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Ewa

Le Pays Basque remporte le pass d’or du Palmarès des mobilités 2022

Palmares 2022

Ce nouveau Palmarès des mobilités s’inscrit une fois encore dans une année compliquée, sur fond de guerre en Ukraine et de flambée des prix. Mais, malgré les difficultés de financement qui affectent les collectivités,  la prise de conscience de plus en plus forte du réchauffement climatique incite nombre d’entre elles à poursuivre leurs investissements en faveur d’un modèle plus durable.

Cette année encore, en raison de la difficulté de faire des comparaisons d’un exercice sur l’autre (2021 comparé à 2020) du fait de la crise sanitaire, le jury (voir sa composition page 30) ne s’est pas appuyé sur des indicateurs chiffrés fournis par l’UTP pour sélectionner les gagnants. Il a cherché à mettre en avant des collectivités qui ne font pas forcément les grands titres des journaux, mais qui ont su, chacune à leur manière, faire progresser les transports publics, jouer sur l’intermodalité et développer de nouveaux services au bénéfice des voyageurs. D’où la montée sur le podium du Pays Basque pour le pass d’or, de Rouen (argent), de Rennes (bronze) et de Lorient (Prix du jury).

Les pass thématiques que nous attribuons également témoignent de l’engagement des équipes des opérateurs de transport dans toute la France et d’une envie de faciliter les voyages pour que les transports publics deviennent de plus en plus une évidence. Et qu’ils deviennent de plus en plus inclusifs comme le montre notre Prix de la mixité, à l’origine d’un grand nombre de candidatures. Le signe d’un fort engouement pour les valeurs du transport public.

Retrouvez ici notre dossier complet sur le Palmarès des Mobilités 2022 organisé par Ville, Rail & Transports.

Pass d’or. Le Pays Basque réalise une remarquable rationalisation de son réseau

La Communauté d’Agglomération Pays Basque, qui est devenue en 2017 une collectivité XXL avec pas moins de 161 communes à desservir, a cherché à rendre plus cohérent le réseau de transport public et son organisation. Cinq ans après, le bilan est réussi et salué comme tel par le jury qui a attribué à cette collectivité un pass d’or bien mérité.

rames tram bus bayonne in 2021

La naissance en 2017 d’une collectivité XXL à l’échelle du Pays Basque a donné le signal de départ d’une politique unifiée de mobilité sur un territoire de 161 communes, depuis le sud du département des Landes jusqu’à la frontière espagnole. Depuis juillet 2022, sous la marque unique Txik Txak, l’organisation confiée au syndicat des mobilités Pays Basque-Adour permet une tarification unique, portée par une billettique avec open payment. Ce réseau qui irrigue les villes de Bayonne, Anglet, Biarritz et leurs proches voisines doit permettre, d’ici2030, de ramener la part des déplacements en voiture individuelle à 50 %, contre 75 % en 2020. Pour y parvenir, les élus locaux défendent une offre multiple (bus, cars et tram-bus électriques, lignes de proximité rurales, transport à la demande à la montagne) assortie d’aides à l’achat et de location longue durée sur des vélos électriques. Une navette fluviale (76 places) est également exploitée sur l’Adour entre Bayonne, Boucau et Anglet. Le transport scolaire s’établit sur 650 circuits.

200% d’offre en plus sur certaines lignes intérieures

Pour financer un tel déploiement, le taux de versement mobilité des entreprises a été établi à son niveau maximum de 2 %. Le coût du service est passé de 40 millions d’euros à 50 millions annuels, et l’inflation va engendrer 8 millions d’euros de dépenses supplémentaires cette année. « Nous développons cette offre avec une tarification attractive », explique
Fabien Duprez, directeur général du syndicat des mobilités Pays Basque-Adour. « Le plein tarif unifié est à 1,20 euros, pour des trajets qui peuvent aller jusqu’à 90 kilomètres  ». 

Sur ce territoire qui combine aires urbaines, montagne et ruralité, l’offre a été augmentée de 200 % sur certaines lignes intérieures. L’affluence estivale en zone touristique (Biarritz, Bayonne) engendre une demande supplémentaire de transports, à laquelle le syndicat répond par une offre en hausse de 20 %. « Nous avons du mal à trouver du personnel pour ces périodes », reconnaît Fabien Duprez. Les opérateurs (Kelois, Transdev, transporteurs locaux) y répondent en faisant appel à des salariés de leurs autres réseaux en France. Deux lignes de BHNS, qui se croisent à Bayonne, constituent la colonne vertébrale du réseau. « Trois ans après son lancement, le Tram’Bus électrique a vraiment été le bon choix. Sans rail ni caténaires, nous avons pu aménager rapidement 25 kilomètres pour 168,5 millions d’euros. C’est deux à trois fois moins cher qu’un tramway classique », calcule Fabien Duprez.

« Nous lançons une troisième ligne de BHNS entre Bayonne et Hendaye, d’une longueur exceptionnelle de 37 kilomètres, dont les travaux débuteront en 2025 », a annoncé Jean-François Irigoyen, maire de Saint-Jean-de-Luz et président du syndicat des mobilités Pays Basque-Adour. La mise en cohérence de l’ensemble de l’offre à l’échelle du pays Basque a nécessité cinq ans de travail, en tenant compte de l’ensemble des contrats hérités des anciennes intercommunalités et de la Région. « Il a fallu mettre en cohérence, restructurer et augmenter l’ensemble de l’offre, construire une grille tarifaire totalement harmonisée, déployer un nouveau système de billettique sur la totalité des véhicules, construire un site internet et une livrée unique. » Un travail titanesque mais absolument nécessaire pour « faire territoire et rendre l’offre lisible et attractive » se félicite Jean-François Irigoyen.

Le Syndicat des mobilités possède aujourd’hui 60 % de son parc. Il vise 75 % après le renouvellement de ses contrats de services, en 2024. « Cette flotte est aujourd’hui à 18 % électrique et à chaque fois que nous renouvelons un véhicule, nous abandonnons le diesel au profit d’une énergie durable. Nous avons d’ores et déjà 18 Tram’bus électriques. Nous venons d’acheter 14 bus électriques supplémentaires cette année pour nos autres lignes », rappelle l’élu. Pour gagner en autonomie énergétique, le syndicat a prévu d’équiper ses parking-relais de panneaux photovoltaïques à partir de 2024. « Nous allons également développer un RER basque connecté avec le réseau Txik Txak. Après Bayonne et Hendaye inaugurés en 2022, nous engageons les travaux des pôles d’échange multimodaux de Biarritz et de Saint-Jean-de-Luz/Ciboure », annonce Jean-François Irigoyen. La collectivité a aussi doublé l’enveloppe consacrée au financement des aménagements cyclables sur tout le territoire, de 600000 euros à 1,2 million d’euros par an. En cinq ans, le réseau cyclable du Pays Basque doit passer de 140 kilomètres à 260 kilomètres.

Olivier Mirguet


Pass d’argent. Rouen mise sur les mobilités alternatives

La métropole a mis le paquet sur l’ensemble du spectre des mobilités et augmenté de 10 % cette année l’offre de transport. Le réseau a aussi été reconfiguré pour faciliter les échanges de périphérie à périphérie.

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« Il n’existe pas de solution de transport qui soit adaptée à tout le monde ». Quand on interroge Nicolas Mayer-Rossignol, maire de Rouen et président de la Métropole Rouen Normandie sur sa politique de mobilité à l’échelle de l’agglomération, l’élu commence par pointer les points faibles de chaque mode de déplacement. « Nous avons imaginé à Rouen une palette d’options adaptées à chacun. Le bus n’est pas adapté si vous n’habitez pas à proximité d’un arrêt. Les vélos ne conviennent que pour des distances raisonnables. Le train n’est acceptable que pour ceux qui habitent à proximité d’une gare. Nous avons donc mis le paquet sur l’ensemble du spectre des mobilités, et augmenté de 10 % l’offre de transports en commun cette année. On a créé dix nouvelles lignes et mis en place la gratuité le samedi depuis 2020. Cela correspond à une dépense supplémentaire de 10 à 15 millions d’euros par an », détaille Nicolas Mayer-Rossignol. Après la mise en place de la gratuité des transports en commun les samedis à la rentrée 2020, Rouen a reconfiguré son réseau, dessiné précédemment en étoile, pour faciliter les échanges de périphérie à périphérie. 400 bus sont en service à l’échelle de l’agglomération, opérés par Transdev. En 2022, la collectivité a annoncé des commandes massives de matériel électrique et à hydrogène, portant sur plusieurs centaines d’unités. 30 véhicules sont arrivés à la rentrée. « L’objectif, c’est la décarbonation d’au moins 50 % de la flotte d’ici à la fin du mandat », rappelle Nicolas Mayer-Rossignol.

Champion de France du covoiturage

La métropole a aussi investi dans le covoiturage. Les statistiques mensuelles de Klaxit, basées sur les chiffres du ministère des Transports, décernent à Rouen le titre de champion de France avec 67 497 trajets covoiturés chaque jour en moyenne en octobre 2022, loin devant Montpellier, deuxième avec 36817 trajets et Angers, troisième avec 24671 trajets quotidiens. « Nous sommes devenus les meilleurs en France pour le covoiturage parce que cette pratique est rémunérée ici entre 2 € et 4 € par trajet. Si vous réalisez un trajet quotidien de 20 km avec deux personnes, vous allez gagner 4 €, soit 160 € par mois. Ce n’est pas négligeable, ça couvre largement le prix de l’essence », calcule Nicolas Mayer-Rossignol. 

Pour accompagner la mise en place de la ZFE, (Zone à faibles émissions) Rouen propose comme les autres agglomérations une aide à l’acquisition des véhicules en Crit’air 1 ou 2. Le choix d’offrir deux ans de gratuité sur les transports en commun en échange du renouvellement d’un véhicule est unique en France. « Cela ne coûte rien à la collectivité, seulement un manque à gagner sur les abonnements dans le réseau », commente l’élu.

La politique vélo a connu un coup d’accélérateur avec l’offre Lovelo, la nouvelle marque locale dédiée aux mobilités actives, qui propose déjà des vélos à assistance électrique en location longue durée et à bas coût. 

Outre l’aménagement de pistes cyclables et de parkings sécurisés, la collectivité offre ces VAE à partir de 10 €/mois pour les étudiants. Pour le grand public, le tarif est plus élevé : pour la population non assujettie au quotient familial, il s’élève à 45 €/mois. Reste à mieux intégrer l’offre TER, avec la création projetée d’un réseau express métropolitain et la perpective lointaine d’une intégration tarifaire. « Nous ne sommes pas satisfaits de l’offre ferroviaire sur notre territoire », tacle le socialiste Nicolas Mayer-Rossignol, en opposition avec la majorité régionale. « La région pratique des tarifs trop élevés sur le TER. Il faudrait baisser les prix des abonnements, comme l’ont fait les Allemands », propose le président de la métropole. La région Normandie, l’État et la Métropole de Rouen vont financer les études d’opportunité de ce petit réseau RER, que less associations locales de défense du transport en commun appellent de leurs voeux en 2030.

Olivier Mirguet


Pass de bronze. Rennes profite de l’effet métro et d’une offre repensée

Rennes remporte le pass de bronze, après une année riche en nouveautés : un tout nouveau métro dessert la ville et le réseau existant a été redéployé, notamment en première et deuxième couronne. Le réseau cyclable express doit desservir à terme 80 % des habitants de la métropole.

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L’année 2002 a été riche pour les transports dans la métropole rennaise. L’inauguration d’une nouvelle ligne de métro est toujours un événement. D’autant plus que la ligne B, nouvelle génération de métro entièrement automatisée, constitue une vitrine pour l’agglomération comme pour Siemens l’entreprise qui l’a conçue et installée. 

Un peu plus d’un mois après la mise en service, la métropole s’autorise un premier bilan. « Malgré quelques incidents, nous avons un taux de disponibilité est de 95 % », constate Matthieu Theurier, le vice-président de Rennes Métropole délégué à la Mobilité et aux transports. La fréquentation du réseau Star exploité par Keolis a logiquement augmenté : + 20% depuis l’extension du métro, une hausse encore plus marquée les samedis (+ 39%) et les dimanches (+ 47 %). 

« On est maintenant au-dessus des 400 000 voyages/jour, alors qu’on en comptait 350 000 à 360 000 avant la mise en service de la ligne B », précise l’élu. Keolis constate aussi une augmentation de la fréquentation sur la ligne A, notamment aux deux stations en correspondance avec la ligne B : Sainte-Anne (près de 36 000 voyages/jour) et Gares (plus de 33 000 voyages). Cette augmentation s’accompagne d’une « désaturation » de la station République, nœud central du réseau de transport.

