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Ewa

Recherches, débats, positions

La Défense

« Ça tue plus de gens que le Covid » -– A La Défense, on y va plus en auto, plus à vélo, moins en métro – Robots livreurs objets de thèse – Le Mobiliscope à jour –Retour sur les espaces peu denses – En marche avec l’hydrogène – Leonard s’y met aussi – Et l’Ademe aide au développement.

« Ça tue plus de gens que la Covid »

Transition ou effondrement ? C’est la question que posait l’Ecole des ingénieurs de la ville de Paris dans son université d’été, sur la question Urbanisme et santé publique… Une université d’été bien décalée dont, Covid oblige, la première séance s’est tenue en novembre 2020 et les trois suivantes en mars dernier. On ne donnera qu’un échantillon d’un ensemble riche : l’intervention de Frédéric Bonnet, Grand prix de l’urbanisme, qui veut « réinterroger la densité ». Connaissant bien les villes nordiques, se référant à Helsinki, ville polycentrique offrant des espaces de densité très riches, et de grands espaces de respiration, il invite à mieux se déplacer, moins se déplacer et à revoir pour cela la répartition des fonctions dans la ville. On en est très loin dit-il, regrettant une « tendance à faire encore de l’urbanisme du XXe siècle ». A mettre encore la circulation des voitures et les infrastructures routières au premier plan. Sauf exception comme à Paris, le vélo dans les villes françaises reste marginalisé. « Ça ne correspond pas aux mantras de la com, mais c’est ce qui se passe », regrette-t-il. Dernier signal d’alarme, l’étude d’une équipe de chercheurs des universités de Harvard, Birmingham, Leicester et Londres publiée le 9 février dans Environmental research. Elle évalue à 8,7 millions de morts en 2018 dans le monde les victimes de la pollution de l’air par les énergies fossiles, deux fois plus qu’on ne l’estimait jusqu’à présent. La nouvelle étude prenant en compte l’impact des particules fines : AVC, crises cardiaques et cancers.

En Europe, le nombre de victimes de la pollution atteignait alors 1,5 million. Or, constate Frédéric Bonnet, « ça tue beaucoup plus de gens que la Covid et on met moins de moyens en face ».

https://cutt.ly/bviosmB

A La Défense, on y va plus en auto, plus à vélo, moins en métro

12 % des personnes qui viennent travailler à La Défense ont récemment changé leur mode de déplacement et 13 % entendaient le faire prochainement. C’est ce qui ressort d’une enquête menée en décembre dernier par Paris La Défense avec l’Ieseg Conseil auprès de 5 500 personnes. 67 % de ceux qui avaient alors déjà changé leur mode de déplacement ont invoqué la crise sanitaire comme principale raison.

Les transports en commun restent le premier mode de déplacement. Et selon le communiqué, « 85 % des salariés interrogés se sentent en sécurité face au risque sanitaire dans les transports collectifs empruntés ». Reste que leur part baisse : 42 % des employés interrogés empruntent le RER, contre 47 % avant la crise, 40 % utilisent le métro contre 44 %. Les déplacements en bus sont stables, à 15 %. 23 % des salariés du quartier d’affaires empruntent désormais leur voiture, contre 16 % avant la crise sanitaire. Le vélo gagne aussi, mais moins : 13 % des travailleurs de Paris La Défense l’utilisent aujourd’hui contre 8 %. La marche affiche également une légère hausse, de 16 % à 18 %. 20 % des salariés interrogés souhaitent la mise en place de davantage d’infrastructures pour les modes de déplacement actifs tels que le vélo ou la trottinette.

https://cutt.ly/kvipAXR

Robots livreurs objets de thèse

La chaire Anthropolis, portée par l’IRT SystemX et Centrale Supélec, s’intéresse à l’utilisation de drones ou de robots pour les livraisons du dernier kilomètre : drones partant d’une base, drones partant d’un camion, ou robots pour le dernier kilomètre.

Une thèse de doctorat soutenue par Shoahua Yu a examiné différents cas d’usage entre un robot et son vaisseau mère. L’ensemble des travaux conduits « ont démontré que les livraisons basées sur des robots pourraient être rentables d’un point de vue opérationnel ».

Pour progresser, l’IRT SystemX ou la chaire Anthropolis pourront s’appuyer sur le projet européen Lead, lancé mi-2020, qui prévoit la création de jumeaux numériques de logistique urbaine à Madrid, La Haye, Budapest, Lyon, Oslo et Porto.

https://cutt.ly/nvipCG7

Le Mobiliscope à jour

Développé par une équipe du CNRS, en utilisant des données du Cerema, et avec le soutien de l’Agence nationale de la cohésion des territoires, l’outil de géovisualisation Mobiliscope fait apparaître l’évolution de la composition sociale d’une ville ou d’un quartier heure par heure au cours de la journée, en se fondant — sauf pour l’Ile-de-France — sur les données d’enquêtes de déplacement. Sa nouvelle version intègre 49 agglomérations françaises et leur périphérie, soit 10 000 communes, couvrant les deux tiers de la population. Les enquêtes utilisées fournissent, non seulement des informations sociologiques (âge, sexe, CSP), mais aussi les motifs de déplacement et les modes de transport usités. Où il apparaît que la ségrégation sociale se reproduit au cours de la journée en dépit (ou justement à cause) des déplacements quotidiens…

Pourquoi quantifier et qualifier la population ? Cela peut aider à implanter un service ou un équipement au bon endroit et à l’ouvrir au bon moment. Ces questions, soulignent les concepteurs, « font écho aux politiques temporelles qu’un certain nombre de collectivités locales cherchent à mettre en place ». Cet instrument de mesure des inégalités qui pèsent sur la vie quotidienne, est en retour un instrument de suivi de l’efficacité des politiques publiques œuvrant pour une ville inclusive. Le Mobiliscope permet de connaître l’évolution sociospatiale d’une région (ou d’un secteur) et d’affiner au cours de la journée les diagnostics territoriaux, au-delà de seuls diagnostics basés sur la population résidente. A souligner : le Mobiliscope se veut « une alternative libre et gratuite aux services payants et propriétaires qui se développent actuellement autour de la quantification de la population présente au fil du temps ». Bien vu.

Retour sur les espaces peu denses

Olivier Jacquin, sénateur socialiste de Meurthe-et-Moselle, est revenu fin mars sur son récent rapport parlementaire Mobilités dans les espaces peu denses en 2040 : un défi à relever dès aujourd’hui. Comment se déplacer demain à la campagne et réparer la fracture territoriale ? La question a pris une tournure cruciale avec la crise des Gilets jaunes.

Or, la rupture d’égalité entre les territoires reste d’actualité : toutes les communautés de communes sont en train de délibérer pour la prise de la compétence mobilités mais nombreuses sont celles qui n’ont pas les moyens de la mise en œuvre de cette compétence…

Olivier Jacquin a pu de nouveau faire part de son constat et de ses convictions : « Le constat est clair : la voiture est utilisée dans plus de 80 % des transports du quotidien, c’est pourquoi il convient de socialiser pour partie sa pratique en partageant sous différents modes son usage, qu’il s’agisse de transports à la demande, d’autopartage ou de la promesse des nouvelles pratiques du covoiturage courte distance dynamisées par le numérique. Enfin, les modes doux ne sont pas exclus à la campagne car près de la moitié des trajets du quotidien font moins de trois kilomètres ».

En marche avec l’hydrogène

Michel Delpon (député LREM de Dordogne) publie Hydrogène renouvelable, l’énergie verte du monde d’après, (Nombre7 Editions). Michel Delpon voit en l’hydrogène la clé de voûte de la transition énergétique. Car les énergies vertes, qui vont s’imposer face au réchauffement climatique et à l’épuisement des ressources naturelles, sont produites de façon intermittente : pendant la journée pour l’énergie photovoltaïque, quand il y a du vent pour l’énergie éolienne. C’est ici qu’intervient l’hydrogène, excellent vecteur énergétique qui permet de stocker et transporter l’énergie qui sera utilisée plus tard. Pour Michel Delpon, l’hydrogène, longtemps cantonné à un usage industriel, s’apprête à transformer nos usages énergétiques.

Leonard s’y met aussi

Ce n’est pas Léonard qui dira le contraire. La plate-forme de prospective et d’innovation du groupe Vinci a entamé le 14 avril son nouveau cycle de conférences, La filière hydrogène, acteur-clé de la transition énergétique. Un cycle de six événements se proposant une fois par mois de « parcourir toute la chaîne de valeur de l’hydrogène, ses usages et ses dimensions technique et économique, en dressant l’état des lieux des applications existantes et de la recherche ».

