Le gouvernement italien dans le piège du Lyon-Turin
12 Fév 2019
France , Italie , Lyon-Turin
Mis à jour le 13 février 2019
Alors que se terminait, le 11 février, une réunion au sommet sur Lyon-Turin au palais Chigi autour du premier ministre Giuseppe Conte, avec Matteo Salvini (Ligue) mais sans Luigi Di Maio (Mouvement 5 étoiles), la très attendue « Analyse coûts-bénéfices » portant sur la ligne nouvelle sortait enfin. Elle a été publiée sur le site du ministère ce 12 février. Elle montre que le projet de ligne nouvelle est « un désastre », a aussitôt commenté Danilo Toninelli, le ministre des Infrastructures et des Transports. On savait que l’étude serait négative, ayant été confiée par un ministre membre du Mouvement 5 étoiles opposé au projet à des experts de son choix. De fait, le verdict est « sans appel ».
L’étude repose sur deux scénarios, l’un dit réaliste, l’autre optimiste. Elle fait la balance entre les revenus cumulés du transport d’un côté et, de l’autre, le coût des infrastructures, celui de l’exploitation mais aussi les frais externes, compte tenu par exemple de pertes de droits d’accise pour l’Etat dues au report modal.
Selon le scénario « réaliste », la ligne nouvelle verrait passer 25,2 millions de tonnes de marchandises en 2059. Le solde négatif serait de 6,995 milliards d’euros. Selon le scénario « optimiste », 51,8 millions de tonnes passeraient par la ligne à la même date. Le déficit serait de 7,805 milliards d’euros. Plus on transporte, plus la collectivité perd. Et ce ne sont pas de petites sommes. C’est à peu près le prix du tunnel de base de 53 km.
A peine publié, le rapport a fait polémique. On a remarqué que sur les cinq experts chargés de l’analyse coûts-bénéfices, l’un d’eux, le seul considéré « neutre » et non pas comme les autres opposés au projet, a refusé de la signer. Quant au commissaire extraordinaire du gouvernement chargé de l’Axe Lyon – Turin, il considère qu’avec ce rapport on passe de la farce à la fraude, « dalla farsa a la truffa ».
L’étude a été publiée peu de temps après que le journal économique Il Sole 24 0re eut révélé les résultats d’une autre étude, dite technico-juridique, établie par les services du ministère des Transports.
Si la première étude veut démontrer qu’on n’a aucun intérêt à achever la construction du tunnel, la seconde montre qu’on ne peut pas en arrêter la réalisation.
Selon Il Sole 24 Ore du 8 février, la facture oscillerait entre 2,8 et 4 milliards d’euros si l’Italie décidait de tout arrêter. Il faudrait débourser entre 200 et 500 millions d’euros pour la remise en état, 600 millions pour rembourser les prêts européens sur la période 2015-2019, entre 500 millions et un milliard pour dédommager les entreprises mais aussi la France et l’Europe et encore 1,5 à 1,7 milliard pour sécuriser le tunnel historique qui n’est plus aux normes internationales. « Arrêter le chantier à ce stade d’avancement coûterait autant, voire plus cher, au pays que de finir l’ouvrage », en conclut l’association Transalpine qui regroupe des acteurs politiques et économiques français et italiens partisans du projet.
Bref c’est le cauchemar. On ne sait ni entrer dans le tunnel ni en sortir, et il n’est même pas construit.
F. D.