Réorganisation du réseau de bus

La mise en service de la ligne B, a été l’occasion d’une réorganisation du réseau de bus, lancée le 24 octobre, pendant les vacances scolaires, pour ne pas trop perturber les usagers. « On a réduit le nombre de lignes en centre-ville, celles qui étaient redondantes avec la ligne B, et on a redéployé le réseau de 1re et 2e couronne », détaille le vice-président délégué à la Mobilité.

La desserte en bus du pôle d’échanges République, a été allégée avec cinq lignes en moins, soit une baisse de 25% du nombre de passages en bus. « Nous souhaitons offrir un espace public plus accessible et plus sûr », justifie Matthieu Theurier. De plus, une navette gratuite est expérimentée pendant un an, afin d’effectuer une boucle de 5,75 km (13 minutes de parcours), du lundi au samedi de 10 h 30 à 19 h avec une fréquence de 15 à 20 minutes.

Dans le même temps, dix communes de la Métropole de plus de 6 000 habitants, situées entre 5 et 15 km de Rennes, bénéficient d’une extension de service. Le dernier bus part désormais de Rennes à 21 h 45, soit une heure plus tard environ, et circule, 7 jours sur 7, toute l’année. Et une nouvelle ligne Chronostar, de type bus à haut niveau de service a été créée en dehors de la rocade, pour relier Bruz à la station Saint-Jacques – Gaîté terminus sud de la B, en remplacement de la ligne 57.

Un réseau express vélo

Au total, c’est un million de kilomètres de lignes de bus qui ont été redéployés sur les 18,4 millions parcourus chaque année sur les 154 lignes de bus du réseau Star à Rennes et dans les 43 communes de Rennes Métropole.

Autre projet, la création de trambus. Il s’agit de bus performants, proposant une fréquence et une amplitude horaire importantes, qui ont vocation à poursuivre l’offre en correspondance avec le métro dans des zones moins denses au-delà de la rocade, « Ils pourraient voir le jour dans l’intervalle 2026-2030 », dit Matthieu Theurier. Leurs tracés exacts font actuellement l’objet d’études. Ils seront proposés à la concertation à la fin de l’année 2022.

Enfin, afin de limiter les encombrements routiers et réduire la pollution, la métropole souhaite développer l’usage du vélo. Cela passe notamment par le réseau express vélo, constitué , en grande partie, par des liaisons cyclables entre Rennes et les communes de la première ceinture. À terme, il doit desservir 80 % des habitants de la Métropole. Avec 30 km installés d’ici à la fin de l’année, il devrait atteindre les 105 km en 2024, puis les 200 km en 2025, et enfin les 400 km à l’horizon 2030.

Yann Goubin


Prix du jury. Lorient Agglomération met le cap sur les énergies renouvelables

Divisée par une rade et combinant transports en commun terrestres et maritimes, Lorient Agglomération met le cap sur le bioGNV et l’hydrogène vert.

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Avec dix-sept millions de personnes transportées l’an dernier dans ses bus et un million dans ses bateaux, pour une population d’environ 200 000 habitants dans 25 communes, Lorient Agglomération et sa Compagnie de transport de la région lorientaise (CTRL) ont retrouvé « une fréquentation presque revenue au niveau d’avant-covid », se réjouit Bruno Percheron, son directeur. La délégation de service public a été gagnée par Ratp Dev via sa
filiale RD Lorient Agglomération pour la période 2018-2023.

En septembre, la CTRL a amorcé sa révolution en accueillant ses dix premiers bus au bioGNV qui seront rejoints en 2023 par sept bus à l’hydrogène. D’ici 2031, la totalité des 95 véhicules de la flotte aura abandonné le diesel : 80 % roulant au bioGNV et 20 % à l’hydrogène. Le tout pour un budget de 44 M€. 

Les deux dépôts de bus seront équipés d’une station GNV d’ici mai 2023. « La transformation énergétique de notre territoire est un axe majeur de notre action, affirme Fabrice Loher, maire de Lorient et président de l’agglomération. Lorient Agglomération ne doit pas manquer ce rendez-vous pour devenir le pôle de référence de l’énergie propre. Dans ce cadre, l’hydrogène vert et le BioGNV sont des pistes prometteuses pour réduire les émissions de polluants atmosphériques et ainsi lutter contre le réchauffement climatique. ». L’agglomération s’est ainsi fixé l’objectif de réduire de 78 % ses émissions de gaz à effet de serre dans le domaine des transports pour atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050. Le biogaz étant produit localement à partir de la méthanisation des déchets ménagers, c’est aussi un gage d’indépendance. « Nous sommes très heureux d’avoir pris cette décision il y a un an », se félicite Maria Colas, conseillère municipale de Lorient et vice-présidente  chargée des mobilités à l’agglomération. 

Lorient Agglomération est également en cours d’attribution du marché pour la construction d’un navire passagers à hydrogène qui sera amphidrome. L’ambition est d’ailleurs de créer un écosystème territorial autour de l’hydrogène vert : la filière de production, de distribution (trois stations prévues) et d’usage de l’hydrogène. Représentant une des fondatrices du club des villes cyclables, Lorient s’est fixé pour objectif d’augmenter la part modale du vélo entre 2015 et 2050 de 8 % à 30 % en cœur d’agglomération et de 4 % à 10 % en périphérie.

L’agglomération souhaite également mettre en place l’an prochain un service de location moyenne et longue durée de VAE. Le schéma directeur vélo, qui devrait être approuvé au premier semestre 2023, comprendra le financement d’aménagements cyclables par les communes à hauteur de 55 à 60 M€ sur dix ans. Et pour réguler l’embarquement de vélos de plus en plus nombreux dans les bateaux et les trains, des stationnements sécurisés ont ou vont être déployés aux embarcadères et dans les gares (100 000€ investis en 2022).

Lorient mise également sur le covoiturage en lançant cet automne un partenariat avec Karos, proposant aux passagers une participation de 1 € à 2 € par trajet pour deux trajets par jour. « Nous avons la deuxième plus grande zone d’activités de Bretagne, avec beaucoup d’entreprises de l’agro-alimentaire aux horaires décalés pour lesquelles les transports en commun ne sont pas adaptés », justifie Maria Colas.

La prochaine délégation de service public, qui durera huit ans à partir de 2024, ne concernera plus seulement les transports publics mais les mobilités, incluant la location de vélo, le covoiturage ou l’auto-partage.

Catherine Stern

 

Retrouvez ici notre dossier complet sur le Palmarès des Mobilités 2022 organisé par Ville, Rail & Transports.

Ewa

Comment la RATP se protège des inondations

Une équipe d’agents RATP monte un mur de parpaings autour d’une bouche d’aération du métro, sur l’esplanade des Invalides.

Face aux pluies diluviennes qui se sont abattues hier à Paris, la RATP a dû fermer les accès de plusieurs stations de métro, rappelant que la capitale et les transporteurs doivent se préparer régulièrement à affronter ce type de situation.

Les transporteurs ont encore en tête la dernière forte crue de la Seine, en 2016, qui avait stoppé net la circulation du RER C, obligé à fermer la gare souterraine de Paris-Austerlitz, et occasionné un coût faramineux : plus d’un milliard d’euros sur l’ensemble du bassin parisien. Ils craignent à l’avenir une crue décennale : les dégâts liés à une montée des eaux suivie d’un envahissement de Paris, à l’image de la crue de 1910, a été évaluée à plusieurs de dizaines de milliards d’euros avec l’inondation de 450 000 logements, de 100 000 établissements dans la région et une paralysie du métro pendant au moins six mois.

D’où l’exercice lié aux Plan de préventions des risques inondation (PPRI), organisé le 20 avril par la RATP, comme elle le fait chaque année. Une équipe de huit agents RATP s’est mise en place pour monter un mur de parpaings autour d’une bouche d’aération du métro, sur l’esplanade des Invalides, à quelques centaines de mètres de la station. À leurs côtés, des cadres de l’entreprise les observaient, certains le chronomètre en main. « Notre période d’alerte s’étend du 15 novembre au 1er juin, même si les crues surviennent plutôt en hiver. Elles peuvent surprendre mais le système d’alerte reste fiable », indique l’un d’eux. Aujourd’hui, les bassins de rétention en amont de la Capitale permettent de faire baisser le niveau de la crue.

ratp plan ppri protection alu invalides
La RATP utilise aussi comme technique de protection de ses installations des batardeaux en aluminium bordés de caoutchouc pour assurer l’étanchéité qui se glissent entre des montants fixés au sol grâce à des ancrages scellés autour des entrées de métro par exemple.

« L’exercice organisé consiste à vérifier que les procédures mises en place fonctionnent et que les agents parviennent à construire des protections, alors que ce n’est pas leur métier », explique David Courteille, le coordinateur général PPRI à la RATP. Dans l’équipe, un seul est maçon. Les autres agents travaillent souvent à la maintenance, mais n’ont pas de compétences spécifiques en maçonnerie. Ils ont seulement suivi une courte formation adaptée pour ces interventions exceptionnelles. Néanmoins dans neuf heures, ils devront avoir monté un rectangle de quatre murs de parpaings renforcés de bastaings en bois.

En cas de crue, la RATP, qui est en lien avec la préfecture de Paris, et suit les alertes du logiciel Vigicrue, doit mettre en œuvre son PPRI. Lors de la mise en alerte, les agents devront se rendre dans l’un des 429 points sensibles recensés. Cela va de la simple bouche d’aération, à l’entrée d’une station, en passant par des espaces techniques de la RATP, et tous les points par lesquels l’eau pourrait s’engouffrer en cas de crue.

« Nous avons un contrat avec des transporteurs, eux aussi d’astreinte en cas d’alerte, qui doivent livrer des kits, depuis des zones de stockage en Île-de-France que nous ne souhaitons pas révélés, vers les endroits à protéger », souligne David Courteille. 150 à 200 camions peuvent ainsi être mobilisés pour l’acheminement des marchandises. Les agents doivent réceptionner ces kits complets qui comprennent aussi bien les parpaings que le béton, mais aussi de l’eau en citerne pour préparer ce béton, une bétonneuse et l’essence pour la faire fonctionner, un groupe électrogène pour alimenter l’éclairage ainsi que tous les autres outils comme les pelles et les marteaux.

Au total, les kits représentent 40 000 parpaings, plus de 800 tonnes de mortiers soit 25 000 sacs et environ 600 palettes, 150 bétonnières, 4 000 ml de bastaings en bois pour renforcer les murs de parpaings, et 700 m² de contreplaqué marin.

PAS MOINS DE 900 AGENTS FORMÉS POUR CES OPÉRATIONS PEUVENT ÊTRE MOBILISÉS EN CAS DE MENACE

« Ce type d’exercice est aussi l’occasion de vérifier que les agents ont tout ce dont ils ont besoin, ou de compléter le kit si nécessaire. Et de mesurer le temps qu’ils mettront à construire les protections. Depuis 20 ans, que nous avons mis en place notre PPRI, nous avons pu l’améliorer », poursuit le responsable de la RATP. Le temps gagné peut permettre de construire d’autres protections. Pas moins de 900 agents formés pour ces opérations peuvent être mobilisés en cas de menace. « Nous vérifions qu’en fonction de leur lieu de résidence, ils ne sont pas eux-mêmes impactés par la crue, et que cela ne les empêchera pas de se rendre à un point à protéger. »

La RATP utilise une autre technique de protection de ses installations : des batardeaux en aluminium bordés de caoutchouc pour assurer l’étanchéité qui se glissent entre des montants fixés au sol grâce à des ancrages scellés autour des entrées de métro par exemple. « C’est plus rapide à mettre en œuvre, avec une équipe d’agents. Environ une heure contre plus une journée parfois pour monter des murs en béton. En revanche, c’est plus coûteux à l’achat et nécessite d’installer des ancrages. Mais c’est réutilisable et c’est moins volumineux à stocker. » Toutefois, cette technique n’est pas applicable partout car la force de l’eau peut faire plier et céder, dans certains cas, les batardeaux.

Lancée un peu après 8h00, la protection de la bouche d’aération a été achevée en début d’après-midi. S’il y avait vraiment eu une crue, l’opération aurait pris plus de temps. Il aurait fallu notamment vérifier l’état des installations en envoyant sur le terrain des équipes d’agents formés pour intervenir, en milieu aquatique, et parfois en combinaison NRBC (Nucléaires, radiologiques, biologiques, chimiques) en cas de suspicion de produits chimiques, ou de carburant qui auraient été apportés par la crue.

