Un à deux lots du réseau TER de Nouvelle-Aquitaine sont susceptibles d’être ouverts à la concurrence selon la nouvelle convention d’exploitation signée fin janvier avec SNCF Mobilités, sur la période 2019-2024. Interview d’Alain Rousset, président de région.
Ville, Rail & Transports. La nouvelle convention fixe des objectifs de performance économique et de qualité de service très ambitieux sur six ans. Des objectifs réalistes ?
Alain Rousset. C’est une convention en rupture avec les anciennes relations commerciales entre la région et l’opérateur ferroviaire. Pénalités financières à la clé, nous imposons à SNCF Mobilités de diviser par deux le nombre de retards, avec un taux de régularité de 95 % en 2024, et de réduire de 30 % les suppressions de trains. Aujourd’hui, le taux de trains supprimés est à près de 2 %. Nous lui imposons aussi d’optimiser la composition des trains car certains jours et à certaines heures – le dimanche soir sur la ligne Sarlat – Bordeaux ou Libourne – Bordeaux par exemple –, des personnes restent sur le quai de la gare. C’est insupportable. Pour les abonnés annuels, un fonds « garantie voyage » sera créé, abondé par SNCF Mobilités pour les indemnisations.
VR&T. Quelles sont les causes de l’irrégularité : les défaillances du réseau, de l’opérateur ?
A. R. Les trains sont en retard pour des tas de raisons, vraisemblablement pour des raisons d’organisation du travail. Mais il faut embarquer SNCF Réseau dans la convention, le gestionnaire d’infrastructure doit fournir des efforts pour réduire les retards. Sur la ligne Limoges – Angoulême par exemple, les travaux sont réalisés et pourtant, des ralentissements sont imposés. Près de 2 % de la baisse des retards de TER attendus d’ici à 2024 résulteront des efforts produits par SNCF Réseau. La région a investi massivement sur les infrastructures (299 millions d’euros au budget 2018), d’ici à 2024, nous mettrons 1,8 milliard d’investissement sur le réseau ferré. Nous inaugurons le 31 janvier le chantier de rénovation sur la ligne Bergerac et Libourne, et avons avancé 11 milliards d’euros aux travaux d’infrastructure sur la part de l’Etat.
VR&T. La convention stipule clairement qu’il n’y aura aucune fermeture de gares et de guichets, même quand le guichetier ne vend plus que quelques billets par jour ?
A. R. Notre volonté est de maintenir l’ensemble des canaux de distribution. Nous nous laisserons la possibilité d’expérimenter avec la SNCF des usages plus mixtes des gares avec d’autres acteurs publics, la transformation des guichets plus ouverts et à la rencontre de leurs publics.
VR&T. SNCF Mobilités s’engage à réduire ses charges de 10 % sur la durée de la convention, avec une contribution d’équilibre de la région dégressive au fil des ans, tout en créant de l’offre TER, quelles sont les niches de productivité ?
A. R. Depuis 2002, date de la régionalisation des TER, la ponctualité n’a jamais évolué. On ne peut pas à la fois considérer que la mobilité des habitants des zones rurales vers l’urbain est essentielle, et dans le même temps accepter une telle instabilité du service ferroviaire. Malgré le renouvellement de la totalité du matériel roulant, nous n’avons pas senti un effort de productivité de la part de la SNCF. Ce qui nous a amenés à imposer aujourd’hui une baisse du coût global de la convention : 299,5 millions en 2019, 264,6 millions en 2024, en euros constants. Il y a des marges de manœuvre en matière d’organisation de travail au sein de la SNCF… Y compris dans la maintenance et la disponibilité du matériel roulant.
VR&T. Comment augmenter les recettes commerciales du TER de 24 % en six ans, sans augmenter les tarifs au-delà de l’inflation comme s’y engage la région ?
A. R. La fréquentation des TER a augmenté de près de 10 % en 2017, à la rentrée 2018, nous avons constaté une progression considérable du nombre d’abonnements (+36 %), et la nouvelle LGV inaugurée en juillet 2017 qui met Paris à deux heures de Bordeaux, a entraîné un surcroît de mobilité et une poussée de fréquentation de 10 % sur le réseau TER. Avec l’engagement de SNCF Mobilités d’augmenter l’offre de transport de 5 à 8 % selon les zones, de réaliser une refonte du réseau par lot géographique et de remettre à plat les horaires, c’est jouable. Encore une fois, SNCF Mobilités sera financièrement pénalisé en cas de non-atteinte de cette cible.
VR&T. Vous mettez l’opérateur historique sous tension, c’est pour le préparer à l’ouverture à la concurrence ?
A. R. On peut le dire comme ça. Mais c’est aussi une façon de sauver la SNCF. Sur les cinq lots (voir la carte ci-dessous) du réseau TER dessiné à l’échelle de la Nouvelle-Aquitaine, nous nous donnons la possibilité d’en ouvrir deux à la concurrence.
VR&T. Quels lots vous semblent les plus pertinents pour cette ouverture et quand l’envisagez-vous ?
A. R. Je ne peux pas répondre aujourd’hui à cette question. Pour l’instant, ce que je veux, c’est une amélioration du service ferroviaire, c’est ce que j’attends de la concurrence. Si je dois actionner le bouton rouge, c’est que la SNCF n’aura pas su s’adapter aux exigences des usagers. L’argent public est mis sur la table, à l’opérateur historique de se réorganiser de telle sorte à devenir performant le plus tôt possible. Il en va de sa survie. Nous signons une convention disruptive, j’attends des résultats, vite.
VR&T. Pour rédiger des cahiers des charges en vue des futurs appels d’offres, il faut des données économiques et financières fines, transmises par SNCF Mobilités. Vous êtes confiant pour les récupérer ?
A. R. Je n’ai pas le choix. J’ai besoin d’information sur les comptes de ligne dont je ne dispose pas aujourd’hui. Il est impossible que l’opérateur public ne soit pas transparent. Il y a des secrets industriels, certes, mais celui qui paie doit disposer de l’information, exactement comme pour une concession de l’eau.
Propos recueillis par Nathalie Arensonas
Les cinq lots géographiques du réseau TER de Nouvelle-Aquitaine.
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