Le 8 octobre dernier, Ville, Rail et Transports a remis les Grands Prix de la Région Capitale 2020 à l’Espace Saint-Martin à Paris. Cette édition a récompensé des initiatives dans huit catégories différentes.
Depuis les années 1970 et la diffusion d’internet, de nombreux chercheurs et experts appellent de leurs vœux la démocratisation du télétravail. Cette pratique est présentée comme une solution pour réduire les nuisances générées par les déplacements domicile-travail. Malgré des politiques publiques incitatives en Europe et aux Etats-Unis, le nombre de télétravailleurs ne connaît pas le développement escompté.
Le confinement sanitaire du printemps 2020 a été l’occasion d’une expérimentation forcée et généralisée du télétravail. Que ce soit en France ou aux Etats-Unis, un tiers
des actifs ont pratiqué le télétravail pendant la crise sanitaire.
Cette expérience soulève un certain nombre d’interrogations qui ont été largement médiatisées : Quelle dynamique peut-on espérer à l’avenir pour le télétravail dans
le contexte de la crise sanitaire et au-delà ? Quel serait l’impact d’une généralisation pérenne du télétravail sur la mobilité ? Dans ce contexte, 6t-bureau de recherche
a mené une étude pour l’ADEME. La problématique du télétravail et de l’impact
de son développement sur la mobilité des Français a été abordée grâce
à une méthode développée par 6t. Elle repose sur une enquête quantitative
diffusée en ligne et analysée par nos soins.
De manière générale, le télétravail est apprécié par les actifs français. Qu’ils soient habitués du télétravail ou que le confinement ait été l’occasion d’expérimenter ce mode d’organisation pour la première fois, plus de 70 % des télétravailleurs voudraient continuer à télétravailler voire télétravailler davantage. Les télétravailleurs mettent en avant que le télétravail permet de travailler mieux. En effet, l’activité professionnelle peut ainsi être effectuée dans un environnement plus calme, avec une meilleure concentration et une meilleure gestion du stress. Les télétravailleurs affirment ainsi être plus productifs et bénéficier d’un meilleur équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle.
Partant de ce constat, le télétravail semble avoir un potentiel de développement relativement important en France. Plus précisément, le confinement a été l’occasion d’essayer le télétravail pour 24,3 % des actifs français et 76 % d’entre eux voudraient continuer au moins une fois par mois. Le nombre de télétravailleurs1 en France pourrait passer de 17 % des actifs avant le confinement à 35 % des actifs à l’avenir. Ainsi, malgré la forme particulière qu’a prise le télétravail pendant le confinement (télétravail à 100 % à la fois pour les individus, les entreprises et les familles), cette pratique a montré ses avantages.
Cette augmentation du nombre de télétravailleurs s’accompagne d’une démocratisation du phénomène. Le confinement a permis une féminisation de cette pratique qui était auparavant davantage masculine. L’organisation des entreprises s’est adaptée et les freins liés à la confiance des manageurs ont été levés : les télétravailleurs habituels, qui étaient principalement des cadres, ont été rejoints par des employés et professions intermédiaires. La diffusion du télétravail a également pris une troisième dimension plus géographique : les agglomérations de taille moyenne ont vu leur nombre de télétravailleurs augmenter alors qu’ils se concentraient principalement dans les grandes agglomérations auparavant.
Le télétravail est donc un mode d’organisation plébiscité par les travailleurs mais représente-t-il réellement une solution pour limiter significativement les nuisances liées à la mobilité domicile-travail ? Pour répondre à cette question, nous avons analysé la mobilité des télétravailleurs habituels et le constat est simple : le télétravail permet de remodeler la mobilité. On observe une réduction de 69 % du volume des déplacements et de 39 % des distances parcourues les jours de télétravail par rapport aux jours de travail au bureau. Ainsi, le passage au télétravail permet en moyenne de passer de 24,8 à 20,5 déplacements par semaine ou de 234,5 km parcourus à 185,9.
Si nous faisons l’hypothèse qu’à l’avenir 35 % des actifs se met à pratiquer le télétravail, la mobilité de la population serait transformée : les déplacements de l’ensemble de la population seraient réduits de 1,8 % et les distances parcourues de 2 % soit 3,3 millions de déplacements pour 42,9 millions de kilomètres évités par jour moyen de semaine. Les effets d’une telle réduction se feraient ressentir différemment selon les modes de transport. Par exemple, 17 millions de kilomètres parcourus en voiture et 3 200 t. de CO2 seraient économisés. A l’échelle annuelle, cela permettrait de réduire de 1,3 % les émissions automobiles en France. Concernant les transports en commun et la congestion des voiries, une baisse de 1 à 2 % de la fréquentation aux heures de pointe pourrait permettre d’écrêter les pics de fréquentation, améliorant ainsi la fluidité de la circulation et le confort dans les transports en commun.
Ces chiffres peuvent sembler relativement faibles au regard de l’ensemble de la mobilité des Français et des enjeux de congestion et de pollution qui y sont liées. Cependant, le télétravail est une pratique plébiscitée par les travailleurs et dont les coûts de mise en place sont faibles. Les transformations dans les déplacements induites par une telle pratique permettraient finalement de réduire les nuisances à faible coût.
1 Les actifs sont comptés comme télétravailleurs à partir d’une journée de télétravail par mois.
Dans un double souci de relancer l’économie et d’assurer la transition écologique, le gouvernement s’est fixé pour objectif de doubler d’ici 2030 la part du fret ferroviaire. Ce serait un renversement historique, alors que cette activité ne fait que dégringoler depuis des années. Parvenir à stabiliser enfin la part du rail ne serait déjà pas si mal… Par Yves Crozet
Le monde du transport ferroviaire de marchandises se mobilise. Le lancement de l’Alliance 4F révèle une forte volonté collective de redresser une situation de plus en plus préoccupante. Le gouvernement s’est également saisi du dossier et affiche un objectif ambitieux : 18 % de part modale du ferroviaire en 2030, soit deux fois plus qu’en 2019. Une telle performance est-elle possible ? Pour répondre à la question, il est nécessaire de revenir aux profondes mutations qui ont affecté depuis 20 ans le transport de marchandises, routier et ferroviaire.
Les données rassemblées, dans la figure 1 ci-dessous, sont trimestrielles et corrigées des variations saisonnières, des mouvements erratiques des trafics ferroviaires (indice des tonnes-km transportées, échelle de gauche) y apparaissent clairement. Les grèves nationales (2001, 2003, 2010, 2014, 2016, 2018, 2019) provoquent des échancrures sur la courbe. Mais le choc le plus évident se manifeste lors de la récession consécutive à la crise financière de 2008. La baisse du PIB et de la production manufacturée (en millier d’euros courants, échelle de droite) se traduit par une chute brutale des trafics de marchandises plus marquée pour le ferroviaire que pour la route (indice des t.km transportées en France pour compte d’autrui).
Au-delà de ce choc conjoncturel, les courbes de trafic révèlent une transformation structurelle. Les marchandises, comme les voyageurs, connaissent une certaine « dé-mobilité ». Depuis 10 ans, un découplage a vu le jour. Alors que le PIB reprenait son ascension, fut-ce à un rythme ralenti, les transports ferroviaires et routiers ont plafonné, comme le fait d’ailleurs, en monnaie courante, la production de biens manufacturés. La désindustrialisation est une des causes du découplage. Une économie fondée sur les services et le numérique limite les tonnages transportés. Ils diminuent d’ailleurs tendanciellement depuis plus de 40 ans. Il est donc illusoire de compter sur une hausse forte des volumes transportés pour asseoir un rebond du fret ferroviaire. D’autant que ce dernier est de plus en plus déconnecté des chaînes logistiques. Eurotunnel en est une illustration. Il passe sur les navettes transportant des camions 14 fois plus de tonnes que dans les trains de fret !
Comme chacun peut le constater, les entrepôts non embranchés, desservis seulement par la route, se multiplient le long des grands axes et autour des grandes villes. Les marchandises qui y transitent sont le plus souvent conditionnées en palettes dont les couples origines destinations sont très variés. Le transport ferroviaire ne peut pas répondre à cette demande. La logistique moderne est caractérisée par la réduction de la taille des lots et leurs déplacements par sauts de puce successifs. Les marchandises font rarement une trace directe du lieu de production au lieu d’utilisation comme en témoigne le fait que le trajet moyen d’un camion sur les autoroutes concédées est de 76 km.
Le ferroviaire se trouve ainsi cantonné à certains types de fret se déplaçant sur des distances importantes et sous forme de trains complets (céréales, produits chimiques, véhicules, matériaux divers). En témoigne le fait qu’en Allemagne, depuis le début du siècle, la forte progression du trafic ferroviaire de fret (+ 40 % depuis 2000) n’a pas changé la part de marché de la route. Les gains du rail ont été réalisés aux seuls dépens de la voie d’eau. Pour éviter cette relégation du ferroviaire, les opérateurs cherchent à attirer de nouveaux trafics comme les conteneurs. Mais les marges de progrès sont limitées car un conteneur déchargé dans un grand port maritime est rarement transporté sur des centaines de kilomètres. Il est le plus souvent dépoté près du port pour optimiser la distribution des lots qui le composent.
Le transport terrestre de conteneurs a représenté en France en 2018, 11,7 milliards de tonnes-km, seulement 3 % du total des t.km du transport intérieur. Le ferroviaire fait dans ce domaine jeu égal avec la route (5,5 mds de t.km chacun). Même si le ferroviaire récupérait la totalité du transport de conteneurs, sa part modale ne gagnerait que 1,5 point. Or depuis 2014, c’est le contraire qui s’est produit, la part des conteneurs dans le trafic ferroviaire est passée de 25 à 15 %. C’est la raison pour laquelle les espoirs mis dans le transport combiné ne se sont pas concrétisés.
Une telle évolution, à rebours des annonces gouvernementales, nous rappelle que de façon générale, le fret ferroviaire connaît en France depuis le début du siècle une descente aux enfers. En 20 ans, l’indice des tonnes-km transportées est presque divisé par deux. La chute commence au début du siècle, bien avant l’ouverture à la concurrence. Effective depuis 10 ans, cette dernière a plutôt permis de stabiliser les trafics un peu au-dessus de 30 milliards de tonnes-km (55 en 2001). La part de marché des nouveaux entrants ne cesse de progresser. Mais le résultat est à l’exact opposé des annonces faites par les ministres Gayssot (1999) ou Borloo (2008). La part modale de la route a atteint 86 % en 2018, 10 points de plus qu’en 2000 !