Yann Goubin

Ewa

Zones peu denses. Rendre compte de la pluralité des territoires

Route 80km/h campagne

Selon la LOM , l’ensemble du territoire doit désormais être couvert par des autorités organisatrices de mobilité. Un défi pour desservir des territoires peu denses, où l’automobile s’impose aujourd’hui. Ces territoires sont mal connus. Trop souvent on se contente de les définir comme ruraux, alors qu’il faudrait les appréhender plus finement afin d’apporter les réponses justes aux questions de mobilité. C’est ce qu’invitent à faire Jérôme Godement, consultant chercheur d’Artimon Transports et Josefina Gimenez, directrice de recherche d’Artimon Perspectives, l’institut de recherche d’Artimon, qui travaille précisément sur les problématiques liées au transport et au développement des territoires.

Par Josefina Gimenez et Jérôme Godement

Uber, Lime, Tier, CityScoot ou Vélib ne sont que quelques exemples d’acteurs privés ou publics qui opèrent dans la capitale et les autres grandes métropoles déjà pourvues de réseaux de transports collectifs denses. Ces nouveaux acteurs permettent dorénavant un accès à une multitude de modes de déplacement supplémentaires : VTC, vélos, trottinettes, voitures et scooters électriques partagés. Si l’utilisation du terme « mobilités » au pluriel convient alors, il est forcé de constater qu’il en est tout autre pour les 89 % restants du territoire français. Dans ces zones peu denses, rares sont les offres alternatives à l’automobile et adaptées aux besoins de ses habitants qui représentent plus de 33 % de la population française selon les chiffres Insee 2019 * (Voir les références à la fin de l’article. Toutes les références sont appelés par un astérisque).

Si faire disparaître la voiture du paysage ne semble pas une ambition réaliste dans un territoire qui s’est construit autour de son usage, en diminuer la dépendance et son empreinte est un objectif réaliste et nécessaire dans un contexte d’urgence climatique, mais pas seulement. La crise des gilets jaunes et les augmentations actuelles et futures du coût de l’énergie mettent en avant la vulnérabilité d’une part de la population vis-à-vis d’un poste de coût difficilement compressible lorsque la majorité des déplacements concernent des trajets domicile-travail.

Longtemps restés en dehors du champ des études de mobilité et du politique, ces territoires ont été noyés dans un ensemble monolithique parfois en simple opposition aux aires urbaines : les zones rurales. Ce terme réducteur est porteur d’un imaginaire collectif qui tend à abandonner ces territoires à la seule activité agricole, à des paysages bucoliques, et masque de réelles pluralités géographiques, d’activités et de peuplement.

Ainsi, pour compenser ces biais et accompagner l’échelon local qui s’empare de ces problématiques, comme le prévoit la loi d’orientation des mobilités, il est primordial de définir clairement la notion de zones peu denses au regard de la mobilité. L’objectif est à la fois d’identifier les critères communs à ces territoires sans masquer la pluralité des situations, ce qui permettra la réalisation des diagnostics nécessaires à l’élaboration d’une politique de mobilités adaptée.

Les caractéristiques partagées des zones peu denses

Le critère humain

En France, l’administration territoriale se compose de trois échelons appelés collectivités territoriales : la commune (34 965), le département (96 + 5 DOM), la région (13). Ces trois niveaux territoriaux se partagent des compétences qui vont de la gestion des écoles primaires, collèges et lycées, à l’urbanisme, aux actions sociales ou aux transports (urbain ou interurbain). La commune, maille la plus fine, sert aujourd’hui de référence à l’Insee lorsqu’il s’agit de calculer la densité d’un territoire et d’en construire sa typologie.

Or, l’utilisation d’un échelon territorial qui date de la Révolution se révèle peu adaptée à l’étude d’une mobilité transformée par l’usage de la voiture qui a eu pour conséquence un étalement des espaces de vie de chacun, et ce bien au-delà de nos communes de résidence (les métropoles font parfois exception).

 » L’ESPACE PEU DENSE EST DÉFICITAIRE EN EMPLOI ET LA VOITURE DEVIENT UNE VECTEUR IN DISPENSABLE DANS LES TRAJETS DOMICILE – TRAVAIL « 

Au problème d’échelle s’ajoute le choix de l’utilisation d’un critère unique. Ainsi, l’emploi de la seule densité de population pour catégoriser un territoire de zone peu dense dans le cadre d’étude de mobilité est source d’interrogation. Facilement exploitables et accessibles, les données de densité font l’objet de mesures précises et récurrentes de la part de l’Insee, mais ignorent les moteurs de la mobilité (ex. emploi, consommation, loisirs, etc.) et l’organisation du territoire dans lequel elle se réalise (ex. topographie, répartition de la population et des acteurs économiques, etc.). Enfin, comme l’indique Frédéric Fortin « la seule appréhension par la notion de densité «manque de finesse, ignorant le relief, le climat, les dynamiques économiques et résidentielles, etc. » *.

Cependant, il est intéressant d’observer que l’Insee a revu en 2021 sa définition du rural. Au critère de densité de population, il ajoute la notion de polarisation des territoires, ce qui va dans le sens d’une prise en compte de l’organisation des territoires qui influe sur les mobilités.

L’accessibilité et les habitudes de mobilité

illustration accessibilite

Des chercheurs tels que Jean-Paul Hubert proposent des définitions alternatives de la zone peu dense tournées sur l’accessibilité et les habitudes de mobilité.

En ajoutant l’accessibilité à la densité comme critère différenciant des territoires, Hubert, Madre et Pistre* mettent en contraste des zones à forte densité d’activité et de population, caractérisées par des trajets courts soutenus par un réseau de transport collectif urbain développé et relayé en périphérie par du transport dit lourd (ex. RER, Transilien). Un modèle qui s’oppose aux zones combinant faible densité d’activité et transport collectif peu développé : c’est « l’espace de dépendance à l’automobile ».

L’usage de l’automobile devient alors un élément discriminant dans la définition de ces espaces qui renferment un tiers de la population française et « où la voiture permet de se déplacer rapidement, c’est‑à‑dire jusqu’à la limite des espaces densément bâtis que nous assimilons aux agglomérations de 10 000 habitants et plus » (Hubert et al., 2016*). L’utilisation de l’automobile par les ménages détermine la définition des territoires peu denses en termes d’accessibilité et d’opportunités pour les populations. Ces éléments sont essentiellement liés à l’emploi : l’espace peu dense est déficitaire en emploi et la voiture devient un vecteur indispensable de la mobilité des populations dans ces trajets domicile – travail (selon l’Insee plus de 89% des salariés des communes des couronnes et hors attraction des villes se rendent sur leur lieu de travail en voiture).

Cependant on observe dans ces territoires un phénomène assez significatif : si l’équipement automobile des ménages y est proche de la saturation (en 2011, 90,3% des ménages disposaient d’au moins une voiture), le kilométrage est en diminution. L’accès à l’emploi explique également ce phénomène. Selon les auteurs, la légère croissance de la motorisation est portée par les ménages inactifs, mais cela ne compense pas la décroissance du kilométrage.

Si, dans ces territoires, les actifs sont captifs de la voiture pour aller travailler, parallèlement « les ménages (actifs ou inactifs) roulent moins : il doit s’ensuivre que la part des kilomètres non dévolus au domicile-travail diminue » (Hubert et al., 2016*). Ainsi, la part de kilométrage dédiée aux déplacements touristiques, aux achats ou aux visites diminue. « Les ménages continueraient donc à réduire leurs déplacements en voiture pour les motifs non obligés notamment les vacances et les sorties de week-end. »

La valeur de la mobilité tient aux possibilités qu’elle offre en termes d’accès aux opportunités professionnelles, mais également dans la création de liens sociaux et l’accès à un grand nombre de services qui participent à l’amélioration de la qualité de vie des populations : tourisme, culture, loisirs,  services de santé, etc.

Ainsi, au-delà de la seule caractérisation de la  population et de son lien à l’emploi, il est important d’inclure dans la qualification d’un territoire un ensemble de critères complémentaires, tels que :

  • La quantité d’opportunités et d’aménités disponibles sur le territoire : ils sont les éléments déclencheurs de l’acte de mobilité (ex. emplois, services, loisirs) ;
  • La quantité/qualité des infrastructures et services de mobilité : elles vont déterminer la nature du moyen utilisé pour effectuer la mobilité (ex. voiture particulière, vélo, transports collectifs, trajet multimodal).

Là où la ville réduit les espaces de vie de chacun, en densifiant les territoires en services, infrastructures et activités, la zone peu dense les étale, avec une faible densité de service, un éloignement des pôles d’emploi, des infrastructures de transport déficitaires ou inadaptées aux besoins de la population. Un étalement qui ne fut possible que par l’utilisation intensive de l’automobile.

Cependant, si la dépendance à la voiture est un trait commun à l’ensemble des territoires peu denses, l’intensité du phénomène n’est pas totalement homogène.

On s’aperçoit que les EPCI ruraux (considérés comme les moins denses) s’approchent des caractéristiques du périurbain de la région parisienne lorsque nous nous concentrons sur le seul usage de la voiture. On observe que l’absence de mode de locomotion est un autre critère bien plus discriminant dans l’identification des zones peu denses qui va de pair avec l’absence ou quasi-absence de solution de transport en commun.

Une taxonomie des zones peu denses basée sur une approche multidimensionnelle

S’extraire d’une définition de la zone peu dense trop régressive, car basée sur une échelle qui ne fait plus sens et sur un critère unique trop restrictif, participe à révéler le caractère pluriel de ces territoires longtemps laissés de côté par les grandes politiques publiques d’aménagement de la Ve République.

Les années 60 et 70 marquent la première tentative de revitalisation du territoire d’une France de tradition centralisatrice avec le concept de « métropoles d’équilibre » qui cherchent à combattre le « marginalisme économique ». 50 ans se sont ensuite écoulés avant que les agendas politiques (ex. mission ruralité, agenda rural européen) portent de nouveau leur attention sur ce pan entier du territoire, remis sous la lumière par les enjeux liés au dérèglement climatique, la situation sociale révélée par le mouvement des Gilets Jaunes et la crise sanitaire qui a marqué le début de cette nouvelle décennie.

 » LES GRANDS PERDANTS DE CETTE STRATÉGIE DE LA MOBILITÉ DES TRAJETS LONGS, SURCONSOMMATRICE DE RESSOURCES, SONT LES ZONES PEU DENSES, INVISIBILISÉES, QU’ON TRAVERSE SANS LES DESSERVIR « 

Un des marqueurs du manque d’intérêt généralisé pour le sujet est le faible nombre d’enquêtes portant sur les comportements et habitudes de mobilité des populations vivant hors des zones urbaines sur ces 30 dernières années : « Depuis l’enquête nationale Transports et déplacements de 2007‑08, il n’existe pas de source statistique donnant une vision globale des utilisations de l’automobile par les ménages vivant dans l’espace peu dense et de leur motorisation ; la dernière enquête aussi détaillée remonte à 1993‑94 » (Hubert et al. 2016*)

Ce constat se confirme dans les politiques de transport, marquées à l’époque par l’arrivée du TGV et le développement du réseau autoroutier, qui ont pour objectif de réduire les distances-temps entre quelques grands pôles, souvent urbains. Les grands perdants de cette stratégie de la mobilité des trajets longs sur-consommatrice de ressources (financières et matérielles) sont les zones peu denses, invisibilisées, qu’on traverse sans les desservir, ce que les géographes ont qualifié « d’effet tunnel ». Même bilan dans la loi Loti de 1982 dans laquelle la notion de ruralité est absente ou se limite au terme de « territoire interurbain ». Ainsi, selon la Gazette des Communes*, les zones peu denses se résument pour la loi Loti à des « interstices dans lesquels l’offre de transport est souvent limitée aux grands axes reliant les villes entre elles ».

Choisir l’échelle et catégoriser le territoire

Comme évoqué plus haut, l’utilisation de l’échelle communale pour l’étude des mobilités est un premier biais qui empêche d’appréhender les habitudes de mobilité dans leur entièreté et donc d’en révéler toute leur complexité. Il est donc nécessaire de redéfinir le cadre de l’objet d’étude avant de se pencher sur le contenant, ce que fait la LOM en encourageant les communautés de communes à s’approprier cette compétence en devenant autorités organisatrices de mobilité (AOM), que ce soit « par la création de syndicat mixte de transport, soit par un pôle d’équilibre territorial, soit en adhérant à un syndicat mixte de transport existant. » (Loi Mobilités, le mémo collectivités, ministère de la transition écologique et solidaire).

La typologie produite en 2021 par l’agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) se différencie en termes d’unité d’analyse territoriale par le choix d’un échelon intermédiaire : l’intercommunalité (EPCI) de type communauté de communes (ComCom) dans le cas des zones peu denses. Cette unité d’analyse permet de rendre compte des relations et transversalités entre différents territoires.

