VR&T a interviewé Martin Vaujour, le directeur général de TMH International, filiale à 100 % de Transmasholding, le constructeur né en 2002 sous l’impulsion des autorités russe et dont Alstom détient 20 % des parts.
Ville, Rail & Transports. Comment vous positionnez-vous sur le marché de l’industrie ferroviaire ?
Martin Vaujour. Les Russes étant les derniers à arriver sur ce marché, il fallait un positionnement différent. Notre stratégie, c’est de ne pas chercher à être partout, mais de viser les pays qui ont besoin de nous du fait d’une industrie ferroviaire locale en déshérence. Nous arrivons avec de l’argent pour lancer une industrie locale. Nous investissons et nous développons localement. Nous n’avons pas besoin d’exporter. Nous voulons créer l’équivalent du groupe TMH dans des pays qui en ont besoin, pour lesquels le marché a du potentiel et pour lesquels l’Etat russe n’est pas un problème.
VR&T. Quels sont ces pays ?
M. V. Nous avons choisi six pays : l’Argentine, l’Afrique du Sud, Cuba, le Kazakhstan, l’Egypte et l’Iran. Chaque pays a ses spécificités.
Nous avons commencé par l’Argentine car il y a deux ans, lorsque nous avons lancé notre réflexion, le gouvernement argentin avait un très beau programme d’investissements. L’industrie ferroviaire n’était pas en bon état. Nous avons repris l’usine Mechita dans la province de Buenos Aires que nous sommes en train de rebâtir. Nous avons investi trois millions de dollars et promis 200 autres millions. Notre filiale TMH Argentine a gagné au printemps dernier un premier contrat de 30 millions de dollars pour la maintenance de locomotives et de voitures pour la Sofse, les chemins de fer locaux.
En Afrique du Sud, nous sommes en train de racheter une usine, avec beaucoup d’ambition pour ce marché. [TMH a finalisé cet achat fin octobre avec DCD Group. L’acquisition de cette usine de matériel roulant située dans la ville de Boksbur s’est élevée à un peu moins de 34 millions de dollars, NDLR.] Nous nous intéresserons ensuite au marché africain.
Nous regardons aussi l’Europe centrale, notamment la Hongrie où nous pourrions investir. Et à l’avenir, nous nous intéresserons au Moyen-Orient. Dans ces zones géographiques, il y a de très gros besoins et de fortes opportunités de croissance.
VR&T. Comment procédez-vous quand vous investissez dans ces pays ?
M. V. Nous ne nous implantons pas seuls sur ces marchés mais essayons de trouver des partenaires locaux. En Argentine par exemple, nous avons un partenaire local qui détient 30 % des parts. C’est la même chose en Afrique du Sud. Au Kazakhstan, nous reprenons deux joint-ventures, une avec Alstom, une autre avec GE. Nous sommes également très actifs en Egypte qui pourrait devenir un pays très important pour nous.
Au total, nous prévoyons d’investir 300 millions d’euros sur cinq à sept ans sur ces six pays.
Notre objectif est d’investir à l’international 500 millions d’euros à l’horizon 2020-2021.
VR&T. Vendez-vous du matériel ?
M. V. Nous essayons de proposer d’abord du service sur la flotte existante car il y a une vraie demande sur la maintenance.
La vente de matériels que nous proposons est associée à un service. L’école du design russe n’est pas au top de l’innovation. Mais les matériels sont extrêmement robustes. Comme nous sommes loin de pouvoir rivaliser technologiquement avec l’industrie européenne, nous nous focalisons sur des pays qui ont des besoins simples, en leur proposant des produits robustes et faciles à entretenir avec une localisation sur place.
Nous nous voyons comme une start-up. Nous commençons par nous placer sur le marché et après, progressivement, nous pourrons avoir une démarche d’innovation.
VR&T. Qui sont vos concurrents ?
M. V. Ce sont d’abord les Chinois. Nous nous retrouvons souvent en face d’eux, et parfois face à des entreprises locales. Nous arrivons à être compétitifs face aux Chinois. Nous avons la volonté d’avancer sur le long terme avec nos clients qui nous demandent du service sur la durée du cycle de vie. C’est différenciant.
VR&T. Quelles sont vos relations avec Alstom ?
M. V. Nous consacrons beaucoup de temps à voir ce que nous pourrions faire avec Alstom en Russie. Nous travaillons avec Alstom, cela nous permet d’accélérer notre compréhension des normes internationales. C’est une forme de principe de réalité. Nous sommes ouverts à des partenariats avec Alstom ou Bombardier.
VR&T. Votre capital pourrait-il évoluer ?
M. V. C’est l’idée. Nous souhaitons que nos partenaires aient envie d’entrer dans notre capital. C’est une aventure entrepreneuriale
Propos recueillis par Marie-Hélène Poingt