Et l’Ademe aide au développement

S’agissant des applications, précisément, l’Ademe soutient la consolidation de la filière en accompagnant les déploiements d’écosystème hydrogène dans les territoires. L’Ademe le fait via un appel à projets, visant à faire émerger les infrastructures de production d’hydrogène bas carbone et renouvelable, avec des usages dans l’industrie et la mobilité. Une première clôture a eu lieu en décembre 2020 (présélection de sept dossiers), et une deuxième clôture le 16 mars. Celle-ci, selon l’Ademe, a « confirmé la dynamique très forte avec 32 projets candidats ». Les premiers appels à projets de l’Ademe sur la mobilité hydrogène, lancés en 2018, ont permis le déploiement de 19 écosystèmes.

https://cutt.ly/GvislEx

F. D.

Ewa

Alpha Trains n’exclut pas de se positionner sur le marché des trains à grande vitesse

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Trois ans après avoir répondu à l’appel à manifestation d’intérêt sur les TER lancé début 2018 par la Région Sud, Vincent Pouyet, le directeur France d’Alpha Trains fait le bilan. Les propositions du loueur de matériel roulant ferroviaire n’ont pas – pour le moment – été retenues par les régions en pointe dans l’ouverture à la concurrence de leurs TER. Mais d’autres perspectives sont possibles, comme l’a expliqué à VRT Vincent Pouyet.

Ville, Rail & Transports. Alpha Trains avait répondu à l’appel à manifestation d’intérêt de la région Sud sur l’exploitation des TER. Comment voyez-vous votre rôle maintenant ?

Vincent Pouyet. Aujourd’hui, dans aucune des régions, nous n’avons la possibilité de proposer nos services puisque les régions veulent soit acheter elles-mêmes le matériel roulant, soit mettre le matériel existant à disposition des nouveaux opérateurs. Nous avions formulé un certain nombre de propositions mais aucune n’a été retenue.

VRT. Vous êtes donc déçu des conditions d’ouverture à la concurrence des TER ?

V. P. Nous ne sommes pas déçus, c’est aux régions de définir les modalités de l’ouverture. Nous avons essayé d’expliquer qu’il fallait que les opérateurs puissent prendre la main sur le matériel et sa maintenance et qu’ils sachent dans quel état il est, en disposant d’audits, de plans de maintenance visés, d’une bonne visibilité sur les contraintes d’exploitation, sur les pièces détachées…

Aujourd’hui, les premiers appels d’offres sont lancés mais on ne peut pas dire qu’il y ait une équité totale entre les informations dont disposent l’opérateur historique et les candidats alternatifs. Les conditions ne sont pas optimales.

VRT. Quel rôle souhaitiez-vous jouer ?

V. P. Dans le cas du lot Intermétropole (Marseille – Toulon – Nice) ouvert par le Sud, la région a besoin d’un nouveau matériel. Inspirons-nous de ce qui s’est fait en Allemagne : les autorités organisatrices ont demandé aux opérateurs de proposer une offre complète comprenant le matériel roulant. Alpha Trains, comme d’autres, est intervenu en tant que fournisseur de matériels. Cette organisation a fait ses preuves, permettant de réduire les prix de façon importante. Elle a aussi suscité une concurrence vive avec l’arrivée de petits opérateurs.

La région Sud préfère choisir le matériel, le financer pendant 30 ans, pour le confier à un opérateur qui sera là pendant dix ans. C’est une prise de risque car la région n’a pas la compétence technique d’évaluer si tel ou tel matériel est pertinent, et s’il sera bien entretenu. Et plus tard, est-ce que ce matériel sera encore adapté ou bien ne sera pas obsolète pour les vingt années suivantes ? La région n’est pas capable d’assurer la gestion patrimoniale du matériel. Il va lui falloir acquérir cette compétence.

VRT. Cela va-t-il avoir une conséquence sur le développement de vos activités en France ?

V. P. Nous sommes implantés en France depuis 2003. Notre activité liée au fret fonctionne bien. Elle est pérenne. Nous venons par exemple de livrer des locomotives à Captrain France.

Nous savions que l’ouverture à la concurrence serait un long processus en France et qu’il faudrait des solutions originales qui répondent de façon spécifique aux demandes des régions.

Notre objectif est de proposer des solutions qui apportent de la valeur ajoutée.

Ainsi, nous avons proposé aux régions de racheter leurs flottes et de les rénover puis de les louer. Nous pensons qu’il est possible ne pas tout démonter, tout changer, comme c’est le cas lors des opérations de rénovation à mi-vie réalisées par la SNCF.

Nous pensons que l’on pourrait dépenser moins et dépenser mieux, et apporter une plus-value. Nous avons fait des propositions dans ce sens à la région Pays de la Loire. Nous leur avons proposé de racheter leur parc de 17 AGC pour les rénover et les louer. Mais la région a décidé de devenir propriétaire et gestionnaire de son matériel roulant.

VRT. Comptez-vous vous positionner sur les trains de nuit qui pourraient être relancés, ou les trains Intercités de jour ?

V. P. Oui, nous nous positionnons aussi sur ces sujets. Nous essayons de proposer des solutions aux autorités françaises. Nous verrons si elles sont retenues. Les matériels roulants sont un des sujets majeurs de performance dans le ferroviaire mais c’est aussi souvent une barrière entravant l’entrée de nouveaux opérateurs.

Ce sera aussi une clé de la réussite des trains de nuit. Nous avons déjà des locomotives aptes à tirer des voitures de voyageurs. Nous réfléchissons à faire l’acquisition des voitures voyageurs… si les conditions sont réunies.

Nous intervenons beaucoup sur le transport conventionné mais nous n’excluons pas d’aller sur le marché de l’open access, y compris la grande vitesse. Notre approche sera opportuniste.

VRT. Comment prendre en compte la demande croissante des élus qui souhaitent des trains moins polluants ?

V. P. Le remplacement des trains diesel sur les petites lignes par des trains hybrides et à batteries est un sujet sur lequel nous fondons beaucoup d’espoirs. Il s’agit plus précisément d’autorails diesel de petite capacité, avec deux ou trois voitures offrant de 120 à 150 places : ce sont les 72 500 et les 73 500 qu’il faudra changer dans les années à venir. Nous sommes prêts à acheter des parcs complets de trains hybrides et à batteries. Nous nous positionnons sur ce type de sujet en Europe. Nous sommes prêts à le faire en France.

Propos recueillis par Marie-Hélène Poingt

Ewa

Ouverture à la concurrence des TER en Hauts-de-France. Nouvelles lignes et premières réponses

TER Hauts de France à Boulogne-Ville.

Les Hauts-de-France accélèrent. Fin mars, le conseil régional a décidé de lancer la procédure d’ouverture à la concurrence de plusieurs lignes TER : la future liaison Roissy – Picardie, dont l’ouverture est prévue fin 2025, et les radiales parisiennes vers Calais, Cambrai et Laon. « Des lignes stratégiques et importantes avec beaucoup de passagers, pour lesquelles nous ne sommes pas satisfaits de la qualité de service, avec une régularité régulièrement inférieure à 80 % », avait indiqué le président de la commission transports Luc Foutry.

Les Hauts-de-France, présidés depuis 2015 par Xavier Bertrand, candidat (DVD) à sa réélection mais aussi à la présidentielle de 2022, est une des régions les plus en pointe pour cette ouverture à la concurrence des TER. Elle a déjà lancé la procédure à l’été 2020 pour trois premiers lots représentant 20 % des trains-kilomètres de son réseau : la ligne Paris – Beauvais, l’étoile ferroviaire de St-Pol-sur-Ternoise, qui rouvrira après des travaux de rénovation, et l’étoile d’Amiens, représentant 70 % du total des deux millions de trains-km de ces lots. Selon Franck Dhersin, vice-président en charge des transports, « la procédure avance bien et chaque ligne a reçu au moins quatre réponses, l’une d’elles en ayant même reçu cinq, ce qui nous laisse le choix ». L’émission des cahiers des charges est en cours pour les opérateurs économiques retenus (dont la majorité a candidaté sur les trois lots). Le choix du ou des lauréats est prévu fin 2021 ; les contrats devraient être signés fin 2022 pour une exploitation démarrant en 2023 pour neuf ans.

Mécontente de la fiabilité de la SNCF, la région souhaite utiliser cette mise en concurrence pour « challenger » la SNCF et à l’arrivée proposer un service de meilleure qualité. « L’objectif de la dernière convention avec la SNCF était les 3A : A l’heure, Assis, Avertis, or on n’y est pas arrivés, déplore en effet l’élu divers droite. La régularité moyenne est de 89 % : correcte dans le Pas-de-Calais, elle est désastreuse de la Picardie vers la gare du Nord (80 % sur Amiens – Paris). » Une situation qui fait dire à l’opposition unie de gauche que ce n’est pas les AAA mais BAD pour Bloqué, Annulé, Dans le noir.

