Interview de Thierry Couderc, directeur général de RKH Qitarat.
Ville, Rail & Transports. RKH Qitarat, que vous dirigez, a remporté en novembre le contrat d’opération du réseau de transport de Doha. Il va falloir faire très vite, la première ligne de métro doit ouvrir avant la fin de l’année. Comment vous y préparez-vous ?
Thierry Couderc. Dès le stade de l’offre, nous avions défini 15 managers clés, les Qataris voulant connaître les personnes prévues pour les opérations et la maintenance. Ces personnes sont en place et, aujourd’hui nous recrutons. 66 personnes nous ont dit oui. Toutes ne sont pas encore là, mais nous sommes déjà 28, auxquels nous ajoutons 12 experts support.
Aujourd’hui, il nous faut préparer les opérations, écrire les procédures, préparer les documents de formation. Rédiger la documentation opérationnelle dans une langue commune, l’anglais, mais un anglais destiné à des gens dont ce n’est pas la première langue. Les ouvertures vont se faire en cinq phases, trois pour le métro, deux pour le tramway (voir encadré ci-dessous), la dernière étant fixée en octobre 2020. L’enjeu, c’est de recruter 1 500 personnes en deux ans. Dès la fin de cette année, nous serons 1 000.
VR&T. Qui recrutez-vous ?
T. C. Nous recrutons tant en local qu’international, au Qatar plusieurs nationalités sont concernées de par les travailleurs locaux (des Indiens, des Sri Lankais, des Pakistanais). Ces personnels seront formés selon les standards de RATP Dev et Keolis sur l’ensemble des métiers requis pour la bonne marche des opérations (conducteurs, mainteneur…).
VR&T. La formation technique des personnels se fera sur place ? En partie en France ?
T. C. La formation des conducteurs se fera localement, grâce à des simulateurs. Nous enverrons en France des cadres, au cas par cas, selon le profil des gens que nous recruterons.
VR&T. Quoi d’autre avant de commencer ?
T. C. La préparation du dossier de sécurité. En France, le responsable du système de transport doit prouver que son système est sûr. Il se soumet donc aux audits du SMRTG, et doit aussi montrer que le niveau de sécurité demeure constant dans le temps. C’est après tout ce travail de certification que le préfet donne l’autorisation d’exploiter. Au Qatar, le fonctionnement diffère du système français. Il n’y a pas d’organisme de certification spécifique. Les autorités qataries accompagnées d’un groupe d’experts, se chargent elles-mêmes de délivrer les autorisations d’exploitation.
VR&T. Comment vous êtes-vous réparti le travail, entre Keolis et RATP Dev ? A l’un le métro, à l’autre le tramway ?
T. C. Pas du tout. Conformément aux souhaits des autorités qataris le tramway et le métro seront exploités par un seul opérateur. RKH Qitarat exploitera l’ensemble du réseau avec des équipes issues de RATP Dev et Keolis. D’ailleurs, même si le tramway est à Lusail, cette ville nouvelle est dans une continuité urbaine avec Doha, et il y a une station de correspondance entre les deux systèmes. Initialement le tramway de Lusail et le métro de Doha étaient deux projets séparés qui ont été réunis sous une seule autorité organisatrice, Qatar Rail, qui s’implique très fortement dans le projet. Nous le constatons chaque jour. Nous sommes installés en partie dans des sites mis à notre disposition par l’autorité organisatrice en attendant que les dépôts soient prêts. Nous travaillons dans une grande proximité des équipes avec Qatar Rail.
VR&T. Quel rôle joue votre partenaire Hamad Group, qui a 51 % de la JV ?
T. C. Hamad Group qui connaît très bien l’environnement qatari, nous aide tant dans les phases administratives très contrôlées que dans les phases d’embauche.
VR&T. Tout de même, dix mois avant la première remise en service, c’est très peu.
T. C. Vu de loin, on se dit que cela nous vaudra une inscription au Guinness Book. La phase de mobilisation a commencé en novembre, ce qui est certes tardif par rapport au calendrier [le contrat a été attribué en novembre, NDLR], mais je ne suis pas inquiet. Il nous faut donc des gens hypercompétents et nous les avons. La patronne de la mobilisation est Mireille Majerczyk, ancienne directrice de la ligne 14 à Paris. Sophie Delmée, qui va s’occuper du tramway, a été patronne du PCC de la ligne A du RER. Guillaume Monnier sera patron du PCC du métro, il a été chef du PC du tramway de Dijon et du métro de Lille. Denis Tassin dirigera la maintenance, il vient du Gautrain. Anne-Gaelle Vaquié s’occupera du développement commercial, elle vient du TGV. Mais il faudrait citer les 15 managers-clés…
Nous aurons aussi, parmi ceux qui ont accepté de nous rejoindre, des experts dans l’exploitation de réseaux de transport dans des grandes métropoles internationales (Moyen-Orient, Inde, Pakistan…).
VR&T. Et vous-même, quel est votre parcours personnel ?
T. C. J’ai passé 12 ans sur le métro de Toulouse, dès la mise en service, puis j’ai été directeur de Keolis Brest, directeur général adjoint de Keolis Lyon (avec la mise en service du T4), directeur général de Keolis Tours (avec la mise en service du tramway). Cela m’a donc permis d’acquérir à la fois une expérience tramway et métro et d’avoir dans les deux modes, avec Toulouse et Tours, une expérience greenfield.
VR&T. Tout est prêt pour octobre ?
T. C. Quelques stations, l’accueil client, le PC et le dépôt sont en cours de finalisation. Nous sommes mobilisés pour ouvrir la ligne rouge (sud) dans les temps. Des trains ont déjà roulé, en conditions de chantier. Il faut passer maintenant à une phase d’intégration des systèmes, ce qui représente un travail important. Les essais dynamiques du métro commencent en février et ceux du tramway commencent en avril…
Propos recueillis par F. D.
Les cinq étapes de la mise en service
• La Red Line South (première phase du métro) doit ouvrir le 31 octobre 2018
• La première phase du tramway, en janvier 2019
• La Green Line (2e phase du métro) le 30 avril 2019
• La Gold Line et Red Line North (3e phase du métro) le 31 octobre 2019
• La deuxième phase du tramway, en octobre 2020.