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Ewa

Les entreprises de travaux sur voies ferrées veulent jouer un rôle dans l’ouverture à la concurrence du ferroviaire

Travaux

Pascal de Laurens, le président du SETVF (Syndicat des entrepreneurs de travaux de voies ferrées de France) revient sur les conséquences de la pandémie pour le secteur et explique quel rôle veulent jouer les entreprises membres du syndicat dans l’ouverture à la concurrence des TER.

Pascal-de-Laurens
Pascal de Laurens, président du Syndicat des entrepreneurs de travaux de voies ferrées de France (SETVF)

Ville, Rail & Transports. Quelles sont les spécificités des entreprises représentées par le SETVF ?

Pascal de Laurens. Notre syndicat a plus de 80 ans et représente 49 entreprises (et 9 500 salariés) de toutes tailles implantées sur toute la France et effectuant des travaux de voies ferrées mais aussi des prestations de sécurité ferroviaire. Soit 1,5 milliard d’euros de chiffres d’affaires en 2019.

Nous représentons les professionnels auprès des acteurs publics et des donneurs d’ordre. Avec un regard très tourné vers SNCF Réseau. La relation avec la SNCF est absolument nécessaire pour l’ensemble de nos adhérents. Nous sommes tous les jours en lien avec la SNCF. Il y a une particularité dans le ferroviaire : tous nos adhérents ont soit un client exclusif soit majoritaire. Cela implique une relation tout à fait particulière de fournisseurs à entreprise. Il y a quasiment un devoir d’allégeance, voire de soumission. Notre objectif est d’améliorer ce lien par des échanges.

Nous effectuons aussi un gros travail technique avec nos adhérents et réalisons des actions très importantes pour agir en faveur de la protection du personnel, pour édicter des règles, des conditions contractuelles…

VRT. Qu’est-ce qui a changé avec la crise sanitaire ?

P. L. Le confinement a représenté une épreuve pour notre profession, mais ce n’est pas dramatique. Aujourd’hui, la principale préoccupation concerne la sécurité des chantiers. Nous avons construit avec la SNCF des process, permettant de poursuivre la maintenance du réseau.

Certes, la crise sanitaire a un impact sur la programmation des travaux et il y a quelques incertitudes sur quelques contrats qui seront peut-être remis en cause car il y a une chaîne logistique imbriquée. Mais l’essentiel sera réalisé. Globalement, la trajectoire est là : il y a un plan de régénération à 10 ans, on en est à la moitié. Le plan de relance a permis de confirmer une trajectoire en faveur de la régénération lancée depuis quelques années. On ne devrait pas trop souffrir en 2021.

Il y a un tissu régional fort et SNCF Réseau a toujours montré sa volonté de faire travailler des entreprises locales. Il faut aussi, bien sûr, de plus grosses entreprises capables d’acheter des trains de travaux. Il y a de la place pour tout le monde.

Il y a aussi un fait irréversible : SNCF Réseau n’est plus propriétaire de grosses machines. La donne travaux ne se fera plus qu’avec des groupements d’entreprises, peut-être avec des conceptions-réalisations, avec une programmation plus en amont. Il en va de l’avenir de nos entreprises.

VRT. Qu’est-ce qui peut changer à l’avenir ?

P. L. Nous sommes un petit syndicat, qui ne peut pas faire le poids face à la SNCF et son corps social très fort.

Mais nous entretenons une bonne relation avec SNCF Réseau. Ce groupe représente un énorme navire et le ferroviaire est un temps long. Nous sommes obligés de l’accepter, nous n’avons pas d’autre choix. Mais nous sommes agiles. Il faut être modeste mais nous avançons. Si notre relation avec la SNCF est majoritaire, elle n’est pas exclusive car d’autres clients peuvent aussi faire appel à nous : les collectivités, les villes, le Grand Paris, pour des métros…

Dans le cadre de la relance des petites lignes ferroviaires, nos entreprises vont s’associer avec des groupements, comprenant des opérateurs de transport, et répondre à des appels d’offres. Nos entreprises seront force de propositions. Il faudra remercier la région Grand Est qui veut ouvrir à la concurrence la ligne Nancy-Contrexéville en proposant un marché construction-exploitation. Forcément, il faut des compétences multiples : des opérateurs, des ingénieurs, et des constructeurs. On va pouvoir être innovant. C’est la possibilité d’adresser un signal au monde ferroviaire.

Par ailleurs, depuis une dizaine d’années, Réseau est en train d’ouvrir des missions à des prestataires, sur la maintenance et la sécurité. Jusqu’où va-t-on aller, où va-t-on placer le curseur ? A-t-on les moyens de réaliser toutes les missions ?

Reste une préoccupation constante et partagée avec SNCF Réseau : la formation des salariés. Le BTP est un secteur d’avenir. Mais il ne propose pas forcément les jobs les plus attractifs : on travaille de nuit, en déplacement, dans un environnement contraint… Nous avons du mal à attirer suffisamment de candidats. Il y a donc un souci d’amélioration de ce point de vue là. La SNCF connaît aussi ce problème.

Propos recueillis par Marie-Hélène Poingt

Retrouvez, dans Ville, Rail & Transports de janvier, notre dossier complet sur les travaux prévus en 2021 pour moderniser le réseau ferroviaire français. Ou sur notre site sur https://www.ville-rail-transports.com/dossiers/plus-de-28%e2%80%afmilliards-deuros-pour-le-reseau-ferre-en-2021/

Ewa

Le marché automobile devrait retrouver son niveau en 2023

automobiles voitures

Le marché mondial du véhicule neuf a été fortement touché par la pandémie. Selon l’Observatoire Cetelem, (groupe BNP Paribas) qui a réalisé une enquête auprès de 10 000 personnes dans 15 pays, la baisse des immatriculations en 2020 devrait être de 17 %.

Elle sera particulièrement forte en Europe, avec -29 % (-28 % en France). Les ventes devraient reprendre en 2021 : +11 % au niveau mondial, +16 % en Europe, +19 % en France.

Le marché français du véhicule neuf ne devrait pas retrouver son niveau d’avant-crise avant 2023. En revanche, toujours en France, le marché de l’occasion devrait se rétablir dès cette année.

L’électrification du marché va s’accélérer : plus des trois quarts des personnes sondées considèrent que l’avenir sera électrique et 17 % de ceux qui veulent acheter une voiture en 2021 pensent acquérir un véhicule électrique.

Au-delà de la crise du Covid-19, 56 % des personnes interrogées considèrent que la voiture occupe une place trop importante dans le monde (46 % en France). De plus, 72 % jugent légitime qu’elle soit critiquée pour ce qui concerne l’environnement (66 % en France) et 82 % des répondants pensent de ce fait qu’il est souhaitable de laisser plus de place aux modes doux (73 % en France).

Cependant 55 % des personnes interrogées ne pourraient pas se passer d’automobile. La proportion atteint même 65 % en France. 19 % des sondés disent avoir tendance à rouler de moins en moins, mais 35 % déclarent rouler de plus en plus.

