C’était le « dada » de Bernard Roman. Depuis deux ans, le président de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer) remuait terre et ciel pour étendre les compétences de ses équipes au ciel justement. Plus précisément à la régulation des redevances aéroportuaires, actuellement assurée par l’Autorité de supervision indépendante (ASI). Laquelle est toutefois placée sous l’aile du ministère des Transports(1) et est logée dans ses murs, Tour Sequoia, à la Défense.
Bernard Roman espérait voir inscrite l’extension des missions de l’Arafer au mode aérien dans la loi d’orientation des mobilités (LOM) qui termine son marathon parlementaire le 10 juillet. C’est finalement une autre loi, celle du plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (Pacte) qui pourrait permettre au régulateur terrestre de prendre son nouvel envol.
« OPA inamicale »
Un amendement du Sénat approuvé par le ministre de l’Economie autorise en effet le gouvernement à modifier le statut juridique de l’ASI pour en faire une autorité administrative indépendante, ou bien… à la fusionner avec l’Arafer. Cette deuxième option permettrait de ne pas multiplier ces entités dont le nombre et les salaires de leurs dirigeants ont été fustigés dans un rapport sénatorial (lire ici).
Si le gouvernement opte pour cette deuxième solution par ordonnance, et fait de l’Arafer l’instance de validation des redevances aéroportuaires, il contenterait Bernard Roman et son collège qui s’estiment malmenés à l’aube de l’ouverture à la concurrence du secteur ferroviaire (Ville, Rail & Transports reviendra prochainement sur ce sujet).
Du côté des aéroports, « L’OPA inamicale de l’Arafer », pour reprendre l’expression de la présidente de l’ASI, Marianne Leblanc-Laugier, ne peut que les contenter car ils ont mal vécu la récente décision du régulateur aérien de baisser de 33% le tarif des redevances de l’aéroport de Nice. « L’ASI est devenue le cauchemar des aéroports », s’amuse sa présidente. L’Arafer saura t-elle taper aussi fort du poing sur la table ?
Grand Paris Express
Ce n’est pas tout. Les équipes de Bernard Roman devraient également exercer un rôle de régulateur pour le futur réseau du Grand Paris Express, dont la RATP est gestionnaire d’infrastructure. Cette fois, c’est le texte de la LOM tel qu’il doit être discuté en commission mixte paritaire (CMP) le 10 juillet qui prévoit que l’Arafer régule le niveau des péages de la RATP imposés aux futurs opérateurs des lignes du métro automatique du Grand Paris (voir la carte).
Comme elle le fait déjà avec la SNCF, l’Arafer devra donc valider le montant des redevances de la RATP et les conditions d’accès au réseau du Grand Paris Express. En tant qu’entreprise ferroviaire, la RATP devra par ailleurs faire valider la séparation de ses comptes par le régulateur. L’objectif est de s’assurer qu’il existe un strict cloisonnement financier des activités du groupe qui cumule du transport subventionné (métro, bus, RER, tramway à Paris et en petite couronne), des activités concurrentielles, notamment via sa filiale RATP Dev, et des activités de gestionnaire d’infrastructure.
Transfert des personnels de la RATP
En prime, l’Arafer sera chargé de trancher en cas de litiges entre Ile-de-France Mobilités et un opérateur au sujet du transfert des personnels des bus en Ile-de-France. Dans le texte définitif de la LOM (avant la CMP du 10 juillet), les personnels de conduite et d’entretien d’Optile en grande couronne francilienne, ne bénéficieraient pas du transfert automatique pourtant accordé aux 19 000 agents de la RATP concernés. Un sujet potentiellement explosif (voir l’interview de Zivka Park, corapporteur de la LOM : ici).
Pour assumer ses nouvelles fonctions, l’autorité de régulation devrait voir son collège, l’instance décisionnelle, musclé avec davantage de membres permanents et moins de vacataires : cinq permanents au lieu de trois actuellement. Dont un, Philippe Richert, ancien patron de la région Grand Est et administrateur à ce titre de la SNCF, ne peut prendre part au vote des avis et décisions relatifs au secteur ferroviaire pour éviter un conflit d’intérêts.
Nathalie Arensonas
(1) après avoir dépendu de la direction générale de l’Aviation civile (DGAC), l’ASI est aujourd’hui sous la tutelle du Conseil général de l’Environnement et du Développement durable, émanation du ministère de la Transition écologique et solidaire.