Ainsi, en dehors de la région parisienne et sa banlieue, 70% des actifs ont leur lieu de travail au sein de leur EPCI de résidence. Ce taux peut monter jusqu’à 85% pour les résidents des villes moyennes et des « EPCI ruraux ». Dans un contexte où la part du kilométrage domicile-travail augmente, au détriment des autres déplacements (touristiques, achats ou loisir), l’EPCI semble être désigné comme l’échelle sur laquelle les efforts devront se focaliser.

Il y a pourtant un mais, car comme le précise à juste titre la Gazette des Communes*, la constitution des EPCI « résulte souvent de jeux d’alliances politiques et ne constitue pas toujours une entité géographique cohérente du point de vue de la mobilité quotidienne ».

Typologie basée sur des critères multiples

illustration

 

Depuis sa publication au journal officiel en décembre 2019, la loi d’orientation des mobilités marque donc le grand retour de la problématique de la mobilité du quotidien dans les politiques publiques, et ce sur l’ensemble du territoire.

Sa mise en application prévoit notamment une généralisation des AOM, qui nécessite de se pencher sur les caractéristiques communes et différenciantes de ces territoires afin de dresser des diagnostics de mobilité et de fournir des clés de lecture pertinentes et adaptées à ces nouveaux acteurs d’une mobilité où tout reste à faire.

Ainsi, pour sortir de ce schéma trop englobant et des travers passés, il est primordial de travailler sur une analyse multidimensionnelle qui permettra une typologie plus fine.

Nous pouvons retenir trois premiers axes principaux qui sont géographiques, topologiques et socio-économiques qui permettent de faire une première sous-catégorisation.

A ces critères qui caractérisent les territoires, support de la mobilité, il faut y ajouter ses principaux acteurs : les populations.

Pour dresser des profils pertinents dans l’étude des pratiques, il semble opportun de se baser sur le rapport à la mobilité des individus et des ménages, comme le font Huyghe, Baptiste et Carrière* qui distinguent trois groupes majeurs :

  • Les « assignés territoriaux » : personnes en situation de « mobilité dépendante » dont les déplacements sont réalisés dans un environnement très proche ou avec l’aide d’autres personnes (ex. famille ou amis). Ces populations ont un risque d’isolement très important, si ce n’est une forme d’exclusion de la société ;
  • Les « vulnérables » devant restreindre leur budget dans d’autres domaines (énergie, alimentation, etc.) afin de pouvoir se déplacer. Une hausse des coûts de vie ou des taxes (notamment concernant le carburant) pourrait entraîner une remise en question de leur qualité et de leur mode de vie ;
  • Les « autres mobiles » parvenant à satisfaire eux-mêmes leurs besoins en mobilités.

Dans un environnement où la mobilité est synonyme d’usage de l’automobile et où les trajets domicile-travail représentent la majorité des déplacements, la composante économique est forcément prégnante dans le choix des ménages du fait des coûts élevés de cette forme de mobilité réalisés sur des trajets incompressibles :

  • Obtention du permis de conduire ;
  • Coûts à l’achat du véhicule : prix du véhicule et coût du prêt bancaire ;
  • Coûts à l’usage : carburant, maintenance et assurance.

Comme le montrent les travaux de M. Huyghe sur les comportements de mobilité*, le rapport à la mobilité et la construction des habitudes sont des phénomènes complexes qui nécessitent de s’intéresser à la structure sociodémographique du territoire à la fois pour adapter l’offre. Des exemples simples seraient :

  • La différence d’amplitude horaire du service nécessaire entre des territoires essentiellement peuplés de travailleurs du tertiaire, d’ouvriers travaillant en 3×8 ou de retraités ;
  • L’effet de la structure familiale : la présence ou non d’enfants au sein d’un foyer influera sur la flexibilité des personnes et leur capacité à accepter les changements et les contraintes du transport collectif.

La notion de « trajectoires mobilitaires » décrite dans Cailly et al., 2020* met en relief les pratiques de mobilité à la lumière des conditions et de ces changements individuels et familiaux qui impactent les pratiques de mobilité, ce qui rend compte de la dynamique et la pluralité des territoires et de leurs populations.

L’objectif est alors de comprendre non seulement les usages de la voiture, mais aussi les déplacements spatiaux et temporels, les changements de modes de déplacement, des pratiques et les ruptures individuelles qui les accompagnent.

Comprendre les territoires à la lumière de la LOM

En permettant la prise de compétence de mobilité par les EPCI de type communautés de communes (effective depuis le 1er juillet 2021), le législateur rapproche la politique de mobilité de son contexte territorial. Ce choix d’échelle laisse espérer des politiques de mobilités au plus proche de la diversité et des spécificités des besoins et territoires.

Cette prise de conscience de la diversité des territoires se traduit dans la LOM par une grande autonomie donnée à ces nouvelles AOM et un outil de planification plus souple : les plans de mobilité simplifiés (PMS). Le PMS se veut complémentaire du plan de mobilité (ancien plan de déplacement urbain) à destination des agglomérations de plus de 100 000 habitants. Comme le précise le Cerema dans sa note de synthèse*, le PMS en étant peu cadré par la loi permet une forte adaptation aux contextes et enjeux de chacun, tout en laissant sa place à l’innovation. Ainsi, malgré le fait que les AOM concernées par le PMS soient bien compétentes sur tout un ensemble de services de mobilité, le cadre législatif ne prévoit aucune obligation de déploiement et de gestion. Chaque AOM est libre de choisir les services les plus adaptés à ses besoins. Cependant, si la volonté d’offrir de la souplesse et de l’autonomie aux AOM semble aller dans le bon sens, l’absence de toute obligation et un PMS conditionné à la seule volonté des acteurs peut susciter des interrogations, d’autant plus que la LOM s’inscrit dans un contexte d’urgence climatique (ex. évaluation environnementale non obligatoire) et d’un équilibre social un peu plus fragilisé par le renchérissement durable de l’énergie.

Cette autonomie atteint ses limites lorsqu’il est question du financement de ces services. Ainsi, le versement mobilité (anciennement versement transport), qui forme la principale source de revenu des AOM, est conditionné par la présence d’un service de transport public régulier sur le territoire, service coûteux et pas toujours adapté à ce type de territoire. À titre indicatif, le financement des nouveaux services de mobilité est aujourd’hui assuré à plus de 40 % par le versement mobilité (VM) prélevé par les AOM sur toutes les entreprises de plus de 11 salariés (Loi Mobilités, Le mémo collectivités, ministère de la transition écologique et solidaire). « En incitant les intercommunalités à prendre la compétence mobilité sans garantir de financement durable associé, la nouvelle loi limite donc fortement leur marge d’action», note la Gazette des  Communes*. Outre la possibilité pour les AOM d’avoir accès à des financements dédiés (subventions, appels à projets, etc.) la prépondérance du VM basé sur la vitalité économique du territoire pose plusieurs questions :

  • Un risque de création ou de creusement des inégalités entre les territoires, favorisant les territoires les plus dynamiques économiquement ;
  • Une absence de VM comme élément d’attractivité des territoires à destination des entreprises au détriment des services de mobilité.

Parallèlement au cadre politique et de gouvernance, l’existence de nouveaux bassins de mobilité pose les questions :

  • Des modèles de mobilité à inventer qui ne pourront être une simple transposition du réseau urbain qui s’appuie sur un maillage de lignes régulières denses ;
  • Du changement du comportement des usagers, historiquement dépendants de la facilité et de la vitesse de déplacement offertes par la voiture particulière dans ce type de territoires.

Ainsi, si le transfert des compétences de mobilité rapproche la politique des mobilités de son territoire d’application, et encourage la prise en compte des spécificités et besoins des populations et de leurs territoires, le cadre d’opérationnalisation du dispositif n’est pas en l’état l’assurance d’une prise de compétence réussie pour cet échelon territorial encore relativement récent. Se posera également la question de l’accompagnement des territoires dans la définition de leurs besoins, l’application des stratégies et l’assurance d’une égalité de services entre les territoires.

Le transfert de compétences et la création d’AOM « locales » pour travailler les plans de mobilité de territoires jusqu’alors oubliés semblent aller dans le bon sens en termes de retour à la proximité et de prise en compte des spécificités locales. Toutefois, l’absence de financement pérenne, d’obligation de service et les difficultés en termes d’infrastructure risquent de faire ressortir ou d’alimenter des inégalités territoriales déjà existantes, notamment en termes d’intégration de nouvelles solutions, d’innovation ou de vitalité sociale et économique. Ainsi la volonté politique et les ambitions concernant le développement des territoires demeurent, somme toute, des facteurs déterminants de la redynamisation de ces zones.

La recherche permet de mettre en relief des éléments caractéristiques à prendre en compte dans l’élaboration d’un plan de mobilité pour ces territoires, mais aussi dans la compréhension des habitudes et besoins des populations. Prendre en compte ces spécificités signifie apporter une vision proche du terrain qui saisit les motifs des déplacements ou d’absence de déplacement, et leurs impacts (sociaux, économiques, psychologiques…) sur les usagers. Il s’agit également d’apporter une vision qui ne résume pas les territoires et leurs habitants à une typologie d’espace, ce qui permet d’envisager un champ plus large de solutions.

C’est ainsi que la politique de mobilité prend tout son sens, ouvrant les perspectives au travail coordonné avec d’autres politiques publiques (urbanisme, emploi, éducation, mais aussi services publics et services à la personne…), condition nécessaire pour répondre de manière systémique et durable aux enjeux nombreux des territoires.

Voir la version originale du texte avec ses illustrations sur le site d’Artimon : https://artimon.fr/.

Note : Artimon Perspectives, institut de recherche d’Artimon, rencontre différents acteurs dans l’objectif de mieux appréhender les difficultés rencontrées par les communautés de communes dans l’adoption des nouvelles responsabilités d’AOM. Nos lecteurs qui souhaitent partager leur expérience peuvent contacter Artimon Perspectives :
perspectives@artimon.fr


Références : 

  • Agence Nationale de la Cohésion des Territoires (2021), La France en douze portraits.
  • Brutel C., Pages J., La voiture reste majoritaire pour les déplacements domicile – travail, même pour de courtes distances, INSEE Première n°1835, 19/01/2021.
  • Cailly L, Huyghe M, Oppenchaim N, (2020), Les trajectoires mobilitaires : une notion clef pour penser et accompagner les changements de modes de déplacements ?, Flux (2020) N° 121(3) 52-66.
  • Cerema (2018) Les zones blanches de mobilité : de quoi s’agit-il ?
  • Cerema (2019) Expériences d’accompagnement personnalisé pour faciliter les mobilités en milieu rural et périurbain, Rapport d’étude, 78 p.
  • Cerema (2020) Le plan de mobilité simplifié.
  • Cerema (2021) Loi Mobilités : Les communautés de communes et la compétence mobilité — mode d’emploi, 12 p.
  • Colard J. et al. (2021) Mobilité dans les espaces périphériques et peu denses: pour un territoire plus accessible ? France Stratégie Document de travail n° 2021-02, 56 p.
  • Fortin F. (2021) Mobilité dans les zones peu denses en 2040 : il faudra encore compter avec la voiture, Banque des territoires.
  • George P. (1967), Métropoles d’équilibre, Revue géographique des Pyrénées et du Sud-Ouest. Sud-Ouest Européen Année 1967 38-2 pp. 105-111
  • Hubert J, Madre J, Pistre P (2016), L’utilisation de l’automobile par les ménages dans les territoires peu denses : analyse croisée par les enquêtes sur la mobilité et le Recensement de la population, Economie et statistique (2016) 483(1) 179-203.
  • Huyghe M., Baptiste H., Carrière JP. (2013), Quelles organisations de la mobilité plus durable et moins dépendante de la voiture dans les espaces ruraux à faible densité ? L’exemple du Parc naturel régional Loire-Anjou-Touraine, Développement durable et territoire, octobre 2013.
  • Huyghe M. (2015), « Habiter les territoires ruraux – Comprendre les dynamiques spatiales et sociales à l’œuvre, évaluer les perspectives d’évolution des pratiques de mobilité des ménages » thèse, Université de Tours. Ecole Doctorale « Sciences de l’Homme et de la Société », UMR 7324 CNRS-CITERES, 16/11/2015.
  • Insee, La France et ses territoires, INSEE.fr paru le 29/04/2021, https://cutt.ly/AHdfTgv.
  • Labaronne D. et al. (2019), Ruralités : une ambition à partager ANCT, 129p.
  • Observatoire des territoires (2021) La France en douze portraits : Rapport 2019-2020, ANCT, 34 p.
  • TechniCité, Loi d’orientation des mobilités : une réforme en trompe-l’œil pour les zones rurales, La Gazette des Communes, 07/05/2021, https://cutt.ly/yHdfsv8.