Par cette ouverture à la concurrence, Franck Dhersin assure vouloir offrir un meilleur service aux usagers et se défend de vouloir faire des économies. « Quand on lance un appel d’offres pour une délégation de service public de cars, le prix n’entre que pour 30 % dans le choix, alors que les 70 % restant concernent l’organisation technique, le matériel… », explique-t-il. L’appel d’offres prévoit une option pour les centres d’entretien, la région allant devenir propriétaire des centres d’entretien. Le dernier centre mis en service à Longueau près d’Amiens a coûté 21 M€ dont 18 M€ financés par la Région. « Mais nous ne sommes pas allés aussi loin que le Grand Est qui a mis aussi le réseau en option », complète l’élu DVD.

Marc Lambert, représentant CSE TER Sud Rail et référent CSSCT dans les Hauts-de-France, dénonce cette mise en concurrence sur fond de « cheminot bashing », soulignant que Xavier Bertrand a participé à l’éclatement de la SNCF lorsqu’il était ministre sous la présidence Sarkozy. « Beaucoup de postes ont été supprimés, notamment pour l’entretien des voies et des rames (550 postes en trois ans dans les Hauts-de-France) et ensuite ils profitent des manquements qu’ils ont eux-mêmes créés pour dire que la concurrence va tout améliorer », dénonce-t-il. Reconnaissant « avoir déjà activité tous les leviers », le syndicaliste place ses espoirs dans les élections régionales qui se tiendront en juin prochain. Sud Rail a rencontré les différentes sensibilités de la gauche unies autour de la candidate (EELV) Karima Delli, actuelle présidente de la commission transports du Parlement européen, qui ont assuré leur souhait de revenir sur cette ouverture à la concurrence, « même si cela ne sera pas facile ».

Catherine Stern

Ewa

Les opérateurs de fret craignent que SNCF Réseau ne puisse pas suivre si l’Etat ne lui en donne pas les moyens 

Franck Tuffereau

Les opérateurs de fret attendent la présentation du plan de relance pour le fret ferroviaire, conformément à ce que prévoit la LOM. Franck Tuffereau, coordinateur de l’alliance 4F et délégué général de l’Afra (Association française du rail), explique à VRT les attentes du secteur.

Ville, Rail & Transports. Quel bilan dressez-vous de l’année 2020 et du début 2021?

Franck Tuffereau. Notre secteur a moins souffert que d’autres, comme le tourisme ou la restauration. Le ferroviaire a assuré des acheminements qui n’étaient pas proposés par la route. Le fret ferroviaire n’est pas en détresse comme peut l’être le transport de voyageurs.

Toutefois, en plus de la crise sanitaire, le secteur a souffert de la mise en service du nouveau logiciel d’attribution des sillons, baptisé SIPH, pour organiser le nouveau service en décembre dernier. Sa mise en place a rencontré de grandes difficultés. SNCF Réseau s’est mobilisé et a mis sur pied une cellule de crise. Des horairistes non concernés par ce logiciel, y compris des horairistes de réserve, ont été appelés pour surmonter les difficultés et des sillons de dernière minute ont été attribués.

Le transport de fret a été davantage pénalisé que le transport de voyageurs dont le service annuel est préparé plus en amont, 18 mois en avance. Cela apporte plus de visibilité dans la construction du service. Aujourd’hui, nous rencontrons encore des difficultés même s’il y a des améliorations.

VRT. Quelles sont les pertes du secteur ?

F. T. De nombreuses entreprises ferroviaires de fret sont dans le rouge. Durant le premier confinement, l’industrie lourde par exemple a arrêté sa production.

Au début de la crise sanitaire, le volume a baissé de 20 à 30 %. Désormais les trafics ont repris, notamment la sidérurgie et l’industrie automobile. Il y a eu un gros effort réalisé par l’Etat qui a décidé d’instaurer la gratuité des péages durant les six derniers mois de 2020 et de les réduire de moitié sur toute l’année 2021 pour toutes les entreprises ferroviaires de fret.

Mais aujourd’hui, les clients manquent de visibilité sur les mois à venir.

VRT. Que demandez-vous ?

F. T. L’alliance 4F qui a été créée, a formulé un certain nombre de préconisations. Elle demande un milliard d’euros pour la sauvegarde du fret ferroviaire et 1,5 milliard d’euros par an sur une dizaine d’années pour arriver à l’objectif de doubler la part du fret ferroviaire à l’horizon 2030.

La grosse difficulté, ce sera de tenir dans le temps. Il y a des promesses mais on a déjà connu dans le passé des plans pour sauver le fret qui se sont perdus avec le temps.

Il y a aussi le plan d’urgence qui prévoit plus de quatre milliards d’euros en faveur de SNCF Réseau. Le ministre des Transports doit désormais présenter le plan de relance pour le fret ferroviaire comme le prévoit la loi d’orientation des mobilités (LOM) dans son article 178.

La LOM aurait dû être appliquée au 1er janvier mais les équipes techniques ont pris du retard. Nous nous attendons à ce que le plan de relance reprenne les préconisations de l’alliance 4F. Nous sommes plutôt optimistes.

Mais comme il y a énormément d’actions et de travaux qui concernent l’infrastructure ferroviaire dans les années à venir (notamment la résorption des nœuds ferroviaires), nous craignons que SNCF Réseau ne puisse pas suivre si l’Etat ne lui en donne pas les moyens. D’autant que son contrat de performance avec l’Etat n’est pas encore écrit. C’est notre grosse crainte.

VRT. Dans ce paysage, quel doit être le rôle de Fret SNCF ?

F. T. Nous avons besoin de Fret SNCF pour l’avenir du secteur. Fret SNCF a intérêt à se développer sur les créneaux qui lui apportent une situation pérenne. Cette entreprise va obtenir une aide spécifique pour les wagons isolés. Cela devrait aussi inciter d’autres acteurs à se positionner sur ce créneau.

Nous souhaitons mettre en place des systèmes informatiques pour optimiser ce type d’activité. L’alliance 4F planche avec des groupes de travail sur ces systèmes et cherche des prestataires pour mettre en place des dispositifs qui permettent de relancer le fret ferroviaire. Nous portons à la fois des demandes d’aide publique et des engagements des opérateurs.

Propos recueillis par Marie-Hélène Poingt

Ewa

« Avec plus de 600 millions d’euros investis, nous sommes en Espagne pour longtemps » prévient la directrice générale de Ouigo Espagne

Ouigo helene valenzuela

Depuis décembre 2020, les opérateurs qui le souhaitent peuvent s’élancer hors de leurs frontières pour transporter des voyageurs sur les grandes lignes commerciales, notamment à grande vitesse. Ce sera le cas de la SNCF à partir du 10 mai qui fera rouler son train à bas coûts Ouigo en Espagne. Sur place, sa filiale Ouigo Espagne a dû tout bâtir en partant de zéro. Explications par Hélène Valenzuela, sa directrice générale.

Ville, Rail & Transports. Quelques semaines avant le lancement du TGV Ouigo en Espagne, où en êtes-vous ?

Hélène Valenzuela. Le premier train va s’élancer le 10 mai matin entre Madrid et Barcelone. Avant il y aura un train inaugural le 7 mai. Nous sommes en train de terminer les tout derniers préparatifs. Nos trains sont déjà visibles à Barcelone. On fait tous les jours deux allers-retours avec deux rames.

Nous avons embauché les derniers personnels. Au total, nous avons recruté 135 personnes, dont 22 conducteurs. Il y a deux ans, nous étions deux, la responsable logistique et moi-même. Nous sommes partis de zéro et avons tout bâti. Aujourd’hui, nos bureaux, où tous les métiers se croisent, sont à deux minutes à pied d’Atocha, cette grande gare de Madrid complètement refaite. Nous avons lancé les ventes le 9 décembre dernier.

VRT. Vous vous lancez dans un contexte compliqué… Quel est le niveau des ventes ?

H. V. Mi-avril, les ventes étaient en hausse de 40 % par rapport à la semaine précédente. Le marché commence à s’animer. Certains trains affichent des taux d’occupation de 30 % ce qui est déjà de bon augure compte tenu des taux de remplissage des trains en France actuellement. Les voyageurs ont été tellement privés de déplacements qu’ils manifestent une forte envie de loisirs.

La fin de l’état d’urgence est programmée le 9 mai en Espagne. Le Premier Ministre a confirmé qu’il n’y aurait pas de prolongation car la vaccination se développe très rapidement en Espagne et la quatrième vague est relativement sous contrôle. On voit que la population commence à s’organiser et à se projeter dans l’avenir.

Nous commencerons le 10 mai en proposant cinq allers-retours entre Madrid et Barcelone avec des arrêts à Saragosse et Tarragone. Fin 2021, nous lancerons la route de l’Est (Madrid – Valence/Alicante), puis vers la mi-2022 Madrid – Séville/Malaga avec un arrêt à Cordoue. Les dates ne sont pas encore totalement fixées car elles dépendent des autorisations qui nous seront données pour circuler. Nous réalisons des dossiers d’homologation car le matériel est adapté à l’infrastructure espagnole qui est très différente de l’infrastructure française.

