D’un côté l’offre de GE, déjà formulée, de l’autre celle de Siemens. Elles sont opposées mais pas symétriques. L’intention n’est pas la même. Dans le cas de GE, souligne un observateur, l’offre s’inscrit dans une stratégie offensive : le groupe américain veut acquérir l’énergie (en fait, Power, beaucoup moins Grid ou les énergies renouvelables). Dans le cas de Siemens, elle est défensive : il ne faut pas laisser GE s’emparer de l’énergie d’Alstom. Autre dissymétrie, le cash. GE dispose de 60 milliards d’euros pour procéder à des acquisitions. Siemens, de moins de trois.
Il en résulte des offres différentes. Celle de GE met sur la table un cash qui ne fait pas défaut. Celle de Siemens suppose un apport d’actifs. C’est particulièrement le cas dans le transport qui, dans l’un et l’autre cas, est un peu le parent pauvre de l’opération. Si jamais, des manœuvres en cours, résulte la naissance d’un champion européen du transport, ce sera fortuitement.
Elle serait pourtant la bienvenue. Car on sent l’inquiétude croître dans les milieux professionnels. En aparté, tel industriel s’inquiète de l’ultraspécification que demandent la RATP ou la SNCF, travail de luxe qui coûte très cher en ingénierie, pousse à la sophistication, et se reporte sur les coûts. D’autres s’agacent des desiderata des diverses AO qui empêchent d’atteindre des tailles intéressantes de productions, sans même parler de séries. D’autres encore s’alarment de la dispersion des acteurs industriels, du manque d’entreprises de taille intermédiaire, qui se traduit par des multiplications d’actes d’achats pour la production d’un matériel à la différence de ce qu’on connaît dans l’aéronautique. On entend des chiffres à la volée : 200 actes d’achat pour une aile d’Airbus, 6 000 pour un tramway… Résultat du système français : les matériels coûtent très cher à produire. On commence à se demander si on va résister à l’arrivée de concurrents asiatiques. Et un jour, de repreneurs…
Même crainte chez un des deux grands opérateurs nationaux, où l’on dit : il est temps de s’unir et d’avoir un champion européen, « faute de quoi, il ne nous restera plus que nos yeux pour pleurer ».
Manque de chance, le marché français n’est pas trop en mesure de soutenir la mutation du secteur. Pour la grande vitesse, cela ne va pas fort. La SNCF considère qu’elle a fait le plein de ses TGV. Voire plus. Un chiffre circule, que nous tenons de diverses sources : 228. C’est le nombre de rames dont la SNCF aurait besoin pour assurer ses liaisons à grande vitesse, alors qu’elle en a 440. Contrainte et forcée, elle a acheté 40 rames Euroduplex à Alstom. Le marché s’est mal passé. Au bout du compte, selon plusieurs témoins, la SNCF a eu le sentiment de s’être fait forcer la main, tandis qu’Alstom a eu l’impression, à l’issue de négociations très dures avec son client, d’avoir dû beaucoup trop baisser les prix et adapter son produit. Aujourd’hui, la SNCF n’a pas l’intention d’acheter des TGV sur fonds propres avant 2022. Après quoi, elle ne pourra plus repousser le renouvellement des rames. En attendant, elle va faire durer son parc, réformer ce qui est bout de course, rétrofiter ce qui peut l’être.
Alstom a donc voulu s’affranchir d’un marché national qui le bride : car de plus, la SNCF ne s’intéresse qu’au Duplex… dont ne veut pas le reste du monde. D’où la naissance de l’AGV, à ses frais… que l’industriel a vendu en tout et pour tout à 25 exemplaires. Pas facile pour le TGV du futur, l’un des 34 programmes industriels porté par Arnaud Montebourg. Le ministre de l’Economie veut le prototype pour 2017 et attend de la SNCF qu’elle joue son rôle de soutien de l’industrie nationale. Mais on l’a dit, la SNCF n’est pas pressée. Et le produit est difficile à définir : il faut qu’il satisfasse la SNCF et qu’il soit taillé pour le marché mondial. Ça tire à hue et à dia.
Les trains intercités et les tramways des villes de province sont fort dépendants de l’Afitf et donc de l’écotaxe aujourd’hui en berne. Heureusement tout ne va pas mal, et les carences en Ile-de-France font que les métros, les tramways ou les RER sont aujourd’hui sur un rythme conséquent.
Mais les relations entre Alstom et la SNCF sont très dures. Les rapports entre les plus hauts responsables sont très mauvais, voire exécrables. Entre Patrick Kron et Guillaume Pepy. Il y a entre le PDG d’Alstom et le président de la SNCF le contentieux des TGV Duplex, mais aussi la commande par Eurostar de rames transmanche à Siemens, alors qu’à la SNCF on a parfois le sentiment de devoir aider Alstom à faire ses fins de mois. Entre Patrick Kron et Arnaud Montebourg. Le ministre ne décolère pas d’avoir appris par Bloomberg les tractations avec GE, malgré des demandes réitérées d’information, d’autant qu’il avait commandé un rapport à Roland Berger sur le sujet de l’énergie, et qu&