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Ewa

Fusion Alstom-Siemens : la Commission européenne donne les raisons de son refus

Margrethe Vestager

Pas l’ombre d’un doute. Pour la Commission européenne, la concentration qui « aurait permis à Siemens et à Alstom de mettre en commun leurs activités en matière de matériel et de services de transport dans une nouvelle société exclusivement contrôlée par Siemens, […], aurait porté atteinte à la concurrence sur les marchés des systèmes de signalisation ferroviaire et des trains à très grande vitesse ». Et, déclare Margrethe Vestager, commissaire chargée de la Politique de concurrence, « la Commission a interdit la concentration parce que les parties n’étaient pas disposées à remédier aux importants problèmes de concurrence que nous avons relevés ».

Les griefs

Les griefs portaient sur deux domaines. La signalisation et les trains à très grande vitesse (plus de 300 km/h). La concentration aurait, selon un communiqué publié le 6 décembre par la Commission, créé le « leader incontesté du marché sur certains marchés de la signalisation et un acteur dominant dans le secteur des trains à très grande vitesse. Elle aurait réduit de manière significative la concurrence dans ces deux domaines, restreignant ainsi le choix des clients, notamment les opérateurs ferroviaires et les gestionnaires d’infrastructure ferroviaire, en matière de fournisseurs et de produits ».

Au cours de son enquête, la Commission indique « avoir reçu plusieurs plaintes émanant de clients, de concurrents, d’associations professionnelles et de syndicats. Elle a aussi reçu des observations négatives de plusieurs autorités nationales de la concurrence dans l’Espace économique européen (EEE). »

Pour les systèmes de signalisation, l’opération envisagée « aurait éliminé un concurrent très puissant de plusieurs marchés de la signalisation pour grandes lignes et lignes urbaines ». Alstom-Siemens serait devenu « le leader incontesté sur plusieurs marchés de la signalisation grandes lignes, en particulier en ce qui concerne les systèmes de protection automatique des trains ETCS dans l’EEE et les systèmes d’enclenchement autonomes dans plusieurs Etats membres ». Et, pour les métros, « l’entité issue de la concentration serait également devenue le leader du marché pour les systèmes de signalisation les plus récents de type CBTC ».

Pour les trains à très grande vitesse, l’opération « aurait réduit le nombre de fournisseurs en supprimant l’un des deux principaux fabricants de ce type de trains dans l’EEE ». L’entité issue de la concentration aurait détenu des parts de marché très importantes « tant au sein de l’EEE que sur un marché plus vaste comprenant aussi le reste du monde à l’exception de la Corée du Sud, du Japon et de la Chine (où le secteur n’est pas ouvert à la concurrence). » Cette réduction « aurait porté préjudice aux clients européens. Les parties n’ont avancé aucun argument étayé expliquant en quoi l’opération aurait généré des gains d’efficacité propres à la concentration ».

Alors qu’on lui reproche d’avoir limité ses vues au marché européen la Commission indique avoir, en particulier, « analysé la concurrence qui pourrait être exercée à l’avenir au niveau mondial par les fournisseurs chinois ». Or, « en ce qui concerne les systèmes de signalisation, l’enquête de la Commission a confirmé que les fournisseurs chinois ne sont pas présents dans l’EEE aujourd’hui, qu’ils n’ont à ce jour même pas tenté de participer à des appels d’offres et que, par conséquent, ils ne deviendront pas des fournisseurs crédibles pour les gestionnaires d’infrastructure européens avant très longtemps ». En ce qui concerne les trains à très grande vitesse, la Commission estime qu’il est « hautement improbable que l’entrée de la Chine sur le marché ne constitue une contrainte concurrentielle pour les parties à la concentration dans un avenir prévisible ».

Or, les « mesures correctives proposées par les parties ne permettaient pas de répondre de manière satisfaisante aux préoccupations concurrentielles de la Commission ».

En particulier, en ce qui concerne les systèmes de signalisation grandes lignes, « le remède proposé consistait en une combinaison complexe d’actifs de Siemens et d’Alstom, certains d’entre eux étant transférés en tout ou en partie, et d’autres cédés sous licence ou copiés ». En conséquence, « la mesure corrective proposée ne consistait pas en une activité autonome et pérenne qu’un acheteur aurait pu utiliser pour concurrencer de manière effective et indépendante l’entreprise issue de la concentration ».