VRT. Pourquoi avoir choisi de transformer des Duplex ?

H. V. Nous avons obtenu nos sillons de l’Adif il y a plus d’un an. La SNCF voulait être le premier opérateur à arriver sur le marché espagnol. La seule possibilité était d’adapter du matériel existant.

Nous avons acheté à la SNCF 14 rames Duplex Alstom. Nous les adaptons au fur et à mesure en démontant toute la signalisation embarquée pour installer l’ERTMS et le système espagnol ASFA (l’équivalent du KVB). Pour l’Andalousie, on installe le système LZB. Le rythme des livraisons se fait au rythme de l’avancée des transformations de rames. Nous disposerons des 14 rames en 2023. Quatre ont déjà été livrées.

VRT. Comment se passent les homologations avec les autorités espagnoles ?

H. V. Nous avons travaillé de façon assez novatrice avec les autorités espagnoles, dans une démarche de coconstruction. Nous avons beaucoup collaboré avec le Centre d’ingénierie du matériel de la SNCF (le CIM), et avec Alstom en France et en Espagne pour monter notre dossier. Le travail s’est réalisé de façon très fluide avec l’AESF (l’agence espagnole de sécurité ferroviaire, l’équivalent de notre EPSF) sur l’homologation du matériel roulant et avec l’Adif (le gestionnaire espagnol des infrastructures). Nous avons constaté beaucoup de bonne volonté de la part des autorités espagnoles. Notre dossier est complet.

VRT. Quel est le montant des investissements pour l’achat et la transformation des rames ?

H. V. Globalement, le montant tout compris des investissements de Ouigo Espagne est de plus de 600 millions d’euros. Nous avons recouru à l’emprunt et avons donc été financés en partie par le marché. Donc l’investissement est moitié moindre pour la SNCF.

VRT. Que répondez-vous aux concurrents de la SNCF qui protestent contre l’investissement réalisé par la SNCF pour sa filiale en Espagne, alors qu’en Angleterre le groupe réclame le soutien public pour sa filiale Eurostar ?

H. V. Ouigo Espagne est largement financé par le marché. La force de la SNCF est de continuer à investir et à voir loin malgré la crise. C’est la force d’un grand groupe qui ne peut pas être court-termiste. La SNCF ne peut pas attendre l’arrivée des concurrents sur son marché national sans chercher à se développer elle-même sur d’autres marchés. C’est une saine démarche de construction de l’avenir.

VRT. Quand pensez-vous rentabiliser votre investissement ?

H. V. Le retour sur investissements se fera dans quelques années. L’accord-cadre que nous avons signé avec l’Adif court sur 10 ans. Les sillons nous sont donc garantis pendant ce temps. Ouigo Espagne représente le plus petit opérateur en termes de sillons puisque nous avons obtenu 30 sillons par jour, tandis qu’Ilsa en a eu trois fois plus et la Renfe dix fois plus.

Mais notre modèle est basé sur la massification. Nous mettrons en circulation des trains à unités multiples, offrant plus de 1 000 places aux voyageurs, chaque rame proposant 509 places. En rythme de croisière, nous offrirons 10 millions de places chaque année.

Nous partons du principe que l’appétit de voyages va grossir et qu’il va y avoir un transfert modal de la route vers le fer. En Espagne, la voiture détient 90 % de parts de marché de la mobilité, c’est donc notre principal concurrent.

Le marché espagnol n’a pas été correctement développé par l’opérateur historique car il a des prix très élevés et ne visait, jusqu’à présent, que le marché premium avec les voyageurs business. Si on regarde l’expérience italienne, on observe que le marché de la grande vitesse ferroviaire a été multiplié par deux avec l’arrivée de la concurrence.

VRT. Quelle sera votre politique tarifaire ?

H. V. Notre offre sera en moyenne 50 % moins chère que celle de la Renfe. La Renfe arrivera le 23 juin avec son train low cost, l’Avlo, inspiré de Ouigo. Nous ne sommes pas inquiets car notre produit est très différent de la marque institutionnelle de la Renfe. Nous proposerons des prix démarrant à 9 €, sur 87 % de nos trains. Les tarifs sont construits sur un système de yield management. Les enfants bénéficient d’un tarif à 5 €, le transport étant gratuit jusqu’à quatre ans. C’est structurellement une offre basée sur des prix bas.

VRT. Vous annoncez des services innovants…

H. V. La grande nouveauté, c’est la gamme de prix : Ouigo Espagne est la meilleure offre du marché. C’est un train enfin accessible aux familles. Pour 9 €, nous proposons un pack Ouigo Plus permettant de choisir sa place, de disposer d’un siège XL, ou encore d’avoir accès à une plateforme de divertissements avec films, reportages, jeux… Et pour 7 € on peut changer plusieurs fois la date de son voyage ou le nom du billet. Dans l’imaginaire, un produit low cost n’est pas aussi généreux.

Autre différence, la Renfe, n’a pas de bar, pas de personnel de service. Nous proposerons un bar très convivial. Par ailleurs, notre matériel Duplex est du jamais vu en Espagne. Pour notre distribution, nous disposons d’une application sur les téléphones, une sur Android, une sur Apple, ainsi que le site ouigo.com. Notre site est très simple et permet d’acheter un billet en trois minutes. C’est très nouveau pour le consommateur. Nous sommes aussi distribués par Rail Europe. Et demain par Trainline.

VRT. Que se passera-t-il dans dix ans ?

H. V. Dans dix ans, il est prévu un renouvellement de contrat. Sous réserve de tenir nos engagements dans les domaines de la mixité (nos équipes comprennent 43 % de femmes), de l’inclusion et de la diversité, ou dans les objectifs de baisse de notre empreinte carbone (ce qui passera notamment par le développement de l’écoconduite, de l’écostationnement ou le développement du zéro déchets).

Ces divers engagements sont la condition du renouvellement de l’accord-cadre. Notre engagement en Espagne va bien au-delà de dix ans. Nous sommes là pour longtemps. Nous avons consenti un gros investissement, nos rames ne sont plus utilisables en France.

Dans dix ans, nous redemanderons des sillons, voire nous en demanderons plus. Car les accords-cadres actuels ne couvrent que 70 % de la capacité des infrastructures. Dans dix ans, de nouvelles gares seront construites. Les lignes ne sont pas saturées mais les gares le sont. Une gare est en construction à Barcelone – Sagrera. Elle ouvrira vers 2026-2027. Et à Madrid, il y a un projet d’agrandissement de la gare de Chamartin qui va permettre, à l’horizon 2030, d’accroître la capacité et de fluidifier le trafic. ADIF continue d’investir. Il existe de très belles opportunités sur le marché espagnol. C’est le premier réseau européen à grande vitesse, et le deuxième au niveau mondial, après le réseau chinois. 3 400 kilomètres sont déjà construits et 1 500 km sont en projet. La grande vitesse a de beaux jours devant elle.

Propos recueillis par Marie-Hélène Poingt

Ewa

« Le manque à gagner dû à la crise s’élève à 50 millions d’euros pour Systra »

Didier Traube

Malgré la crise, Systra a réussi à finir l’année dernière avec un résultat positif, autour de 500 000 euros. Dans une interview accordée à VRT, Didier Traube, le directeur général adjoint de Systra SA, explique que la société française d’ingénierie est en train de modifier sa structure juridique, en particulier en France pour créer une filiale qui s’appellera Systra France et qui concernera toutes les activités sur le territoire français. Il en deviendra le président.

Ville, Rail & Transports. Quel bilan tirez-vous de 2020 ?

Didier Traube. Malgré la crise sanitaire, 2020 a été une année de croissance pour Systra. Notre activité a augmenté de 8 % pour le groupe et de 6 % en France. Notre chiffre d’affaires s’élève à 670 millions d’euros (196 millions pour la France). En termes de résultat net, nous sommes tout juste positifs, autour de 0,50 M€.

En termes d’impact, la crise a représenté, pour le Groupe, une baisse de CA de 50 millions d’euros par rapport à son budget (et de 10 à 11 millions d’euros pour la France). Cela s’explique par une spécificité française : durant le premier confinement, les chantiers ont été totalement arrêtés, ce qui n’a pas été le cas ailleurs. Cela nous a particulièrement touchés puisque nous supervisons de nombreux chantiers en France.

Nous avons toutefois continué à prendre des commandes, de l’ordre de 730 millions pour le Groupe, ce qui nous procure une charge d’activité sur un an et demi.

VRT. Comment se répartit votre activité entre la France et l’international ?

D. T. En France, l’activité représente le tiers du chiffre d’affaires total, les 2/3 étant réalisés à l’international. Mais la France participe aussi à l’activité internationale avec 350 000 heures de production réalisées pour l’exportation.

