Talgo, du train articulé aux rames AVE
Une petite porte vitrée, et voilà de vastes hangars clairs, avec des bogies, des voitures, des motrices en cours de montage. Dix heures du matin, c’est l’heure de la pause : ouvriers et techniciens se regroupent, bavardent près des distributeurs de boissons, autour de bocadillos (sandwichs) d’où dépasse saucisse ou jambon. Sur les hauts murs, de vastes panneaux rappellent l’histoire du constructeur espagnol Talgo : « De un sueño a la alta velocidad » (du rêve à la grande vitesse). C’est-à-dire à aujourd’hui. Sur fond de sierra de Guadarrama, la principale usine du groupe Talgo produit chaque mois quatre ou cinq motrices assemblées à des voitures pour faire un train Talgo complet. En ce printemps 2008, ce sont des engins pour les rames Renfe S 112 à grande vitesse ou S 130 à écartement variable. Situé à Las Matas, au nord-ouest de l’agglomération madrilène, à quelques kilomètres de l’Escurial, ce site regroupe toutes les productions : dans les débords que surplombe la ligne Madrid – Valladolid par Ávila, sont rassemblés les motrices, des véhicules de toutes les séries en circulation, une locomotive expérimentale à écartement variable et bicourant « maison » et surtout les voitures venues du « Nord », selon l’expression de Mario Oriol, directeur de l’exportation et du marketing de Patentes Talgo SA, la dénomination sociale du groupe. En effet, outre des représentations ou des sites de maintenance à Barcelone et à Madrid même, Talgo fabrique une partie des voitures de ses rames dans son usine de Rivabellosa, au Pays basque, à deux pas de Miranda de Ebro, ainsi que, contrats de la grande vitesse obligent, à Málaga, dans l’atelier de Los Prados de la Renfe. Egalement, au gré des marchés remportés à l’international, Talgo a implanté des filiales : Talgo Inc. à Seattle (Etats-Unis), Talgo GmbH à Berlin, Talgo Kazakhstan à Almaty… « Dès 1942, Talgo était écologique, basse consommation, adaptable et prêt à répondre aux exigences d’un chemin de fer moderne, où les voyageurs veulent être transportés rapidement et confortablement. » Mario Oriol lui-même n’était pas né, mais ses aïeux avaient lancé l’aventure. « Je suis la quatrième génération, l’entreprise était et reste familiale, et conserve ainsi son esprit d’origine au service du chemin de fer. »
Une solution espagnole
Tout commence dans les années 40 avec la rencontre du financier José Luis Oriol Urigüen et de l’ingénieur Alejandro Goicoechea. A partir d’une petite fabrique à Oñati, au Pays basque, ils mettent au point à Madrid le premier train articulé léger, bas sur la voie et apparemment rampant : le Talgo, pour « train articulé léger Goicoechea-Oriol », est né, précisément le 28 octobre 1942. Puis viendront les convois pendulaires afin d’épouser les courbes et gagner en vitesse, et aussi l’écartement variable pour sortir du réduit ferroviaire hispanique. Aujourd’hui, des trains Talgo roulent dans treize pays de la planète. A l’évidence, Talgo est marquée par son origine. C’est au départ une solution espagnole, particulièrement en phase avec le paysage ferroviaire de la Péninsule : un réseau escarpé avec force courbes, une traction difficile, peu propice aux trains lourds. Dans l’Espagne franquiste pauvre des années quarante et cinquante, le chemin de fer manque d’investissements, mais les déplacements de masse ne sont pas à l’ordre du jour. Sous l’impulsion de la demande touristique, le décollage économique du pays dans les années soixante va changer la donne. Talgo va alors pleinement mettre en œuvre sa technologie spécifique et marquer de ses rames typiques le transport ferroviaire outre-Pyrénées. Au départ, Alejandro Goicoechea et ses ingénieurs conçoivent un prototype de train articulé, léger et surtout doté de roues indépendantes de l’axe, toutes choses qui garantissent basse consommation, vitesse et confort. Cinq principes technologiques essentiels président à l’essor de Talgo : des caisses courtes de construction légère, essentiellement en aluminium, une union articulée indéformable entre les voitures du convoi, un roulement logé à la jonction des voitures avec un essieu équipé de roues indépendantes, des axes guidés sur la voie et, enfin, des caisses de faible hauteur avec un centre de gravité bas, ce qui permet une accessibilité optimale. A partir de ce concept de base, arrive en 1950 le Talgo II, offrant air conditionné et restauration intérieure. Comme la motrice, les voitures ont été usinées aux Etats-Unis, chez American Car and Foundry. Circulant sur Madrid – Hendaye, p
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Publié le 06/05/2024