Après le succès des trois premiers TGV sanitaires, la SNCF est en train de passer à « l’industrialisation » de l’opération. « La Direction générale de la Santé prévoit d’en faire deux à trois par semaine », annonce Pierre Meyer, le dirigeant national des Opérations (DNO) à SNCF Réseau.
Deux nouveaux TGV sanitaires devraient ainsi partir le 1er avril, l’un pour Rennes avec 12 patients, l’autre pour Brest (en passant par Saint-Brieuc) avec 24 malades. Ce seront alors 5 TGV médicalisés qui auront acheminé en une petite semaine, depuis le 26 mars, une centaine de malades atteints du Covid-19 vers des centres hospitaliers de la Nouvelle-Aquitaine moins engorgés.
L’idée d’utiliser des TGV pour le transport de patients est née après les attentats de 2015, comme le raconte Pierre Meyer : « Après les attentats, j’ai été contacté par le professeur Pierre Carli et le docteur Jean-Sébastien Marx, du Samu de Paris, qui se posaient la question de savoir si la SNCF pourrait les aider avec du transport massif de blessés. Nous nous sommes rencontrés, puis avons organisé pendant deux jours, en mai 2019, l’exercice « Chardon ». Il s’agissait alors de ramener de nombreux blessés de Metz et Nancy vers la région parisienne. L’idée était que ce soit le plus proche possible de la réalité. Les figurants blessés ont été grimés de façon très réaliste. Nous avons vu ce qu’il fallait faire (ou pas) et avons évidemment effectué un retour d’expérience (REX) ».
Le Samu a contacté la SNCF
Lorsque l’épidémie de Coronavirus a pris de l’ampleur, le Samu a recontacté la SNCF pour lancer le TGV médicalisé. Il a fallu 48 heures pour remettre en place le process. « Nous savions ce qu’il fallait faire, cela nous a énormément facilité la tâche », souligne Pierre Meyer, en expliquant l’étendue de la tâche. « On sait que le diable se cache dans les détails », ajoute-t-il.
Le premier TGV sanitaire Strasbourg – Angers – Nantes a aussi, bien sûr, servi de rodage. Désormais, avant chaque départ de TGV médicalisé (en général 48 heures avant), se met en place une petite dizaine de « lots techniques » correspondants à différentes activités, comme le lot matériel, le lot équipage, le lot sillon, le lot gare ou encore le lot sûreté. Chacun travaille de son côté avant de se rejoindre pour voir si tout est prêt la veille du départ du TGV. Une organisation qui nécessite la collaboration de près de 200 personnes.
La gendarmerie sécurise les PN
En amont, il faut tracer les sillons avec des horairistes souvent en télétravail alors que les outils utilisés nécessitent des moyens lourds. En lien avec la gendarmerie, la SNCF fait aussi surveiller des passages à niveau (PN) à risques pour éviter tous passages en force de véhicules routiers qui se mettraient en travers de la route du TGV. « Nous ne transportons pas des passagers comme les autres. Ce sont des patients intubés, parfois placés dans le coma qu’il faut acheminer dans les meilleures conditions possibles », souligne Pierre Meyer.
Le train utilisé est une double rame, préalablement décontaminée avec des produits virucides validés par la direction générale de la Santé (DGS). La première rame ne transporte pas de malades mais des agents de la SNCF : conducteurs de réserve très expérimentés, dont un conducteur cadre-traction, un dépanneur d’un technicentre et un chef de bord, dont la présence est obligatoire pour respecter la réglementation, et enfin quelques agents de la Suge qui font un travail très utile de reconnaissance des lieux, sécurisent les parcours en s’assurant notamment qu’il n’y aura personne au moment de l’embarquement des malades.
La première rame sécurise la deuxième
Cette première rame permet d’assurer la sécurité de la seconde rame qui transporte les malades. « La première rame fait bouclier, par exemple en cas de heurt avec un chevreuil », explique Pierre Meyer. Bien que le Samu embarque de nombreuses bouteilles d’oxygène à bord, la principale crainte, c’est l’aléa de circulation qui bloquerait la rame, l’empêchant d’être alimentée. « Il existe un système de secours avec des groupes électrogènes à bord permettant une alimentation vitale. Mais elle est évidemment limitée dans le temps », précise le DNO.
24 patients au maximum par rame
Dans la seconde rame médicalisée, les salles du bas, où des civières sont fixées aux sièges, sont réservées pour les malades. Les salles du haut sont utilisées par le personnel médical afin qu’il puisse se reposer. Chaque voiture peut accueillir au maximum quatre patients dans sa salle basse, chaque patient étant surveillé par une équipe médicale de quatre à cinq personnes. Il y a donc un maximum de 24 patients par rame. Et au total une cinquantaine de personnel médical. Le matériel médical (bouteilles d’oxygène mais aussi respirateurs, pousse-seringues…) est placé dans les racks à bagages. Et l’espace du bar est transformé en poste de commandement.
Interrogé par LCI le 30 mars, le professeur Carli a expliqué l’intérêt de l’opération : « Quand on fait bouger un TGV, qui est énorme, on peut prendre en charge une vingtaine de patients de réanimation, c’est-à-dire qu’on déplace le service d’une ville moyenne de 200 000 habitants à peu près, c’est ça la capacité en réanimation d’une ville, et donc lorsque ces services sont surchargés, qu’ils multiplient les interventions, qu’ils multiplient les annexes de la réanimation, c’est une possibilité d’apporter un peu d’air… »
Marie-Hélène Poingt
Il y a 5 années - Marie-hélène Poingt
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