Comment les Jeux poussent au crime
22 Jan 2018
Mis à jour le 23 janvier 2018
On connaît la chanson. Les grands événements sont des accélérateurs. Ce n’est pas faux. On l’a vu avec la première LGV chinoise, Pékin – Tianjin, prête en un temps record le 08/08/08, pour les Jeux olympiques de 2008. Pas faux… mais pas toujours vrai. Londres n’a pas fait tout ce qu’elle avait prévu pour les JO de 2012.
Comme les grands programmes, le Grand Paris a naturellement été conçu indépendamment des Jeux, et si son calendrier a été accéléré par Manuel Valls, c’était dans la perspective de l’Expo 2025 ; mais, pendant qu’on y était, les lignes ont été avec un beau sens de l’esbroufe intégrées dans le dossier de candidature de Paris aux JO 2024. Le dossier prévoit donc à cette date : la ligne 14 jusqu’à Saint-Denis-Pleyel, la ligne 14 jusqu’à Orly, la ligne 15 Sud dans son entier, la ligne 16 de Saint-Denis-Pleyel à Noisy-Champs, la ligne 17 de Saint-Denis-Pleyel à Paris-Charles-de-Gaulle. Sans oublier CDG Express, le prolongement d’Eole à l’ouest, et on en passe.
Sur le papier, accélérer ne coûte pas grand-chose. Mais, si on veut honorer les engagements pris, cela commence à chiffrer. C’est l’un des points majeurs que soulève la Cour des comptes dans son rapport de décembre dernier sur la SGP. « L’espoir de faire coïncider avec l’échéance olympique la mise en service d’une partie substantielle du réseau du Grand Paris Express est de nature à accroître les dépenses à la charge de la SGP de l’ordre de 625 millions d’euros, dont 300 millions d’euros ont d’ores et déjà été décidés. » En effet, précise la Cour, « à l’été 2015, la direction de la SGP a considéré que le schéma de construction de la ligne 16 avec six tunneliers, sur la base duquel a été prise la délibération du conseil de surveillance approuvant l’opération d’investissement, risquait de ne pas permettre une ouverture de la ligne pour les Jeux olympiques de 2024. Elle a donc décidé d’ajouter trois tunneliers supplémentaires. Le surcoût est évalué à 250 millions d’euros. De même, la décision de la SGP de faire passer de huit à dix le nombre de tunneliers utilisé pour la ligne 15 Sud, pour sécuriser la date de la mise en service, va augmenter mécaniquement le coût d’une cinquantaine de millions d’euros. »
La Cour ne rentre pas dans le détail. Un tunnelier, cela coûte environ 20 millions d’euros. Pas loin du coût d’une rame TGV. Ça va moins vite, mais ça creuse mieux… Pour la ligne 15, le surcoût correspond grosso modo aux deux tunneliers. Pour la 16, les trois tunneliers n’expliquent pas tout. Quoi qu’il en soit le surcoût est considérable. Et ce n’est pas fini, puisque, toujours pour tenir les engagements, la SGP a demandé en janvier dernier au Premier ministre son accord pour mettre en œuvre un plus grand nombre de tunneliers sur les lignes 17 et 18. Ce qui induirait, relève la Cour, un surcoût évalué dans le dossier de 180 à 200 millions d’euros pour la ligne 17 et à 125 millions d’euros pour la ligne 18.
Pour quel résultat ? L’étude commandée par la DGITM au printemps 2017 au Centre d’étude des tunnels (Cetu) « juge peu vraisemblable le respect des échéances de 2024, même en augmentant le nombre de tunneliers. Il identifie même des risques juridiques, techniques et financiers supplémentaires, qui seraient induits par une telle accélération de la réalisation des lignes 17 et 18 en vue d’une mise en service pour les Jeux olympiques de 2024. »
C’est pourquoi la Cour des comptes conclut à propos des JO : « Il y a donc probablement lieu de reconsidérer les objectifs de calendrier et de déconnecter la réalisation du Grand Paris Express de l’échéance de cette manifestation sportive. »
F. D.