Accidentologie : les tramways sont-ils dangereux ?
Le phénomène est connu depuis longtemps. Dans les semaines et les mois qui suivent la mise en service d’une nouvelle ligne de tramway, et a fortiori celle d’un réseau tout neuf, on observe toujours un nombre anormalement important d’incidents, voire d’accidents, dans lesquels des tiers sont impliqués. Il n’est pas vraiment de pays qui échappe à ce mécanisme, même si le degré de respect des règles du code de la route par les automobilistes diffère sensiblement, comme on l’imagine, d’un point à l’autre de la planète. La France se distingue toutefois par le fait que la « culture tramway » (à la différence, par exemple, de l’Allemagne) y avait longtemps disparu ou presque. Avec le retour en force, dans l’Hexagone, de ce mode de transport et le rythme de création (unique en Europe !) de réseaux construits ex nihilo, il ne faut donc pas s’étonner de l’occurrence, en apparence très élevée, d’incidents ou d’accidents de nature à impressionner l’opinion, mais qui ne saurait en aucun cas être considérée comme une faille rédhibitoire du système… Parmi les tout derniers réseaux inaugurés en France, celui de Brest n’a bien sûr pas échappé au phénomène. Mis en service le 23 juin 2012, il cumulait 28 accidents de la circulation au 31 janvier dernier. « Un chiffre au-dessus de la moyenne nationale, mais inférieur à ceux enregistrés pour la mise en service de réseaux comparables », relativise Yann-Noël Dherbecourt, le « Monsieur Sécurité » du tram brestois. En réalité, l’accidentologie relevée dans les premiers mois d’exploitation de la ligne bretonne rejoint, en consistance, celle déjà observée au démarrage des réseaux du Mans ou de Bordeaux.
Une stratégie de conduite basée sur la prise d’informations et l’anticipation
Hormis sur de rares tronçons équipés d’une signalisation de cantonnement (cas des tunnels où la visibilité est réduite), la conduite d’un tramway s’effectue, par définition, en marche à vue. On pourrait arguer que c’est aussi finalement le cas au volant d’un autobus, mais il y a pourtant une différence fondamentale entre ces deux modes : aux commandes d’un tramway, l’anticipation tient un rôle bien plus prégnant. A cela, deux raisons majeures : le mode ferroviaire, qui n’offre qu’un seul degré de liberté, reste prisonnier d’une trajectoire prédéterminée (pas question d’éviter un piéton en donnant un coup de volant !), et les distances d’arrêt sont beaucoup plus longues (conséquence physique du roulement « acier sur acier »). Pour avoir le temps de freiner avant de heurter un obstacle potentiel qui pourtant n’engageait pas encore le gabarit de la voie quelques secondes auparavant, il faut donc anticiper l’enveloppe des déplacements possibles que ledit obstacle potentiel sera susceptible d’avoir (voir encadré ci-contre). La question se pose avec une acuité particulière en site partagé, où le trafic automobile cohabite avec le tram sur la même chaussée, et plus encore dans les zones piétonnes, où il partage la voirie avec un genre d’obstacle potentiel (le piéton) au comportement parfois très difficilement prédictible. Les zones d’arrêt sont également à considérer comme particulièrement sensibles en raison de la traversée intempestive de piétons ou de voyageurs au plus près, devant ou derrière les rames, avec un risque aggravé lors de leur croisement, l’une pouvant alors masquer l’autre. La stratégie de conduite va donc se baser sur la recherche permanente d’informations en portant successivement le regard au loin dans l’axe de la voie, au plus près dans le même axe, et en opérant un balayage visuel latéral dans un champ rapproché, tout en demeurant réceptif à tous les stimuli extérieurs. Pour le conducteur expérimenté, une telle prise d’information requiert parfois moins de 300 millisecondes. L’identification d’un risque potentiel (avec un temps de réaction légèrement inférieur à la seconde), puis son analyse et la décision finale qui doit en résulter (souvent de nature binaire, à savoir « je freine » ou « je ne freine pas »), s’opèrent dans un laps de temps global qui varie d’une seconde et demie à quelques secondes selon la proximité du danger supposé. Pour évaluer la dangerosité du risque, le conducteur fait appel aux connaissances qu’il a antérieurement mémorisées, qu’elles proviennent de la formation reçue ou, surtout, de l’expérience acquise. A partir d’un référentiel de modèles issus de ses propres observations, il sait ainsi prédire les scénarios les plus probables, qu’il s’agisse du cheminement d&rsqu
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