VRT. Quelles sont les perspectives pour cette année ?

D. T. Nous prévoyons une hausse de l’activité de 5 % pour le groupe, autour de 700 millions d’euros. En France, nous nous attendons à une augmentation de 7 %.

Je ne crois pas à un monde d’après qui serait différent du monde d’avant. On observe une attente du retour au monde d’avant quand on sortira de la pandémie. Les infrastructures de transport retrouveront des seuils d’utilisation proches du passé même si les impératifs environnementaux s’exprimeront plus fortement et pourraient s’accélérer. On le ressent déjà dans les discours : tout le monde parle d’un urbanisme plus durable, d’économie circulaire…

VRT. Par quoi l’activité va-t-elle être plus précisément portée en France ?

D. T. Un effet de rattrapage devrait se produire car des décisions n’ont pas pu être prises l’année dernière, non seulement en raison de la crise Covid mais aussi avec le report des élections municipales en juin 2020, ce qui a retardé d’autant la mise en place de l’exécutif et donc des décisions.

De plus, de grands projets structurants sont en cours : nous sommes concernés par tous les projets de métro dans les grandes métropoles, notamment à Marseille, à Toulouse ou à Paris avec les prolongements de métro et le Grand Paris Express (la SGP est un de nos grands clients). Citons aussi les projets ambitieux de la métropole de Lyon qui prévoit un budget transport de plus de 2,5 milliards d’euros.

Nous sommes également engagés sur les chantiers de remise à niveau du réseau ferré, sur Eole, sur la ligne nouvelle Provence Côte d’Azur, ou sur l’ERTMS entre Paris et Lyon. Plus globalement, les projets d’amélioration des trains du quotidien et le renouvellement par la SNCF de l’ensemble de ses contrats-cadres sont pour nous des enjeux majeurs. Je rappelle que le ferroviaire représente 30 % de notre activité.

Nous sommes aussi partie prenante dans de nombreux projets de tramways dans des villes, comme à Lille, à Nice, à Tours ou à Brest… Le marché est particulièrement dynamique.

VRT. Et à l’international ?

D. T. Nous sommes très impliqués sur la grande vitesse en Grande-Bretagne et en Suède, sur l’ensemble des projets urbains en Inde ou sur le marché très porteur du Canada. Beaucoup de régions nous offrent de fortes perspectives de développement.

VRT. Quelle est votre stratégie pour les prochaines années ?

D. T. Depuis les deux dernières années, notre stratégie a consisté à nous renforcer dans les pays où nous avons une présence pérenne. Nous pensons en effet que l’ingénierie est une activité de proximité. Pour pérenniser notre présence, nous devons avoir une base locale forte et connecter entre eux nos centres pour tirer profit du meilleur. Nous conservons cette stratégie de croissance.

VRT. Votre taille n’est-elle pas un handicap face à certains de vos concurrents ?

D. T. Nous n’avons peut-être pas la taille de certains géants mondiaux en termes de chiffre d’affaires, mais ces derniers sont pluridisciplinaires. Ce n’est pas le cas de Systra qui a une spécificité dans la mobilité et les transports et qui est fort dans son domaine.

VRT. Allez-vous poursuivre vos acquisitions ?

D. T. Ces dernières années, nous avons mené une forte stratégie d’acquisitions qui a abouti au Systra d’aujourd’hui. Ces acquisitions ont notamment été réalisées en Inde, dans les pays nordiques, au Brésil et, pour la dernière en date, fin 2019, au Royaume-Uni.

Ces acquisitions se sont faites sur notre cœur de métier. Aujourd’hui, on pourrait imaginer des acquisitions dans des entités très centrées autour de la mobilité et de l’aménagement du territoire. D’ailleurs, en 2019, nous avons acheté en France, C&S Conseils, une société reconnue en matière de concertation dans les domaines de l’aménagement, de l’énergie et de l’environnement, qui entre totalement dans cette stratégie. Nous voulons devenir un acteur de l’aménagement du territoire. Nous sommes déjà présents sur ce créneau puisque 200 personnes travaillent dans la division conseil et aménagement chez Systra. Mais nous souhaitons renforcer nos compétences dans ce domaine. Aujourd’hui, nous regardons les opportunités en France et à l’international.

VRT. Quel soutien vous apporte vos actionnaires, la RATP et la SNCF ? 

D. T. Entre 2011 et 2019, la croissance de Systra s’est faite en autofinancement, mais elle a atteint ses limites. Nos actionnaires ont alors procédé à une augmentation de capital de 70 millions d’euros, le portant de 27 millions à 33 millions d’euros. Ces deux actionnaires détiennent désormais chacun 43,4 % de parts. Il y a toujours eu un soutien plein et entier de la part de nos actionnaires, ce qui a permis de consolider notre bilan. Nous sommes également très bien accompagnés par notre pool bancaire.

VRT. Vous êtes en train de créer une nouvelle filiale en France…

D. T. Systra est en train de modifier sa structure juridique, en particulier en France pour créer une filiale qui s’appellera Systra France et qui concernera toutes les activités sur le territoire français. Systra sépare donc la fonction siège et la fonction opérationnelle en créant cette filiale. C’est un des aboutissements du mouvement de relocalisation puisque nous avons une quinzaine de pays clés intégrés par filiale. En France, ce n’était pas le cas et la France était confondue avec Systra SA, qui emploie actuellement 2150 personnes. La nouvelle filiale Systra France est envisagée pour la fin mai-début juin. Elle emploiera alors 1 800 personnes.

Pour poursuivre notre croissance, nous continuerons à embaucher : 100 personnes ont été recrutées en 2020, ce devrait être sensiblement pareil cette année.

VRT. Vous serez le président de Systra France?

D. T. Oui. Et Pierre Verzat reste le président du groupe.

Propos recueillis par Marie-Hélène Poingt

Ewa

Les promesses intenables du véhicule autonome

Navette autonome Navya exploitée pare la RATP à Vincennes.

C’est à un travail de critique radicale que vient de se livrer la Fabrique Ecologique, à la demande du Forum Vies Mobiles. Critique du véhicule autonome, mais surtout du discours accompagnant sa naissance, à vrai dire sans cesse retardée. Mais si l’objet n’est pas encore parmi nous, les fées sont autour du berceau. Et l’on nous promet une mobilité enfin décarbonée, de territoires isolés accessibles à tous, les tout petits et les très vieux, ou la métamorphose d’un temps contraint en un temps de liberté sans frontières. D’où le travail salutaire, d’entretiens et d’étude de la littérature grise et savante sur le sujet, pour tenter d’évaluer ce qui tient le coup… ou pas.

De toutes ces promesses, la plus lourde, c’est la décarbonation. Or, ne serait-ce que pour une bête raison de calendrier, comme le véhicule autonome de niveau 5 (électrique évidemment) ne pourra être déployé avant 2040 ou 2050, alors que la mobilité aura dû être décarbonée, la part qu’il y jouera sera quasi nulle. Mais ce n’est peut-être pas l’essentiel. Il n’est pas sûr que l’autonomisation, à quelque moment qu’elle arrive, soit un outil de la transition écologique. « Alors que le discours des pouvoirs publics et des industriels sur le véhicule autonome met en avant les vertus écologiques qui lui sont associées, de nombreuses études insistent au contraire sur l’incertitude concernant les performances écologiques de la mobilité autonome, et sur le fait que cette dernière pourrait au contraire dégrader fortement le bilan carbone des transports.  » On en connaît les possibles raisons : avec la mobilité plus facile, on risque un effet rebond, d’autant plus gênant que l’étalement urbain pourrait s’en trouver accentué. Le rapport de 2018 de Anne-Marie Idrac (pas vraiment une Amish) le pointait : « cette amélioration pourrait générer une augmentation de la congestion pour les trajets pendulaires domicile-travail et/ou un renforcement de l’étalement urbain ». Autre motif d’inquiétude : la consommation d’énergie nécessitée par les radars, lasers, lidars ou logiciels. Tout en nécessitant, autre question, des coûts énormes d’adaptation de l’infrastructure pour que de tels véhicules puissent fonctionner, à  commencer par le marquage au sol.

Pourquoi y aller alors avec enthousiasme ? Il n’y a pas à chercher bien loin. « La  France a un rôle à jouer en matière de construction automobile à échelle mondiale. Ainsi, l’un des objectifs premiers semble être de vouloir maintenir l’industrie automobile française à flots ». Il en va de même pour toute l’Europe : « En considérant la place occupée par l’industrie automobile à l’échelle européenne, on comprend l’importance pour l’Union de se positionner comme leader du véhicule autonome. D’après l’Association des Constructeurs Européens Automobiles (ACEA), le secteur de l’automobile emploie 14,6 millions de personnes en Europe, soit 6,7 % de l’emploi total et a généré un excédent commercial de 74 milliards d’euros en 2019 ».