Ewa

Et si l’avion redécollait dans le monde d’après ?

bolloré avion cargo

La crise sanitaire a eu de lourdes répercussions immédiates pour le transport aérien. Répercussions que détaille une étude réalisée par le bureau de recherche 6-t pour l’Autorité de la qualité de service dans les transports. Mais elle ne semble pas avoir considérablement entamé la volonté de voyager loin en avion. Dur pour le futur bilan carbone…

Par Clarice Horn, Camille Krier, Nicolas Louvet – cabinet 6t

Crise sanitaire et voyages longue distance

La crise sanitaire liée à la pandémie de COVID-19 a eu de multiples conséquences sur le quotidien des individus et a tout particulièrement affecté leurs déplacements, en termes de distances parcourues, de modes utilisés ou de motifs et conditions de voyage. En fonction de l’évolution locale de la situation sanitaire, les mesures mises en place par les pouvoirs publics à partir de mars 2020 ont plus ou moins étroitement circonscrit le périmètre de déplacement des citoyens. Le ralentissement de la pandémie combiné à l’accélération de la campagne de vaccination en France et à l’international ont permis la reprise des activités et des déplacements liés aux loisirs et au tourisme.

En parallèle, les conditions de voyage en modes collectifs longue distance ont fait l’objet d’adaptations, afin de pouvoir respecter les mesures sanitaires en vigueur, affectant ainsi l’expérience des voyageurs. De plus, ces modes ont durablement souffert d’une perception négative liée à l’image de promiscuité qui leur est associée, certains voyageurs pouvant craindre d’être contaminés1 . Tous ces éléments ont bouleversé le ressenti des voyageurs interurbains et internationaux utilisant le train, l’avion, mais aussi le car, le covoiturage longue distance ou encore le bateau.

6t-bureau de recherche a donc cherché à appréhender l’effet de la crise sanitaire sur l’expérience vécue des voyageurs en modes collectifs longue distance depuis mars 2020. Pour ce faire, 6t a réalisé une étude pour le compte de l’Autorité de la Qualité de Service dans les Transports (AQST), via une méthodologie qualitative, adaptée à l’analyse des perceptions et expériences vécues. Une série de 20 entretiens semi-directifs a pour cela été réalisée, permettant de comprendre comment la crise a pu bouleverser et remanier ou non les pratiques de voyage longue distance.

La crise sanitaire comme élément de rupture des habitudes de voyage

La crise sanitaire et les mesures de confinement instaurées pour tenter d’endiguer l’épidémie ont mis un coup d’arrêt brutal aux déplacements et, plus encore, aux voyages longue distance. Des projets de voyages ont ainsi été annulés ou reportés. Ces annulations ont souvent été contraintes (suppression de trajets par les compagnies et/ou mesures gouvernementales de restriction de circulation ou de fermeture des frontières), mais ont aussi pu être volontaires, certains voyageurs renonçant d’eux-mêmes face à une situation jugée trop incertaine (risque perçu de contamination durant le déplacement, notamment à bord d’une cabine fermé, mais aussi crainte d’une annulation au dernier moment, voire d’un isolement à l’arrivée).

 » LA PLUPART EXPRIMENT UNE VOLONTÉ DE RATTRAPER LE TEMPS PERDU « 

L’obtention de compensations sous la forme d’avoirs ou de remboursements s’est révélée plus ou moins complexe selon les cas, une multiplicité d’acteurs impliqués (notamment des intermédiaires tels que les comparateurs) étant associée à davantage de difficultés. Les mésaventures de certains voyageurs ont pu les inciter à adopter de nouvelles pratiques de réservation, telle la souscription d’une assurance. En cas de report de voyage, des destinations moins lointaines ont parfois été choisies, jugées plus sûres, tant en ce qui concerne les restrictions que le risque sanitaire. Face à l’incertitude, la réservation en dernière minute est également apparue comme une pratique nouvelle pour certains.

Voyager en période de crise : des mesures sanitaires à l’influence ambivalente

Les voyages longue distance réalisés en modes collectifs durant la crise sanitaire ont nécessité des précautions supplémentaires, en comparaison avec les pratiques de la période pré-crise. L’étape de préparation du voyage s’est révélée complexe et chronophage, notamment concernant la recherche d’informations sur les mesures en vigueur dans les différents pays. La variabilité de ces mesures, dans l’espace mais aussi dans le temps a rendu leur lecture particulièrement délicate. Combiné à la complexité des règles et parfois à la barrière de langue pour les voyages internationaux, cela soulève de forts enjeux d’accessibilité et de lisibilité de l’information. Ont pu en résulter des quiproquos affectant négativement l’expérience des voyageurs, tels que l’impossibilité de monter à bord ou l’obligation d’observer une période d’isolement non prévue à l’arrivée. Disposer d’informations claires, à jour et, idéalement, harmonisées entre territoires apparaît comme nécessaire aux yeux des voyageurs.

 » L’ÉTAPE DE PRÉPARATION DU VOYAGE S’EST RÉVÉLÉE COMPLEXE ET CHRONOPHAGE « 

Une fois dans les gares et les aéroports ou à bord des véhicules, les mesures sanitaires (distanciation, port du masque, etc.) influent de manière ambivalente sur les perceptions des voyageurs. Elles peuvent d’une part représenter une gêne et affecter négativement le ressenti du confort mais, d’autre part, apparaître comme rassurantes et renforcer leur sentiment de sécurité. Leur pénibilité étant relativisée aux bénéfices apportés par le voyage, elles sont en général acceptées comme une condition nécessaire. À noter que la flexibilité nouvelle apportée par la crise en termes d’échange ou de remboursement semble désormais considérée comme un acquis, auquel les voyageurs pourraient difficilement renoncer si cette politique n’était pas pérennisée par les compagnies.    

Voyager dans le monde d’après : un retour aux pratiques de mobilité longue distance du monde d’avant ?

Si la crise a bouleversé les habitudes de voyage et contraint les individus dans leurs projets, la plupart expriment une volonté de rattraper le temps perdu et de reprendre un rythme de voyage soutenu après la crise. Après une période de restrictions portant sur une pratique considérée pour certains comme un besoin (le voyage longue distance et la recherche de l’exotisme), nombreux sont ceux qui souhaitent voyager à nouveau, comme avant.

Alors que des modes comme le train ou des formes de tourisme plus locales (en France ou dans les pays limitrophes) ont pu être (re)découverts à la faveur de la crise, la pérennisation de ces pratiques se révèle bien incertaine. Bien qu’elle ait pu permettre une prise de conscience de l’impact environnemental de certains voyages, la crise ne semble pas avoir considérablement entamé la volonté de voyager loin en avion. Dans une optique de réduction des émissions associées à la mobilité, et notamment à la mobilité de loisirs longue distance, ce constat est peu rassurant pour la réalisation de scénarios bas carbone. En matière de mobilité longue distance, il s’agit donc de ne pas relâcher les efforts engagés (tels que la fin des liaisons aériennes internes à la France et d’une durée de moins de 2h30 pour lesquelles il existe une liaison ferroviaire, introduite par la loi Climat et Résilience2 ), afin d’éviter un retour au « monde d’avant », dommageable à l’environnement comme à la société.

1Voir par exemple : https://cutt.ly/5Ho8oxm ou https://cutt.ly/CHo8a3A.

2 Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique er renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et Résilience.

Ewa

Vinci présente le baromètre de l’autosolisme

voiture Paris pollution

Selon Vinci Autoroutes, qui a dévoilé en avril les résultats de son premier baromètre de l’autosolisme, « plus de huit conducteurs sur 10 se déplacent seuls dans le cadre de leurs trajets du quotidien ». Seuls 17,4 % des véhicules analysés transportent au moins deux personnes. Le pic moyen d’autosolisme atteint 89 % à 8 heures. En d’autres termes, selon Vinci Autoroutes, « c’est au moment où il est le plus pénalisant, soit aux heures de pointe, que l’autosolisme est le plus pratiqué ». Cela dit, le taux d’autosolisme varie « du simple au quadruple » selon les sections observées. L’étude, réalisée à l’automne 2021, en collaboration avec Cyclope.ai, porte sur 1,5 million de véhicules circulant entre 8h et 10h à proximité de 11 agglomérations françaises : Aix-en-Provence, Biarritz, Bordeaux, Lyon, Montpellier, Nantes (A11 et A83), Nice, Toulon, Toulouse (A62 et A64), Tours et Ile-de-France. Elle a été réalisée en association avec la Région Île-de-France, le syndicat Nouvelle-Aquitaine Mobilités, Tours Métropole Val de Loire, la communauté d’agglomération du Pays basque et Montpellier Méditerranée Métropole, ainsi que les plateformes de covoiturage Blablacar, Klaxit et Ecov.

La deuxième édition du baromètre doit être diffusée ce mois-ci sur le site de Vinci Autoroutes.

Ewa

Frédéric Delorme réclame un « plan Marshall » pour le réseau ferroviaire

frederic Delorme

Frédéric Delorme, président de Rail Logistics Europe, est un ardent défenseur du transport ferroviaire de marchandises. Invité du Club Ville Rail & Transports le 17 février, il a plaidé pour des investissements massifs en faveur du rail pour réussir la transition énergétique. Il a aussi annoncé les premiers résultats positifs pour Fret SNCF, porté par une reprise d’activité, dans un contexte où la décarbonation des transports commence à être prise en compte très sérieusement par les clients.

« Les planètes n’ont jamais été aussi alignées pour une relance du transport ferroviaire de marchandises », assure avec optimisme Frédéric Delorme, le président de Rail Logistics Europe, invité du Club VRT le 17 février. Il estime que, face à l’enjeu environnemental, la route, qui reste le principal mode de transport de marchandises, a encore beaucoup à faire pour réaliser sa transition énergétique et réduire ses émissions, tandis que le fret ferroviaire est un moyen efficace pour répondre immédiatement aux besoins de l’industrie de notre pays, tout en réduisant les externalités des transports.

Nouveau nom, nouvelles ambitions

Il y a deux ans, TFMM (Transport ferroviaire et multimodal de marchandises) devenait Rail Logistics Europe. « Plus qu’un changement de nom, il s’agissait de clarifier notre offre, d’affirmer notre ambition d’être reconnu comme un partenaire de fret ferroviaire et de logistique, et de faire savoir que nous proposons tous les services de fret dans 10 pays européens », explique Frédéric Delorme. Rail Logistics Europe regroupe Fret SNCF, VIIA, Captrain, Naviland Cargo et Forwardis, le tout assurant 1,6 milliard d’euros de CA, dont la moitié réalisée par Fret SNCF. « Nous sommes la première entreprise ferroviaire en France, et VIIA est un opérateur de transport combiné exploitant des autoroutes ferroviaires. En Europe, nous sommes troisième en commission avec Forwardis et cinquième pour le combiné avec Naviland. Nous sommes un acteur clé de la décarbonisation en Europe », détaille Frédéric Delorme, en rappelant qu’une tonne de marchandises transportée par le train, c’est six fois moins d’énergie consommée, huit fois moins d’émissions de particules nocives et 14 fois moins d’émissions de CO2 que par la route.

En 2021, Fret SNCF a renoué avec les bénéfices pour la première fois depuis longtemps. En 2020, l’entreprise avait enregistré 105 millions d’euros de pertes. « Tous les résultats de nos filiales sont dans le vert, y compris pour nos filiales étrangères », précise-t-il.

Cette amélioration des comptes de Fret SNCF s’explique par la hausse de l’activité, mais aussi par des efforts de productivité (avec notamment l’augmentation du nombre des rotations) liés à la réduction des frais de structures. Le secteur a également bénéficié de l’aide financière des pouvoirs publics pour les péages et les wagons isolés. « Le wagon isolé est structurellement déficitaire. Sans coup de pouce de l’Etat, cette activité serait amenée à disparaître », rappelle-t-il.