L’année 2020 va encore assombrir le tableau comme le montrent les données publiées par l’ART. Le fret ferroviaire a d’abord été fortement affecté par la grève contre la réforme des retraites, puis par la crise sanitaire. Après le confinement, comme après chaque choc conjoncturel, les circulations peinent à retrouver le niveau antérieur et des clients sont perdus. C’est la raison des mesures décidées par le gouvernement dans le plan de relance. La baisse des péages ferroviaires est une nécessité pour éviter l’effondrement des entreprises ferroviaires (EF), mais il s’agit d’un plan de sauvetage pour limiter la casse, pas d’un changement structurel pouvant changer la donne. Les efforts consentis par la puissance publique sont réels, mais les subventions ne garantissent pas la hausse des trafics. Les péages faibles améliorent la marge des entreprises, mais ils ne règlent pas les autres difficultés qui brident l’activité. Les problèmes clés du fret ferroviaire ne sont pas d’abord des problèmes de coût (ou de subventions) mais des problèmes organisationnels.
Une des difficultés récurrentes rencontrées par les EF est l’inadéquation entre les sillons proposés par le gestionnaire d’infrastructure (GI) et les besoins des chargeurs, clients des EF. A cela s’ajoute le fait que la vitesse moyenne proposée pour un sillon donné est souvent faible et ne permet pas une bonne rentabilisation du matériel. La vitesse moyenne est pour les EF un facteur clé de productivité grâce à une meilleure rotation du matériel. Les plages travaux, nombreuses dans la phase actuelle de rattrapage en matière de rénovation du réseau, sont en plus une cause de dégradation de la qualité de service. Or tout cela ne peut pas changer dans la mesure où les priorités nationales, régionales et métropolitaines concernent les TGV et les TER. Les annonces sur la relance du ferroviaire se succèdent depuis 20 ans. A chaque fois elles se polarisent sur des réalisations emblématiques locales (une infrastructure, un nouveau service de ferroutage, un « train de primeurs »…) mais une hirondelle ne fait pas le printemps. La seule transformation structurelle que l’on peut raisonnablement espérer est que le GI et les EF s’entendent pour améliorer vraiment la qualité des sillons fret. Cela permettrait de stabiliser la part modale du rail, voire de l’améliorer un peu, ce serait déjà un beau résultat.
A bord des cars Macron – Télétravail en Suisse romande – Le périphérique ou comment s’en passer – Le Grand Paris à marche forcée – RER kaléidoscopique – Le transport public mis à mal par le déconfinement – Effet dévastateur sur l’Apta aux Etats-Unis – Quels impacts du Covid-19 sur les mobilités ?
A bord des cars Macron
Les cars Macron, on en a beaucoup parlé, dans les colonnes de VRT, où l’on a suivi la naissance d’une nouvelle offre de transport (ce n’est pas si fréquent), et vu comment elle arrivait tant bien que mal à se stabiliser d’un point de vue économique. Mais qu’en est-il de l’expérience du voyage ? Le Forum Vies Mobiles a confié à un jeune photographe, Benjamin Cayzac, la mission de sillonner les routes de France à bord des cars Macron. On y croise des étudiants, des retraités, des travailleurs souvent désargentés, des passagers dont c’est le premier voyage, des habitués. On y ressent la lassitude du voyage, et, dix heures après le départ, dans le cas d’un Paris – Avignon, la satisfaction du trajet accompli. A voir sur le site du Forum Vies Mobiles.
Télétravail en Suisse romande
A côté de l’enquête menée en France sur le télétravail avec l’Ademe (voir pages 92), le bureau de recherche 6t a enquêté sur le phénomène en Suisse romande. La collecte des données a eu lieu du 7 au 20 mai, en période de semi-confinement, et les conclusions ont été publiées en septembre. 1971 réponses ont permis d’obtenir un échantillon global représentatif de la population des sept cantons et régions francophones de Suisse. L’enquête montre une pratique bien ancrée avant même la crise sanitaire, avec 21 % de Romands télétravaillant au moins une fois par mois, dont 6 % au moins une fois par semaine. On télétravaille le plus dans les cantons les plus urbains, Genève en tête.
L’impact sur la mobilité est à la fois positif… et contrasté, du fait de l’effet rebond. Dans l’ensemble cependant, les télétravailleurs se déplacent un peu moins et rejettent moins de CO2 que non-télétravailleurs. Surtout, plus on télétravaille, plus les comportements sont vertueux… alors que les télétravailleurs occasionnels (une à trois fois par mois) polluent plus que les non-télétravailleurs.
Plus d’un quart des actifs romands ont expérimenté le télétravail durant la période de semi-confinement. L’expérience est jugée positive, et 77 % des personnes interrogées souhaitent maintenant le pratiquer au moins une fois par mois. Mieux vaudrait qu’ils le fassent au moins une fois par semaine !
Le boulevard périphérique a été l’un des thèmes de la dernière campagne municipale à Paris, Anne Hidalgo voulant en faire un boulevard urbain, la droite préférant le couvrir partiellement pour effacer la coupure urbaine, et l’un des candidats, Gaspard Gantzer, avant de se rallier La république en marche qui envisageait de recourir à la modulation horaire ; se proposant de le supprimer. Le supprimer ? Le Forum Vies Mobiles a tenté cependant de l’envisager, avec un groupe d’étudiants de Paris 1 Panthéon Sorbonne. Pas si simple d’y renoncer comme l’ont montré les entretiens conduits par le groupe de travail avec une vingtaine d’usagers, pas trop d’accord pour y renoncer. Le Forum Vies Mobiles préconise « une mise en place progressive sur le temps long ».
Le Grand Paris à marche forcée
Le 30 août, au bout de 12 jours et de 200 km de marche. Enlarge your Paris et la Société du Grand Paris ont bouclé leur nouveau cycle de randonnées urbaines le long des futures lignes du Grand Paris Express. Pierre-Emmanuel Bécherand responsable de l’architecture, du design et de la culture du GPE, souligne dans le blog Enlarge your Paris la place centrale de la marche dans Paris. Et se demande : « Si Paris appartient au flâneur, qu’en sera-t-il du Grand Paris ? ». Les urbanistes, rappelle-t-il, « organisent la ville autour des transports en s’appuyant sur un réseau de 800 m, correspondant communément à la zone « marchable » pour rejoindre une gare ». Mais le Grand Paris Express invite à changer d’échelle, et à « penser aussi l’accès à pied vers les gares pour des distances de 2 voire 3 km ». La randonnée urbaine a au moins le mérite de montrer tout le travail à accomplir pour établir ou rétablir des continuités, là où l’on fait aujourd’hui « l’expérience des fractures urbaines ». Belle idée sans doute, mais il restera à inventer encore une expérience nouvelle de la marche, entre la promenade plutôt campagnarde et la flânerie si parisienne. C’est ce qu’invite à penser, dans le même blog, Frédéric Gros, auteur de Marcher, une philosophie (Carnet Nord, 2009, réédition Flammarion, 2011), soulignant l’émergence d’une nouvelle figure, celle de « l’arpenteur des métropoles ». Figure paradoxale puisque les métropoles sont « toutes entières bâties par référence à ce qui excède les possibilités du corps marchant ».
RER kaléidoscopique
Trente ans après Les passagers du Roissy express, de François Maspero, et de la photographe Anaïk Franz, la sociologue Marie-Hélène Bacqué et le photographe André Mérian mettaient leur pas dans ceux de leur prédécesseur, il en est résulté un ouvrage joliment intitulé Retour à Roissy – Un voyage sur le RER B (Le Seuil, 2019). C’est un parcours plus vaste qu’a entrepris le géographe Laurent Chalard, en voyageant au fil des ans sur l’ensemble des lignes du RER : A, B, C, D et E. Les conclusions de ses années de pérégrination ont été publiées en août par Enlarge your Paris. Contrairement aux idées reçues sur la légende noire du RER, on y découvre une forte présence d’un RER « bourgeois » (six portions de ligne, comme le RER A entre St Germain-en Laye et La Défense ou le RER C entre Versailles-Chantiers et Massy-Palaiseau).
Et seulement quatre portions de ligne exclusivement populaires, comme les deux branches du RER B au-delà de Gare du Nord, la branche allant à Creil apparaissant comme « un des principaux axes de paupérisation de la métropole parisienne ». Cependant, « si la métropolisation a tendance à produire des effets de dualisation », la majorité des lignes apparaissent mixtes, comme le montre, par exemple la branche du RER A allant de Vincennes à Marne-la-Vallée, qui se caractérise par un « véritable kaléidoscope de passagers ». La différenciation entre les diverses populations ne se fait pas seulement par la géographie : de grandes différences sociales se font en fonction de l’heure de la journée, et cela quasiment sur l’ensemble du réseau, entre employés peu qualifiés très tôt lie matin, employés de bureau vers 7 heures, cadres ou lycéens plus tard. D’autres critères permettent d’affiner encore la perception du RER qui ne se laisse en tout cas pas résumer à une simple opposition avec le Paris intramuros et le métro.
Le transport public mis à mal par le déconfinement
Intéressant billet de la Fabrique de la Cité, posté le 18 septembre. « La reprise de la mobilité en ville n’est plus un sujet », constate pour commencer Camille Combe, chargé de mission. Mais, si les activités ont repris, « dans de nombreux pays, on assiste à une individualisation de la mobilité », difficilement compatible avec les objectifs de décarbonation. On enregistre, par exemple à Paris, une augmentation du nombre de kilomètres parcourus en voiture, par rapport à une période « normale ». Marche et vélo vont bien, merci, en revanche les transports collectifs sont à la peine. Comme le relève le think tank de Vinci, alors que « dans de nombreuses villes, l’offre de transport en commun a retrouvé son niveau normal, la fréquentation, elle, peine à atteindre les niveaux préconfinement, sans dans les cas notables de Lyon et Saint-Pétersbourg, selon un indice calculé par City-Mapper. » Aux Etats-Unis, selon l’Apta (American Public Transportation Association), « 60 % des autorités organisatrices de mobilités envisagent de réduire l’offre de transport, tandis qu’un tiers des opérateurs devront potentiellement mettre la clé sous la porte. » Pour la Fabrique de la Cité il faut de toute urgence « créer les conditions qui permettront aux transports collectifs ou au covoiturage de devenir plus compétitifs que des modes individuels et motorisés. » Ajoutons : qu’ils soient plus rassurants aussi, face aux craintes de contamination. Car même si les transports publics ne sont pas aussi dangereux qu’ils le paraissent, selon un article du New York Times cité par ce billet, reste à conforter ce diagnostic, et à en convaincre des usagers désemparés et méfiants.