N.B. : L’enquête quantitative a été conduite par Harris Interactive du 2 au 11 septembre 2020 auprès de personnes de 18 à 65 ans. 3 000 personnes ont été interrogées en France, et 500 dans chacun des autres pays : Allemagne Belgique Brésil, Chine Espagne, Etats-Unis, Italie, Japon, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Royaume-Uni, et Turquie. On espère maintenant une étude de qualité sur le sujet.

Ewa

Les véhicules d’occasion en pleine expansion

voiture occasion

D’après le rapport sur les véhicules d’occasion publié le 26 octobre 2020 par le programme pour l’environnement de l’ONU, le parc automobile mondial devrait doubler d’ici 2050. 90 % de la croissance viendraient des pays non-membres de l’OCDE qui importent un grand nombre de véhicules d’occasion. Principaux exportateurs, l’UE (54 %), le Japon (27 %) et les USA (18 %), qui ont exporté 14 millions de véhicules légers d’occasion entre 2015 et 2018. 70 % de ces véhicules vont dans les pays en voie de développement, qui disposent, selon l’ONU, d’une « réglementation limitée, voire inexistante sur la qualité et la sécurité des véhicules importés ». De plus, sur les 146 pays étudiés, 28 ont adopté des normes d’émission pour les véhicules, 100 n’en disposent pas, les 18 restants ayant interdit l’importation de véhicules d’occasion.

Ewa

Oxfam veut que les riches mettent la main à la poche

Route pollution

Juste avant que le Conseil européen des 10 et 11 décembre ne se fixe pour nouvel objectif une réduction des émissions de 55 % d’ici 2030, visant une neutralité carbone nette en 2050, Oxfam a demandé que les plus riches fassent un effort supplémentaire. Pour l’ONG, les précédentes réductions « n’ont été obtenues que parmi les citoyens européens à revenu et faible moyen, alors que les émissions totales des 10 % les plus riches ont augmenté ». Oxfam demande donc que les « principes d’équité et de transition juste » soient au cœur du Green Deal. Un Green Deal européen qu’Oxfam aurait voulu plus ambitieux, avec 65 % de réduction au moins d’ici 2030 par rapport au niveau de 1990.

Selon une étude d’Oxfam faite avec l’Institut de l’Environnement de Stockholm, entre 1990 et 2015, alors que les émissions de l’Union liées à la consommation ont diminué de 12 % et que les inégalités de revenu se sont accrues, l’UE était responsable de 15 % des émissions mondiales, pour 7 % de la population. Les 10 % des citoyens européens les plus riches étaient responsables de 27 % de ces émissions communautaires, soit autant que la moitié la plus pauvre de toute l’UE. Les émissions des 50 % les plus pauvres ont de 1990 à 2015 baissé de 24 %, celles des 40 % des citoyens ayant des revenus moyens de 13 %, tandis que celles des 10 % les plus riches ont augmenté de 3 %.

Si l’on voulait limiter le réchauffement à 1,5°, les 10 % les plus riches ont une empreinte carbone plus de 10 fois supérieure au niveau requis, les 1 % les plus riches 30 fois plus élevé. Mais tout le monde devrait se mettre à la diète. La part des 50 % des plus pauvres devrait être réduite aussi, et de moitié.

F. D.

Ewa

« Les politiques publiques ne sont pas à la hauteur des objectifs pour lutter contre le réchauffement climatique »

Aurélien Bigo

Alors que le texte du projet de loi Climat vient d’être envoyé au Conseil d’Etat pour lecture, reprenant une cinquantaine des propositions de la Convention citoyenne pour le climat, dont certaines liées aux transports, nous avons demandé à Aurélien Bigo, expert de la transition énergétique dans les transports, d’évaluer les politiques actuellement mises en œuvre dans ce domaine. L’enjeu est de parvenir à limiter la hausse des températures conformément à la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC). Pour l’heure, on en est loin, nous explique cet ingénieur en géologie, diplômé d’un master en économie de l’environnement (EDDEE), qui vient de soutenir une thèse intitulée « Les transports face au défi de la transition énergétique. Explorations entre passé et avenir, technologie et sobriété, accélération et ralentissement » (Elle est disponible sur ce lien de téléchargement,)

Ville, Rail & Transports. Les politiques transport actuelles permettent-elles de tenir nos objectifs en matière de réduction des gaz à effet de serre ?

Aurélien Bigo. Si la question est : est-ce qu’on en fait assez ? La réponse est non. Nous avons beaucoup de retard par rapport à ce qui est prévu dans la Stratégie nationale bas-carbone.

Dans le passé, nous avons déjà dû réduire nos ambitions dans les budgets carbone. La première version de la Stratégie nationale bas-carbone publiée en 2015 pour la période 2015-2018 a été largement dépassée par les transports et on a dû revoir à la hausse le budget carbone.

VRT. Quels sont les modes de transport les plus en retard de ce point de vue ?

A. B. Les principales émissions proviennent du transport routier, aussi bien du côté des voyageurs que des marchandises. Mais je ne pense pas que le routier soit le seul mode à montrer du doigt. On pourrait tout aussi bien dire que les mauvais élèves, ce sont ceux qui n’ont pas réussi à attirer suffisamment de voyageurs ou de marchandises.

De plus, le trafic aérien international n’est pas pris en compte dans les budgets carbone concernant les transports. Les calculs sont donc faussés à ce jour même s’il est prévu que, dans la prochaine révision, les transports aériens soient inclus. On ne prend donc en compte actuellement que les émissions de CO2 du transport aérien intérieur alors que les traînées de condensation des avions et les émissions de NOx ont aussi des effets sur le réchauffement.

Le risque est grand de dépasser encore les prochains budgets carbone, sauf pour 2020 car c’est une année exceptionnelle du fait de la baisse de la demande liée à la crise sanitaire.

VRT. Comment, selon vous, faut-il agir pour respecter la trajectoire de la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC) ?

A.B. Il y a cinq principaux leviers pour baisser les émissions de CO2 : ce sont la modération de la demande, le report modal, le meilleur remplissage des véhicules, l’efficacité énergétique des véhicules et le facteur intensité carbone de l’énergie. Ce dernier facteur est aussi appelé décarbonation, c’est-à-dire passer du pétrole qui représente 90 % de l’énergie des transports à des énergies décarbonées comme l’électricité, le biogaz, le biocarburant, l’hydrogène (à condition qu’ils soient produits de façon durable), ainsi que tous les carburants synthétiques mais qui sont encore très peu développés.

Pour le transport de voyageurs, les progrès attendus passent surtout à court terme par les gains d’efficacité énergétique des véhicules. C’était le principal levier attendu par la SNCB pour la période 2015-2020 et ce sera encore le cas sur la période 2020-2025.