 » LE WAGON ISOLÉ EST STRUCTURELLEMENT DÉFICITAIRE. SANS COUP DE POUCE DE L’ETAT, CETTE ACTIVITÉ SERAIT AMENÉE À DISPARAÎTRE « 

Politique de reconquête

« Nous sommes dans une politique de reconquête », souligne Frédéric Delorme. Fret SNCF a déjà augmenté son trafic de 10 % en 2021, davantage que la moyenne européenne (le volume devrait revenir cette année au niveau d’avant-crise), Naviland a vu son activité progresser de 25 % l’an passé, tandis que VIIA enregistrait une progression de 38 % par rapport à 2020. Parmi les autres nouvelles positives, l’entreprise a gagné le marché pour lancer une cinquième autoroute ferroviaire entre Sète et Calais en 2023, comme le rappelle le dirigeant , qui ajoute : « Cette nouvelle liaison permettra d’éviter 43 000 camions sur les routes et de réduire de 40 000 tonnes le CO2 rejeté dans l’atmosphère chaque année. »

Frédéric Delorme se félicite d’avoir repris des trafics à la route. Et donne quelques exemples comme le transport de containers entre Grand Est et Gennevilliers pour les ciments Vicat. Ou encore le gain par Novatrans de nouveaux trafics entre la France et l’Italie, qui permettront de supprimer 12 000 camions sur les routes. La société de combiné a également lancé une relation hebdomadaire entre la France et l’Espagne pour la société Cristalco, qui a choisi le report modal afin d’éviter de mettre 3 600 camions aller/retour sur la route, ce qui permet de réduire de 5 000 tonnes ses émissions de CO2. Captrain a rouvert des lignes en Allemagne pour transporter des déchets… « De nouveaux clients reviennent de la route vers le fer, poussés par la volonté d’être plus verts », constate le président de Rail Logistics Europe, qui se souvient : « Il y a 15 ans, lorsque j’étais à Fret SNCF, on parlait prix et qualité. Désormais, nos clients font passer leur bilan carbone au rang de leurs principales priorités. » Frédéric Delorme poursuit : « Des entreprises soucieuses de leur image s’intéressent à l’autoroute ferroviaire ou achètent des trains complets », et cite Amazon, groupe ô combien symbolique.

Ecolabels

Même si le coût du transport routier va augmenter, en raison notamment de la pénurie de routiers, permettant à l’écart de compétitivité de se réduire progressivement, il faut continuer à soutenir le fret ferroviaire pour lui permettre d’être dans le marché. Frédéric Delorme se dit favorable à une politique incitative plutôt que punitive.

Il préfère ainsi des mécanismes de défiscalisation ou de sur-amortissement qui pourraient être mis en place par exemple au bénéfice d’investissements qui ne nuisent pas à la santé.

Si Fret SNCF utilise encore quelques locomotives diesel, 90 % des tonnes-km transportées par Fret SNCF le sont sous caténaires, avec une énergie nucléaire décarbonée, alors que pour le transport routier, 95 % de la transition énergétique reste à faire. « Notre solution de transport, qui émet 14 fois moins de CO2 que par la route, est disponible immédiatement », souligne Frédéric Delorme qui propose une autre idée : la mise en place de certificats verts et blancs, vertueux pour la planète et la santé, ou encore la création d’écolabels pour que les consommateurs puissent faire leurs choix en toute connaissance de cause.

« 1 000 km réalisés sur autoroute ferroviaire, c’est 800 euros de valeur sociétale, si on prend en compte la moindre accidentologie, la décarbonisation et la dépollution, par rapport à un transport par camion », précise Frédéric Delorme.

Partie prenante de l’alliance 4F

Pour aller plus loin, la SNCF participe à l’alliance 4F (Fret Ferroviaire Français du Futur), mise en place en 2020 par les acteurs de la filière pour proposer une série d’investissements. Evalués à plus de 10 milliards d’euros, ils doivent permettre de doubler en dix ans la part modale du ferroviaire en la faisant passer à 18 %. C’était le niveau du fret ferroviaire il y a 30 ans.

Cette régression du fret ferroviaire au fil du temps s’explique, selon Frédéric Delorme, par la désindustrialisation de notre pays, la moindre compétitivité des ports français face à ses grands concurrents européens, et par le fait que les trains de fret passent toujours après ceux transportant des voyageurs.

De plus, ces dernières années, la part des subventions dédiée au fret en France a été la moins forte d’Europe, à égalité avec l’Espagne. Le président de Rail Logistics Europe y voit une corrélation avec cette part modale qui ne dépasse pas 9 % en France, contre 14 % en Italie, 18 % en Allemagne, 32 % en Autriche ou 35 % en Suisse. La France ne consacre que 49 euros par an et par habitant au réseau, soit neuf fois moins que la Suisse, cinq fois moins que l’Autriche et deux fois moins que l’Allemagne ou l’Italie.

Pour que le fret ferroviaire regagne des parts de marché, le dirigeant insiste sur la nécessité de subventions publiques afin de compenser l’inégalité avec la route qui ne paye pas ses infrastructures, ni ses émissions. D’où un déséquilibre de compétitivité et l’idée d’instaurer le principe du pollueur-payeur. « Mais on a vu ce que cela donnait avec les bonnets rouges… », rappelle-t-il.

De son côté, l’alliance 4F a transmis une liste de 72 mesures au gouvernement. Celui-ci a déjà lancé un plan de relance de plus de quatre milliards d’euros en faveur du ferroviaire (principalement ciblés sur les infrastructures), auquel s’ajoute le soutien au fret ferroviaire via une aide annuelle de 170 millions d’euros jusqu’en 2024. « S’il est satisfaisant d’avoir une vision pluriannuelle avec cet engagement, il faudra aller au-delà, car cela ne suffira pas. Il faudra continuer à investir au-delà de cette date », prévient Frédéric Delorme qui, avec 4F, appelle le prochain président de la République à poursuivre les efforts au cours des dix prochaines années et à « oser une mutation écologique et technologique, porteuse de sens ».

Et de rappeler que, grâce à son activité, Rail Logistics Europe a permis d’éviter 1,4 milliard d’euros d’externalités : émissions de CO2 et de particules. « Presque l’équivalent de notre CA, ce qui, en ces temps d’urgence climatique, où la pollution cause 50 000 morts prématurées par an, doit être pris en compte. »

Plan de relance

« La relance ferroviaire ne sera efficace que si on raisonne globalement », insiste le président de Rail Logistics Europe. Pour tenir les objectifs de doublement du fret ferroviaire, il faudra tripler le transport combiné. Ce qui nécessite de pouvoir bénéficier de sillons de qualité, permettant d’assurer la ponctualité. « Il faut un plan Marshall pour le réseau ferroviaire », martèle Frédéric Delorme. Plan qui profitera non seulement au fret mais aussi à l’acheminement des voyageurs.

Il estime en effet que le principal frein du ferroviaire est de ne pas disposer de sillons pour répondre aux besoins du marché, et met en garde : « Si on ne lance pas un plan Marshall en investissant 10 milliards comme le préconise 4F, nous aurons de plus en plus de difficultés. »

 » SI ON NE LANCE PAS UN PLAN MARSHALL EN INVESTISSANT 10 MILLAIRDS, NOUS AURONS DE PLUS EN PLUS DE DIFFICULTÉS « 

Selon Frédéric Delorme il faut gérer différemment les plannings de chantiers, afin de ne plus pénaliser le fret qui circule souvent de nuit, moment choisi pour réaliser les travaux. C’est dans ce but que 200 millions ont été engagés jusqu’à 2024 pour permettre à SNCF Réseau de réorganiser différemment des travaux en vue d’assurer de bons sillons au fret. « Sur le long terme, il y a un énorme enjeu pour le réseau », insiste-t-il, car si, globalement, la réponse actuelle en sillons est satisfaisante en qualité et en quantité pour le trafic conventionnel qui sert notamment l’industrie sidérurgique, le papier et la chimie, le transport combiné souffre d’un manque de qualité : 70 % des sillons proposés pour les autoroutes ferroviaires ne répondent pas aux besoins du marché. « Il faut du cadencement, avec des horaires précis et de la fréquence pour faire venir les transporteurs routiers. D’où la nécessité de continuer à investir de manière massive pour régénérer le réseau entre 2024 et 2030 ».

Les décisions qui seront prises au cours du prochain quinquennat présidentiel seront donc déterminantes. Après les premières décisions de ce gouvernement en faveur du fret ferroviaire, Frédéric Delorme attend un « acte II ». A court terme, il exprime le souhait que le fret ne soit plus pénalisé face au transport de voyageurs et que des sillons soient sacralisés. « On a besoin de capacités réservées permettant d’assurer des temps de transport dans le marché, afin de répondre à des commandes de dernière minute », plaide-t-il.

Dans l’attente du rapport du conseil d’orientation des infrastructures

« Nous attendons la remise du rapport du conseil d’orientation des infrastructures (COI) sur la stratégie de développement du fret ferroviaire, mais il va falloir être créatif et aller vite. Nous avons besoin d’une loi de programmation pour doubler le fret ferroviaire, comme c’est écrit dans la loi Climat », continue le dirigeant. « Ce qui sera décidé sur la saturation des nœuds ferroviaires et sur les lignes capillaires, qui acheminent 50 % des trafics de fret, sera déterminant. Si on le rate, nous risquons d’être largués par le reste de l’Europe. Notre industrie patinera, et les objectifs de réduction de CO2 ne seront pas atteints », prévient-il, avant d’ajouter que « le cap fixé est réalisable, à condition de sacrément se remuer ».

Tous bords politiques confondus, tout le monde veut du fret ferroviaire, et une pression citoyenne s’exerce. Or, au rythme actuel, on prend déjà du retard, poursuit-il. Les 10 milliards d’euros d’investissements préconisés par l’Alliance 4F apporteront à terme des économies bien supérieures, puisqu’ils pourraient générer de 25 à 30 milliards de bénéfices en valeur sociétale. « Il faut que les politiques les intègrent », insiste Frédéric Delorme.

Valérie Chrzavzez

Ewa

« Il est temps de lancer au plus vite des réseaux express métropolitains »

Jean Claude Degand

A l’exception de l’Ile-de-France, les territoires périurbains sont bien mal desservis par le train. La LOM a pourtant fait émerger la notion de Réseau Express Métropolitain (REM). Il est grand temps de permettre à ces réseaux de voir le jour, estime Jean-Claude Degand, ancien directeur du périurbain de la SNCF. Sans oublier de mettre à niveau les RER franciliens.

 

L’accélération du réchauffement climatique impose de prendre, au cours du mandat présidentiel qui vient, les décisions essentielles pour réussir la transition écologique.

La question des mobilités a été à l’origine de la secousse majeure du quinquennat des Gilets Jaunes, et notamment l’absence de solutions transports crédibles hors des agglomérations pour les mobilités du quotidien.

Trois ans plus tard, l’inadaptation des transports publics dès que l’on s’éloigne des zones denses des agglomérations reste. Le traitement enfin engagé des « petites » lignes ferroviaires, pour être nécessaire et souvent urgent vu leur état, est une réponse très partielle parce que ces lignes ne concernent le plus souvent que la partie la plus rurale du territoire.

La difficulté essentielle, bien mise en évidence par le mouvement des Gilets Jaunes, se situe en effet dans les couronnes périurbaines des agglomérations, et notamment les plus grandes, qui se sont développées de façon continue depuis les années 70. Dans ces territoires, les autoroutes et les voiries rapides ont étalé l’habitat sur de vastes aires urbaines archipélisées. C’est le refuge des plus modestes et le vote protestataire y est fort.

 » LES TERRITOIRES PÉRIURBAINS SONT LE REFUGE DES PLUS MODESTES ET LE VOTE PROTESTATAIRE Y EST FORT « 

A l’exception notable de l’Ile-de-France, ces territoires périurbains sont mal desservis par le train qui n’offre pas les fréquences, l’amplitude et la finesse de desserte pour répondre aux besoins. Les quelque 15 millions d’habitants qui y vivent sont presque toujours captifs de l’automobile pour leurs déplacements quotidiens. Quelles solutions alors ?

La Loi d’Orientation des Mobilités (LOM) votée en 2019 y répond pour la première fois en introduisant la notion de Réseaux Express Métropolitains (REM) : il s’agit de mettre en place des réseaux ferrés à haute cadence parcourant les territoires agglomérés et les couronnes périurbaines des métropoles, en s’appuyant sur les réseaux ferroviaires en étoile que les générations passées nous ont légué et qui sont autant de pénétrantes rapides au cœur des agglomérations. Une extension en quelque sorte aux métropoles régionales du concept de RER bien connu en Ile-de-France, mais aussi le choix opéré par de nombreuses métropoles européennes.

En Allemagne par exemple, où, depuis les années 50 et 60, pas moins de 12 réseaux S-Bahn ont été aménagés, qui sont pour beaucoup dans le développement urbain structuré des capitales des Länder. Ou encore en Espagne, où 14 réseaux Cercanias de banlieue ont été mis en place depuis les années 80. En quelque sorte, restructurer et transformer les réseaux ferrés de la périphérie de nos métropoles à l’aune du mass transit.

Une étude, confiée à SNCF Réseau en application de la LOM, a confirmé la pertinence de ce concept. 22 agglomérations ont ainsi été recensées comme cas d’application possibles, mais à l’exception de Bordeaux et d’une ou deux autres agglomérations, les agglomérations intéressées ne se bousculent pas. En attribuer la cause à la relance récente du programme TGV n’est pas exact, et élude largement les causes réelles des difficultés rencontrées.