Effet dévastateur sur l’Apta aux Etats-Unis
Les données de l’Apta mentionnées par la Fabrique de la Cité méritent qu’on les regarde de près. Les chiffres font peur. Selon le panorama établi en septembre par l’Apta, il faut que le Congrès lui apporte une aide d’urgence de 32 milliards de dollars, faute de quoi l’offre de transport public sera drastiquement réduite. Le transport public a déjà reçu au titre une aide de 25 milliards de dollars au titre du Coronavirus AID Relief ans Security (CARES) Act. Le métro de New York a consommé l’aide reçue dès juillet et la Massachusetts Bay Transportation Authority (MBTA) estime que le CARES Act ne lui permettra pas de tenir au-delà de 2021. Selon l’Apta, 45 % des réseaux envisagent de reporter ou d’annuler des investissements, 33 % veulent faire de même avec les acquisitions de matériels, 38 % envisagent de supprimer des lignes, 31 % s’apprêtent à licencier du personnel, 17 % veulent recourir à une augmentation des tarifs.
On peut s’attendre à un accroissement du télétravail : « l’anecdotique pourrait devenir une réalité significative ». A l’intérêt des salariés pour une formule mixant distanciel et présentiel, s’ajoute l’intérêt des employeurs pour un mode d’organisation du travail offrant « une plus grande maîtrise des charges fixes immobilière des locaux professionnels ». La part globale des actifs « télétravaillables » serait de l’ordre de 20 % à 40 %. Au moins suffisant pour lisser les heures de pointe.
Les auteurs s’attendent à ce que les grandes villes soient repensées « autour des notions de proximité, d’une vie de quartier », et envisagent, à l’échelle nationale, un rééquilibrage en faveur de zones moins denses. Dans la capitale, « l’ampleur des densités et des volumes en jeu au sein du Grand Paris peut désormais poser question ».
Le recours au e-commerce devrait s’accentuer, confirmant une tendance de fond. Mais, attention, en matière environnementale « la diminution des déplacements individuels des clients est contrebalancée par le foisonnement des livraisons (et des emballages) qui accroît les déplacements de courte distance de « logistique urbaine » encore faiblement décarbonés ». Enfin, le modèle aérien sera certainement mis en question, du fait d’une réorientation possible vers du tourisme de proximité, et la diminution des voyages professionnels grâce au numérique.
Les pouvoirs publics sont invités à accompagner les nouvelles tendances, en soutenant les transports publics afin d’éviter une désaffection au profit de la voiture, en pérennisant les aménagements piétons et vélo en ville comme en milieu rural. Ce n’est pas cher : « la construction en Ile-de-France d’un grand réseau express régional vélo (…) avec 650 km de pistes cyclables, coûterait 500 millions d’euros, c’est-à-dire moins de 2 % du futur métro du Grand Paris express ». Il faudra encore limiter l’impact négatif du rebond de la voiture particulière en encourageant le covoiturage et en accélérant le basculement verts le véhicule électrique. Et repenser le modèle économique global d’un transport aérien complètement chamboulé…
Déjà récompensée il y a trois ans, la Normandie reçoit à nouveau le Grand prix TER décerné par la rédaction de Ville, Rail & Transports pour l’ensemble de ses réalisations en matière de transports régionaux. Un prix décerné hier soir lors d’une cérémonie organisée à Paris, qui a réuni un public nombreux malgré les contraintes sanitaires.
Cette récompense pourrait presque être jugée prématurée, vu que les changements les plus importants sont intervenus quelques jours après la fin de l’année 2019. Mais elle se justifie par la constance de la Normandie à faire progresser dans la durée ses transports régionaux.
Pour la Normandie, qui a réussi au cours des années passées sa réunification politique et ferroviaire, 2019 se situait à la veille de l’entrée en service du nouveau matériel Regio 2N, de la mise en œuvre du plan de transport 2020, ou encore du lancement de la nouvelle identité du réseau de transport régional Nomad. Ces trois réalisations étant intervenues début 2020, elles n’ont donc pas été prises en compte pour l’attribution du présent Grand Prix.
Année charnière, 2019 a vu la poursuite des objectifs fixés par la Normandie dès 2016, littéralement au lendemain de sa réunification, dont la modernisation des trains d’équilibre du territoire à destination ou au départ de Paris, dans le cadre du transfert des TET signé avec l’Etat en 2016. De plus, elle poursuit des actions de longue haleine, comme la restauration de la gare de Rouen Rive-Droite, et persévère en présentant, année après année, une offre de transport globale pour mettre plusieurs sites normands exceptionnels à la portée des Franciliens.
Relocalisation de la maintenance
Fin 2019, il restait encore un mois et demi à attendre avant la mise en service des premiers Regio 2N – alias Omneo de Bombardier – sur les lignes Paris – Caen – Cherbourg et Paris – Rouen – Le Havre. Mais déjà la prochaine arrivée de ces matériels à deux niveaux avait entraîné une réorganisation de la maintenance de l’ensemble des matériels roulants normands, transférée de Paris vers la région. Ce qui a nécessité de moderniser, agrandir ou rénover les technicentres SNCF de Sotteville-lès-Rouen, Le Havre, Cherbourg, Caen et Granville.
Sotteville-lès-Rouen assure ainsi la maintenance de l’ensemble des matériels longs, à deux niveaux (16 TER2N NG, puis un nombre équivalent de Regio 2N qui les remplaceront, et 40 rames Omneo Premium) et à un niveau (11 Régiolis et 9 AGC bimodes). La refonte de ce technicentre est complétée par des aménagements sur des sites ferroviaires en bout de ligne : une fosse et une voie d’entretien à Caen, ainsi que des installations au Havre et à Cherbourg.
L’atelier « Brique 1 » de Sotteville (trains longs à un niveau et des TER2N NG à deux niveaux) a été mis en service en avril 2019, suivi à la fin de l’année par l’atelier « Brique 2 » de Sotteville pour l’accueil des Omneo, dans les délais pour la mise en exploitation commerciale des premières rames, intervenue en février suivant.
Rénovation de longue haleine pour la gare de Rouen Rive-Droite
Classée à l’inventaire des monuments historiques avec son bâtiment voyageurs Art nouveau, la gare de Rouen Rive-Droite (1928) a fait l’objet d’un vaste chantier de rénovation démarré en 2015 pour un budget total de 21 millions d’euros financé par SNCF, la région Normandie et la Métropole Rouen Normandie.
Le projet de modernisation a pour objectif de faciliter les déplacements en gare des 6,5 millions de voyageurs annuels, d’améliorer les services, les conditions d’accueil, ainsi que de fluidifier les flux. Ce projet est aussi l’occasion de valoriser le patrimoine architectural.
Après une première phase (2017), la deuxième (2019) comprenait notamment la restauration des fresques, un nouvel espace de vente multimodal et le réaménagement des abords qui transforment la sortie de la gare en un vaste espace piétonnier multimodal végétalisé. Ouverte et tournée vers le cœur de la ville et la Seine, cette gare « nouvelle version » était fin prête à accueillir les millions de visiteurs de l’Armada 2019. La troisième phase, en cours de finalisation, concerne la rénovation de l’horloge et de la verrière centrale, ainsi que l’éclairage architectural de la façade.
Expérience pilote de « court-voiturage »
Tous les transports du quotidien ne se font pas uniquement en train. En partenariat avec la Communauté de communes Roumois-Seine, la région a effectué une expérimentation de « court-voiturage » en 2018-2019. Grâce à l’application Karos Normandie, les utilisateurs sont mis en relation en fonction de leurs trajets respectifs : l’application trouve automatiquement, tous les jours, les covoitureurs compatibles pour ce qui est des horaires et des itinéraires. En outre, le calculateur intègre le réseau de transport en commun existant (TER et cars régionaux), permettant un covoiturage domicile-gare ou domicile-arrêt de car. Les prix sont très modiques : un euro par passager jusqu’à 25 km (voire gratuité sur un aller et retour par jour), plus 10 centimes par km au-delà. De son côté, le conducteur est remboursé d’au moins deux euros par trajet jusqu’à 20 km, plus 10 centimes par kilomètre à partir de 16 km. Après des débuts jugés prometteurs, ce service rebaptisé Nomad Covoiturage a été étendu en 2020 à 12 territoires normands.
Offre de transport pour découvrir des sites normands
Enfin, tous les trains ne servent pas uniquement aux transports du quotidien. En partenariat avec SNCF Mobilités et Keolis, la région a proposé de voyager vers des sites normands d’exception au départ de Paris Saint-Lazare avec un seul billet combiné comprenant le trajet en train et en autocar. Cette offre de transport de bout en bout permet de développer l’attractivité de la Normandie et de ses sites remarquables tout en en favorisant l’utilisation du transport collectif régional. En 2019, cette offre concernait Étretat, Honfleur et les plages du Débarquement.
Ce qui a convaincu le jury :
Quoique réunifiée depuis moins d’un mandat électoral, la Normandie fait déjà preuve d’une grande constance depuis le transfert des TET signé avec l’Etat en 2016. Reste à voir si la modernisation des dessertes avec Paris tiendra ses promesses ! Toujours est-il qu’en Normandie le TER n’est pas qu’un train du quotidien et a retrouvé sa vocation « de plaisir », à l’heure où le tourisme doit se réinventer, tout en étant plus durable. Même si l’année 2020 n’est pas ici prise en compte, saluons quand même l’initiative prise par la Normandie, en cet été difficile pour le tourisme, de lancer la première liaison directe entre Paris et le Mont-Saint-Michel via Pontorson.
