La SNCF n’a pas pu se féliciter longtemps d’avoir réussi à obtenir la signature unanime (et rare) des quatre organisations syndicales représentatives sur son accord sur les fins de carrière. La nouvelle a déclenché un tir nourri venant en particulier du camp LR. « Quand la SNCF déraille« , écrivait le 22 avril un éditorialiste des Echos qui déclenchait les hostilités, estimant que l’entreprise achète au prix fort la paix sociale. « La droite déplore un accord lamentable sur l’accord sur les fins de carrière« , titrait de son côté le 24 avril Le Figaro, pointant un contournement de la réforme sur les retraites. Pis, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat annonçait convoquer le PDG Jean-Pierre Farandou pour qu’il vienne s’expliquer le 7 mai sur « les conséquences préoccupantes » de cet accord et plus globalement sur l’actualité récente du groupe.
Ces critiques sont-elles méritées? Certes, le rapport de force était en faveur des syndicats, avec la menace -sérieuse- d’une grève des contrôleurs en mai et peut-être d’autres à venir. La menace est levée pour le moment. Les trains rouleront donc normalement pendant les grands ponts de mai. En répondant aux syndicats, la SNCF a réussi à apaiser le climat social et évité de voir une nouvelle fois son image et ses comptes dégradés. Tout cela est de bon augure pour le déroulement des JO. On n’ose imaginer les commentaires si un accord n’avait pas été trouvé, avec des grèves à la clé…
La réforme des retraites est-elle contournée? Le nouvel accord, qui s’appliquera à partir de janvier 2025 pour organiser les fins de carrière, est réellement attractif comparé au précédent qui datait de 2008. Il permettra aux cheminots de partir plus tôt dans de meilleures conditions financières mais aussi de travailler plus longtemps pour optimiser leurs pensions de retraite grâce à la création d’un nouvel échelon dans les classifications permettant de continuer à évoluer dans l’entreprise.
Est-ce déraisonnable? Jusqu’à présent, seuls 12 % environ des cheminots utilisaient l’actuel accord sur la CPA (cessation progressive d’activité), qui organisait lui aussi les fins de carrière en alternant périodes travaillées et non travaillées. En 2008, les agents au statut partaient en moyenne à l’âge de 55 ans. Aujourd’hui, ils partent à 59 ans et 7 mois, l’âge moyen de départ à la retraite s’allongeant mécaniquement d’un peu plus de quatre mois chaque année. L’année prochaine, l’âge moyen dépassera donc les 60 ans.
Le nouvel accord, désormais appelé cessation anticipée d’activité (CAA), permet de cesser progressivement son activité entre 18 et 36 mois avant l’âge légal de la retraite selon un principe simple : une période travaillée est suivie d’une période non travaillée, mieux rémunérée qu’avec l’ancien système. Il est plus avantageux pour les métiers pénibles, qui concernent les deux tiers des effectifs à la SNCF. La pénibilité, définie par la loi, concerne à la SNCF des métiers usants avec du travail les soirs, les week-ends, en horaires décalés, en 3X8, en extérieur, avec des découchés… Des métiers dont les salaires ne sont pas forcément mirobolants.
Reste à savoir quelle proportion de cheminots utilisera ces dispositifs. Elle augmentera sans doute sensiblement comparée à aujourd’hui et le coût pour l’entreprise sera supérieur. Mais il faudra aussi prendre en compte les bénéfices qui en découleront : des retraites anticipées seront demandées par des agents démotivés, usés ou déclarés inaptes, les reclassements difficiles sinon impossibles seront moins nombreux, l’absentéisme (actuellement 16 jours par an et par salarié) pourrait reculer, et surtout des salariés plus jeunes (et donc moins chers) pourront être embauchés. Enfin, n’oublions pas qu’à terme, tous les cheminots tomberont dans le droit commun puisque l’entreprise n’embauche plus que des contractuels.
Marie-Hélène Poingt
Il y a 1 jour - Marie-hélène Poingt
Il y a 5 mois - Marie-hélène Poingt