Que l’on ne s’y trompe pas : les réseaux express métropolitains que l’on appelle de nos vœux sont le plus souvent des projets d’infrastructures majeurs, d’une échelle financière considérable au regard des ressources financières directement mobilisables au niveau des agglomérations.

 » EN ALLEMAGNE, DEPUIS LES ANNÉES 50 ET 60, PAS MOINS DE 12 RÉSEAUX DE S-BAHN ONT ÉTÉ AMÉNAGÉS « 

Il s’agit aussi de projets complexes, en interaction avec les autres activités ferroviaires, dans lesquels une collectivité se doit de vérifier avant de s’engager qu’elle aura une maîtrise suffisante du processus, à l’abri des conséquences de nouveaux arbitrages techniques ou financiers du gestionnaire du réseau ferroviaire sur lesquels sa prise est limitée. Chacun a ici en tête la dérive financière du projet EOLE en Ile-de-France ou encore, dans cette même région, les errements de l’exploitation des RER.

Le parallèle avec les cas allemand et espagnol est d’ailleurs fort instructif ; si des réseaux analogues à nos projets de réseaux express métropolitains y ont vu le jour, c’est parce qu’ils ont répondu d’abord à une forte volonté politique nationale en dépit du caractère bien plus décentralisé de ces pays que le nôtre. En Allemagne, l’Etat fédéral a financé à 80 % les travaux d’infrastructures correspondants. En Espagne, le rôle de l’opérateur ferroviaire national a été décisif.

En France, le quinquennat qui s’achève a manifestement créé, avec la réforme ferroviaire et la LOM, un environnement juridique et économique plus favorable pour le développement de tels projets : il importe maintenant de poursuivre et d’amplifier la démarche, et de mettre en place un véritable programme national de mise en place des réseaux express métropolitains. Ce programme servira de boussole pour le développement des transports publics du quotidien en régions afin qu’ils touchent d’ici 2035/2040 le plus grand nombre de nos compatriotes, y compris dans les zones périurbaines.

 » 22 AGGLOMÉRATIONS ONT AINSI ÉTÉ RECENSÉES COMME CAS D’APPLICATION POSSIBLES « 

Deux conditions sont essentielles pour réussir un tel programme :

  • La mise en place de ressources financières nouvelles à disposition des autorités métropolitaines, comme on a su le faire en Ile-de-France pour le métro du Grand Paris,
  • La sécurisation par l’Etat de l’engagement des agglomérations, sur le plan technique et financier, sous le contrôle de l’Autorité de Régulation des Transports.

Un tel panorama serait incomplet sans évoquer le cas de l’Ile-de-France : elle fait figure d’exception avec le premier réseau RER européen et quelque quatre millions de franciliens transportés chaque jour, qui prouvent la pertinence du concept. Mais le système est aujourd’hui saturé et il ne se passe pas de semaine sans que des incidents de toute nature ne viennent illustrer le recul du niveau de service qui en découle depuis une quinzaine d’années. Les lignes RER B et D partagent le même tunnel central, ce qui plafonne leur capacité alors que leur trafic explose. Les difficultés de pilotage entre les différents acteurs sont récurrentes et handicapent la performance d’ensemble d’un système pourtant remarquable. Ile-de-France Mobilités n’entrevoit pas d’amélioration avant la fin de la décennie, et il est à craindre que les mesures somme toute partielles envisagées sur le matériel roulant et l’exploitation ne soient annihilées par la hausse continue des trafics. Une situation qui ne se réglera pas sans la définition d’un nouveau cap par l’Etat qui a seul les moyens de le faire.

 » LES LIGNES RER B ET D PARTAGENT LE MÊME TUNNEL CENTRAL, CE QUI PLAFONNE LEUR CAPACITÉ ALORS QUE LEUR TRAFIC EXPLOSE « 

Une impulsion nationale d’ampleur est donc nécessaire au cours du prochain quinquennat pour les réseaux ferroviaires du quotidien, notamment pour mettre en place les réseaux express métropolitains en région et pour mettre à niveau les RER en Ile-de-France. Elle s’ajoute à ce qui a déjà été réalisé au cours du présent quinquennat : le désendettement de la SNCF, la réforme ferroviaire et la modernisation des petites lignes. C’est maintenant une nécessité, à la fois pour l’unité sociale et territoriale de notre pays, ainsi que pour la transition écologique. L’ampleur de l’effort nécessaire est à la hauteur des décennies de désintérêt pour les transports du quotidien et de décisions différées. Le nouveau pacte ferroviaire qui résulte de la réforme de 2018 le rend enfin possible.

Par Jean-Claude Degand, animateur du think tank Mobilités 2050, ancien directeur du périurbain de la SNCF

Ewa

«Lacroix & Savac se sent plus à l’aise dans la compétition en Ile-de-France maintenant que les critères sociaux ont été revus à la hausse »

Stéphane Guenet

Engagé dans la bataille des bus en Ile-de-France, le groupement Lacroix & Savac vient de se voir attribuer mi-février par IDFM son premier contrat en grande couronne. Stéphane Guenet, le président du groupement, également directeur général de CFTR (Compagnie française des transports régionaux, filiale du fond d’investissements Cube ) détaille pour VRT ses objectifs.

Ville, Rail & Transports. Vous venez enfin de remporter votre première victoire en Ile-de-France suite à l’ouverture à la concurrence des bus Optile…

Stéphane Guenet. Nous venons en effet de remporter le contrat d’exploitation du réseau de bus du territoire de l’ouest de l’Essonne. C’est une très bonne nouvelle, un message de confiance de la part d’IDFM. Nous avons réussi une fois, cela montre que nous serons capables d’autres succès à l’avenir. Nous allons rependre 174 conducteurs et ferons les meilleurs efforts pour que la transition se fasse sans couture.

VRT. … mais vous avez aussi perdu un lot important, le lot 27 desservant notamment Vélizy et rassemblant les lignes historiques de Savac…

S. G. : C’est une perte douloureuse. Les équipes travaillaient de longue date avec Savac, assurant une bonne qualité de service. Nous sommes d’autant plus tristes que ces salariés ne savent pas s’ils sont repris par Keolis ou par un sous-traitant. La même situation se produit avec le lot 26 gagné par RATP Dev  : les salariés seront repris par une société sous-traitante et ils ne savent pas laquelle… Cela fait partie des mauvaises surprises. A quoi ça sert d’avoir une entreprise attributaire si celle-ci confie le contrat à un sous-traitant? Ce n’est pas loyal.

VRT. Quels autres enseignements tirez-vous de cette compétition?

S. G. Il y a eu une période d’apprentissage. Concourir en Ile-de-France nécessite des moyens que Lacroix & Savac n’avaient pas. Nous avions anticipé des risques de dérives sur ce marché et ces dérives se sont produites.

La pression concurrentielle des trois grands groupes (Keolis, Transdev et RATP Dev, ndlr) est très forte. Ils se sont installés dans une guerre de positions.

La compétition a principalement portée sur les conditions de travail et la rémunération. Avec des astuces pour baisser les coûts et augmenter la pression sur la conduite. Sur certains appels d’offre, comme on a pu le constater, la prime n’a pas été au plus-disant social. 

On s’y attendait mais cela ne peut pas fonctionner sur le long terme. 

Heureusement, l’autorité organisatrice (IDFM, ndlr) a aussi appris de cette période. Le fait d’avoir augmenté le poids du critère social de 5 points dans les appels d’offres va dans le bon sens.  

VRT. N’avez-vous pas, vous aussi, cherché à réduire vos coûts pour tenter de gagner des contrats?

S. G. Nous avons été obligés de prendre en compte les critères d’attribution. Mais nous avons conscience que la règle doit être socialement acceptable. Je suis très heureux que voir que l’on va mieux prendre en compte la dimension sociale.

VRT. Quels sont plus précisément vos objectifs en Ile-de-France ?

S. G. Le groupement Lacroix & Savac a très clairement l’intention de rester un opérateur de premier rang en Ile-de-France. Nous sommes désormais plus à l’aise dans ce contexte où les critères sociaux ont été revus. 

Pour le moment, nous avons répondu à près de la moité des lots sur la quinzaine ouverts à la concurrence.

VRT. A combien de lots répondrez-vous ?

S. G. Au total, nous répondrons à 22 ou 23 lots sur les 36. 

Il faut comprendre que nos capacités ne sont pas infinies. Le fait de voir le rythme de lancement des appels d’offres s’intensifier est pénalisante pour nous. Nous n’avons pas les mêmes « écuries » que nos concurrents qui sont les trois leaders mondiaux.

L’ouverture en Ile-de-France a montré quelques travers. Il y a une ardente obligation pour les leaders mondiaux de se montrer exemplaires au niveau des prix alignés et au niveau social. S’ils proposent des solutions de dumping ou contribuant à détériorer le service comme on a pu le voir notamment en Seine-et-Marne, cela montrera finalement que l’ouverture à la concurrence en Ile-de-France se traduit par un service moindre, par des conflits sociaux… Personne n’y a intérêt. Cela pourrait même avoir des répercussions au-delà de nos frontières, en influençant négativement l’opinion au niveau international.  

VRT. Comment expliquez-vous que les concurrents étrangers ne se bousculent pas en Ile-de-France?

S. G. Il est difficile de répondre à ce genre d’appel d’offres. Cela suppose beaucoup de moyens et une culture du pays. Répondre coûte cher, et, que l’on gagne ou que l’on perde, c’est le même coût.

De plus, même quand un opérateur gagne, le niveau de rentabilisation n’est pas forcément au rendez-vous : je suis convaincu que certains contrats qui ont déjà été gagnés resteront déficitaires.

Les 3 grands groupes leaders sont tous des groupes publics qui sont recapitalisés régulièrement. Nous, privé, ne pouvons pas perdre d’argent.

J’estime aussi qu’il y a un problème de coordination entre l’Etat et IDFM. IDFM va lancer une série d’appels d’offres sur les bus en petite couronne, qui engage la RATP. Après bien des tergiversations (comme on en a l’habitude en France), la décision de lancer ces appels d’offres en imposant un calendrier serré a pour conséquence d’en accélérer le rythme.  Les deux ans qui viennent vont être très tendus.

VRT. Quelle va être la part de votre activité impactée par ces appels d’offres ?

S. G. En 2022 et 2023, ces appels d’offres vont concerner 25 % du chiffre d’affaires total actuellement réalisé par le groupe CFTR. Soit 60 millions d’euros. Cela représente plus de la moitié de nos contrats conventionnés en Ile-de-France. Il y a donc un gros enjeu dans les deux ans qui viennent.

Nous avons pour objectif de consolider ce que nous avons et, pourquoi pas, d’en augmenter un peu la part.

VRT. Où en est la fusion entre SAVAC et Lacroix ?

S. G. Cette année, nous allons commencer à rapprocher toutes les fonctions centrales, DRH, comptabilité… et nous continuons la convergence entre les deux entités au niveau du top management, avec Géric Bigot, l’ancien président de Savac, à sa tête.

Notre plan d’action « convergence » vise à la fois à gérer la fin des contrats avec Ile-de-France Mobilités et à faire émerger notre nouvelle entité qui s’appellera LS Mobilité. LS Mobilité sera la holding et créera des filiales dédiées pour exploiter chaque contrat gagné. Ainsi, c’est Francilité Ouest Essonne qui gérera le lot 24 ouest.

VRT. Ce plan prévoit-il une réduction du nombre des salariés ?

S. G. C’est le résultat des appels d’offres qui déterminera le nombre de salariés. Un lot d’IDFM représente l’équivalent du réseau urbain d’Orléans. Je pense qu’il y aura de la place pour tout le monde au sein du Groupe Lacroix & Savac.

Le frein au développement vient plutôt du manque de conducteurs et de saisonniers pour assurer le service. Pourtant, la pénurie des conducteurs que nous connaissons actuellement était prévisible. En effet, quand on n’arrive pas à vivre avec son métier, on fait autre chose. C’est ce qu’il se passe aujourd’hui et ce n’est pas dû au fait que les gens ne veulent pas travailler. Les minimas conventionnels sont très bas et ne permettent pas de vivre correctement. Si on ajoute à cela le « saucissonnage » des appels d’appels d’offres et la pression accrue sur les prix, on en arrive à cette pénurie de conducteurs.  

Chacun doit être responsable, et tout particulièrement les grands groupes. Les autorités organisatrices aussi, qui doivent parfois résister au miroir aux alouettes. On ne pourra pas avoir une qualité de service avec des gens qui sont de plus en plus maltraités.

Cette pénurie de conducteurs est de grande ampleur. Pour le moment, elle ne touche pas encore l’Ile-de-France mais cela ne saurait tarder. Ressaisissons-nous !

VRT. Quelle est votre politique dans ce domaine?