Patrick Laval
Pour connaître les résultats complets des Grands Prix des Régions 2020 :
Le livreur parisien est un jeune homme, étranger, peu diplômé et auto-entrepreneur.Un statut de travailleur indépendant considéré comme fictif par la Cour de cassation si la plateforme garde le pouvoir effectif sur la prestation. Mais la requalification massive des livreurs en salariés n’est pas pour demain…
Ces dernières semaines ont vu Amazon au Royaume-Uni se rapprocher de Deliveroo, l’américain Grubhub acquis par Just Eat-Takeaway pour sept milliards de dollars, son concurrent Postmates acheté par Uber et Meituan en Chine revendiquer un million de livreurs free-lance par jour : les nouveaux services de livraison urbaine intermédiés par des plateformes numériques sont dorénavant des acteurs majeurs. La crise sanitaire et le confinement ont renforcé leur présence (en avril 2020, UberEats a accru son chiffre d’affaires de 89 % dans le monde). Il est temps de s’interroger sur l’impact que cette offre de « livraison instantanée » a sur les grandes villes, son terrain d’action privilégié.
En France, se créent plus de 4 000 microentreprises de livraison express par mois1, mais on sait peu de choses de ces nouveaux livreurs : qui exerce ce métier, quelles sont les conditions de travail ? Une enquête récente2 apporte des éléments d’information sur ceux qui exercent à Paris. Elle porte sur les caractéristiques, le statut ainsi que les conditions de travail. L’enquête a également pour but une meilleure appréhension des contraintes et des difficultés telles qu’elles sont vécues et racontées au quotidien par les livreurs. 300 d’entre eux ont été interrogés en face-à-face, via des rencontres aléatoires dans plusieurs lieux de l’Est parisien, d’attente de course, de sociabilité (Place de la République, Place de la Nation) ou à la sortie des restaurants dans l’attente d’une commande. Cette enquête faisait suite à deux précédentes, sur les mêmes terrains, l’une en 2016, l’autre en 2018.
Ce qui frappe le plus depuis 2016 est que la catégorie des livreurs à plein-temps a fortement augmenté (73 % d’entre eux dorénavant), au détriment essentiellement de celle des étudiants. Le profil type du livreur parisien d’aujourd’hui est donc celui d’un jeune homme (seulement 2 % de femmes), étranger (86 % des enquêtés), peu diplômé (39 % n’ont pas de diplôme, 9 % ont le brevet) et autoentrepreneur (la part des salariés est négligeable). Les moyens de transport que les livreurs utilisent ont fortement évolué depuis quatre ans. Par l’usage croissant des scooters déjà. En 2020, 31 % utilisent un scooter. Or le code des transports impose, pour toute utilisation de véhicule motorisé, y compris à deux-roues, une licence de transport de marchandises. Les livreurs que nous avons interrogés, dans l’immense majorité des cas, ne l’ont pas, ce qui se comprend d’ailleurs tant cette licence est mal adaptée à l’activité d’une microentreprise de livraison à scooter : l’immobilisation financière imposée, par exemple, est de 1 800 € par véhicule. Une autre information intéressante de l’enquête est le taux élevé, et nouveau, d’utilisation du Vélib’ (16 % des livreurs) et du vélo électrique personnel (10 %). Remarquons également que 26 % des livreurs viennent travailler en transport en commun, dont plus de la moitié avec leur vélo, ce qui est souvent périlleux. Sur les conditions de l’exercice de leur métier, ils se plaignent des rémunérations et 57 % pensent qu’il y a trop de livreurs sur le marché et pas assez de travail. Une très grande proportion d’entre eux (79 %) pense qu’il y a une forte insécurité routière et 29 % indiquent qu’ils ont déjà eu un accident, alors que 39 % déclarent qu’ils n’ont pas d’assurance. 54 % ne se voient plus livreur dans trois mois, ce qui correspond bien à l’important turn-overconnu pour ces services.
L’un des résultats les plus notables de l’enquête est le taux de 37 % de livreurs qui utilisent un compte en partage. Cette question est sensible. En effet, cette pratique qui consiste à utiliser le compte de quelqu’un d’autre est strictement encadrée. Elle peut être légale (un travailleur indépendant peut sous-traiter une tâche, avec l’accord du donneur d’ordre), mais lorsqu’elle est effectuée auprès de personnes qui ne sont pas elles-mêmes inscrites comme autoentrepreneuses, elle est illégale. Nombre de ces sous-traitants sont des migrants sans papiers.
En conclusion, depuis qu’ils ont été héros du quotidien pendant le confinement, les livreurs des plateformes sont plus visibles et mieux reconnus. Mais leurs conditions de travail n’ont pas beaucoup évolué et la hausse rapide actuelle du chômage joue contre eux : le nombre de livreurs Uber Eats aurait augmenté de 20 à 30 % à Tokyo suite à la crise sanitaire3, pour une demande qui a progressé moins vite, réduisant le nombre de courses et donc les revenus de chaque livreur. Il faudra attendre un peu pour avoir des chiffres fiables en France, mais on peut craindre le même phénomène. C’est du côté des juges qu’il faut se tourner pour voir une évolution rapide et potentiellement riche de conséquences sur les livreurs autoentrepreneurs. En France, la Cour de cassation, par un arrêt du 4 mars 2020, a estimé que le statut de travailleur indépendant était fictif si la plateforme gardait le pouvoir de donner des ordres, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements. Le parquet de Milan, le 27 mai 2020, a placé Uber Italie sous contrôle judiciaire après avoir ouvert un dossier sur l’exploitation présumée de milliers de livreurs. Suite à une décision de la cour suprême de l’Etat de Californie en 2018,ce dernier a voté la loi AB5 qui considère qu’un sous-traitant qui travaille sur le cœur de métier d’un donneur d’ordre est en fait un salarié. L’exemple californien montre cependant que la requalification massive des livreurs en salariés n’est pas pour demain : ils ne le souhaitent pas tous, loin de là, et, de leur côté, les plateformes s’adaptent aux nouveaux cadres en reformulant par exemple leurs algorithmes. Sur ces sujets, le débat en France ne fait que commencer.
1 J’utilise en première approximation les données Insee de l’activité « poste et courrier hors service universel », code NAF 5320Z, chiffres 2019. 2 Disponible sur https://cutt.ly/1fdnnNU 3 Chiffres mentionnés dans un article du journal japonais Toyo Keizai du 27 juin 2020.
Très peu répandu en France, le speedelec est un vélo à assistance électrique pouvant aller jusqu’à 45 km/h. Il pourrait, pour certains usages, constituer une alternative à la voiture, estime le bureau de recherche 6t, à la suite d’une étude réalisée avec l’Ademe. Problème : trop rapide pour aller sur les pistes cyclables, le speedelec doit cohabiter avec les voitures. Au-delà de ce cas précis, estime 6t, il serait intéressant de réguler les usages des nouveaux modes urbains selon la vitesse pratiquée plutôt que par le type de véhicule.
L’arrivée massive des vélos à assistance électrique constitue l’une des évolutions majeures du paysage de la mobilité. La plupart de ces vélos ont une assistance qui s’arrête passée 25 km/h. Certains de ces vélos, pourtant, permettent d’atteindre 45 km/h. « Speedelec », « S pedelec » ou encore « speedpedelec », leur dénomination fluctue, trahissant la faible connaissance du grand public pour ce type de véhicules.
Du moins en France, car le speedelec se développe fortement dans la partie flamande de la Belgique, aux Pays-Bas et surtout en Suisse, où il représente jusqu’à 20 % des ventes de vélos électriques1. Le speedelec pourrait être un levier intéressant pour remplacer la voiture sur des distances plus longues que les vélos à assistance électrique classiques. Mais le développement de son potentiel suppose d’adapter la réglementation très rigide actuelle en fonction des usages réels.
Un potentiel de développement pour les déplacements pendulaires au sein des aires urbaines
Une étude réalisée par 6t-Bureau de recherche avec le soutien de l’Ademe2 a permis d’analyser en détail les usages et le potentiel de développement du speedelec.
Premier constat : relativement coûteux (environ 4 000 € à l’achat), les speedelecs sont pas des véhicules de loisirs. Ils sont presque exclusivement utilisés pour les trajets domicile-travail. En se fondant sur cet enseignement, l’étude estime le potentiel de développement du speedelec en France, en calculant la proportion de ménages qui pourrait avoir un intérêt (en termes économiques et de temps de déplacement) à passer de la voiture vers le speedelec pour leurs trajets domicile-travail.
Le speedelec ne remplace pas l’automobile. Son coût d’achat s’ajoute donc au coût de possession de la voiture. Pour que cet achat soit rentable, les économies d’essence faites sur sa durée de vie doivent donc compenser le prix du speedelec, ainsi que son entretien et le renouvellement de la batterie. Ceci nécessite de parcourir un nombre conséquent de km quotidiennement.
Mais dans le même temps, plus les parcours sont longs, plus le différentiel de temps entre le speedelec et la voiture s’accroît. Au final, le créneau de développement du speedelec est relativement étroit : il s’agit des personnes résidant ou travaillant dans des zones denses mais ayant des trajets domicile-travail relativement longs. Or il s’agit bien souvent de cas de figure où les transports en commun sont privilégiés.
À l’aide des données sur les mobilités domicile-travail de l’Insee, l’étude montre qu’environ 13 % des automobilistes travaillant en dehors de leur commune de résidence seraient concernés : pas une révolution, certes, mais à l’heure de l’urgence écologique, une baisse tout de même notable des émissions de CO2 liées à la mobilité. Pourquoi s’en priver ?
Une réglementation peu propice à l’essor des speedelecs
Pourtant, en France, les ventes de speedelecs restent marginales, pour ne pas dire confidentielles. L’étude de 6t-Bureau de recherche évalue le nombre d’immatriculations à environ 450 unités en 2018 avec une localisation géographique très particulière : la plupart des utilisateurs français de speedelec se situent près de la Suisse, en Haute-Savoie. Outre leur prix élevé qui constitue incontestablement un frein, la réglementation en vigueur est une des causes de ce marché en berne.