Et, en ce qui concerne le matériel roulant à très grande vitesse, « les parties ont proposé de céder soit un train actuellement incapable de rouler à très grande vitesse (le Pendolino d’Alstom), soit une licence portant sur la technologie à très grande vitesse Velaro de Siemens. La licence était soumise à de multiples conditions restrictives et exceptions, qui auraient, pour l’essentiel, fait obstacle au développement, par l’acheteur, d’un train à très grande vitesse concurrent ».

Mesures correctives insuffisantes

La Commission « a sollicité l’avis des participants au marché sur les mesures correctives proposées. Les retours ont été négatifs dans les deux domaines. Cela a confirmé l’analyse de la Commission selon lequel les mesures correctives proposées par Siemens ne suffisaient pas à remédier aux graves problèmes de concurrence ». Aussi la Commission « a-t-elle interdit l’opération envisagée ».

Ewa

Les Allemands veulent réformer le droit européen de la concurrence

Joe Kaeser

Le veto de la Commission européenne à la fusion Alstom-Siemens a été très mal perçu du côté allemand. Pratiquement tous les partis politiques mais aussi les syndicats ont regretté cette décision jugée néfaste pour l’emploi en Europe face à la mondialisation de l’économie et surtout à la concurrence chinoise dans le ferroviaire.

Le ministre allemand de l’Economie, Peter Altmaier, n’a pas souhaité en rester là. Il a annoncé une initiative franco-allemande pour réformer le droit européen de la concurrence. « Il est essentiel que l’Europe soit capable de répondre à l’avenir à la concurrence mondiale », a estimé le ministre. La veille, Peter Altmaier avait présenté un programme de mesures protectionnistes pour protéger les fleurons de l’économie allemande face aux velléités de rachat des industriels chinois.

Berlin fera des propositions pour réformer la loi sur les cartels d’ici l’automne, a annoncé le porte-parole du gouvernement. « Face à la mondialisation et à la digitalisation de l’économie, il faut réformer le droit de la concurrence », a insisté Steffen Seibert. Une position partagée par les sociaux-démocrates (SPD) qui partagent le pouvoir avec Angela Merkel dans une « grande coalition ».

Quant au patron de Siemens, il s’est félicité par avance d’un « profond renouvellement » de l’administration à Bruxelles dans quelques mois. « Les élections européennes représentent une chance unique de mener une nouvelle politique économique plus moderne. […] L’Europe a besoin d’une réforme structurelle qui lui permette à l’avenir de tirer son épingle du jeu dans une économie mondialisée », a lâché Joe Kaeser.

« Le droit de la concurrence ne peut plus s’appliquer seulement à l’Europe. Il doit être pensé à l’échelle mondiale », a ajouté l’Allemand Manfred Weber, candidat de la droite européenne pour la présidence de la Commission, qui estime que l’émergence de « champions européens » répond aux défis économiques de demain. Annegret Kramp-Karrenbauer, la présidente du Parti chrétien-démocrate (CDU) et possible successeur d’Angela Merkel à la chancellerie, plaide elle aussi pour une réforme qui « prépare stratégiquement l’avenir ». « L’Europe doit faire face à la concurrence de la Chine mais aussi à d’autres régions du monde », a-t-elle déclaré.

Favorable au développement du rail, le parti écologiste allemand (opposition) a dénoncé un manque de discernement de la part de Bruxelles. « La Commission n’a pas compris qu’il s’agissait d’une question essentielle : à savoir si l’industrie ferroviaire européenne devra jouer demain dans la cour des grands ou dans une ligue régionale », a critiqué Reinhard Bütikofer, porte-parole du parti pour les questions de politique industrielle.

Les syndicats, eux aussi, regrettent la décision de Bruxelles. Les représentants des salariés de Siemens avaient donné leur accord à cette fusion pour des « raisons de politique industrielle ». « Bruxelles en a décidé autrement. Cela n’est pas une catastrophe », a estimé Jürgen Kerner, membre de la direction du syndicat allemand de la métallurgie (IG Metall), qui appelle néanmoins « les entreprises, le gouvernement et l’Union européenne à agir rapidement ». « L’UE doit comprendre que la mondialisation et la géopolitique vont transformer les entreprises mais aussi les conditions des travailleurs en Europe », a-t-il ajouté.

