Réunissant pour la première fois tous les acteurs du fret ferroviaire en France, l’Alliance 4F a remis à Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d’État chargé des Transports, son plan de développement visant à doubler la part du ferroviaire dans les marchandises transportées d’ici 2030. Une évolution qui devrait permettre à la société de réaliser 25 milliards d’euros d’économies sur la période 2020-2040. Et comme, à cet horizon, « chaque milliard d’euros investi aura généré deux milliards d’euros d’économies pour la société », le plan de 4F devrait logiquement se chiffrer à quelque 12,5 milliards d’euros.
Au lendemain de la crise sanitaire, pendant laquelle « le fret ferroviaire a montré qu’il pouvait arriver à l’heure », comme le rappelle Frédéric Delorme, président de Fret SNCF, les planètes semblent enfin s’aligner, entre la Loi d’Orientation des Mobilités (LOM) et le Green Deal visant la neutralité carbone en Europe d’ici 2050, mais aussi à l’heure où la Convention citoyenne pour le Climat remet ses propositions. Et comme ces dernières n’ont pas oublié le transport de marchandises, « ceci nous donne une certaine légitimité », proclame Pascal Sainson, président d’Europorte France.
L’année 2020 est donc charnière pour le fret ferroviaire français, selon 4F, qui, avant même de doubler la part de marché du fret ferroviaire en France, devra commencer par le sauver. « C’est dans la douleur que nous avons choisi de nous unir », souligne Franck Tuffereau, coordinateur de 4F, après les grèves de la fin 2019, qui ont coûté 67 millions d’euros au fret ferroviaire français. Une somme à laquelle se sont ajoutés les 200 millions d’euros perdus pendant la crise sanitaire.
« Le problème est que depuis quelques années, le fret ferroviaire français dégringole : il était à 18 % il y a 20 ans », rappelle Delphine André, présidente du groupe familial Charles André (Novatrans, Greenmodal), ajoutant que « les parts perdues ont été reprises par le transport routier longue distance sous pavillon étranger ». L’heure n’est donc pas à l’opposition entre modes, d’autant plus que le développement du transport combiné devrait être un des principaux moteurs du retour du fret vers le rail : « chaque mode de transport a sa place », pour Delphine André.
Pour que le fret ferroviaire retrouve la part de marché qu’il avait en France il y a 20 ans ou qu’il a actuellement en Allemagne, « il ne faut pas oublier le wagon isolé », ajoute Gottfried Eymer, président d’Euro Cargo Rail. Et le wagon « a un potentiel d’amélioration : maintenance prédictive, localisation, freinage, attelage… », précise Éric Tassilly, vice-président de la FIF et président de l’équipementier Knorr-Bremse. Et ce dernier rappelle qu’un emploi dans le secteur ferroviaire « représente trois à quatre fois plus en externe». Côté technique, les perspectives sont prometteuses pour le fret ferroviaire : « le premier train autonome sera fret, pas voyageurs, pour des questions de sécurité », prédit Frédéric Delorme.
Mais avant les promesses technologiques à plus long terme, les propositions de 4F s’attaquent à des points bien plus terre à terre, mais indispensables. Concrètement, les membres de 4F demandent déjà davantage de sillons performants et fiables pour le fret, mais aussi un doublement, voire un triplement, de l’aide à la pince pour rendre le combiné compétitif, ainsi qu’une réduction des péages, une aide au wagon isolé ou la création d’un éco-label. Mais bien plus que ces coups de pouce, qui devraient atteindre quelque 200 millions par an, les propositions de 4F visent à commencer, jusque vers 2025, par améliorer le réseau ferré actuel, avant d’adapter l’infrastructure par la création de nouvelles plateformes de transport combiné (dans des lieux pertinents !), le dégagement des gabarits, la possibilité de faire circuler des trains plus longs que 750 m ou la lutte contre l’engorgement des nœuds ferroviaires.
Tour ceci pour que les propositions de 4F ne finissent pas par rejoindre la longue liste des « plans Fret » sans lendemain. « La nouveauté, c’est qu’on s’est tous réunis pour établir un plan avec nos clients en vie d’améliorer la qualité de service », résume Pascal Sainson. Et pour Frédéric Delorme, « ce plan peut marcher si ce n’est pas un top-down venu de Paris ».
P. L.