en perspective, avec la volonté de rendre les transports collectifs (TC) plus attractifs que la voiture. Comme il s’agit généralement d’utiliser les TC pour les déplacements “contraints”, c’est-à-dire domicile – travail, il est normal qu’une grande partie du coût réel soit aidée soit par des subventions des collectivités locales, soit par les entreprises. Il faudrait d’ailleurs que toutes les entreprises de France remboursent une partie des abonnements de transport car le nombre de kilomètres parcourus a explosé ces vingt dernières années, à cause notamment du renchérissement de l’immobilier. Et malgré tout, sortir 50 ou 100 euros tous les mois, ça n’est pas neutre sur un budget, sachant que 17 % des salariés sont au Smic et qu’un abonnement à 80 euros, c’est 5 % du salaire médian (1 500 euros). Substituer le TC à la voiture, c’est impossible dans la grande couronne de l’Ile-de-France et dans tout le périurbain des grandes agglos, où vivent 30 % des Français ! Au mieux, ils doivent prendre leur voiture pour aller à la gare. De plus, il y a un subtil équilibre à trouver : puisqu’on est amené à développer les transports en commun au-delà de la zone de rentabilité économique pour aller chercher les gens de plus en plus loin, il faut, pour financer ce service, faire payer plus cher les habitants des zones denses. Une chose est sûre : à partir du moment où le transport public est perçu comme une contrainte, les gens le payent difficilement. Or, vu les conditions de confort – rames bondées, nombreux escaliers fatigants pour les personnes âgées –, quand on demande à l’usager de payer, il ne le vit pas bien. »
2/ INVESTIR DANS LES TRANSPORTS URBAINS N'EST PAS RENTABLE
Synthèse du point de vue de l’UTP
Il est faux de croire que chaque euro dépensé serait une source de charges supplémentaires. Les collectivités qui ont investi dans les TCSP ont la plupart du temps constaté une amélioration du solde d’exploitation. Comme les caractéristiques géographiques des zones desservies, au premier rang desquelles leur densité, constitue un facteur essentiel de la performance du service de transport, les lignes de TCSP « se caractérisent fréquemment par une situation proche de l’équilibre d’exploitation », affirme l’UTP, sur la base des chiffres de Satis Conseil : le ratio recettes sur dépenses s’établit à 94 % en moyenne pour les TCSP et à 15 % seulement pour les lignes de bus périphériques (et à 38 % pour une ligne de bus structurantes).
L’analyse de l’économiste
Yves Crozet, professeur d’économie à Lyon et membre du LET (Laboratoire d'économie des transports).
« Tout dépend de ce que l’on entend par rentable. Si c’est au sens “est-ce que ça va rapporter de l’argent ?”, alors, c’est non, bien évidemment, à la différence de la construction d’un tronçon autoroutier à péage. Ça n’arrive jamais dans les transports urbains, sauf dans des zones extrêmement denses au Japon ou à Singapour où, effectivement, les métros sont rentables tant ils sont empruntés. Si c’est au sens de récupérer de la plus-value sur les terrains, oui, c’est possible. C’est ce qui est envisagé par la Société du Grand Paris, qui préempte les terrains autour des gares avec l’intention de les revendre ensuite à bon prix. Enfin, il y a une autre notion de rentabilité : la valorisation de l’espace urbain. Si, grâce à un métro, on développe l’attractivité du centre-ville, que la valeur du foncier augmente, que les commerces se développent, on a réussi à rentabiliser quelque chose. Pas le transport en lui-même, mais ce que j’appelle le “parc d’attraction urbain”. Le transport n’est donc rentable que s’il permet de valoriser une zone, généralement le centre-ville. Cela permet de préserver le miracle des villes européennes et notamment françaises, avec des centres-villes qui comprennent des emplois, de l’habitat et des commerces, par opposition aux centres des villes américaines, qui concentrent le business et sont vides le soir. Attention, toutefois, cette règle ne fonctionne pas à tous les coups. A Orléans, par exemple, le tram est un peu juste en termes de trafic. A Clermont-Ferrand, je ne suis pas certain que le tram booste beaucoup l’attractivité de la ville… C’est aussi le cas des TER, dont le taux moyen de remplissage est de 25 %. Il n’est pas sûr qu’ils aient un impact positif sur l’attractivité de la ville. La condition minimale est liée à la densité : il faut suffisamment de trafic pour justifier un investissement lourd. On a un peu le fétichisme du site propre alors que parfois un bus bien organisé et confortable ferait l’affaire. A l’inverse, Rennes a construit son Val alors que tous les experts affirmaient qu’un tram suffirait et cela a formidablement boosté la ville. »
3/ UN TCSP GÉNÈRE DU TRAFIC MAIS PEU DE REPORT MODAL
Synthèse du point de vue de l’UTP
« A Grenoble, qui s’est dotée de lignes de tramway dans les années 80, la part modale des transports urbains est passée de 13 % en 1978 à 17 % en 1992, celle de la voiture de 65 % à 74 %, alors que dans d’autres agglomérations de taille comparable la part modale de la voiture a augmenté dans des proportions beaucoup plus considérables. […] On peut donc affirmer que le développement de systèmes performants de transports urbains a permis de limiter la croissance de la part modale de la voiture dans les déplacements des ménages », écrit l’UTP. Qui remarque aussi que les enquêtes-ménages récentes de villes à réseaux de TCSP performants (Lille, Lyon, Rennes, Rouen) montrent un modeste mais indéniable report modal. Au plan national, le trafic automobile est en recul depuis 2005.
La réflexion du sociologue
Vincent Kaufmann, professeur de sociologie à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, spécialisé dans les transports.
« C’est quelque chose de très compliqué à évaluer, mais on peut déjà noter que depuis deux ou trois ans, dans les enquêtes du Certu, la part de la voiture baisse.?C’est déjà bon signe. Bien sûr, la hausse du prix du pétrole et la crise y sont pour quelque chose, mais on sent une tendance de fond de report modal de l’automobi
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Publié le 24/01/2025 - Junjie Ling
Publié le 23/01/2025 - Junjie Ling