Or, on a vu que les émissions de véhicules neufs ont eu au contraire tendance à stagner jusqu’à 2019. Cela s’explique par le fait que les consommateurs se sont détournés du diesel et ont acheté des véhicules plus lourds. En particulier, des SUV (sport utility vehicle, ndlr), qui connaissent un très fort succès mais sont très lourds.

Idéalement, il aurait fallu mettre des incitations plus fortes pour qu’on atteigne les objectifs. Comme des interdictions sur les véhicules les plus lourds, ou des incitations fiscales type bonus-malus liées au poids des véhicules, ou encore des normes plus élevées sur les émissions.

Se reposer sur les progrès technologiques des véhicules pose un autre problème : le renouvellement du parc se fait lentement. Tout cela renforce notre incapacité à atteindre les objectifs.

Il existe pourtant d’autres moyens pour améliorer l’efficacité énergétique : on peut limiter la vitesse de circulation maximale à 110 km/h. Mais cette mesure, qui faisait partie des points les plus controversés au sein même de la Convention citoyenne, n’a pas été reprise.

On peut citer une autre mesure possible : fabriquer des véhicules moins puissants. En effet, la vitesse maximale des véhicules neufs sur le marché est en moyenne de 185 km/h alors que la vitesse maximale sur le réseau est fixée à 130 km/h. On pourrait très bien imaginer un bridage, comme cela existe dans le ferroviaire ou pour les poids lourds équipés d’un boîtier pour limiter leur vitesse.

VRT. Que prévoient les futurs objectifs bas carbone ? Sont-ils vraiment impossibles à atteindre ?

A.B. La nouvelle Stratégie nationale bas-carbone (fixée pour les voyageurs et le fret) est prévue pour les périodes 2019-2023 ; 2024-2028 : 2029-2033.

Ces budgets carbone sont définis de manière indicative. Puis ils sont validés.

Il n’est pas dit qu’on ne pourra pas atteindre la neutralité carbone attendue pour 2050, mais aujourd’hui on ne met pas en place les politiques adéquates pour y parvenir.

La Stratégie nationale bas-carbone fixe une trajectoire. Plus on attend, plus ce sera compliqué. Ce qui est important pour le climat, c’est l’ensemble des émissions émises dans l’atmosphère sur toute la période.

Sur quoi faut-il agir ? Sur l’ensemble, les cinq principaux leviers de décarbonation de façon simultanée. La complémentarité entre ces leviers est fondamentale. Or, actuellement, la Stratégie bas-carbone repose surtout sur les progrès technologiques. Ils représentent certes un outil complètement indispensable mais pas une solution miracle.

Sortir du pétrole par le développement des nouvelles motorisations est nécessaire mais il faut aussi absolument modérer la demande et mettre en place une mobilité plus sobre en énergie (avec des véhicules moins lourds par exemple et qui vont moins vite). Les politiques publiques ne sont donc pas à la hauteur des objectifs.

VRT. Comment modérer la demande ?

A.B. Les politiques publiques telles qu’elles sont pensées depuis des décennies consistent toujours à faire augmenter la demande, donc à proposer toujours plus de mobilité, en augmentant les infrastructures de transport mises à disposition. On pense qu’augmenter ces chiffres est positif pour l’économie.

Quand la demande augmente, les émissions augmentent. Il ne faut pas toujours vouloir faire croître la demande, du moins pour les transports les plus polluants. En particulier les poids lourds, le transport aérien et même les voitures.

La demande évolue aussi en fonction de facteurs exogènes liés aux politiques publiques, comme l’évolution du PIB, le prix du pétrole, l’évolution des vitesses. Il faut plus de volontarisme.

VRT. La solution ne peut-elle pas venir d’un parc de véhicules convertis à l’électricité comme semblent le penser bon nombre d’élus ?

A.B. Il faut se tourner vers l’électrique, au moins en partie car il n’y a pas de solution technologique magique. Cette technologie est nécessaire mais pas parfaite. Les véhicules électriques émettent moins de CO2, en particulier en France où l’électricité est peu carbonée : ils en émettent deux à trois fois moins que les véhicules thermiques sur leur cycle de vie.

Mais si on veut vraiment profiter de l’apport des véhicules électriques, il faut que le parc soit le plus réduit possible, afin d’avoir un nombre de batteries le moins élevé possible, dont la production pose problème C’est le nombre de véhicules vendus qui conditionnera l’impact sur l’environnement et non plus le nombre de kilomètres comme c’est le cas aujourd’hui. Il faut aussi agir sur la taille des batteries.

Le véhicule électrique n’est donc pas totalement écologique. Il a aussi des impacts négatifs sur l’environnement et n’évite pas toutes les nuisances du véhicule thermique, comme l’espace consommé ou l’accidentologie. Mais en profitant de ses faiblesses (son autonomie limitée), on pourrait toutefois revoir notre mobilité en allant vers plus de sobriété.

On pourrait ainsi développer de petits véhicules urbains, comme la Twizy de Renault et le Citroën Ami, ou des modes intermédiaires entre vélo et voitures électriques comme le vélomobile (sorte de vélo couché caréné) ou les vélos cargos.

VRT. Que penser de l’hydrogène que le gouvernement veut développer ?

A.B. Ce n’est pas non plus la solution miracle : pour l’heure, seulement 5 % de l’hydrogène en France et dans le monde est produit avec de l’électricité. C’est alors effectivement la meilleure solution pour avoir une consommation bas-carbone si l’électricité est elle-même décarbonée.

Mais aujourd’hui, 95 % de l’hydrogène est produit avec de l’énergie fossile. L’avantage par rapport aux véhicules électriques, c’est que ça permet de se passer de la contrainte de la batterie. Mais l’hydrogène nécessite 2,5 fois plus d’électricité que l’utilisation d’un véhicule électrique.

Pour certains véhicules qui peuvent difficilement passer à la mobilité électrique, comme le poids lourd par exemple, l’hydrogène peut être plus adapté. Cela pourrait aussi être le cas du ferroviaire sur les lignes non électrifiées.

VRT. Peut-on aussi tabler sur l’avion « propre » ?

A.B. L’avion « propre » n’existera pas avant un bon moment. Même si l’avion hydrogène arrive en 2035 comme c’est prévu, c’est trop loin.

En 2035, il y aura peut-être le premier avion commercial à hydrogène mais il sera plutôt adapté à du court ou du moyen-courrier. Or, c’est sur ce type de trajet que le train peut le plus facilement se substituer à l’avion.

De plus, il faudra du temps pour renouveler toute la flotte aérienne, les compagnies devront être prêtes à investir. Il faudra une contrainte extrêmement forte pour qu’elles le fassent car la solution hydrogène sera plus coûteuse.

Il n’y a donc pas de solution de décarbonation facile pour les avions dans les années, voire les décennies à venir. Il y aura des solutions mais qui resteront au stade de niche ou seront assez imparfaites.

On est clairement devant une grosse incohérence : on reconnaît les erreurs du passé mais on continue à soutenir la demande pour tous les modes de transport, y compris ceux pour lesquels il n’y a pas de solutions en vue de leur décarbonation.

