SNCF Réseau prépare un nouveau plan stratégique pour la fin 2020
03 Juin 2020
© SNCF
Mis à jour le 04 juin 2020
Prudence et respect des textes. C’est ce que l’on pourra retenir de cette première audition de Luc Lallemand par le Sénat cet après-midi. Bousculé par un sénateur qui regrettait une vision pas assez critique de la situation du réseau ferré français, le PDG de SNCF Réseau qui a pris ses fonctions le 1er mars a expliqué qu’il était « légaliste » et qu’il appliquerait « les textes, rien que les textes ». Pas question par exemple pour lui d’exprimer son opinion sur un dossier aussi sensible que le projet CDG Express (coût : plus d’1,8 milliards d’euros). Si les travaux ont repris (au détriment d’autres chantiers selon les opposants), c’est pour respecter la convention signée avec l’Etat, a-t-il expliqué.
Mais il a toutefois reconnu que le budget prévu pour rénover le réseau français vieillissant ne permettra que de le stabiliser, pas de l’améliorer. De plus, les enveloppes ne sont pas suffisantes pour arrêter la dégradation des équipements caténaires et de signalisation, a-t-il précisé. « Si on souhaite maintenir les 33 900 km de lignes, qui représentent près de 50 000 km de voies dans le pays, immanquablement il faudra se reposer la question du financement », a souligné le dirigeant, en évoquant notamment les lignes « de desserte fine du territoire ».
Par ailleurs, l’objectif d’arriver à l’équilibre en 2024, comme le demande la loi, paraît singulièrement compliqué. « On est à plusieurs centaines de millions d’euros à côté de l’objectif de stabilisation du cash-flow (trésorerie, ndlr) de l’entreprise en 2024 », a indiqué Luc Lallemand. On est donc très loin du compte. Pour atteindre l’objectif, a expliqué Luc Lallemand, « il faudra réaliser 1,6 milliard d’euros d’économies de coûts et de gains de productivité ».
Le contexte, qui s’est considérablement compliqué avec la crise du coronavirus, ne va pas y aider : avec la chute de fréquentation dans les trains, les dividendes espérés côté SNCF seront forcément très en retrait. Il faudra aussi rattraper les retards pris dans la réalisation des chantiers de rénovation. « Nous devons également absorber dans nos comptes les surcoûts générés par la fin du glyphosate (estimés à 100 millions d’euros, ndlr), les conséquences de la loi Didier sur les ouvrages d’art, les conséquences de la grève sur les retraites, l’impact de la crise Covid et les surcoûts liés à la situation sanitaire… », complète Luc Lallemand. L’impact de la crise sanitaire est estimé entre 700 et 800 millions d’euros.
Le futur contrat de performance encore retardé
Dans ces conditions, le futur contrat performance qui doit être signé entre l’Etat et SNCF Réseau est « crucial », rappelle le dirigeant d’origine belge. Mais il risque de se faire encore attendre le temps de consolider les comptes. « L’enjeu est de conjuguer un retour à l’équilibre avec un niveau ambitieux de régénération du réseau », souligne le PDG, en indiquant que les besoins de régénération de travaux vont croître. Il faut notamment désormais penser à rénover les premières lignes à grande vitesse qui commencent à vieillir.
Luc Lallemand veut accélérer la modernisation de l’outil industriel, ce qui passera par la diminution des postes d’aiguillages, remplacés par de grands centres de commandes centralisées, et par la diminution du nombre d’appareils de voie. Le nouveau patron des infrastructures ferroviaires prévoit d’élaborer un nouveau plan stratégique pour définir les priorités. « Il préservera les acquis industriels du plan Nouvel R de mon prédécesseur (Patrick Jeantet, ndlr) et il intégrera les nouvelles contraintes qui n’étaient pas prévisibles ».
Et Luc Lallemand de plaider, comme Jean-Pierre Farandou, pour un « plan de relance pour le ferroviaire ». Il permettrait notamment « préserver les investissements prévus au pacte ferroviaire » qui n’ont pas de financement actuellement, a relevé le dirigeant. Un autre enjeu serait d’identifier ce que peut faire l’entreprise dans le cadre d’un plan de relance « fondé sur des objectifs de soutien de l’activité et de baisse des émissions de CO2 », a-t-il ajouté.
Marie-Hélène Poingt