La réglementation européenne encadrant la vente des véhicules d’abord. Le règlement du 15 janvier 2013 relatif à la surveillance du marché des véhicules à deux ou trois roues et des quadricycles a rendu nécessaire l’ajout d’équipements de sécurité supplémentaires sur les speedelecs (feu stop, avertisseur sonore, éclairage permanent) et durci les procédures d’homologation. Il s’agit là sans doute de progrès pour la sécurité routière, mais sur des séries extrêmement limitées, ces changements impliquent des coûts supplémentaires prohibitifs sur des véhicules déjà onéreux. Résultat ? Une division par deux des immatriculations – déjà très faibles – entre 2017 et 2018.
Les règles nationales encadrant la pratique ensuite. En France, les speedelecs doivent être immatriculés, porter une plaque d’immatriculation de manière visible et être assurés. Surtout, contrairement à la Suisse par exemple, la réglementation française n’autorise pas ce type de véhicule sur les pistes cyclables. Là encore, l’idée originale était louable : protéger les cyclistes de véhicules roulant à des vitesses bien plus élevées. Mais cette politique a des effets pervers. Les utilisateurs de speedelec ne se sentent pas en sécurité sur la route où ils doivent cohabiter avec des voitures. Ils se rabattent donc sur les pistes cyclables, ce qui les place en position d’illégalité. Pour ne pas être verbalisés, ils sont nombreux à ne pas porter de plaque d’immatriculation, voire à ne pas être immatriculés du tout. A force d’être contraire aux usages, la réglementation actuelle manque au final tous ses objectifs.
Pour une réglementation fondée sur la vitesse et non plus sur le type de véhicule
Ce qui ressort de l’étude menée par 6t-Bureau de recherche est l’attitude opportuniste des utilisateurs de speedelec sur la chaussée. En fonction de leur vitesse, du contexte local, de l’agencement de l’espace, ils optent pour les pistes cyclables ou bien pour la chaussée. Les pistes cyclables ne sont en effet pas adaptées – pour l’heure – pour des vitesses de 30 à 35 km/h : trop étroites, elles ne permettent pas bien souvent de doubler en sécurité ; peu isolées des trottoirs, elles font craindre des collisions avec les piétons. Enfin, leur tracé n’est parfois pas compatible avec la grande vitesse vélo. Les courbes trop serrées, les angles aigus et dangereux, la mauvaise qualité du revêtement sont autant d’inconvénients qui font préférer la chaussée aux utilisateurs de speedelec lorsqu’ils veulent rouler à pleine puissance.
En d’autres termes, les adeptes du speedelec ajustent par eux-mêmes leur comportement au type d’espace traversé. Il s’agit là d’une forme d’autorégulation vertueuse que la réglementation devrait encourager. Car, en réalité, la régulation est là pour favoriser un haut niveau de sécurité sur les pistes cyclables. Ce que la collectivité souhaite faire, c’est bien limiter la vitesse sur un espace donné. Or, dans une volonté de simplifier sans doute, la collectivité opère ce que Bruno Latour appellerait un « détour ». Au lieu d’établir un lien entre vitesse et espace, elle l’opère entre un type de véhicule et un espace donné. Le résultat, on l’a vu, est inadapté car le speedelec est un mode hybride, qui se comporte à la fois comme un vélo et comme un cyclomoteur en fonction des circonstances.
Au lieu d’assigner au speedelec un espace donné (la chaussée pour le moment), pourquoi ne pas fonder la réglementation sur la vitesse ? Lorsque son utilisateur roule à moins de 25 km/h, il pourrait emprunter les pistes cyclables, avec les autres vélos à assistance électrique. Lorsque, au contraire, il souhaite accélérer, il pourrait utiliser la chaussée. Ce serait là une solution pragmatique permettant à un moyen de transport nouveau de se développer selon son potentiel réel… Du moins dans l’attente d’infrastructures vélo permettant de rouler sans danger à 45 km/h.
Au-delà du simple cas du speedelec, réguler par la vitesse permettrait d’éviter de créer des réglementations ad hoc pour chaque nouveau mode tout en garantissant une coexistence harmonieuse sur l’espace public. Une réelle avancée pour nos villes face à l’explosion des modes urbains.
1 Velosuisse (2018).
2 6t Bureau de recherche, ADEME, Marché et usages des speedelecs, 2020.
La COVID-19 a pris tout le monde de court, mais la réactivité a été étonnante et, un peu partout, en improvisant, les villes ont trouvé les moyens de rebondir.
Du télétravail aux pistes à vélos, les solutions sont-elles pérennes? Après l’urgence, on sent le besoin d’évaluations précises, inscrites localement, avant de se lancer
dans les généralisations.
La réalité a dépassé la fiction
Quatre milliards d’humains confinés, même la SF ne l’avait pas vu venir. Personne ne l’avait prévu, eux non plus et ils le reconnaissent. Eux, ce sont les architectes et urbanistes réunis en juin pour une table ronde de l’Ecole d’architecture de la ville et des territoires de Paris-Est : Les territoires habités en temps de confinement : quelles mobilités, quelle occupation des rez-de-ville ? Le thème choisi le souligne, on ne veut pas s’en tenir aux trottoirs ou aux rues, mais redonner à la ville sa profondeur de champ.
Ce qu’on voyait venir, dit David Mangin (architecte, urbaniste, auteur notamment de La Ville franchisée), ce sont les Gafa qui attendaient un prétexte pour développer la surveillance numérique, qui travaillaient sur la santé pour la récolte et la maîtrise des données : « la Smart City comme Safe City », dit Mangin. Quasiment la société de contrôle énoncée et annoncée il y a trente ans par Deleuze, ajoutera-t-on. S’ils ont été pris de court par le confinement, ils sont surpris de voir la vitesse avec laquelle les réponses ont été apportées, à quel point, dit Bernard Landau (enseignant à l’Ecole des ingénieurs de la Ville de Paris) se référant à l’accord électoral entre Hidalgo et les écologistes, ce qui était impensable quelques mois auparavant s’est imposé comme une évidence. Des pistes cyclables sont apparues du jour au lendemain, les trottoirs se sont élargis en empiétant sur les rues. Les questions du bruit ou de la marche sont devenues criantes, relève Gwenaelle d’Aboville (urbaniste, agence Ville Ouverte). S’ils relèvent les défis, les urbanistes ont la sagesse de ne pas répondre trop vite. De se méfier de réponses trop générales. Et de demander déjà de solides monographies, comme celle sur Bergame en temps de COVID-19 due à Marco Cremaschi.
10 choix majeurs pour mieux consommer
Trois chercheurs (Diana Ivanova, Dominik Wierdenhofer, Max Callaghan) ont évalué le potentiel de réduction de gaz à effet de serre (GES) de 60 grands choix de consommation : renoncer à la voiture individuelle, manger végan, renoncer au transport aérien, etc. Leur étude publiée par le Forum Vies Mobiles se fonde sur le dépouillement de 7 000 articles scientifiques. L’objectif, c’est bien sûr d’atteindre zéro émission nette de GES en 2050, avec un palier à – 45 % en 2030. Sur l’ensemble des 60 choix, 10 offrent un fort potentiel de réduction des GES qui pourrait, selon eux, réduire leur empreinte de près de 9 t. eqCO2/personne.
La vie sans voiture offre le plus fort potentiel médian de réduction de tous les choix examinés, à 2,0 t. eqCO2/pers, dans une fourchette d’estimation allant de 0,6 à 3,6 t. eqCO2/pers.
Forte promesse aussi du passage au véhicule électrique, à 2 t. eqCO2/pers, mais la marge d’incertitude est immense, allant d’une réduction de – 1,9 t. eqCO2/pers (soit une augmentation, du fait d’effets contre-productifs) jusqu’à 5,4. Cette forte variabilité vient pour l’essentiel de la part des énergies fossiles dans la production d’électricité, qui élimine toute réduction de GES.
Résultat médian quasi-équivalent : se priver d’un seul voyage A/R par an offre une réduction de près de 2 t. eqCO2/pers.
Le télétravail offrirait un potentiel de 0,4 et le covoiturage/autopartage de 0,3.
Sans surprise, l’étude conclut à la nécessité de changer les habitudes alimentaires, de développer les infrastructures de transport en commun et l’usage du vélo, d’encourager le télétravail. Bref une sorte de confirmation chiffrée et étayée de ce qui est, si l’on peut dire, dans l’air du temps.
Sur la piste des vélos
Récemment mis en ligne, Jeux de piste, troisième épisode sur le vélo de Lost in transportation, le podcast de 6t.
On le sait, on l’a vu, la crise de la COVID-19 a servi d’accélérateur à la mise en place de pistes cyclables, 70 km à Paris, 25 à Berlin, 16 à Londres, 10 à Barcelone. Et à l’adoption d’un projet de RER Vélo de 650 km en Ile-de-France.
Si la piste semble indispensable à l’essor du vélo, elle ne suffit pas à en assurer le développement. Et puis, comme l’avait montré le premier épisode de la série, au Japon, où les pistes sont rares, le vélo assure 20 % des déplacements dans le Grand Tokyo, ou 28 % à Osaka, et sa pratique est fort répandue chez les 60-69 ans.
D’où une discussion menée par 6t sur l’importance des critères de cyclabilité (trois critères selon l’Ademe et le Club des villes et territoires cyclables : sécurité, efficacité d’un parcours en distance et en temps, et la praticité d’usage de la voie). Bref, une discussion dans laquelle il s’agit de contrebalancer l’esprit de géométrie (construisons des voies) par de la finesse (tenons compte de l’esprit des lieux et de ceux qui les habitent). Le prochain podcast nous emmènera en Suisse.
En France, il y a encore pas mal de chemin à faire. Et si le bobo parisien à vélo est une caricature, comme toute caricature, elle force des traits qui sont bien là : à Paris 46 % des cyclistes sont cadres, pour 26 % de la population, et 60 % sont des hommes (ils sont à 47 % Parisiens).
Séparation ou mixité ?
Pour bien connaître les seuils qui incitent à séparer le flux des vélos de celui des automobiles, on s’appuiera sur la récente étude du Cerema (Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement), Vélos et voitures : séparation ou mixité, les clés pour choisir. Le Cerema invite à « considérer conjointement »trois critères « avant de choisir de faire cohabiter ou non les cyclistes et les usagers motorisés sur le même espace ».
Premier des trois critères, le volume de trafic motorisé : au-delà de 4 000 véhicules par jour, « la cohabitation entre les cyclistes et les usagers s’avère très souvent problématique ».