VRT. Faut-il agir sur la demande de déplacements en avion ?

A.B. Il faut avant tout changer d’objectifs. Aujourd’hui, l’objectif consiste à faire croître le transport aérien. On le voit avec le plan de relance et on le voit avec les infrastructures puisqu’il y a toujours des projets d’agrandissement des aéroports.

Après les débats de la Convention citoyenne, on n’a pas vu de signal politique clair, qui aurait pu consister à planifier les trajets substituables par le train, faire des offres ferroviaires adaptées… contribuant à diminuer l’offre aérienne.

La Convention citoyenne a demandé que les trajets réalisables en train en quatre heures ou moins soient interdits en avion. C’est facilement réalisable mais on voit déjà à quel point c’est compliqué.

Les politiques publiques peuvent aussi agir sur le prix, en particulier sur la taxation sur le kérosène qui n’est pas pris en compte.

D’autres politiques sont possibles et pourraient s’inspirer par exemple des propositions faites par l’équivalent du Haut Conseil pour le Climat en Grande-Bretagne, qui suggère une taxe progressive en fonction du nombre de vols que l’on prend. De son côté, la Convention citoyenne a proposé l’idée de taxer les vols en jets privés. Mettre en place de tels dispositifs aurait l’avantage de ne pas pénaliser les plus pauvres, ceux qui prennent peu l’avion.

VRT. Vous critiquez aussi la faiblesse des politiques de report modal…

A.B. La volonté de faire croître la part du transport ferroviaire est souvent exprimée. Mais il n’y a pas de réelles politiques de report modal pour l’accompagner. Une vraie politique de report modal implique que, si on augmente le transport ferroviaire, on diminue un autre mode. Ce n’est pas le cas quand de nouveaux investissements sont réalisés en faveur du transport ferroviaire même si l’objectif annoncé est le report modal.

Si on pensait le ferroviaire comme un outil de report modal, on n’aurait pas abandonné les trains de nuit il y a quelques années. Aujourd’hui, on commence à évoquer la relance des trains de nuit, mais il n’y a aucune volonté dans le même temps de baisser l’offre aérienne. Si on ne le fait pas, on ne diminuera pas les émissions. Il faut aussi agir sur un autre levier : l’intermodalité entre le vélo et le train, en favorisant notamment le stationnement en gare. Une étude de l’Ademe montre que pour 8 usagers de consignes à vélo créées en gare, on gagne un usager du train. En effet, le vélo permet d’avoir une zone de chalandise plus élevée que la marche. Le vélo et le train sont très complémentaires et sont les deux modes les plus écologiques. A l’avenir, il faut repenser la complémentarité entre le ferroviaire et le vélo.

VRT. Vous ne croyez donc pas à l’objectif de doublement du trafic de fret ferroviaire…

A.B. L’objectif de doubler la part du fret ferroviaire d’ici à 2030 est énorme ! Mais les politiques publiques annoncées paraissent complètement insuffisantes pour y parvenir.

Développer le fret ferroviaire sans toucher au transport routier me paraît en effet impossible. C’est exactement la même chose pour les voyageurs. Il y a pourtant des leviers financiers possibles, que ce soit une taxe sur l’énergie ou encore une taxe sur la contribution kilométrique…

Enfin, toutes les politiques doivent être pensées comme des outils d’aménagement du territoire et, inversement, l’aménagement du territoire devrait être réalisé de manière à favoriser les mobilités sobres en énergie et bas carbone.

Propos recueillis par Marie-Hélène Poingt

 

Loin du compte…

Selon Aurélien Bigo, aujourd’hui, le constat est clair : au niveau mondial, on est loin de respecter l’objectif de limitation de l’augmentation des températures globales moyennes à + 2 degrés d’ici à 2050. Pour y parvenir, il faut baisser de 2,7 % chaque année les émissions de CO2au niveau mondial(ce qui veut dire que l’effort doit être encore plus élevé pour les pays développés comme la France ). Et si on veut respecter un objectif de hausse des températures limitées à +1,5 degré, il faudrait réduire les émissions de gaz à effet de serre de – 7,6 % par an. C’est ce qu’on a obtenu en 2020 mais de façon involontaire puisque c’était lié à la crise sanitaire.


Rappel : La stratégie nationale bas-carbone (SNBC) décrit la feuille de route de la France pour conduire la politique d’atténuation du changement climatique. Elle donne des orientations pour mettre en œuvre la transition vers une économie bas-carbone dans tous les secteurs d’activités.

Elle définit des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre à l’échelle de la France à court/moyen terme – les budgetscarbone1 – et a l’objectif d’atteindre la neutralité carbone, c’est-à-dire zéro émissions nettes2, à l’horizon 2050 (objectif introduit par le plan climat de juillet 2017 et inscrit dans la loi).

Ewa

Comment la Covid a dopé le vélo

Velo pistes

A la suite d’un premier confinement et dans la perspective d’un déconfinement prudent nécessitant le maintien de distanciations, un bon nombre de villes du monde ont ouvert la voie au vélo, à la fois pour délester les transports en commun et pour entraver un retour massif de la voiture. Un peu partout, les obstacles au vélo se sont levés comme par enchantement. Ces réalisations sont-elles appelées à durer ? Le doivent-elles ? Quelles leçons tirer de l’inattendu ? D’Oakland à Berlin en passant par Tours, Montreuil ou Paris, l’Institut Paris Région a scruté les politiques cyclables des villes, mises en œuvre en un temps record.

« On en a fait plus en deux mois qu’en six ans », constate une association de Tours. C’est vrai à Tours comme dans bien des villes du monde : la pandémie, le confinement qui s’en est ensuivi, puis un déconfinement imposant de restreindre pour des raisons sanitaires la part des transports publics et pour des raisons environnementales celle de l’automobile ont aidé à remodeler la ville : apparition ultrarapide de nouveaux couloirs pour les vélos, extension de terrasses de cafés et de restaurants sur les trottoirs et la chaussée, au détriment des places de stationnement. L’espace accordé à l’automobile s’en est trouvé réduit. Vite et avec visibilité, tout un symbole.

Grand succès de l’urbanisme dit tactique, qu’on pourrait aussi bien dire expérimental, opportuniste, voire improvisé, et qui a, de plus, offert une belle image de liberté après des semaines de renfermement. Ces réalisations vont-elles durer, s’infléchir, quelles leçons peut-on tirer d’une méthode qui a pris de court tout le monde ? C’est l’objet de l’étude « flash » que vient de publier l’Institut Paris Région. On incitera le lecteur à rentrer dans le dossier et ne pas s’en tenir au résumé qu’en donne l’Institut. Les « recommandations » et « points de vigilance » des synthèses sont utiles, mais la curiosité des chercheurs de l’ex-IAU IDF, qui les conduit à décrire les expériences de Bogota, Oakland, Montréal, Londres, Berlin, Bruxelles, Milan, Barcelone, en s’appuyant sur les leçons qu’en tirent des responsables locaux est, elle, très stimulante. Sans oublier les exemples français exposés par l’Institut : Tours, on l’a dit, mais aussi Saint-Etienne ou, en Ile-de-France, Paris, Montreuil, les départements de Seine-Saint-Denis et du Val de Marne, ainsi que l’intercommunalité Est-Ensemble.

