Comme les TGV, les TER peinent à retrouver leurs voyageurs. Frank Lacroix, le directeur général de TER, également directeur général adjoint Territoires du groupe SNCF, explique à VRT comment il a géré la crise avec les régions et comment il compte reconquérir des clients dans un contexte en pleine évolution.
Ville, Rail & Transports : Où en était votre plan de redressement de l’activité TER lorsque la crise sanitaire est arrivée?
Frank Lacroix : Notre plan Cap TER 2020 nous a permis de renverser la courbe descendante qu’on connaissait avant 2016. A partir de 2017, l’activité TER a progressé, ce qui devait nous conduire à une hausse de fréquentation de 10 %, avec des succès particuliers en Bourgogne-Franche Comté et en Nouvelle Aquitaine, mais des effets positifs dans toutes les régions.
Ces bons résultats s’expliquent avant tout par le travail partenarial qui a été développé entre les régions et la SNCF : les régions ont mis en place des politiques tarifaires mieux ciblées tandis que nous avons redressé de manière sensible notre activité en obtenant un taux de régularité de 92,5 % en 2019 et en réduisant nos coûts de production. Nous avons pris des engagements de trajectoire financière pour chaque région, ce qui nous a permis de faire baisser la contribution financière de la région par voyageur transporté. C’est lié bien sûr au nombre de voyageurs transportés qui a augmenté.
Au moment de la crise du Covid, nous avons encore renforcé nos liens avec les régions. Tous les mercredis, nous avons organisé des réunions avec les vice-présidents chargés des transports des régions, sous l’égide de la commission transports de Régions de France présidée par Michel Neugnot (vice-président chargé des Transports en Bourgogne-Franche-Comté, ndlr). Ce travail de proximité nous a permis de gérer la situation de confinement, puis de déconfinement.
VRT : Quelle est la situation actuelle ?
F. L. : Malgré la reprise, nous ne transportons actuellement que 30 % de voyageurs par rapport à une situation normale. Il nous reste donc à retrouver 70 % de notre clientèle! Chacune des régions a décidé de lancer des opérations de reconquête qui leur sont propres, mais en plus, nous avons voulu lancer un dispositif inédit pour frapper fort : l’opération TER de France, qui vient compléter ce que chacune des régions fait, et permet aux 130 000 abonnés annuels des TER de toute la France de voyager partout sur le territoire avec leur abonnement. Ce dispositif fonctionnera pendant la période estivale, en juillet et en août.
VRT : Quel est l’objectif puisque vous ne gagnerez ni argent ni clientèle avec cette opération?
F. L. : L’objectif, c’est de renforcer la visibilité de TER. C’est une nécessité pour faire revenir les voyageurs. Puisque 9 Français sur 10 vont rester en France, nous ouvrons les portes de nos TER et profitons de cette opportunité.
Nous voulons associer l’image du TER au tourisme et pas seulement aux trajets domicile-travail. Le TER répond à des besoins de mobilité très divers. Et nous confirmons notre volonté d’être présents sur tous les territoires.
VRT : Quel est le coût de cette crise pour TER?
F. L. : Nous sommes en train d’évaluer l’impact financier et avons décidé d’être totalement transparents. Pendant le confinement, nous avons acheminé seulement 2,5 % du trafic habituel. Autrement dit, rien.
A la mi-juin, avec 30 % de fréquentation, nous voyons bien que la reprise est très lente. Or, les recettes directes voyageurs représentent plus du quart du coût des TER. Dans nos contrats, nous avons des objectifs de recettes. Mais avec la crise du Covid-19, nous sommes face à un cas de force majeur… Nous allons voir avec les régions comment assumer ce manque de recettes. Nous n’avons pas encore établi le coût mais il se mesurera en plusieurs centaines de millions d’euros. Résoudre l’équation financière est capital. Mais notre priorité aujourd’hui est de faire revenir les voyageurs dans les TER.
VRT : Le plan Cap TER 2020 s’achevant cette année, quel est votre nouveau projet?
F. L. : Avant le Covid, nous travaillions sur un nouveau plan dont le mot d’ordre était la conquête des voyageurs. Avec la crise, il prend encore plus d’acuité. Notre plan stratégique pour les 5 ans qui viennent est axé autour de la conquête et de l’ancrage territorial. Toute notre énergie va aller à la conquête de nouveaux voyageurs, en gardant une grande proximité avec les régions. On ne décidera pas de Paris mais nous nous réinventerons à partir des territoires.
VRT : Et où en est la réorganisation de l’activité TER, activité désormais ouverte à la concurrence?
F. L : L’élément majeur est la création de directions de ligne. 80 % sont aujourd’hui créées. Elles seront toutes en place fin 2020. Il y en aura 46 qui rassembleront toutes les équipes de production. Elles seront donc multi-métiers. Chaque patron de direction de ligne aura en charge quelques lignes et sera non seulement responsable de la qualité de production mais sera aussi l’interlocuteur sur le terrain. Je veux que les équipes partent à la conquête des clients en allant sur le terrain, dans les entreprises, les universités, les villages, les marchés…
L’autre évolution majeure pour la rentrée 2020 résidera dans notre capacité à développer un programme extrêmement ambitieux pour « verdir » les TER. Nous voulons clairement démontrer que les TER représentent une solution durable pour l’environnement.
Propos recueillis par Marie Hélène Poingt
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