Deuxième critère, la vitesse réellement pratiquée par les automobilistes, qui doit être évidemment modérée.
Il faut en troisième lieu tenir compte de la densité du trafic cycliste, trafic souhaité inférieur à 750 cyclistes par jour pour un réseau cyclable secondaire.
Critères qui donnent lieu à un tableau d’aide à la décision.
On profitera de la dernière étude du Cerema pour rappeler la précédente, publiée en juin, permettant de préparer la phase de déconfinement et de déposer des aménagements temporaires pour faciliter et sécuriser les déplacements à pied ou à vélo.
Zoom sur les Hauts-de-France
Réalisé par France Stratégie à la demande du Haut Conseil pour le climat, ce document de travail dû à Marie Dégremont, cheffe de projet, porte sur la prise en compte des enjeux climatiques dans la politique régionale de mobilité. La région Hauts-de-France représente 5 % des émissions nationales liées au transport pour 9 % de la population française et la croissance des émissions liées au transport y est plus faible que la moyenne nationale (5 % entre 2009 et 2017 contre 8 % dans le pays). Et pourtant le besoin de déplacement et la dépendance à la voiture pour les trajets domicile-travail y sont plus élevés que la moyenne nationale : la part modale de la voiture s’élève à 78,3 % contre 70 % en moyenne nationale, celle des transports en commun à 8,7 %. Sa population est par ailleurs vulnérable économiquement : le revenu disponible médian par unité de consommation y est le deuxième plus bas de France métropolitaine, le taux de chômage y est supérieur de deux points à la moyenne nationale.
Faire dans ces conditions de la décarbonation l’une des priorités des politiques de mobilité n’est pas, a priori, évident. Le conseil régional investit dans le ferroviaire, dans les pôles d’échanges multimodaux. Cependant, il faut avant tout développer les mobilités pour favoriser l’activité économique et l’accès à l’emploi. Or, 71 % des actifs travaillent hors de leur commune de résidence contre 64 % en moyenne nationale, et la région est économiquement prise entre deux pôles, l’un interne et l’autre externe, la métropole lilloise et l’Ile-de-France. Certaines mesures comme le développement d’axes routiers ou la diminution de la taxe sur les certificats d’immatriculation peuvent ainsi entrer en contradiction avec les engagements climatiques. Comme relève la note de France Stratégie, « les Hauts-de-France font partie des territoires où la mise en cohérence des réponses sociales et environnementales est particulièrement difficile à réaliser ».
Carlo Ratti revisite Brasilia
Le projet était lancé depuis 2018, il vient d’être rendu public. Carlo Ratti1 (agence CRA) vient de présenter le plan directeur de Biotic, un nouveau quartier de Brasilia. Quartier de technologie et d’innovation, d’un million de mètres carrés. Problème de Brasilia, selon Carlo Ratti reprenant une plaisanterie locale : le quartier des cafés est éloigné du quartier du sucre.
Les quatre échelles urbaines définies par Lúcio Costa dans son plan pilote de 1957 (résidentielle, monumentale, grégaire, et bucolique) sont recombinées. Réalisé en collaboration avec l’agence EY pour le compte de l’entreprise foncière publique TerraCap, le nouveau quartier réinterprète les Super Blocks (ou Superquadras) du secteur résidentiel de Brasilia. Et veut faire mentir Simone de Beauvoir qui regrettait l’élégante monotonie de la capitale inaugurée en 1960 et disait que jamais la rue n’y verrait le jour…
1Carlo Ratti, fondateur de CRA, est directeur du Senseable City Lab du Massachusetts Institute of Technonology (MIT).
Creuse toujours, tu m’intéresses
Si l’on est las des réinterprétations, des reconsidérations ou des remaniements, une story arrivée par mail (Smart Cities are digging deep, Craig Bett) vient nous rappeler que tout le monde n’a pas renoncé à innover, à construire, à édifier. Avec une nouvelle tendance : sous terre.
Utrecht le montre avec son parking souterrain récemment ouvert pour 12 500 vélos. Kuala Lumpur vient d’ouvrir un système appelé Smart (Stormwater Managment And Road Tunnel), combinant tunnel souterrain pour le trafic automobile et système d’évacuation des eaux des orages. Tunnel à deux étages, dont le supérieur devient, en cas d’orage violent, tunnel d’évacuation des eaux. Séoul pour sa part convertit une partie des infrastructures de métro en jardin souterrain. Il paraît qu’à coups de LED les laitues ne mettent que 38 jours à pousser sous terre au lieu de 50 à l’air libre. Et le CO2 émis par les passagers du métro profite aux plantes qui rejettent en retour de l’oxygène dans le métro. A Londres enfin, la compagnie Magway a prévu un réseau souterrain pouvant traiter 600 millions de colis par an, avec l’ambition de faire sous terre concurrence au réseau terrestre d’Amazon. Le panorama ne serait pas complet sans Hyperloop, qui pourrait bien profiter de telles infrastructures souterraines. D’autant que, pour The Boring Company, entreprise de Musk, le prix des travaux souterrains est passé au cours des dernières années à 10 millions de dollars par mile, au lieu d’une fourchette située entre 100 millions et un milliard.
Bref, on creuse. Ira-t-on jusqu’à dire qu’on s’enfonce ?
Depuis le début des années 2000, un peak car a été observé, ainsi qu’un peak rail, au profit de l’avion. La crise économique et sociale qui s’annonce va étendre la dé-mobilité à tous les modes motorisés. Après quoi le retour de la croissance pourrait bien se traduire par une nouvelle croissance de la mobilité…
Au printemps 2020, le monde est passé brutalement de la mobilité à l’immobilité. Les distances franchies quotidiennement se sont réduites à quelques centaines de mètres, à pied. Avec le déconfinement, les trafics ont repris mais ils restent très inférieurs à ce qu’ils étaient, pour les transports collectifs (train, avion, autocar…) mais aussi, dans une moindre mesure, pour la circulation automobile. Cela résulte-t-il seulement de la récession engendrée par l’arrêt de la machine économique ? Ou s’agit-il d’un mouvement plus profond de « dé-mobilité » ? Afin de démêler les facteurs conjoncturels et les tendances structurelles, il est nécessaire de rappeler ce qu’était le monde d’avant. Cela nous aidera à mieux comprendre ce que dé-mobilité veut dire dans le monde d’après.
La dé-mobilité : une réalité déjà ancienne ?
En 2012, le Forum international des transports (OCDE) organisait une table ronde sur la mobilité des voyageurs et le trafic automobile dans les pays développés. Depuis le début des années 2000, un peak car a en effet été observé. La figure de la page ci-contre vient confirmer cette hypothèse pour la France. Le nombre de voyageurs-km par habitant plafonne en France pour l’automobile depuis 2002 (échelle de gauche), mais aussi pour le ferroviaire depuis 2008 (hors Ile-de-France, échelle de droite).
Pour l’automobile, une telle évolution marque plus qu’une inflexion, une rupture avec le dernier quart du XXe siècle où le trafic routier progressait de 3 % par an, peu ou prou comme le PIB. Or, depuis 2002, le PIB par habitant a progressé de 12 % alors que le trafic a baissé. Comment expliquer ce découplage entre niveau de vie et recours à l’automobile ? De 2002 à 2008, le report vers le train était évoqué, mais cette analyse ne tient plus. Les nouvelles LGV et le développement des TER ont soutenu la demande après 1995, mais ce n’est plus vrai depuis 2008. Il est vrai que des grèves longues ont pénalisé le train en 2014, 2016 et 2018, mais cela n’explique pas tout.
Pour comprendre les tendances lourdes qui conduisent au peak car et au peak rail, il faut d’abord se souvenir que le pic est suivi d’un plateau, pas d’une baisse tendancielle. Ce que confirme l’évolution de la structure du budget des ménages. Comme le veut la loi d’Engel, les biens et services que nous consommons peuvent être classés en trois catégories : les biens « inférieurs » dont la part relative dans le budget des ménages décroît avec la hausse des revenus, les biens « supérieurs » pour lesquels elle s’accroît et les biens « normaux » pour lesquels elle est stable. Or l’Insee nous apprend que, de 2008 à 2018, les dépenses de transport sont restées stables dans le budget des ménages (environ 15 %). Il s’agit donc d’un bien « normal ». Mais à l’intérieur du poste « transport », des réaffectations existent.
Ainsi, de 2008 à 2018, en monnaie courante, la consommation des ménages a progressé de 12 %, mais les dépenses ferroviaires sont restées stables à 4,9 milliards d’euros (bien inférieur ?) alors que les achats de billets d’avion ont augmenté de 32 % à 11,4 milliards d’euros (bien supérieur ?), comme le nombre de passagers dans les aéroports (+ 34 %). Nous ne sommes donc pas encore dans la situation de peak travel évoquée par Phil Goodwin. En tenant compte des flux à l’international, principalement en avion, la distance franchie quotidiennement a progressé de 34 % de 1992 à 2017, à peu près autant que le PIB par habitant. Cette progression va-t-elle se poursuivre après la crise sanitaire ?
La dé-mobilité : effet revenu et effet de substitution
Depuis quelques années, les achats des ménages révèlent un phénomène de dé-consommation, un terme qu’il ne faut pas assimiler à la fin de la société de consommation, mais plutôt à une évolution vers des choix plus qualitatifs. Il en va ainsi des achats alimentaires, de plus en plus tournés vers les produits référencés « bio », ou des achats de vêtements qui baissent légèrement en volume, mais pas en valeur. Ces évolutions sont liées à une progression faible du pouvoir d’achat, mais aussi à une sensibilisation croissante aux exigences de modes de vie plus sains et plus respectueux de l’environnement. Le même mouvement existe dans le champ de la mobilité avec le développement de l’usage du vélo et des transports collectifs en zone urbaine, voire avec des thèmes venus de Suède comme la « honte de voler » (flygksam) ou la « fierté de prendre le train » (train brag). Ces tendances vont-elles se renforcer dans les années qui viennent ?
Pour répondre à cette question, le premier facteur à prendre en compte est l’évolution des revenus et de l’épargne. Avec le confinement, l’épargne des ménages a beaucoup progressé.