Faite dans une période de déconfinement et dans cette dernière perspective, l’étude paraît dans un contexte, en Europe du moins, de reconfinement. Mais les leçons seront utiles, un jour que l’on espère prochain. La question, que pose l’étude, d’inscription de ces mesures tactiques dans un horizon stratégique sera alors d’actualité.

Allons pour commencer à Oakland. La ville de Californie — où est née et a grandi la vice-présidente élue des Etats-Unis, Kamala Harris — a été l’une des premières en Amérique du Nord à annoncer son programme d’urgence, Slow Streets. Il s’appuie sur le plan vélo adopté en 2019 et recourt à des fermetures douces, Soft closures, isolant par des barrières les pistes cyclables de la circulation routière. La légèreté du dispositif a permis une mise en œuvre à un rythme très rapide pour commencer. En définitive, seulement 34 km ont été réalisés sur les 110 annoncés. Mais le programme, qui d’après les premiers retours satisfaisait avant tout la population blanche aisée, a été enrichi à la suite d’échanges avec les habitants par la prise en compte d’Essential places, se traduisant par l’aménagement de routes traversant les quartiers populaires et dangereuses à traverser pour les piétons.

A Berlin, dès le 25 mars, dans l’arrondissement de Friedrichshein-Kreuzberg, commence la réalisation d’une « infrastructure résiliente à la pandémie », avec des pistes cyclables prises sur la voirie. Elles sont ménagées pour maintenir, dans un contexte de moindre contrainte qu’en France, une vie sociale avec assez de distance entre les vélos. Les pistes offrent de plus une alternative à la voiture qui menace alors de reprendre toute une part de passagers à des transports publics où la proximité fait peur. Si l’arrondissement a eu l’initiative, celle-ci s’inscrit dans un programme adopté par le Sénat. Et la loi sur les mobilités de 2018 prévoit la pérennisation de tels corridors après la phase tactique. Elle a également permis d’aller vite, en recourant à de l’information, sans consultation supplémentaire.

A Milan, c’est dans une région confinée le 8 mars 2020 que le programme Strade Aperte, d’alternative aux déplacements motorisés et aux transports publics, est mis en œuvre dès mai, avec tout de suite l’idée de pérenniser un jour la plupart de ces aménagements. Il s’appuie sur un précédent programme d’urbanisme tactique appelé Piazze Aperte, dont les travaux de pérennisation d’une première place sont prévus cet automne. On observe une collaboration inédite entre les différents services de la ville. Ce qui fait que, « alors que la réalisation du réseau cyclable du plan de mobilité de 2018 reposait sur la création d’infrastructures longues à développer, des aménagements plus légers et moins coûteux directement dessinés sur la chaussée ont vu le jour ».

A Barcelone, le programme Bicivia, arrêté en 2016, est en cours de réalisation et on ne part pas là non plus de rien. Il prévoit 550 km d’aménagements cyclables, à l’échelle de l’aire métropolitaine et des 36 municipalités. Et 50 % du programme est réalisé, mais on voit bien, là encore, le rôle d’accélérateur de la crise sanitaire.

Même si Barcelone apparaît un modèle de cette façon de tester et d’inscrire le provisoire dans le durable, les villes françaises ne sont pas en reste. L’Institut prend ainsi l’exemple de la ville de Montreuil, déjà bien préparée avec son programme de PEPA (Petits espaces publics autrement) depuis 2013 et avec l’aménagement de la Croix de Chavaux. Dès le 22 mars, Montreuil est pionnière dans l’aménagement de pistes cyclables d’urgence, proposant tout de suite 8 km sur la base du Plan vélo de la ville avec, pour aider les soignants, l’intégration des hôpitaux dans les axes à aménager. 80 % des aménagements sont financés par l’Etat, la Région et la Métropole. Il en résulte une accélération à la fois du Plan vélo de la ville et du RER-V, le réseau vélo de la Région. Et un intéressant renversement de la concertation du fait de l’urgence : on fait d’abord, on tirera les leçons ensemble plus tard. Dans le Val-de-Marne, les réalisations s’inscrivent dans une commande de l’Etat pour préparer le déconfinement, en évitant un report massif des transports publics vers la voiture. D’où la création de « pistes cyclables sanitaires », permettant de tester les axes d’aménagement du RER-V. 28 km sont réalisés selon des « manières de faire totalement inédites », relève l’Institut. Succès pour les cyclistes, les réalisations sont mal reçues par les automobilistes. Heureusement, l’aspect provisoire rend plus acceptable des mesures qui en d’autres circonstances passeraient plus mal. De plus, l’urbanisme tactique permet de griller les étapes, comme celle des études de circulation… et suscite l’enthousiasme des équipes, qui ont la satisfaction de voir tout de suite réalisé ce qu’elles viennent de proposer. A l’échelle de la région aussi, la Covid a servi d’accélérateur pour la réalisation du réseau structurant.

En France, dans le monde, dans les villes observées, la victoire du vélo est indéniable. Tout n’est pour autant pas exemplaire. Le mécontentement des automobilistes n’est pas en soi un critère de satisfaction. De plus, si l’on regarde les réalisations, on voit qu’elles ont été le plus souvent portées par les villes-centres. C’est là qu’on a surtout vu les aménagements temporaires. Les limites communales ont rarement été dépassées. La question reste posée d’une « nécessaire cohérence à l’échelle métropolitaine » qui appellera sans doute des réalisations plus délicates et plus coûteuses. Mais ces difficultés sont le revers d’une initiative libérée, marquée par exemple à Berlin par une inversion de la prise de décision. Le local prend le large et l’arrondissement de Friedrichshain-Kreuzberg a eu un rôle moteur dans la mise en place de ses PopUp BikeLanes, exemple suivi par d’autres arrondissements.

Si le cycliste est l’objet de toutes les attentions, le piéton, lui, n’a pas été trop pris en considération. Piétons particuliers, les PMR se sont trouvés malmenés, par exemple, par les extensions des terrasses des cafés et des restaurants, qui « rendent l’accès à une personne malvoyante ou à mobilité réduite impossible » et constituent une nouvelle barrière pour qui veut traverser la rue. Tous ceux qui demandent « une attention particulière » rencontrent de nouveaux problèmes. Or, toutes ces minorités, mises bout à bout, représentent la majorité de la population.

