Communication : Journalistes, usagers, politiques : les oracles de crise
Ils sont journalistes spécialisés, syndicalistes, représentants proclamés des usagers du train, ou politiques. Quand les sources officielles se taisent, ou s’en tiennent à l’expression d’une compassion et renvoient à l’enquête en cours, une deuxième catégorie d’invités est appelée à la barre, pour commenter l’actualité qui, c’est bien connu, n’attend pas. Ces réservistes (dont nous faisons parfois partie : les portables de la rédaction n’ont pas cessé de sonner les jours suivant la catastrophe) sont invités en tant qu’« experts » par la presse nationale à donner leur avis, apporter leur éclairage et parfois à spéculer sur les événements « à chaud ». Le vendredi soir, le sujet Brétigny étant propulsé à la une, toutes les rédactions se sont lancées dans une quête frénétique d’un ou plusieurs de ces précieux oracles. « Ça tombe vraiment très mal, cet accident, un vendredi 12 juillet, alors que la France vient de perdre son triple A ! », s’est plainte une consœur. À ce petit jeu de l’expert, les journalistes professionnels sont parmi les plus prisés. Popularisé par son fameux « Comment ça marche ? », le journaliste scientifique Michel Chevalet s’est, depuis plusieurs années, spécialisé dans les questions ferroviaires. Sur i>Télé, il a joué son rôle d’expert dès la fin d’après-midi le jour du drame, commentant minute par minute l’avancée de l’enquête. Le lendemain, il s’est livré à une reconstitution des faits supposés, éclisse en main, sur les voies à Montparnasse, façon « Comment ça déraille ». Auteur de plusieurs livres sur la SNCF, le journaliste indépendant Marc Fressoz a également été très sollicité. Bon client, figurant dans le carnet d’adresse de toutes les télés, et jamais avare d’une vacherie sur la SNCF, il est toutefois plus à l’aise sur les sujets politiques ou économiques que sur les sujets techniques. Tandis que la Fnaut, la plus représentative des associations d’usagers de transports, restait en retrait du débat estimant « que tout commentaire sur les causes de l’accident est prématuré » et que « désigner dès maintenant des responsabilités est injustifié et inconvenant », de plus petites associations moins représentatives ne sont pas privées pour prendre place devant les micros. On a ainsi entendu Jean-Claude Delarue, président de l’association SOS Usagers, mais surtout Willy Colin, président de l’association mancelle des voyageurs-usagers du chemin de fer (Avuc), jeter bien vite l’opprobre sur les « trains poubelles » avant que les premiers éléments de l’enquête ne portent le soupçon sur la fameuse éclisse. Du côté des syndicats cheminots, on s’en est tenu à des communiqués, réservés pour les uns, dénonciateurs pour les autres. La CGT Cheminots, qui n’a pas souhaité réagir à chaud, s’est fait doubler par son ancien secrétaire général, Didier Lereste, devenu le vice-président de l’association Convergence nationale rail, interrogé notamment par l’AFP et Libération.
Guillaume LEBORGNE
Encadré / Pierre Serne, le bon client francilien
Même s’il faut noter la présence sur le terrain de Frédéric Cuvillier et de François Hollande, le discours du Ministre, AOT des trains Intercités, est resté focalisé sur les faits.
Plusieurs élus bons connaisseurs du secteur, mais n’ayant pas autorité sur le train Intercités 3657, ont tenu des propos plus libres. C’est le cas de Pierre Serne, vice-président Transport d’Île-de-France, vu et lu dans une dizaine de médias nationaux. « Donc je serais passé à la fois aux 20h de France 2 et TF1 ce soir et en plus BFMTV et i>Tele juste avant et juste après. Maintenant off). », notait-il sur Twitter le samedi.