Or, compte tenu de la crise économique annoncée pour la fin 2020, voire au-delà, les revenus seront affectés et l’épargne de précaution va perdurer. La consommation va en pâtir, notamment dans le champ de la mobilité, surtout si la pandémie persiste. Il y aura donc dé-mobilité, principalement du fait d’une inquiétude des ménages quant à leur pouvoir d’achat, soit un effet revenu négatif. Les biens supérieurs comme le transport aérien seront les plus affectés comme le montrent les sombres prévisions des compagnies aériennes. Elles n’attendent pas de « retour à la normale » avant plusieurs années.
Un autre élément de réponse réside dans l’effet de substitution. Les économistes désignent ainsi des situations où la structure de la consommation change sous l’effet d’une modification des prix relatifs. Or, s’ils veulent respecter leurs engagements climatiques, les pays européens devront d’une façon ou d’un autre accroître le prix des carburants fossiles et plus généralement le coût de la mobilité. Dans cette perspective, une substitution entre les modes de transport pourrait se manifester, notamment au profit des deux-roues, mais aussi de formes nouvelles de transport collectif à faible coût privé et public comme le covoiturage ou les cars express sur autoroutes connectées aux pôles d’emploi. Notons toutefois qu’un tel scénario reste encore très hypothétique tant les politiques publiques peinent à prendre des mesures à la hauteur de leurs engagements.
Le télétravail sera-t-il à l’origine d’un autre effet de substitution ? L’idée est revenue sur le devant de la scène avec le confinement. Grâce à la généralisation d’internet, des millions de salariés ont pu continuer à travailler depuis leur domicile. Dans beaucoup d’entreprises, ce phénomène est en train de modifier l’organisation du travail. Mais cela va-t-il mécaniquement réduire les déplacements ? Rien n’est moins sûr à cause de l’effet rebond. Comme l’a montré une récente enquête du Forum Vies Mobiles, les personnes qui télétravaillent parcourent dans l’année plus de kilomètres que les autres. Ce paradoxe s’explique car elles bénéficient d’une plus grande souplesse qui leur permet de plus se déplacer le week-end, mais aussi de choisir une résidence éloignée de leur lieu de travail. C’est peut-être aussi lié à un effet revenu. Ce sont les cadres qui télétravaillent.
Au final, une certaine dé-mobilité a commencé avant la crise sanitaire comme le montre le peak car et de façon plus surprenante le peak rail. Ils sont plutôt le fruit d’un effet de substitution au profit de l’avion. La crise économique et sociale qui s’annonce va étendre la dé-mobilité à tous les modes motorisés, principalement à cause d’un effet revenu. Quand la croissance sera revenue, la mobilité repartira à la hausse, notamment pour le transport aérien, à moins que les politiques publiques lui imposent une forte hausse de ses prix relatifs. Elles n’en prennent pas vraiment le chemin.
La pandémie de COVID-19 a conduit à inventer dans l’urgence des services mobiles, capables d’apporter wifi, aides à la personne, secours aux malades dans une société confinée. Elle accélère et accentue une tendance à l’œuvre depuis des années, sur laquelle l’Institut pour la ville en mouvement/Vedecom poursuit un programme de recherche international depuis 2017. Une tendance faisant des véhicules connectés des nouveaux outils du vivre-ensemble. Et bousculant les coutumes du transport public traditionnel, peu enclin à fournir autre chose que du transport…
Les VRP du vrac, sous ce joli nom, Le Monde a récemment célébré des marchands d’un nouveau genre qui ont fait leur apparition sur les routes de France, en vendant céréales ou légumes sans emballage et au poids. Une soixantaine d’épiceries mobiles circuleraient un peu partout dans le pays. Selon le quotidien, « la crise sanitaire, qui a vu les circuits courts rencontrer un succès inespéré, ne devrait qu’encourager le mouvement ».
Ce n’est pas l’Institut pour la ville en mouvement/Vedecom (IVM) qui dira le contraire. En 2017, l’IVM a lancé un programme international de recherches sur ce qu’il appelle des « hyperlieux mobiles ». Un nom un peu chic et intello, mais il faut reconnaître qu’il n’est pas si simple de fédérer sous un concept des initiatives aussi foisonnantes que celles qui intéressent l’Institut. Ces pratiques, l’IVM les réfère à des figures traditionnelles « comme le vagabond, le pèlerin, le commerçant ambulant, le rémouleur et le colporteur, les troupes de cirque et de théâtre, l’écrivain public itinérant ». Figures toujours présentes dans le monde contemporain, mais métamorphosées. L’IVM recense environ 600 initiatives dans le monde entier, qui vont du bikebus (le bus dans lequel on fait du vélo d’appartement) à la Télé imagerie médicale mobile (TIMM) en passant, pourquoi pas, par les épiciers du vrac dont nous venons de parler. Ces pratiques sont largement méconnues.
« Cela n’existe ni comme champ d’études, ni comme domaine statistique », constate Mireille Apel-Muller, la directrice de l’IVM-Vedecom. D’où le programme de recherches d’un institut qui les croit promises à un bel essor.
Car, avec la crise de COVID-19 et le confinement, pour que tout s’arrête et que des millions de personnes puissent rester chez elles, il a fallu que de très nombreux services continuent à fonctionner et que des millions de personnes continuent à bouger. On a beaucoup parlé des premiers de cordée, de tous ceux qui ont dû prendre leur poste de travail dans les grandes surfaces, des éboueurs qui ont continué de vider les poubelles, des personnels des hôpitaux plus que jamais mobilisés. Il n’a pas seulement fallu continuer. Il a fallu innover, et que des services aillent jusqu’aux gens.
En témoignent les photos spectaculaires, dans le monde, de dépistage mobile, de paquebot hôpital ou de TGV transformés en unités mobiles médicalisées. Ou de retour en vogue du drive, pour voir un film ou assister à des offices religieux sur les parkings : certes, les spectateurs et les fidèles se déplacent, mais les officiants ou les opérateurs font une partie du chemin jusqu’à eux.
Ces activités mobiles, on en a déjà vu les prémices dans le monde moderne, rappelle Mireille Apel-Muller, avec les « petites Curie », des véhicules dotés d’unités de radiologie qui allaient au front, au plus près des blessés, pendant la Première Guerre mondiale. On peut aussi penser au tri postal qui s’est longtemps effectué dans les trains et qui met en lumière une autre dimension : le temps de trajet est du temps utile. Mais qui rappelle aussi que les modèles économiques sont fragiles, l’automatisation du tri dans les centres ayant eu raison du service mobile… On peut aussi penser à autre chose que du temps de travail : du loisir ou de la formation. L’idée, pour l’IVM, c’est de voir tout ce qui peut faire du véhicule autre chose qu’un moyen de transport, que le temps de trajet ne soit pas un temps mort, et qu’en définitive le véhicule lui-même devienne une destination.
Une tradition va déjà dans ce sens, rassemblant, on l’a dit, forains et colporteurs, mais aussi artisans allant de client en client et ayant fait de leur véhicule un atelier roulant. A cette strate ancienne, est venue s’ajouter une nouveauté d’importance : le téléphone portable, ou plus généralement tous les outils modernes de connexion, qui font qu’on est à la fois ici et là-bas. Dernière nouveauté attendue : le véhicule autonome qui, s’il tient toutes ses promesses, avec la disparition à terme du poste de conduite, va inviter à redessiner l’espace du véhicule, à en faire une pièce roulante ou un atelier high-tech ambulant. Et, pour Mireille Apel-Muller, il pourrait bien se passer avec le véhicule autonome ce qu’on a connu avec le téléphone portable, dont la fonction de téléphone est rapidement devenue secondaire. Bref, on pourrait assister à un changement profond de notre rapport à la mobilité, qu’il n’est sans doute pas idiot d’anticiper.
Des transformations en cours et des prochaines métamorphoses, l’IVM-Vedecom en attend plusieurs choses. Qu’elles aident le transport public à se transformer. Un transport public qui trop souvent se contente de transporter sans apporter du service. Or les exemples pointés par l’IVM montrent que dans certains pays, où règne la débrouille, des compagnies de bus inventent des activités pour attirer les clients. Certes, on est loin du modèle du transport public européen, on est dans une concurrence dure entre entreprises privées, mais on aurait bien tort de se priver des bonnes idées. D’autant que le transport public a un rendez-vous historique : si le véhicule autonome, naturellement électrique, se développe avec une généralisation du covoiturage, les bus, cars ou trains auront fort à faire avec une nouvelle concurrence. Il n’y aura plus, d’un côté l’autosoliste à condamner, de l’autre le transport public à encourager. Entre les deux — et ce ne sont pas des vues de l’esprit, de nombreux exemples en témoignent, surtout à l’étranger —, prennent déjà place des véhicules moins publics que communautaires, qui peuvent être affrétés par un groupe de gens ayant une même destination. La réflexion de l’institut est partagée par des transporteurs conscients de leurs limites et des prochains enjeux, et l’on peut souligner le rôle de Yann Leriche, aujourd’hui directeur général de Getlink, mais au moment du lancement du programme de recherche de l’IVM, PDG Amérique du Nord de Transdev et responsable des systèmes de transport autonome.
Yann Leriche qui a écrit avec Jean-Pierre Orfeuil, pour l’IVM, un livre important sur le véhicule autonome (Piloter le véhicule autonome au service de la ville, 2019, Descartes & Cie). Transdev poursuit sa participation au programme, et une métropole où le groupe opère devrait prochainement se lancer dans un démonstrateur d’« hyperlieu mobile ». La RATP comme la SNCF sont attentives à ce que repèrent les radars de l’IVM. Un IVM qui, très proche dès sa naissance du monde automobile, ne peut que se réjouir de lui voir un avenir dans le monde autonome et connecté.