Reste, comme dit l’Institut, que « ce qui a été observé en France et à l’international est tout à fait inédit dans la manière de concevoir des aménagements urbains ». La crise a permis de « révéler les vertus de l’urbanisme tactique, présent dans le paysage depuis une dizaine d’années, mais peu pratiqué en France, et vu parfois par certains élus comme du bricolage ». Elle a mis en relief l’importance de la phase de test, qui devrait être « retenue dans un processus itératif entre la conception et l’adaptation ». Ajoutons qu’on a bien l’impression, à entendre parler de l’enthousiasme des équipes des villes ou des cyclistes, que les phases de concertation amont, sans doute nécessaires, alimentent la technocratie, et qu’on relève, dans la suspension des procédures que produit la crise, une appréciable légèreté.

F. D.

Aménagements urbains temporaires des espaces publics. Lisa Gaucher (architecte), Cécile Diguet (urbaniste), Maximilien Gawlik (paysagiste-urbaniste). Institut Paris Région, 29 octobre 2020. https://cutt.ly/IgZrPnX
Dans la perspective ouverte ici par l’Institut Paris Région, il faut mentionner deux publications du Cerema :
 Aménagements cyclables provisoires : tester pour aménager durablement, Cahiers du Cerema, 2020, https://cutt.ly/5gZtPgZ

– Aménagements provisoires pour les piétons : tester pour aménager durablement, Cahiers du Cerema, 2020, https://cutt.ly/YgCMl1o

Ewa

Remettre la soutenabilité au centre du MaaS

Smartphone

Pour encadrer l’essor du MaaS, la Loi d’orientation des mobilités s’est attachée à sauvegarder la concurrence. En oubliant l’objectif de soutenabilité…

Par Hadrien Bajolle, Marion Lagadic, Nicolas Louvet de 6t.

Le mobility as a service, plus connue sous son acronyme, MaaS, est plus que jamais au centre des attentions. On ne comptait pas moins de 10 conférences sur le sujet au dernier salon Autonomy, consacré à la mobilité. Le MaaS est partout, au service de toutes les causes. Qu’il s’agisse de la résilience, de l’écologie, de la mobilité urbaine ou rurale, le MaaS a réponse à tout.

Qu’est-ce que le MaaS ? Il existe probablement autant de définitions du MaaS que de praticiens et de chercheurs s’intéressant au domaine. Bornons-nous à proposer l’une d’entre elles, qui fait autorité : Le MaaS est un « ensemble de services de mobilité multimodaux et durables permettant de répondre aux besoins des usagers du transport en intégrant les fonctions de planification et de paiement au sein d’un guichet unique »1. Mais derrière cette définition communément acceptée du MaaS se cachent des enjeux et des intérêts très différents selon les acteurs.

Les objectifs publics du MaaS : soutenabilité et amélioration de la qualité de service

Schématiquement, la puissance publique attend du MaaS un soutien dans la transition vers une mobilité plus durable et plus inclusive. Elle espère que le MaaS, en rendant les trajets multimodaux plus simples, favorisera les transports en commun et les modes actifs sur la voiture.

A moyen terme, le MaaS pourrait être plus largement le support de véritables « assurances mobilité » permettant de remplacer efficacement la voiture personnelle. Là où les transports en commun ne sont pas capables de répondre à la demande, des services de véhicules partagés pourraient prendre le relais. Au lieu d’acheter une voiture, on s’abonnerait à un bouquet de mobilité comprenant une part de VTC ou de taxi : de quoi couvrir les besoins des utilisateurs désirant se passer de leur voiture.

Le discours public sur le MaaS sert enfin un objectif indirect, qui est de promouvoir l’open data. En effet, le développement du MaaS nécessite l’ouverture des données : pour que les plateformes puissent intégrer ces différents modes et fonctions, elles doivent pouvoir accéder aux données d’offres des différents opérateurs. Du point de vue de la puissance publique, la mise à disposition de ces données, aujourd’hui traitées en silo, est la promesse de nouveaux services. Par exemple, la mise à disposition des données d’opérateurs de micromobilité pourrait permettre de mieux connaître les besoins en mobilité des cyclistes et ainsi d’améliorer la qualité des infrastructures cyclables.

Les MaaS pour les acteurs privés : une opportunité pour « grow the pie » de la mobilité

Les objectifs des acteurs privés ne sont pas nécessairement opposés, mais pas nécessairement convergents non plus, avec les objectifs publics. Les transporteurs publics y voient un intérêt car le MaaS pourrait permettre d’augmenter leur part modale au détriment de la voiture et d’améliorer leur qualité de service dans un secteur relativement en retard en matière d’expérience utilisateur.

De leur côté, les constructeurs automobiles espèrent pouvoir tirer leur épingle du jeu en proposant des services automobiles à haute valeur ajoutée, par exemple, via des services d’abonnements très personnalisés, sur lesquels ils pourraient dégager des marges, à la manière d’un business model d’assurance : un individu paierait un abonnement mensuel de 100 € pour des services dont il ne consommerait en réalité que 80 €. Enfin, les opérateurs de services informatiques, et au premier rang les Gafa, espèrent opérer les plateformes et créer eux-mêmes les services à haute valeur ajoutée. Ils deviendraient, en quelque sorte, les vendeurs de détail des services de mobilité qu’ils auraient achetés en gros auprès des opérateurs. Or, comme on le sait, les marges sont bien plus importantes dans la vente au détail que dans la vente en gros. Comme le disait Giancarlo Scaramelli (Transdev) lors du forum Autonomy, le MaaS est une opportunité pour « grow the pie » de la mobilité.

Inversement, pour les opérateurs de transport, le MaaS n’est pas exempt de menaces : il y a bien sûr, d’abord, la crainte de perdre l’interface avec la clientèle et l’image de marque associée, de ne plus devenir qu’un fournisseur de mobilité, parmi d’autres fournisseurs de mobilité.

Le MaaS comporte aussi le risque de voir des monopoles se recréer non plus chez les opérateurs de transport, mais, cette fois, chez les opérateurs de plateforme. Si Google est devenu l’opérateur de moteur de recherche ultra-dominant dans le monde, il pourrait tout aussi bien devenir le principal opérateur de plateforme de MaaS. Dès lors, il pourrait exercer un pouvoir de marché sur les opérateurs de transport.

Soutenabilité ou non-discrimination : il faut choisir

C’est pour se prémunir d’un tel risque que la récente loi d’Orientation des mobilités, tout en rendant obligatoire l’ouverture des données pour les opérateurs publics et certains d’opérateurs privés (voitures, vélos et engins de déplacement personnels) dans son article 25, a souhaité apporter un certain nombre de garde-fous pour sauvegarder la concurrence. L’article 28 de la LOM dispose ainsi que les opérateurs de plateforme multimodales (qu’ils soient publics ou privés) devront sélectionner de manière « non discriminatoire » les différents services de mobilité. L’idée est ici que de futures plateformes ne puissent pas contractualiser avec certains opérateurs pour les favoriser au détriment des autres. Voilà assurément un objectif louable du point de vue de la sauvegarde de la concurrence.