Les Etats ou les entreprises qui n’auront pas développé de technologies numériques vont devoir payer des rentes. Les entreprises classiques de l’automobile risquent gros, face à l’offensive des Gafam ou assimilées qui investissent actuellement des milliards de dollars sur la nouvelle technologie. Elles viennent avec leurs logiciels, leur cartographie à haute définition, elles préparent les futurs services. « La place du numérique dans les mobilités actuelles a permis à de nouveaux acteurs de rentrer sur le terrain, en modifiant les rapports de force. En effet, à l’heure actuelle, l’équipement représente 80 à 90 % de la valeur d’un véhicule, tandis que le logiciel pour le véhicule de niveau 1 ou 2, ne représente que 10 à 20 % de la valeur.  Or,  certaines études estiment que la valeur de l’équipement pourrait chuter à 40 % de la valeur, celle du logiciel représenterait 40 % du véhicule, et le contenu pourrait représenter 20 %. »

N’y aurait-il aucune utilité ? Si,  mais ce qu’on observe en France tient d’une promotion pas trop convaincante. « En effet, le discours officiel sur la mobilité autonome met en avant la mobilité partagée au service des territoires ruraux. En pratique, sur les seize expérimentations étudiées, une seule concerne véritablement un territoire rural et présente un potentiel d’inclusivité. »

Cela dit, si l’on a de bonnes raisons de se méfier des effets redoutables de futurs robots taxis (ou de véhicules de fret qui ne relèvent pas de cette étude, mais on sait qu’Amazon est très intéressé), ne peut-on pas espérer quelques bienfaits de futures navettes avançant en peloton sur autoroute ? Comme celles proposées, par exemple, dans la récente consultation internationale sur les Routes du Grand Paris ? Là encore, oui  et, même : « les hypothétiques vertus du véhicule autonome semblent se limiter au seul usage collectif de navettes ». Mais les Gafam qui investissent énormément pour le développement du véhicule autonome attendent un retour. Ce ne sont pas quelques centaines ou milliers de navettes qui vont l’assurer. Elles auront l’avantage de verdir un peu l’opération et d’en faire l’aimable publicité. Mais le retour sur investissement ne viendra que du marché automobile dans sa globalité.

On regrettera dans l’analyse qui nous est proposée quelques facilités. Une fois qu’on a avancé la somme de 80 milliards de dollars d’investissements dans le développement pour le véhicule autonome (publics et privés, tous pays confondus), et souligné que le montant très élevé n’est pratiquement que de la R&D, dire que « par comparaison, le fonds national visant à soutenir le développement de pistes cyclables dans les collectivités est doté d’un budget de 350 millions d’euros sur 5 ans  »  est quand même un peu saugrenu.

Mais dans l’ensemble, l’opération est salutaire. L’analyse que les deux Think tank présentent aide à ne pas prendre des vessies pour des lanternes. Christophe Gay (Forum Vies mobiles) invite à parier sur les vertus de la low tech et au développement de véhicules simples, peu couteux à l’achat comme à l’usage, évidemment peu polluants et peu émetteurs de gaz à effet de serre. L’appel à un débat, dans lequel on partirait des besoins avant de se précipiter sur les solutions gentiment proposées est on ne peut plus fondé. Cela ne veut pas dire qu’il sera entendu.

F. D.

Forum Vies Mobiles, La Fabrique Ecologique. Le véhicule autonome : quel rôle dans la transition écologique

Le Forum Vies Mobiles est un Think Tank soutenu par la SNCF

La Fabrique Ecologique se présente comme un « Think et Do-Tank » pluraliste, qui a pour objet de promouvoir l’écologie et le développement durable sur la base de propositions pragmatiques et concrètes.

Ewa

Quel modèle économique pour l’autopartage ?

Autopartage strasbourg Citiz

Ultra-marginal aujourd’hui, l’autopartage peut se révéler une solution pertinente pour des personnes utilisant la voiture de manière occasionnelle. Encore faut-il avoir des services bien adaptés à la demande, et des tarifs abordables par l’utilisateur permettant en même temps à l’opérateur d’amortir son véhicule. Une piste de réflexion : créer un abonnement mensuel constituant une assurance-mobilité. Ce qui suppose que les opérateurs coopèrent et que la collectivité s’implique dans la supervision.

Par Nicolas Louvet, Hadrien Bajolle, Marion Lagadic

Puisqu’il est difficile de se passer des voitures, partageons-les pour en réduire les nuisances : sur le papier, l’idée de l’autopartage est à la fois simple et séduisante. Pourtant, l’autopartage peine à décoller. Mode encore ultra-marginal, il n’a pas trouvé son modèle économique. La faute peut-être à un mode de commercialisation qui ne prend pas bien en compte certains segments d’usages comme les excursions et les week-ends. L’heure est donc à repenser le business model de l’autopartage afin d’en faire un vrai levier de réduction de la place de la voiture en zone dense.

L’autopartage n’est utile pour la collectivité que s’il diminue la place de la voiture

Du point de vue de la collectivité, l’intérêt de l’autopartage réside dans la réduction du nombre de voitures nécessaires au transport des personnes. Moins de voitures, c’est moins de pollution émise durant la phase de production de ces véhicules et moins de place occupée dans les centres urbains, où l’espace est rare. Si l’autopartage ne permet pas de réduire le nombre de voitures, alors, au contraire, son effet est plutôt négatif, puisqu’il contribue à encombrer encore davantage les rues. Cela signifie que les services d’autopartage doivent être en mesure de permettre aux usagers de se passer complètement d’une automobile personnelle pour ceux qui n’en ont pas, et de s’en débarrasser pour les ménages déjà motorisés. Pour cela, il faut assurer une couverture complète des trajets motorisés, fournir en quelque sorte une assurance-mobilité. Bien sûr, il faut rester réaliste sur le potentiel de l’autopartage. Une couverture universelle des besoins via des services automobiles ne pourra jamais être rentable pour les utilisateurs réguliers de la voiture. En effet, quoi qu’on en dise, les coûts variables de l’automobile particulière sont très faibles comparés aux autres services automobiles. Par conséquent, l’autopartage va avoir du mal à se développer dans les espaces qui sont structurellement dépendants de la voiture. Il aura également sans doute plus de mal à se développer chez les urbains utilisant fréquemment la voiture. On pense notamment aux familles avec enfants, qui constituent encore un noyau dur de l’automobilité à la fois pour des raisons de praticité et de normes sociales. Par contre, l’autopartage peut offrir une solution réellement pertinente dans les villes pour des personnes utilisant la voiture de manière occasionnelle, afin d’inciter les résidents à se démotoriser et en complément de mesures plus contraignantes comme l’instauration de ZFE.

Cependant, même dans les zones urbaines, les services d’autopartage proposés ne sont pas encore bien adaptés à la demande. Il faut pour cela analyser plus en détail les pratiques de mobilité des urbains. Une part non négligeable du kilométrage automobile des résidents des grandes villes consiste dans des déplacements de type week-end ou excursions. A Paris, par exemple, ces trajets représentent environ 30 % du kilométrage courte distance (c’est-à-dire l’ensemble des trajets inférieurs à 80 km). Or, ces trajets ont la caractéristique de comporter un temps de circulation faible sur la durée totale d’utilisation. Dès lors, si, partant de Paris, un automobiliste se rend sur un lieu de villégiature au cours d’un week-end, il est très probable que le temps total de circulation sera de l’ordre de quelques heures. Tout le reste du temps, la voiture reste garée. Mais elle n’en est pas moins nécessaire pour assurer le retour. Autrement dit, dans ce genre d’usage, on emploie une voiture pour un temps d’utilisation donné plus que pour parcourir une distance.

Avec une voiture personnelle, le temps de détention hors circulation est déjà compris dans le prix d’achat. Or la recherche empirique montre que les ménages ne prennent que très peu en compte les coûts fixes dans leur décision de choix modal. Au contraire, lorsque l’on utilise un service automobile, le tarif est toujours indexé sur un temps d’utilisation : on paye pour une heure, une demi-journée, un ou plusieurs jours, mais, dans tous les cas, ce temps est toujours monétisé de manière explicite. Par conséquent, pour une excursion sur un week-end à une heure de Paris, le coût directement payé sera de l’ordre de 100 € via un service automobile quel qu’il soit, alors que (parce que l’automobiliste ne retient que le prix de l’essence) cela aura coûté moins de 20 € en voiture particulière. Même si l’on n’est pas un homo economicus, ces différences sont trop fortes pour passer inaperçues.

QU’ON L’UTILISE OU PAS, ON PAIERAIT TOUS LES MOIS POUR AVOIR UN SERVICE D’AUTOPARTAGE À DISPOSITION.

