Un peu moins d’un an après la grande panne qui avait paralysé le gare de Paris Montparnasse, en plein chassé croisé des juillettistes et des aoûtiens, la SNCF a présenté le 3 juillet le plan qu’elle a lancé aussitôt après, pour éviter que se reproduise à l’avenir une telle cacophonie due à une information défaillante. « Il s’agit de faire en sorte que les 5 millions de clients qui prennent chaque jour le train puissent dire qu’ils ont été bien informés« , a résumé Patrick Ropert, le directeur général de SNCF Gares & Connexions, chargé par Guillaume Pepy de superviser ce plan. Un plan de grande ampleur, surnommé First, qui représente un investissement de 150 millions d’euros et doit être mené à grande vitesse pour s’achever à l’été 2020. Explications.
Des données unifiées et raccordées à la même base de données
« Actuellement, les systèmes d’information ne nous permettent pas d’être performants, pour des raisons historiques, car les systèmes sont différents selon les canaux», explique Benjamin Huteau, le directeur du programme Information voyageur. Les informations transmises aux voyageurs dans les gares par exemple peuvent être différentes de celles diffusées par les systèmes d’information, car chaque gare saisit elle-même ses propres informations. « Plus la situation est perturbée, plus la qualité de l’information risque d’être mauvaise », souligne le responsable du programme.
« En octobre, il est prévu de raccorder les médias digitaux (appli SNCF, site oui.sncf, bornes de vente…) à la même base de données. Ce sera ensuite le tour des gares : il faudra une année pour les raccorder toutes à la même source d’information. On commencera par les petites gares, on terminera par les plus grandes. Tout sera terminé au deuxième semestre 2019 », précise Benjamin Huteau.
Une information personnalisée
Pour personnaliser l’information, plusieurs projets sont lancés, surnommés TIC et TAC. TIC (pour Toujours informer le client) vise ceux qui donnent leurs coordonnées à la SNCF (c’est le cas de 95 % des clients de grandes lignes) : il consiste à envoyer un SMS ou un mail en cas d’aléa. Ce service sera testé cet été sur quelques lignes, avant une généralisation en septembre. Aujourd’hui, la SNCF peut déjà envoyer des informations par SMS et mail mais uniquement pour les aléas qu’elle connaît au moins 3 heures à l’avance. D’où les informations transmises aux voyageurs au moment des grèves puisqu’elle connaissait à l’avance ses plans de transport. Demain tout sera automatisé, ce qui permettra l’envoi d’informations en temps réel.
Le projet TAC (Toujours accompagner le client) permettra de gérer les ruptures de correspondances. À partir de la fin de l’année, les voyageurs recevront automatiquement, par mail ou SMS, une réservation de place dans le train suivant en correspondance.
La refonte de l’appli SNCF
L’appli de la SNCF est toute récente. Pourtant en fusionnant avec les applis TER, TGV et Transilien, elle est devenue difficilement lisible, reconnaît-on à la SNCF. « Les parcours sont compliqués et nécessitent beaucoup de clics », commente Benjamin Huteau. « Nous allons complètement refondre le design et fluidifier le parcours. C’est prévu pour octobre », détaille-t-il.
Des écrans digitaux plus grands, plats et à led
Le programme prévoit une trentaine de millions d’euros pour renouveler les écrans d’affichage en gare avec de nouveaux écrans digitaux plus grands, plats et à LED. La gare de Brest sera la première concernée fin juillet, sur le modèle de Paris-Saint-Lazare, qui représente la gare pilote. Suivront Monaco, Toulouse, Lille-Flandres et Paris-Est d’ici la fin de l’année. Les gares de Paris-Lyon et de Montparnasse seront équipées en mars 2019.
La parole aux voyageurs
La SNCF, qui doit informer 5 millions de voyageurs par jour, estime qu’elle peut aussi profiter des informations récoltées par les voyageurs eux-mêmes. Elle a lancé cette année le « waze » du rail, qui incite ses clients à informer en temps réel les autres voyageurs sur les retards, les suppressions ou les trains bondés. Ces informations (qui se chiffrent à plus de 30 000 par jour) doivent remonter aux centres opérationnels.
« Nous travaillons aussi pour disposer, dans les centres opérationnels, des tableaux de bord de ce qui se dit sur Twitter », indique le directeur du programme. La SNCF va aussi lancer un nouveau service Allô Simone (en référence à Hérault, la voix de la SNCF depuis 30 ans) pour avoir davantage de remontées d’informations de la part de ses clients en cas de problème. Elle dispose déjà des community managers, mais elle devrait en plus, avec Simone, disposer d’un nouvel outil de management. Un nouveau rôle pour Simone qui passe de voix de la SNCF à porte-voix des clients.
Les scénarios perturbés scénarisés
« Nous sommes en train d’écrire des scénarios de situations perturbées pour toutes les activités TER et TGV, à l’image de Transilien qui en a déjà », indique Benjamin Huteau. Selon lui, quand la gare Saint-Lazare a été bloquée mi-juin, le scénario pré-écrit sur la fermeture de la gare a permis de réagir très rapidement, en lançant des navettes sur cinq gares de délestage. « Ces scénarios permettent de donner des informations aux agents en gare et de mieux se coordonner. En septembre, tous les scénarios devraient avoir été écrits. »
De nouveaux centres opérationnels reconfigurés
« Nous avons besoin de centres opérationnels performants. Or jusqu’à présent, les centres étaient trop fragmentés, pas adaptés, ils ne permettaient pas de regrouper les équipes », estime Benjamin Huteau. D’où la décision de reconstruire les centres opérationnels dans les 10 plus grandes gares de France d’ici deux ans. Elles seront toutes reliées sur un même canal d’information. Elles permettront de visualiser toute la gare et de regrouper toutes les équipes opérationnelles. Un nouveau centre opérationnel a déjà ouvert ses portes à Paris-Saint-Lazare qui doit servir de modèle. Un autre fonctionne aussi à Rennes. Le plus grand sera celui de la gare du Nord. L’investissement tourne autour de deux à trois millions d’euros par gare.
Une tour de contrôle nationale à Paris
Au niveau national, l’ensemble des centres de commandement des TGV, des Ouigo et des Intercités va être regroupé dans un centre national des opérations de crise. « Les centres de décision étaient trop éloignés les uns des autres », justifie un porte-parole de la SNCF.
Cette tour de contrôle nationale sera installée à Paris ou en proche banlieue parisienne, le lieu précis sera choisi cet été. Elle devrait voir le jour à l’été 2020, pour un coût de plusieurs dizaines de millions d’euros.
Des managers de l’information
Des managers nationaux de l’information seront présents dans les centres opérationnels. Il y aura aussi une astreinte dans toutes les régions en cas de crise.
Des efforts mesurés chaque jour
Pour évaluer les progrès, des standards de gestion de l’information perturbée ont été définis et des indicateurs de fiabilité et de réactivité créés. Ces indicateurs sont mesurés tous les jours. C’est le cas pour les TGV depuis mars, pour les TER et Intercités depuis mai, et c’est prévu à partir de septembre pour les Transilien. « Les résultats sont prometteurs : sur les TGV, en quatre mois, on a progressé de sept points sur la fiabilité et de 25 points sur la réactivité », indique le responsable du programme.
Une dizaine de personnes pilotent le projet mais ce sont les 150 000 salariés de la SNCF qui sont concernés. Une révolution culturelle est enclenchée à un rythme proche de la grande vitesse : l’objectif est de réaliser l’ensemble du programme à l’été 2020. Soit trois ans après la crise de Montparnasse.
Marie-Hélène POINGT