Un deuxième point, c’est le développement d’un urbanisme souple, réversible. Plutôt que de construire toujours, et de figer les lieux dans le béton, on peut inventer des véhicules qui « font lieu » là où ils s’arrêtent. On peut assurer de nouvelles centralités urbaines. Pour lesquelles on peut s’inspirer de pays d’Europe du Nord (solution pour des territoires peu denses), mais aussi de pays pauvres d’Amérique latine, d’Afrique ou d’Asie. Jean-Pierre Orfeuil s’interroge : « l’injonction à sortir de l’automobilité bute sur l’absence fréquente d’alternatives crédibles, et sur l’absence d’activités dans de nombreux territoires résidentiels. Des réponses à ces questions s’esquissent avec une plus grande fluidité de l’occupation du bâti : développement de commerces éphémères, d’espaces de coworking, utilisation des écoles par des associations, etc. Et si la suite logique c’était une substitution de l’immobilier par le mobile, un usage de véhicules à d’autres usages que le déplacement ? ». Prudent, Orfeuil sait que la voie est étroite, mais juge de ce fait utile de l’explorer. Et Christine Chaubet, chef du projet Hyperlieux mobiles à l’IVM, regarde de près cet « urbanisme connecté, permettant de créer temporairement des centralités intenses ».
Enfin, on a bien en tête que la crise du COVID-19 risque de ne pas être une parenthèse vite refermée. Que d’autres crises sanitaires graves peuvent mettre à genoux la vie publique. Et que le réchauffement climatique va de plus en plus peser. Comment fait-on, quand il fait 40° ?, se demande Mireille Apel-Muller. Tout le monde va faire les courses à vélo ? Sans aller jusqu’aux situations extrêmes, on peut voir dans certaines solutions qui se mettent en place « une ressource au-delà de l’urgence », comme dit Christine Chaubet. De plus en plus, il faudra rendre des services à diverses personnes, à commencer par les plus âgés, dont le destin n’est pas toujours l’Ehpad. Repenser le transport, développer un urbanisme provisoire, apporter les services.
Autant de questions générales, mais dont les réponses seront sans doute dans une multitude d’initiatives particulières, de sur-mesure qu’il s’agit de favoriser, de pérenniser, de cadrer, certaines des activités s’effectuant dans des zones floues du droit et de la réglementation.
En définitive, souligne-t-on à l’IVM, s’ouvrent deux perspectives diamétralement opposées : soit, à la faveur du véhicule autonome, le véhicule individuel connaît un nouvel essor. Comme on transporte avec soi son programme de travail, d’échanges, d’activités, on n’a plus besoin de prendre le transport public, et tout cela peut déboucher sur une perspective apocalyptique d’étalement urbain. Soit le transport, notamment public, se réinvente et on fait en sorte que les innovations technologiques concourent au bien commun…
F. D.
Naissance d’un concept
Dans hyperlieu mobile, ça va sans le dire mais ça va mieux en le disant, il y a déjà hyperlieu (que l’on peut écrire aussi hyper-lieu). Le géographe Michel Lussault y a consacré un livre, Hyper-lieux, les nouvelles géographies politiques de la mondialisation (Seuil, 2017). Certains lieux sont pour lui des concentrés de mondialisation dans lesquels « le lieu fonctionne à toutes les échelles en même temps ». L’idéal-type de l’hyperlieu est Times Square, à New York. L’IVM se réfère aux travaux de Lussault mais aussi à ceux de François Ascher (1946-2009), qui fut le président de son conseil scientifique. François Ascher s’étant intéressé aux hyperlieux, comme des hubs dans lesquelles viennent s’hybrider diverses fonctions, aéroports ou gares par exemple. Les techniques nouvelles de communication, surtout le téléphone portable, ont changé de plus le rapport du proche et du lointain. L’IVM, qui avait déjà beaucoup travaillé sur les aides à domicile et sur la mobilité des personnes s’occupant des malades, en est venu naturellement et conformément à ce que promet son nom («la ville en mouvement»)à une recherche sur les Hyperlieux mobiles, puisque les techniques de connexion ont déjà transformé en lieux multiscalaires les outils de la mobilité.
Une recherche internationale
Pour étudier les hyperlieux mobiles, l’IVM s’appuie sur ses chaires au Brésil, en Amérique latine et en Chine, et sur ses partenaires, Transdev, Michelin, Valeo, La Poste, l’IFSTTAR, Telecom ParisTech, l’université Gustave Eiffel, 6-t, UPC-Etsav Barcelone. Un comité de pilotage rassemble des spécialistes du transport ou de l’urbanisme comme Laetitia Dablanc, spécialiste de la logistique (voir son article dans ce numéro page 106), Andrés Borthagaray, architecte, directeur de l’IVM pour l’Amérique latine, ou Carlos Llop, architecte, professeur à l’Université polytechnique de Catalogne.
Douche froide sur le véhicule autonome
Si l’IVM voit dans le véhicule autonome le couronnement à venir des « hyperlieux mobiles », il va falloir patienter. En témoigne le règlement international pour les véhicules autonomes de niveau 3 (dans lequel il doit y avoir un conducteur à bord, l’usage du système de conduite autonome étant conditionné aux circonstances). Préparé par la Commission économique pour l’Europe des Nations Unies, il a été adopté fin juin par 53 pays, dont les pays de l’UE, la Corée du Sud et le Japon. Les normes internationales pour le développement de ces véhicules « jouent la carte de la retenue », comme dit diplomatiquement Autonews, ajoutant que le règlement « ne fait pas de cadeau aux développeurs ». Le système ne peut être activé que si le conducteur est au volant, ceinture de sécurité attachée. Il sera interdit sur les routes où les piétons et les cyclistes côtoient les voitures. Interdit aussi quand il n’y a pas de séparation physique entre les deux sens de circulation. L’usage sera limité à une vitesse maximale de 60 km/h.
Des exemples de toutes sortes et dans le monde entier
Vélo. En Afrique, notamment en Côte d’Ivoire, des cyclistes, avec leurs vélos munis de panneaux solaires, apportent l’électricité et le wifi dans les villages. Une place publique se crée autour du vélo.
Bikebus. Service de bus de Boston offrant des vélos d’appartement sur lesquels on peut s’installer et pédaler pendant le trajet.
Matatus. A Nairobi, au Kenya, les bus en concurrence sur des lignes régulières offrent des services comme la diffusion de musique ou de vidéo, l’accès au wifi.
Salle de classe mobile. Le bus emmenant les enfants à l’école, au Pérou, est transformé en salle de classe pour apprendre la sécurité routière pendant le temps de déplacement.
TIMM santé. Une unité mobile de l’hôpital de Lannemezan sillonne les routes pour apporter le service de Télé imagerie médicale mobile (échographie, radiologie, consultation médicale à bord avec un médecin connecté). Version pointue du camion médical existant dans le monde et allant à la rencontre des patients.
Une flotte de ballons chargés d’énergie solaire a été lancée au Kenya. A 20 km d’altitude, pour déployer un réseau internet à haut débit dans le centre du pays rural et montagneux afin de favoriser le télétravail des salariés et les cours à domicile pour les écoliers.
Pancadões. A São Paulo notamment ont lieu des rave parties spontanées, illicites, reposant sur l’installation de murs de son provisoires.
Bibliobus wifi. Dans l’Etat de New York, des bibliobus servent diffusent pendant la crise le wifi dans des quartiers sous-équipés pour permettre (entre autres), aux élèves de suivre leurs cours en ligne.
Véhicules autonomes. En Chine, où on expérimente des véhicules autonomes, ces technologies ont été utilisées pour faire de la surveillance ou de la désinfection de la voirie autour des hôpitaux.
Pour offrir les meilleures expériences, nous utilisons des technologies telles que les cookies pour stocker et/ou accéder aux informations des appareils. Le fait de consentir à ces technologies nous permettra de traiter des données telles que le comportement de navigation ou les ID uniques sur ce site. Le fait de ne pas consentir ou de retirer son consentement peut avoir un effet négatif sur certaines caractéristiques et fonctions.
Fonctionnel
Toujours activé
Le stockage ou l’accès technique est strictement nécessaire dans la finalité d’intérêt légitime de permettre l’utilisation d’un service spécifique explicitement demandé par l’abonné ou l’utilisateur, ou dans le seul but d’effectuer la transmission d’une communication sur un réseau de communications électroniques.
Préférences
Le stockage ou l’accès technique est nécessaire dans la finalité d’intérêt légitime de stocker des préférences qui ne sont pas demandées par l’abonné ou l’utilisateur.
Statistiques
Le stockage technique ou l'accès qui est utilisé exclusivement à des fins statistiques.Le stockage ou l’accès technique qui est utilisé exclusivement dans des finalités statistiques anonymes. En l’absence d’une assignation à comparaître, d’une conformité volontaire de la part de votre fournisseur d’accès à internet ou d’enregistrements supplémentaires provenant d’une tierce partie, les informations stockées ou extraites à cette seule fin ne peuvent généralement pas être utilisées pour vous identifier.
Marketing
Le stockage ou l’accès technique est nécessaire pour créer des profils d’utilisateurs afin d’envoyer des publicités, ou pour suivre l’utilisateur sur un site web ou sur plusieurs sites web ayant des finalités marketing similaires.
Pour offrir les meilleures expériences, nous utilisons des technologies telles que les cookies pour stocker et/ou accéder aux informations des appareils. Le fait de consentir à ces technologies nous permettra de traiter des données telles que le comportement de navigation ou les ID uniques sur ce site. Le fait de ne pas consentir ou de retirer son consentement peut avoir un effet négatif sur certaines caractéristiques et fonctions.
Fonctionnel
Toujours activé
Le stockage ou l’accès technique est strictement nécessaire dans la finalité d’intérêt légitime de permettre l’utilisation d’un service spécifique explicitement demandé par l’abonné ou l’utilisateur, ou dans le seul but d’effectuer la transmission d’une communication sur un réseau de communications électroniques.
Préférences
Le stockage ou l’accès technique est nécessaire dans la finalité d’intérêt légitime de stocker des préférences qui ne sont pas demandées par l’abonné ou l’utilisateur.
Statistiques
Le stockage technique ou l'accès qui est utilisé exclusivement à des fins statistiques.Le stockage ou l’accès technique qui est utilisé exclusivement dans des finalités statistiques anonymes. En l’absence d’une assignation à comparaître, d’une conformité volontaire de la part de votre fournisseur d’accès à internet ou d’enregistrements supplémentaires provenant d’une tierce partie, les informations stockées ou extraites à cette seule fin ne peuvent généralement pas être utilisées pour vous identifier.
Marketing
Le stockage ou l’accès technique est nécessaire pour créer des profils d’utilisateurs afin d’envoyer des publicités, ou pour suivre l’utilisateur sur un site web ou sur plusieurs sites web ayant des finalités marketing similaires.