Transférer les coûts de l’usage vers l’abonnement autopartage

Pour remplacer les usages résiduels de la voiture en ville, il s’agit de créer des business models qui soient compatibles avec ces usages. Il faudrait donc imaginer des systèmes d’autopartage dans lequel le coût en fonction du temps soit très faible afin d’être compétitif avec la voiture particulière. Mais il faut également prendre en compte les coûts des opérateurs d’autopartage, dont une bonne part est fixe. Quel que soit le nombre de kilomètres parcourus, l’amortissement reste constant. Si la recette quotidienne est trop faible, ils ne sont donc pas rentables, ce qui remet en cause leur existence même.

Une piste de réflexion pourrait être de transférer une part plus importante des recettes vers des abonnements, avec des services qui soient unifiés et structurés afin de proposer une offre cohérente. Le business model de l’autopartage ressemblerait alors davantage à ce que son usage recouvre en réalité, c’est-à-dire une sorte d’assurance-mobilité : qu’on l’utilise ou pas, on paierait tous les mois pour avoir un service d’autopartage à disposition. Afin de faciliter l’ergonomie, ces services pourraient être proposés à la vente en même temps que les transports en commun, et même, pourquoi pas, sur les mêmes supports. On pourrait par exemple imaginer de payer une extension sur sa carte de transport en commun pour avoir accès aux services d’autopartage de sa ville.

Un tel système supposerait un niveau de coopération important entre les opérateurs d’autopartage, pour faire émerger un bouquet de service commun, ainsi que des services de billettique et de paiements mutualisés. Les flottes, également, devraient être davantage mutualisées entre opérateurs afin de limiter le risque d’indisponibilité des véhicules à mesure que croît le nombre d’utilisateurs, ce qui avait été le cas, par exemple, au moment de l’expérience Autolib’. Cela suppose enfin un niveau élevé de supervision par la collectivité, qui doit s’assurer de l’adéquation de l’offre avec les besoins locaux de mobilité et de l’intégration cohérente dans le système de transport urbain existant. Bref, en termes plus techniques, la viabilité financière des opérateurs d’autopartage, mais surtout leur efficacité vis-à-vis des objectifs de politique publique, dépend de l’existence de plateformes de type MaaS, qui soient d’une manière ou d’une autre régulées par la puissance publique.

Mais comment attirer de nouveaux clients vers ces offres de services automobiles ? Pour être attractif, l’abonnement aux services d’autopartage devrait se situer à un niveau faible, ce qui suppose un nombre élevé d’utilisateurs.

La solution la plus logique du point de vue collectif est de contraindre davantage la voiture individuelle, pour favoriser, en creux, l’autopartage : n’oublions pas que le développement de l’autopartage n’a de sens que s’il contribue à la réduction du nombre de voitures particulières et de kilomètres induits. Au final, les leviers du développement des services automobiles sont donc très largement dans la main des élus. La déprivatisation de la voiture est d’abord un choix politique.

Ewa

Profiter du plan de relance européen dès aujourd’hui

Commission européenne

Pour faire face à l’impact de la Covid-19, la Commission européenne, en accord avec le Parlement et le Conseil européen, ont adopté en 2020 un plan de relance intitulé Next generation EU. Par son principe et son montant, ce plan de relance est unique et pourrait bien marquer une étape de la construction et l’intégration européenne. Son but ? Faire face à la crise mais également réformer notre économie en profondeur. Le transport, en se mettant au vert, y a une place privilégiée avec environ 11 % de l’enveloppe.

Comment est structuré le plan de relance européen ?

Pour comprendre le plan de relance, il faut tout d’abord en saisir l’ampleur.

Doté d’un montant global de 750 milliards d’euros dont 390 milliards d’euros de subventions (les 360 milliards restants intervenant sous forme de garanties et de prêts), il intervient pour renforcer la transition verte et numérique et la résilience des économies nationales (voir tableau ci-dessous).

Au titre de la Facilité pour la reprise et la résilience, chaque pays s‘est vu attribuer une partie de ce budget. La France, dont le plan national a été nommé « France Relance », bénéficie ainsi de 40 milliards d’euros européens, auxquels s’ajoute une enveloppe nationale de 60 milliards.

Quels sont ses domaines d’intervention ?

« Next generation EU » ne finance pas la remise à niveau d’une structure mais bien une action ou un projet, à l’instar de la logique des fonds européens.

En effet, les fonds ne sont pas dédiés à pallier les effets de la crise au sein d’une structure pour éviter une faillite ou maintenir les salariés en activité partielle. Ils ont pour vocation de financer des projets d’avenir, qui contribuent à la relance et à la nouvelle économie.

Quel impact direct attendu sur nos territoires ?

Bien que « Next generation EU » soit principalement délégué en gestion aux Etats, ceux-ci font preuve d’une coordination très rapprochée avec les régions, qui restent chefs de file sur l’économie de leurs territoires. Les régions françaises sont ainsi directement dotées de l’enveloppe « React EU » qui vient compléter les fonds structurels et d’investissement pour la période 2020-2023. La France bénéficie ainsi de 2,9 milliards d’euros.

France Relance est-il déjà opérationnel ?

Oui, de nombreux appels à projets ont déjà été publiés et les premiers appels à projets décarbonation, stratégie hydrogène, industrie du futur et nucléaire ont été lancés au quatrième semestre 2020.

Le ministère de l’Economie, des Finances et de la Relance a élaboré un moteur de recherche utile pour identifier les thématiques, les dates et les opérateurs gestionnaires: https://www.economie.gouv.fr/plan-de-relance

Chaque appel à projets est géré par un opérateur public (ministères, ANR, etc.) ou un opérateur délégué de type Ademe.

Le calendrier des appels indique ces organismes que les porteurs de projets peuvent directement contacter pour en savoir plus.

Quelles opportunités pour le transport ?

Plus de 11 milliards d’euros de « France relance » seront dédiés au transport.

Les mobilités du quotidien, le secteur ferroviaire, les transports en commun, l’hydrogène et le soutien au secteur aéronautique seront au cœur du programme.

Celui-ci se veut vert et durable, cette dimension doit avoir un rôle clé dans les demandes soumises.


A venir en 2021

Un appel à manifestation d’intérêt dans le cadre du programme prioritaire de recherche (PPR) « Applications de l’hydrogène » : opéré par l’ANR, ce PPR permettra de soutenir la recherche en amont et de préparer la future génération des technologies de l’hydrogène (piles, réservoirs, matériaux, électrolyseurs…).

Il devra contribuer à l’excellence française dans la recherche sur l’hydrogène et sera doté de 65 M€.


La BEI accompagne la croissance de Forsee Power

Forsee Power, spécialiste des systèmes de batteries « intelligentes » pour les marchés de l’électromobilité, annonce la réalisation d’un financement de 105 millions d’euros pour accompagner sa croissance. Ce financement comprend notamment un prêt de 50 millions d’euros accordé par la Banque européenne d’investissement, l’institution de financement à long terme de l’Union européenne. Ce second prêt, après un premier apport de 20 millions d’euros fin 2017 dans le cadre du plan Juncker, permettra de financer l’élargissement de sa gamme de produits destinés aux véhicules 100 % batteries, hybrides hydrogènes ou hybride thermique. « Il va faciliter le développement de produits pour de nouveaux marchés et renforcer la capacité de fabrication de Forsee Power », indique le groupe français.

« La signature de ce prêt confirme la volonté de l’Union Européenne de contribuer, au travers de la BEI, à l’émergence d’un champion de la batterie en Europe et de développer le marché contribuant à réduire les émissions de CO2, en faveur du climat », notent Forsee Power et la BEI dans un communiqué commun. Rappelons que la BEI a pour mission de contribuer à l’intégration, au développement et à la cohésion économique et sociale des Etats membres de l’UE. Elle emprunte d’importants volumes de fonds sur les marchés des capitaux et les prête à des conditions très favorables pour soutenir des projets qui concourent à la réalisation des objectifs de l’UE.

Ewa

La SNCF abandonne le glyphosate

Travaux

En décidant de se passer du glyphosate, la SNCF a dû repenser toute sa politique de contrôle de la végétation sur ses emprises, avec une attitude différente selon qu’il s’agit des voies, des pistes adjacentes, ou des abords. Pour parvenir à se passer du puissant herbicide, SNCF Réseau attend beaucoup de ses nouveaux trains désherbeurs. Et teste différentes techniques qui peuvent se substituer en partie aux glyphosates.

A la fin de l’année dernière, la SNCF s’est engagée à ne plus utiliser de glyphosate sur ses voies, avant même d’y être légalement obligée. Soit une consommation annuelle de 40 tonnes, qui ne représente que 0,5 % des 8 000 tonnes employées annuellement en France, tous utilisateurs confondus.