Seulement, en voulant conserver la concurrence, on en oublie l’objectif de soutenabilité. Soutenir la non-discrimination des modes, c’est en effet figer le monde de la mobilité tel qu’il est, c’est-à-dire fondé sur la voiture. Et il ne faut pas compter sur les opérateurs de plateformes de MaaS pour décider par eux-mêmes de promouvoir une mobilité vertueuse : s’ils sont dans une logique de rentabilité, ils s’orienteront vers la fourniture des services permettant de maximiser le profit. Or, les différentes expériences de MaaS menées jusqu’à présent montrent2 que c’est la vente de services automobiles qui est la plus rentable, car la disponibilité à payer y est la plus élevée.

Dès lors, il faut choisir quel objectif on met en avant. Si c’est la concurrence qui prime, alors le MaaS s’inscrit plutôt dans un agenda libéral des transports, défendu notamment par la start-up Whim et son fondateur Sampo Hietanen ou encore par la plateforme espagnole Iomob. Dans cette logique, le MaaS permet de briser les monopoles de fait que sont bien souvent les services de mobilité pour augmenter le niveau de compétition, et à terme faire baisser les prix ou améliorer l’offre. Il y a ici clairement une analogie avec ce qui a été fait en Europe avec les marchés de l’énergie. De la même manière que le marché de l’électricité a été progressivement libéralisé pour qu’un électron français soit en concurrence à chaque instant avec un électron italien ou allemand sur la « plaque de cuivre » européenne, la généralisation du MaaS conduit à terme à la création de marketplace de mobilité à de vastes échelles, dans lesquels les différents modes et les différents opérateurs sont en concurrence. Si au contraire, ce sont les enjeux de soutenabilité qui l’emportent, alors il faut se résoudre à limiter les objectifs de rentabilité des plateformes et rompre avec une logique de non-discrimination.

Mettre en œuvre des algorithmes qui favorisent la soutenabilité

Cette question dépasse largement celle, trop souvent évoquée dans les débats autour du MaaS, de l’identité de l’opérateur de la plateforme. Ce qui compte, ce n’est pas de savoir si la plateforme est gérée par un acteur public ou par un acteur privé, mais quelle est la logique, l’algorithme de la plateforme.

Et pour que l’intérêt public soit sauvegardé, il faut que les acteurs publics soient en mesure de comprendre, d’analyser et, éventuellement, de réguler ces algorithmes. Comme l’expliquaient déjà il y a un an3 Ishan Bhojwan (beta.gouv.fr) et Gabriel Plassat (La fabrique des Mobilités), cela nécessite de réarmer la puissance publique sur le plan technologique. Au-delà de réglementations formelles, il faut que la collectivité dispose de ses propres ingénieurs, développeurs, architectes de systèmes d’information pour imposer des algorithmes qui mettent en avant l’intérêt collectif. Si elle ne le fait pas, le MaaS sera avant tout un outil pour faire grossir le gâteau des opérateurs.

1König, D., Eckhardt, J., Aapaoja, A., Sochor, J. L., & Karlsson, M. (2016). Deliverable 3: Business and operator models for MaaS. MAASiFiE project funded by CEDR. Notre traduction.
2Sochor, J., Strömberg, H., & Karlsson, I. M. (2015). Implementing mobility as a service: challenges in integrating user, commercial, and societal perspectives. Transportation research record, 2536(1), 1-9.
3Ishan Bhojwan , Gabriel Plassat, L’âge des infrastructures numériques publiques, disponible sur : https://cutt.ly/Hg49xH2

Ewa

La pollution coûte cher aux villes européennes

Trafic

Le cabinet CE Delft vient de publier une étude sur le coût de la pollution dans les villes européennes, réalisée à la demande de l’Alliance européenne pour la santé publique, l’EPHA. Elle fait apparaître, ville par ville, les coûts énormes dus à la pollution de l’air. Et la part très importante qu’elle représente dans le produit intérieur brut.

Paris, 3,5 milliards d’euros par an. Londres, 11,38 milliards d’euros… S’ajoutant aux études qui évaluent la pollution atmosphérique dans les villes, celle-ci s’attache à en chiffrer le coût, ville par ville. L’addition dans les principales villes européennes dépasserait les 166 milliards d’euros par an.

Commanditée par un consortium d’ONG traitant des divers aspects de la santé publique et regroupées dans l’Alliance européenne pour la santé publique (EPHA), l’étude, publiée en octobre, a été réalisée par le cabinet d’audit CE Delft. Ses résultats se fondent sur l’analyse de la qualité de l’air en 2018 dans 432 villes, dont 76 françaises, totalisant 130 millions d’habitants. Elle a été conduite dans trente pays d’Europe (les 28, plus la Norvège et la Suisse). Trois polluants sont pris en compte : les particules fines, le dioxyde d’azote (NO2) et l’ozone. Le rapport est fondé sur les données communiquées par les villes.

Monétarisées grâce à une grille unique d’évaluation, ces données font apparaître un classement. Londres est la ville où le coût annuel de la pollution de l’air est le plus élevé (11,38 milliards d’euros). Elle est suivie par Bucarest (6,35 milliards d’euros), Berlin (5,24 milliards d’euros), puis Varsovie (4,22 milliards d’euros) et Rome (4,11 milliards d’euros), Paris en septième position (3,5 milliards d’euros) n’étant pas loin de ce peloton. Toutes les villes dépassant le million d’habitants se trouvent dans le top 25.

Cependant, rapporté au nombre d’habitants, c’est Bucarest qui prend la tête (3 000 euros par an et par habitant), devant Milan (2 800 euros), Padoue (2 455 euros), Varsovie (2 433 euros), Bratislava (2 168 euros) ; sur la carte de l’Europe établie selon les coûts par habitant, les pays de la façade atlantique sont relativement épargnés. En revanche, la pollution se fait très forte en Italie, en Allemagne, en Pologne, en Roumanie…

Le coût moyen pour les Européens dans les villes étudiées est de 1 250 euros par an par habitant, soit 3,9 % du produit intérieur brut. Mais dans des villes de Bulgarie, Roumanie et Pologne, la part monte jusqu’à 8 à 10 %. Sur les trois facteurs de pollution retenus, ce sont les particules fines, PM2.5/PM10, qui contribuent le plus et de loin aux coûts (82,5 %). Le NO2 en est responsable à hauteur de 15 % et l’ozone de 2,5 %. Si la pollution automobile n’est pas la seule en cause, elle en est, et très largement, la première cause. On observe qu’une augmentation de 1 % des trajets moyens accroît les coûts des émissions de PM10 et de NO 2 de 0,54 %. Une augmentation du nombre de véhicules de 1 % accroît ces mêmes coûts de 0,5 %.

Cette étude n’est pas la première, reconnaissent les auteurs qui parlent même d’une littérature abondante sur le sujet. Cependant, les études précédentes, menées localement selon des méthodes différentes, donnent des résultats peu comparables. La particularité de celle-ci est d’avoir utilisé une méthodologie commune, mise au point lors d’un travail préalable réalisé en 2019 pour la Commission européenne et faisant apparaître le coût des traitements médicaux, des morts prématurées et des journées perdues de travail.