S. G. CFTR paye ses salariés bien au-dessus des minimas conventionnels et nous faisons attention aux heures de travail de façon à proposer des journées pleines. Nous ne proposons pas, par exemple, deux heures de conduite par jour pendant 180 jours par an…

C’est parce que de telles conditions de travail sont proposées que l’on fait venir dans certaines régions de France, des travailleurs de l’Est en vols low cost…

Il faut tirer un certain nombre d’enseignements de cette situation et avoir une vision à long terme. Nous avons la chance d’avoir une activité non délocalisable. Il faut réviser les minimas conventionnels. Je pense en particulier à la convention de la FNTV. Le transport public de voyageurs a un très bel avenir devant lui. Nous ressentons une soif de mobilité.

Je ne vois pas pourquoi en France on ne réussirait pas là où d’autres pays ont réussi, notamment en Europe du Nord.

VRT. Et au niveau national, quelle est votre stratégie?

S. G. Le groupe CFTR a vocation à constituer des champions régionaux du transport public sur chaque territoire. Actuellement, nous sommes surtout implantés en Ile-de-France et en Auvergne-Rhône-Alpes, un peu moins en Normandie et dans les Hauts-de-France.

Nous continuons à regarder le marché : nous ciblons des sociétés que nous pouvons accompagner dans leur développement pour leur permettre d’apporter une alternative dans les transports publics.

Nous restons en veille et regardons partout. Nous essayons à chaque fois d’avoir un maillage territorial et sommes sélectifs.  

La législation a contribué à redimensionner le marché. Auparavant, nous raisonnions à l’échelle d’un ou de plusieurs départements. Désormais, il faut se situer à l’échelle régionale. Une entreprise doit avoir une taille suffisante et disposer d’une bonne maîtrise technique pour pouvoir répondre aux appels d’offres. 

Ce sont les deux principaux critères que nous regardons avant de nous engager. Ces entreprises doivent être bien implantées dans des régions disposant d’un marché dynamique.

 Nous pouvons aussi être intéressés par des sociétés de moindre rang, mais en complément, si elles ont des synergies avec nos entreprises. Ce n’est pas le cas en Ile-de-France qui est à part et où il reste beaucoup moins d’intervenants.

Propos recueillis par Marie-Hélène Poingt

Ewa

Voici l’organigramme de la future Direction générale des Infrastructures, des Transports et des Mobilités

marc papinutti devient president du directoire de la societe du canal seine e1676292295471

14 ans après sa création, le monde a changé et la DGITM en prend acte. En mars, elle va être dotée de deux directions modales (d’un côté les routes, de l’autre le rail, les ports et le fluvial) et prend le nom de Direction Générale des Infrastructures, des Transports et des Mobilités.

En mars, l’actuelle Direction générale des Infrastructures, des Transports et de la Mer rattachée au ministère des Transports va faire sa mue en changeant d’organisation et de mode de fonctionnement. Concrètement, il va être mis fin à la séparation entre la direction des services de transport et la direction des infrastructures. A la place, deux nouvelles directions modales et transverses vont voir le jour : d’une part, la direction des mobilités routières (qui regroupe la direction des routes et les transports routiers dont les taxis) avec à sa tête Sandrine Chinzi, et d’autre part, la direction des transports ferroviaires et fluviaux et des ports (rassemblant à la fois les infrastructures et les services de transport), chapeautée par Alexis Vuillemin. Marc Papinutti reste à la tête de la DGITM.

« La DGITM a été créée il y a une quinzaine d’années et son organisation n’avait jusqu’à présent pas changé. Ou alors à la marge », explique-t-on en interne. Dans le même temps, le secteur des transports a beaucoup évolué, entre montée en puissance de la digitalisation, apparition de nouvelles mobilités, transformations sociétales, réformes ferroviaires ou encore renforcement des relations avec les collectivités locales.

Cette réforme a été décidée en 2019, après l’arrivée de Marc Papinutti aux commandes. Elle a été un temps suspendue, lors du pic de la crise sanitaire. Puis elle a été remise sur les rails à partir du quatrième trimestre 2020 avec l’appui de la direction interministérielle de la transformation publique (DITP).

« Au cours du premier trimestre 2021, un diagnostic a été partagé sur les priorités et les attentes des agents. Et des orientations ont été identifiées en termes d’organisation pour mieux prendre en compte notamment la transition énergétique, la digitalisation et la mixité », souligne la DGITM.

A l’été 2021, des préfigurateurs ont été désignés pour peaufiner le travail, qui a été soumis en décembre aux organisations syndicales. « Fonctionner avec deux directions modales va permettre d’avoir une vision systémique pour le ferroviaire mais aussi pour les autres modes, fluvial et routier. Rapprocher les équipes qui travaillent sur les infrastructures et celles des services de transport fait consensus. Tout le monde trouve que cela a du sens », ajoute-t-on.

Au sein de la direction des transports ferroviaires et fluviaux, une équipe sera plus particulièrement chargée des infrastructures ferroviaires et une autre des services de transport et de la sécurité, tandis qu’un département sera chargé du transport fluvial (voies navigables et service navigation), et une autre équipe gérera les ports. « Nous souhaitons développer une vision transversale grâce à plusieurs équipes de petites tailles pour marquer les enjeux principaux », précise-t-on en interne. « L’ambition est de regrouper les modes massifiés et les mobilités alternatives à la route, et de chercher à augmenter leurs parts modales. »

Parmi les autres équipes identifiées, citons la mission sur les mobilités actives (incluant la marche) sous l’égide de Thierry Ducrest. Ou encore celle chargée de la multimodalité, de l’innovation, du numérique et des territoires, qui reprend en partie l’agence de l’innovation pour les transports créée l’an dernier et dirigée par Claire Baritaud.

On trouvera aussi, au sein de la DGITM réformée, une mission fret et logistique ainsi qu’une mission Europe et internationale, bienvenue en cette année de présidence française de l’Union européenne.

En raison de l’importance du social dans le secteur, une sous-direction (qui existait déjà dans la direction des services de transport) restera spécialisée en droit social dans les transports terrestres. Et une directrice des projets de la transition écologique et de la transformation numérique (Christine Rivoallon) sera chargée de diffuser l’information et les bonnes pratiques dans l’ensemble de la direction générale. Enfin deux sous-directions, une sous-direction du budget et une sous-direction des ressources humaines assureront une gestion pour l’ensemble des équipes.

Conséquence de ce recentrage, la DGITM perd la direction des Affaires maritimes qui sera rattachée au ministère de la Mer (donc au ministère de la Transition écologique), avec la pêche et de l’aquaculture (jusqu’alors rattaché au ministère de l’Agriculture). Les missions relatives aux ports restent sous l’égide de la DGITM, l’objectif étant avant tout de développer les liens avec le ferroviaire et le fluvial.

Pour bien marquer ces changements, à partir de mars, si la DGITM garde son sigle, sa signification change : la DGITM devient la Direction générale des Infrastructures, des Transports et des Mobilités.

Marie-Hélène Poingt

organigramme dgitm

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« L’Etat ne donne pas les moyens budgétaires suffisants pour régénérer le réseau ferroviaire »

Loic Dorbec

Président de l’Association française des gestionnaires d’Infrastructures ferroviaires indépendants (AGIFI), également président de Eiffage Rail Express, Loïc Dorbec milite pour que les entreprises privées participent davantage au développement du ferroviaire, que ce soit pour les marchés de régénération ou pour les lignes nouvelles. Selon lui, accepter l’arrivée de nouveaux acteurs augmentera l’efficacité et la part globale du marché.

Ville, Rail & Transports. Quel bilan tirez-vous aujourd’hui des lignes à grande vitesse réalisées en partenariat public-privé (PPP)?

Loïc Dorbec : Le bilan est très positif et nous partageons cette satisfaction avec notre client SNCF Réseau puisque nous avons réalisé ensemble, dans les temps et dans les budgets, ces projets de lignes à grande vitesse. 

Si on se réfère aux indicateurs de performance, ces lignes fonctionnent bien. Ce sont de belles réussites du point de vue opérationnel et environnemental.

Ce modèle de PPP permet à l’Etat d’exprimer de façon plus forte ses exigences environnementales. Nos entreprises vont même au-delà en créant des observatoires environnementaux ou en nouant des partenariats locaux en faveur de l’insertion.

Ces lignes donnent aussi l’opportunité de tester des solutions nouvelles, en termes de techniques, de méthodes de travail, d’outils utilisés.

Nous avons des modèles d’organisations plus souples, et nous pouvons expérimenter de nouvelles façons de travailler, ce que la SNCF n’arrive pas toujours à faire. Par exemple sur la LGV Bretagne-Pays de Loire, nous avons développé un nouveau système de caténaire et l’ingénierie de SNCF réseau  a reconnu qu’elle n’aurait pas réussi à développer cette innovation à cette vitesse.

En nous mettant en compétition, SNCF Réseau sait qu’elle pousse les entreprises à être plus performantes, et de manière accélérée, ce que ne permettrait pas un schéma classique, surtout dans le monde si cadré du ferroviaire.

VRT. Quelles sont les perspectives selon vous?

L. D. Depuis quelques années, on observe une dynamique favorable au ferroviaire.  Ainsi, la loi permet aux régions de prendre en charge les lignes de desserte fine du territoire. Nous sommes prêts à les aider. Les annonces récentes de lancement de nouvelles LGV représentent aussi une bonne nouvelle. Nous sommes conscients des difficultés de financement. Mais il y a beaucoup d’argent disponible dans la sphère privée. Il y a la place pour des montages faisant appel à des participations privées quelle que soit la forme.

Si on était resté sur des schémas classiques, les quatre LGV lancées par Nicolas Sarkozy auraient été réalisées les unes après les autres. Si on veut continuer à développer le réseau ferroviaire, l’apport des moyens du privé est une force pour accélérer. Nous avons la capacité de respecter les délais.

Aujourd’hui, les outils du PPP n’ont pas bonne presse auprès de Bercy. Mais il faudra bien qu’à un moment, la réalité économique prime sur les postures conceptuelles. Nous entendons les inquiétudes sur le manque de transparence. Nous travaillons pour rassurer les collectivités sur ces aspects. Je suis persuadé que des PPP finiront par être lancées, quelles que soient leurs formes.

VRT. Comment accompagner la modernisation du rail?

L. D. Nous contribuons tous les jours à la modernisation du réseau. Nous mettons en place des innovations grâce à la digitalisation. SNCF Réseau fait face à des enjeux particuliers avec la commande centralisée du réseau et aimerait fait appel aux privé pour avancer sur ce dossier, comme cela a été fait pour GSM-Rail. (Global système for mobil communications) Cela permettrait d’accélérer le déploiement de solutions plus modernes.

L’Etat ne donne pas les moyens budgétaires suffisants pour régénérer le réseau. Au lieu de 2,8 milliards d’euros, il faudrait plutôt 3,5 ou 4 milliards d’euros annuels. Plusieurs options sont possibles, notamment faire appel à du financement privé, ce qui permettrait de régénérer le réseau plus rapidement. Il faut aussi dimensionner l’enveloppe par rapport à la capacité de Réseau à mettre en oeuvre les travaux de régénération. Nous avons cette capacité et la LOM va nous permettre de le montrer sur les petites lignes.

VRT. Que préconisez-vous pour y arriver?

L. D. Il faut commencer par établir un diagnostic de l’existant. Aujourd’hui, il y a un manque de connaissance. Il faudrait faire le bilan pour savoir comment régénérer et à quel prix.

Prenons un exemple : il y a quelques années, il a été décidé qu’il fallait supprimer tous les passages à niveau dangereux. Mais une commission parlementaire a fait une enquête et est arrivée à la conclusion que cette décision a des effets négatifs car on va moins vite. Donc la commission parlementaire pense qu’il vaudrait mieux investir dans la modernisation pour le même budget plutôt que de supprimer des PN.

VRT. Quelles sont aujourd’hui les principales demandes de la profession que vous représentez?

L. D. Il ne faut pas se tromper de combat : il n’y a pas de concurrence entre le privé et le public. Notre plus grand adversaire, ce sont les autres modes de transport. Dans un monde où la prise de conscience écologique est de plus en plus forte, il faut surtout développer le ferroviaire. Tout le monde pourra gagner correctement sa vie si le ferroviaire se développe. Cela peut paraître difficile à comprendre au sein de la SNCF. Mais il faut dépasser ces incompréhensions et voir que nous pouvons travailler ensemble et développer ensemble au lieu d’empêcher l’arrivée de nouveaux acteurs. Développer la concurrence augmentera la part de marché dans l’intérêt de tous. Osons la diversité! Elle est génératrice de plus d’intelligence collective.

Propos recueillis par Marie-Hélène Poingt