L’Elysée a confirmé hier son choix de nommer Jean Castex à la tête de la RATP. Sa nomination devra être approuvée par les commissions parlementaires compétentes. VRT a demandé à Arnaud Aymé, consultant spécialiste des transports chez Sia Partners, quels seront les grands défis à venir, selon lui, pour le futur PDG.
Ville, Rail & Transports : La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique interdit à Jean Castex, quand il sera PDG de la RATP, d’entrer en relation avec toute personne ou relation qui était placée sous son autorité quand il était le chef du gouvernement. N’est-ce pas problématique?
Arnaud Aymé : Ce n’est pas pratique mais ce n’est pas non plus catastrophique. Cette décision vise avant tout des membres de ses services administratifs sur lesquels il avait une responsabilité directe. De plus, beaucoup d’arbitrages importants concernant la RATP ont déjà été rendus ces derniers mois. Dans les mois qui viennent, la RATP ne devrait pas à avoir à mener d’actions d’influence pour pousser son avantage. Et les futurs sujets qu’impliquera l’ouverture à la concurrence des modes lourds ne sont pas pour tout de suite, puisque la concurrence est prévue pour la fin 2039 (RER et métro).
Enfin, tout ce qui concerne les revendications sectorielles (comme par exemple la baisse de la TVA, la transition énergétique ou la demande d’investissements publics) pourra être porté par des organisations professionnelles, en particulier par l’UTP.
Reste toutefois un sujet important : l’organisation des grands événements internationaux, la Coupe du monde rugby en 2023, puis les JO en 2024. Il y aura beaucoup de coordinations à prévoir avec les pouvoirs publics, notamment sur tout ce qui touche à la sûreté. Jean Castex devra certainement mettre en place un système de délégation sur ces questions.
VRT : Quel sera le principal défi pour le futur PDG selon vous?
A. A. : Le climat social à la RATP n’est pas du tout apaisé. Si rien n’est fait, on risque d’avoir des soucis lors de la Coupe du monde de rugby et des JO. Ces événements nécessiteront d’acheminer d’importants flux de voyageurs via le RER B, là où des syndicats opposés à la libéralisation et à la concurrence sont forts…
Il faudra aussi faire attention à ce que la RATP ne devienne pas, encore plus, un levier de pression sur l’Etat. On l’a vu après la période de confinement, quand Valérie Pécresse a décidé de suspendre les paiements de la RATP et de la SNCF (deux entreprises détenues par l’Etat) tant que l’Etat n’apporterait pas de compensations financières. Avec un ex-Premier ministre à la tête de la RATP, le raccourci est encore plus facile et le risque encore plus fort d’utiliser cette entreprise pour exercer des pressions politiques sur le gouvernement.
La nomination de Jean Castex peut conduire à la confusion sur le rôle des entreprises publiques qui, une fois la politique définie par l’Etat, doivent se débrouiller et gérer seule les relations sociales.
VRT : L’ouverture à la concurrence est un autre sujet majeur…
A. A. : Le défi pour Jean Castex sera de réussir l’ouverture à la concurrence, sans trop perdre de parts de marché (puisque forcément, étant en situation de monopole, la RATP en perdra), et de gagner des contrats rentables.
La RATP devra aussi poursuivre sa politique de diversification, avec ses différentes filiales, par exemple RATP Solutions Ville. RATP Dev est déjà bien lancé depuis 20 ans mais il faudra également faire prospérer les autres pour faire face à l’inéluctable perte de parts de marché.
Propos recueillis par Marie-Hélène Poingt