Depuis plusieurs années, SNCF Réseau a anticipé l’abandon de l’herbicide à la très mauvaise réputation, en réduisant ses achats de produits phytosanitaires (pas seulement de glyphosate) de 60 % depuis 2008. Le volume de tous les produits phytosanitaires utilisés par SNCF Réseau a ainsi été divisé par quatre en 20 ans, passant de 245 tonnes en 1998 à 64 tonnes en 2018.

Mais comment se passer de glyphosate, alors qu’il participe à la sécurité des circulations ? Sur les voies, elles-mêmes, et les pistes adjacentes, il est indispensable de supprimer la végétation car elle pourrait empêcher les systèmes de détection automatique des trains de bien fonctionner, en omettant de repérer leur présence en ligne ou aux passages à niveau. Elle pourrait également masquer ou endommager les installations de signalisation et les équipements de sécurité et perturber la surveillance des voies, soit en masquant les anomalies, soit en brouillant les lasers optiques de surveillance automatisés embarqués sur les trains. La végétation pourrait aussi gêner l’intervention des agents de maintenance. Enfin, à plus long terme, en s’installant dans le ballast, la végétation pourrait entraver le drainage nécessaire de la plateforme.

Les pistes de cheminement, le long des voies, doivent aussi être libres de toute végétation. Ces pistes servent principalement aux agents de la maintenance. Mais aussi, en cas d’incident, aux conducteurs pour la visite du train, et éventuellement, aux secours pour accéder aux voitures, effectuer un transbordement ou évacuer les voyageurs.

Des caméras à la rescousse

A défaut d’utiliser du glyphosate, SNCF Réseau s’est lancé dans une recherche active de solutions alternatives viables. Parmi elles, l’acquisition et la mise en service de nouveaux trains désherbeurs capables de traiter la végétation par tâche, c’est-à-dire sur la végétation présente, et non plus « en plein » sur la totalité du périmètre voie et pistes à traiter. À l’aide de caméras spécifiques, installées à bord, ils détecteront la présence de végétaux sur les voies et les pistes et pourront les éliminer grâce à un système de pulvérisation plus précis et adapté aux nouveaux produits herbicides de biocontrôle.

Les trains désherbeurs seront aussi équipés d’un système d’asservissement du désherbage pour intégrer les nouvelles zones de non-traitement (ZNT) définies par le décret EGalim (voir encadré). Le système d’information géographique dédié à la maîtrise de la végétation (SIGMA) cartographie les périmètres géographiques réglementés, aux abords de cours d’eau par exemple, ou d’habitations. La cartographie est tenue à jour grâce à une veille réalisée par SNCF Réseau. Elle est envoyée vers les systèmes de positionnement GPS équipant les engins désherbeurs. À l’approche d’une ZNT où l’épandage est interdit, les opérateurs à bord des trains désherbeurs sont prévenus par une alerte visuelle. Et, une fois dans la zone réglementée, le système émet à nouveau une alerte, puis coupe automatiquement la pulvérisation. Elle reprendra à la sortie de la zone de non-traitement.

Le remplacement des trains désherbeurs devrait permettre de réduire de moitié les surfaces pulvérisées grâce à la détection de la végétation présente. Il permettra aussi de se mettre en conformité avec la réglementation et de renforcer la protection des opérateurs.

voie travaux ecopaturage
Pour les abords des voies, notamment les plus difficiles d’accès, la SNCF a recours à l’écopâturage.

Des tests avec des robots de fauche autonomes

En complément de ces nouveaux trains désherbeurs, un second programme a été lancé. Axé sur la recherche, le développement et l’innovation, il n’a pas vocation à sélectionner une solution unique mais une combinaison de solutions adaptées à des périmètres et des cas d’usage différents. Parmi eux, un nouveau produit a montré une efficacité se rapprochant du glyphosate sur une végétation peu développée. Il s’agit d’un mélange de biocontrôle – un composé de micro-organismes ou de substances naturelles d’origine végétale, animale ou minérale. Les produits de biocontrôle peuvent être utilisés en agriculture biologique – associé une sulfonylurée. Utilisé seul, le biocontrôle n’agit que par contact en brûlant les parties touchées des feuilles, avec une efficacité de quelques semaines. Des tests ont été effectués, en 2019, dans les différentes zones climatiques et pédologiques de France, sur une longueur cumulée de 85 km.

Une autre solution consiste à couvrir les pistes de geotextiles. Ils empêchent la pousse des plantes présentes dans le sol et stoppent la croissance des graines déposées par voie aérienne. Recouverts de deux à trois centimètres de sable ou de gravillons pour assurer leur pérennité dans le temps, ces géotextiles en matériaux synthétiques sont posés en soubassement lors des réfections de pistes qui peuvent accompagner les renouvellements de voies et ballast (RVB). L’intérêt de cette technique est d’éviter le traitement des pistes entre deux RVB. L’objectif est d’intégrer la pose de géotextiles dans toutes les opérations de réfection de pistes, soit quelques dizaines de kilomètres chaque année.

Des robots de fauche autonomes sont aussi testés. Guidés par GPS, ils sont capables de travailler sans grande intervention ni présence humaine. L’adaptation de ces robots à l’environnement ferroviaire est expérimentée depuis 2018 sur une ligne à grande vitesse, car cette solution n’est envisageable que sur des lignes clôturées et homogènes.

La méthode de l’ensemencement

Pourquoi ne pas contrer le développement de plantes par d’autres plantes ? C’est la méthode de l’ensemencement développée avec des étudiants de 3e cycle, qui vise à développer une végétation basse limitant la pousse d’autres végétaux plus envahissants. Cette solution fait actuellement l’objet d’une thèse scientifique, après avoir été testée sur des voies de services au triage de Villeneuve Saint-Georges notamment. Elle suppose l’adoption de nouveaux standards vis-à-vis de la végétation acceptant un

couvert végétal, faible mais présent, sur certaines voies peu usitées et empruntées à faible vitesse. Il faut se souvenir qu’à l’époque de la vapeur, et des risques d’incendie liés aux escarbilles de charbon, l’intégralité des emprises SNCF était fauchée chaque année et les déchets de coupe évacués avant le 15 juillet. Cette exigence a fortement diminué avec les motorisations diesel et électriques, et une végétation multiple, faite de broussailles et même d’arbres, s’est progressivement installée aux abords des voies.

Pour ces abords, notamment les plus difficiles d’accès, la SNCF a recours à l’écopaturage. Une solution écologique, qui consiste à faire pâturer des moutons, des chèvres ou même des poneys shetland, comme récemment à la gare de Magalas dans l’Hérault, pendant quelques semaines. Cette méthode, outre son aspect écologique est aussi plus économique que le débroussaillage mécanique.

Car la lutte contre la végétation représente un coût important pour la SNCF. L’entreprise consacre aujourd’hui 30 millions par an au traitement de la végétation. À court terme, le programme associé à la mise en œuvre de la loi EGalim et de la sortie du glyphosate dans nos procédés devrait entraîner un surcoût d’environ 110 millions d’euros par an : 50 millions pour sortir du glyphosate, et 50 à
60 millions pour suivre les évolutions réglementaires liées à l’usage des produits.

Mais certaines techniques peuvent révéler un bilan environnemental très lourd. C’est le cas du traitement thermique sur toute la surface des pistes. Il a été étudié, dans le cadre de recherche et développement en collaboration avec des réseaux européens. Le désherbage sélectif par vapeur sous pression, expérimenté avec nos voisins suisses représenterait, s’il était employé sur toute la surface des pistes de notre réseau, une consommation annuelle de
550 millions de litres d’eau – l’équivalent de la consommation d’une ville de 10 000 habitants, et de 3 millions de litres de gasoil. Cette technique ne pourrait être utilisée qu’en appoint, d’autant qu’elle est susceptible d’endommager certains équipements.

Yann Goubin


Concertation pour l’utilisation des produits phytosanitaires

Pour se conformer à la loi EGalim, mais aussi pour établir une relation de dialogue et d’échange constructifs vis-à-vis des riverains et des territoires traversés par les voies, SNCF Réseau a lancé, à l’automne, une concertation ouverte à tous qui vise à élaborer une charte d’engagements relative à l’utilisation des produits phytosanitaires.

La première phase de concertation qui s’est déroulée entre le 22 septembre et le 27 octobre, a réuni près de 300 personnes, sur l’ensemble du territoire français, à travers 18 ateliers participatifs, autour d’élus locaux, représentants d’associations environnementales, usagers et consommateurs issus de 8 000 communes traversées par le réseau ferré national. Les contributions des différentes parties-prenantes ont permis de rédiger un projet de charte qui a été soumis lui aussi à la concertation entre le 23 novembre 2020 et le 20 janvier.

A l’issue de cette dernière étape de concertation, SNCF Réseau finalisera sa charte d’engagements en l’enrichissant des contributions du grand public, pour la proposer ensuite à l’approbation des préfets de département.

Y. G.