Entretien avec Jean-Baptiste Eymeoud, senior vice président France d’Alstom.
Ville, Rail & Transports. On entend parler de retard dans le TGV 20-20 et Les Echos ont récemment parlé d’un sérieux problème de coût. On entend dire que la SNCF n’est pas très partante. Guillaume Pepy à qui nous avons posé la question s’étonne de la rumeur et se dit « enthousiaste ». Quelle est la vision d’Alstom, partenaire de la SNCF ?
Jean-Baptiste Eymeoud. Nous menons sur ce projet un travail de fond, assez révolutionnaire, qui comporte des centaines d’innovation. Plus de 400 personnes des deux sociétés, venues de tous les établissements, de tous les sites, ont travaillé à la cospécification du train. Nous devons aboutir rapidement.
Les critères de prix sont très importants. Nous voulons gagner, comme nous l’avons dit en signant l’accord, des gains de l’ordre de 20 %, par rapport au prix actuel d’une rame qui est d’environ 30 millions d’euros. 20 % sur le coût d’acquisition, 25 % sur le coût de maintenance, 25 % sur le coût de consommation énergétique.
Nous sommes en train de finaliser tout cela, nous vérifions l’ensemble afin d’arriver à un chiffrage avant la fin de l’année. Nous procéderons alors à une validation de ce chiffrage et nous espérons que notre partenaire passera commande en début d’année prochaine.
VR&T. Il n’y a pas si longtemps, Arnaud Montebourg, alors ministre de l’Economie, annonçait les premiers TGV du futur pour 2017 !
J.-B. E. Je ne vais commenter d’anciens projets, je ne peux parler que du partenariat avec SNCF que nous avons signé en avril 2016. Nous attendions une décision engageante fin 2017. C’était peut-être un peu ambitieux, mais on peut penser que nous serons prêts fin 2017-début 2018.
Je vous rappelle que ce partenariat est venu d’un appel d’offres innovant, conduisant à la cospécification du matériel. Nous nous sommes donné 18 mois pour réussir, sous réserve que tous les critères soient remplis. Nous passerons alors à la phase de conception détaillée, puis à la réalisation de trains d’essais. La production industrielle ne pourra intervenir qu’après la phase d’homologation, assez longue, qui prend environ 15 à 18 mois. Nous ne rentrerons donc pas en production avant la fin 2022.
VR&T. On dit que vous espérez 200 trains sur le marché français, mais que la SNCF n’est prête à en commander que 50…
J.-B. E. Je ne vais pas commenter ce que SNCF pourrait nous commander. Je veux surtout souligner que cet accord est gagnant-gagnant pour SNCF et pour nous. Nous avons tous besoin de faire un vrai saut qualitatif dans la grande vitesse. Pour SNCF, c’est stratégique aussi. Ce train, ce sera son TGV des pour les 30 prochaines années.
En parallèle, le programme « TGV du futur » que nous menons en partenariat avec l’Ademe, sert à définir un train qui peut être vendu à l’export, le premier étant l’Avelia Liberty pour Amtrak aux Etats-Unis. Nous espérons vendre à l’export 200 trains.
VR&T. L’accord avec Siemens ne va-t-il pas tout chambouler ?
J.-B. E. Nous en sommes aujourd’hui aux phases de consultation de nos partenaires sociaux, nous aurons ensuite à présenter le dossier à Bruxelles et aux autorités de régulation partout où nous sommes présents. Nous avons pris l’engagement de maintenir des sites pendant quatre ans, en France et en Allemagne. Quatre ans à partir de la signature de l’accord, ce qui veut plutôt dire cinq ans à partir d’aujourd’hui. Le TGV 20-20 sera fabriqué dans nos sites.
VR&T. Cependant, on annonce déjà 470 millions d’euros d’économies dues aux synergies. Cela ne concerne pas la grande vitesse ?
J.-B. E. Dans ce domaine, comme dans d’autres d’ailleurs, nous sommes complémentaires avec Siemens. La France veut surtout du TGV à deux niveaux, alors que le système allemand, ICE, puis Velaro, est un système d’automotrices à un niveau. De plus, en France, le business est très orienté sur la capacité. Il n’y a pas de conflit. Il y a aura sans doute des synergies à trouver, mais sur des sous-systèmes.
Ce qui importe aujourd’hui c’est que la commande du TGV 20-20 va générer des investissements au niveau industriel. A La Rochelle comme à Belfort, où l’on fait déjà la conception des rames pour Amtrak.
VR&T. Quelles sont les perspectives pour les autres volets de l’activité française ?
J.-B. E. L’activité est très orientée sur l’Ile-de-France et la mobilité quotidienne. Nous avons répondu à l’appel d’offres du métro du Grand Paris Express : pour le matériel roulant, la signalisation et l’infrastructure. Nous remettons dans quelques mois la première offre pour le métro fer de la RATP. Il s’agit de renouveler le matériel de quatre lignes du métro parisien, livré dans les années 70. Nous attendons aussi des marchés de RER. Dans les régions, des agglomérations ressentent des besoins de matériel nouveau, comme Marseille pour le métro ou d’autres villes pour des tramways. Et, en fin d’année, nous remettrons notre offre pour les Intercités, Marseille – Bordeaux, Paris – Clermont, Paris – Limoges. Et puis, c’est très important pour le site français de Belfort même si c’est de l’export, nous nous félicitons d’être attributaire pressenti pour 30 locomotives destinées au Maroc.
Propos recueillis par F. D.