Les résultats montrent, si l’on en doutait encore, que la réduction de la pollution de l’air fait partie des priorités absolues dans toute tentative d’améliorer le bien-être dans les villes européennes.

La pollution atmosphérique est le quatrième facteur de décès après l’hypertension artérielle, le régime alimentaire et le tabac. En Europe, l’OMS estime le nombre de morts prématurées dues à la pollution à 500 000 personnes par an (400 000 dans l’Europe des 28). Estimation basse, selon les auteurs de la dernière étude. La pandémie en cours, dont l’étude n’a pu tenir compte, ne fait qu’aggraver la situation : les comorbidités sont essentielles dans la mortalité de la Covid-19. Notamment celles associées à la pollution atmosphérique…

F.D.

CE Delft, Health costs of air pollution in European cities and the linkage with transport, https://cleanair4health.eu,
https://cutt.ly/lgCnWWE
Article du Monde sur le coût de la pollution, https://cutt.ly/ugCnTDe

Ewa

Catherine Pila devient la nouvelle présidente d’Agir

Catherine Pila

Catherine Pila vient d’être élue présidente du conseil d’administration de l’association Agir Transport. Conseillère Métropolitaine d’Aix Marseille Provence et présidente de la Régie des Transports Métropolitains (RTM), elle devient ainsi «la troisième femme à occuper cette fonction depuis la création de l’association en 1987 », note Agir, en rappelant que le conseil d’administration est « composé à parité d’élus locaux, représentant leur collectivité, et de directeurs d’opérateurs de transport indépendants ».

Ewa

Selon Luc Lallemand, il faudra 8 à 10 ans minimum pour que le réseau ferré français soit au niveau européen

Luc Lallemand, futur PDG de SNCF Réseau

Sur un budget de 5,8 milliards d’euros, SNCF Réseau a prévu cette année d’investir plus de 2,8 milliards d’euros pour moderniser les infrastructures ferroviaires. Une enveloppe en légère augmentation puisque l’année dernière, sur un budget total de 5,6 milliards, il était prévu 2,7 milliards pour rajeunir le réseau. Explications par Luc Lallemand, le PDG de SNCF Réseau.

Ville, Rail & Transports. Depuis le 1er janvier 2020 la SNCF fonctionne sous le statut de société anonyme à capitaux publics avec une holding de tête qui chapeaute cinq sociétés anonymes, dont SNCF Réseau. En quoi ce modèle vous paraît-il adapté à l’infrastructure française ?

Luc Lallemand. Ce modèle intégré, à l’instar du modèle allemand, est particulièrement pertinent en France.

En matière de transport ferroviaire, le degré d’intimité technologique entre l’infrastructure et le train est élevé et complexe par rapport à d’autres modes de transport où ce degré d’intimité est moindre. En France, l’outil industriel ferroviaire est constitué d’une succession de strates, d’une multiplication d’outils différents qui ne sont pas rationalisés, ce qui rend ce patrimoine industriel très complexe à gérer. La nécessaire rationalisation de cet outil industriel consacre les choix opérés dans notre projet d’entreprise « Tous SNCF Ambition Réseau ».

VRT. Comment cette rationalisation de l’outil industriel va-t-elle s’inscrire dans la stratégie de l’entreprise ?

L. L. Avant la réforme, SNCF Réseau avait un projet stratégique intitulé Nouvel’R. Nous n’avons pas souhaité créer un big bang. Notre objectif est de rationaliser l’outil industriel et de nous concentrer sur la satisfaction clients, pas de créer une énième réforme liée au changement de gouvernance. Nous voulons poursuivre les acquis de Nouvel’R, intensifier des dimensions déjà présentes comme le focus client. Si le client est satisfait, l’utilisation du mode ferroviaire se développe, et c’est ce qui nous importe. Le projet d’entreprise « Tous SNCF Ambition Réseau » repose sur quatre piliers : le client et sa satisfaction, l’excellence et la performance opérationnelle, la sécurité de l’exploitation et du travail et l’équilibre financier.

VRT. Quelle est la priorité en matière de performance opérationnelle ?

L. L. Le réseau est, par endroits, vétuste. Le premier impératif est d’avoir le moins de pannes possible. Lorsqu’il y en a, car c’est inévitable, il s’agit de diminuer au maximum le mean time to repair (temps moyen de réparation) pour remettre l’installation en état. Le réseau ferroviaire français repose sur un patrimoine historico-industriel très varié, avec par exemple un réseau TGV au top, mais qui a complètement impacté le niveau d’investissement sur le réseau ferroviaire classique structurant. Et malgré les efforts de régénération réalisés depuis quelques années, notre retard est tel qu’il nous faudra entre huit et dix ans minimum pour être au niveau européen. Il faudra mener de front cet objectif ainsi que celui de la modernisation et de l’innovation.

VRT. Vous évoquez un autre pilier du projet d’entreprise, la sécurité de l’exploitation et du travail…

L. L. Ça doit être une préoccupation constante. En matière de sécurité nos chiffres ne sont pas mauvais même s’ils se sont légèrement dégradés en 2020. Nous sommes forts sur la technologie du système industriel et sur les process, mais nous devons faire des progrès sur la culture de la sécurité, tant sur la sécurité de l’exploitation que celle du personnel. Depuis le lancement du programme Prisme en 2016, SNCF Réseau travaille à un renforcement de cette culture. Le projet d’entreprise promeut une approche de la sécurité globale, qui traite avec le même niveau d’importance la sécurité et la santé des salariés et des prestataires, la sûreté, les risques d’incendie, la cybersécurité, les risques naturels et technologiques… En 2021, nous investirons près de 130 M€ pour améliorer le niveau de sécurité du réseau.

VRT. Et quels sont vos objectifs financiers ?

L. L. L’équilibre financier est le 4e pilier de notre projet d’entreprise. SNCF Réseau, né en 2015 de la fusion entre Réseau ferré de France (RFF), SNCF Infra et de la direction de la circulation ferroviaire (DCF), n’a pas encore totalement intégré cette dimension. Le secteur de l’infrastructure en France s’est habitué à un déficit colossal. En 2019, nous avons clôturé à moins de 2 Md€ ! C’est une habitude très ancrée et nous allons y mettre fin. C’est d’autant plus nécessaire que, dans le cadre de la réforme ferroviaire, le gouvernement a inscrit dans les statuts de SNCF Réseau qu’en 2024, nous devons être à l’équilibre. Bien évidemment, ça ne se fera pas en une année, même si l’Etat, avec la reprise de la dette, va nous apporter une aide massive de 1 milliard d’euros. A nous de gérer différemment pour trouver l’autre milliard, et de faire en sorte que les dépenses ne dépassent pas les revenus. C’est à la fois une question de bonne gestion et de devoir moral.

Propos recueillis par Véronique Pierre