A Berlin, Christophe Bourdoiseau


							

Ewa

Siemens-Alstom : pour Henri Poupart-Lafarge, « Il va falloir trouver d’autres routes »,

HENRI POUPART-LAFARGE

« Il n’y a pas de plan B » avait averti Henri Poupart-Lafarge. Et c’est la position qu’il réitère à la suite du veto de la Commission à la fusion avec Siemens Mobility. Une décision face à laquelle le patron d’Alstom, s’adressant à quelques journalistes, fait part de son « incompréhension », jugeant que la Commission dans son analyse de la concurrence « s’est arc-boutée dans une analyse court-termiste ». Aujourd’hui que la décision est tombée, il ne voit pas de « nécessité de replonger dans un projet tel que celui-ci ».

Le carnet de commandes d’Alstom est bien rempli (quasiment 40 milliards d’euros), le bilan est bon (six milliards de ventes sur les trois premiers trimestres et huit en vue), Alstom est fort aussi de la cession de ses participations dans trois filiales de General Electric (GE), et « les équipes sont aujourd’hui largement occupées à délivrer le carnet de commandes ». Henri Poupart-Lafarge se dit heureux de pouvoir consacrer à nouveau tout son temps à l’opérationnel.

Pas aux abois

S’il n’est, dit-il, « pas du style à me morfondre », et si Alstom est loin d’être aux abois, le ton n’est pas guilleret. Le projet de fusion avec Siemens Mobility, dans lequel le patron d’Alstom s’est investi « pendant près de deux ans », avait deux buts : « parvenir plus rapidement à une taille critique » face à la montée en puissance du constructeur chinois CRRC, et « accélérer notre mouvement vers le digital ». Les deux objectifs sont plus que jamais dans la ligne de mire. Mais il faudra « trouver d’autres routes pour y parvenir ». Indispensable, et quand Henri Poupart-Lafarge dit qu’il ne faut pas être « obsédé » par CRRC… c’est pour mieux souligner des dangers voisins. Comme Hitachi, « accueilli à bras ouverts en Europe » alors que l’industrie européenne « n’est pas bien venue au Japon ».

Ces autres routes, sur lesquels il ne se prononce pas, seront « peut-être plus organiques que ce que nous souhaitions ». Moins rapides donc que la fusion recalée, mais celle-ci, rappelle-t-il, se faisait « en anticipation » des dangers futurs. Quant à des rapprochements avec l’un, l’autre, par exemple une fusion avec les activités de transport de Thales, vieux serpent de mer, il se refuse aujourd’hui à « rouvrir la boîte à idées ».

La décision européenne lui semblant infondée, va-t-il introduire un recours ? La décision n’est pas encore prise. Le recours en effet n’est pas suspensif, l’instruction prendrait bien « deux ou trois ans » ce qui veut dire que l’actuelle dynamique de fusion est de toute façon « arrêtée ». Qui plus est les indemnités qu’on peut en espérer étant « très faibles », la satisfaction d’une décision positive serait mince. Un lot de consolation.

François Dumont

Ewa

Siemens-Alstom : les leçons d’un revers

Assembly of the AGV trailers for NTV .La Rochelle

Il n’y a pas eu de coup de théâtre. La Commission a dit non. Le communiqué est tombé peu avant midi ce mercredi 6 février. Alstom, aussitôt, a pris acte en indiquant : « le rapprochement n’aura pas lieu » et en regrettant « un net revers pour l’industrie européenne ». Bruno Le Maire, le ministre français de l’Economie avait réagi avant même la décision en déclarant à propos de cette « erreur économique » sur France 2 : « La décision que s’apprête à prendre la Commission européenne va servir les intérêts économiques et industriels de la Chine. »

Guillaume Pepy y a vu la « mauvaise nouvelle du jour ». Le président du directoire de la SNCF, s’adressant à l’AFP, a regretté que « pour apprécier l’impact d’un rapprochement, on prenne en compte non pas les marchés de demain, mais les marchés tels qu’ils sont aujourd’hui, c’est-à-dire en gros les marchés d’hier ». Et précisé : « Au lieu de se dire “tiens, le monde change, et les Japonais, Coréens, Chinois, Indiens… sont aujourd’hui des puissances très fortes dans le matériel ferroviaire, la compétition est mondiale et donc il faut des champions européens”, on regarde à l’échelle de l’Europe ce que sont les parts de marché d’hier, on fait des additions, et on dit “ah là, c’est trop” ». Guillaume Pepy « trouve paradoxal, que si Alstom se rapprochait d’un non-européen, il n’y aurait rien à dire. Si Alstom se rapproche d’un européen, c’est interdit ».

Geoffroy Roux de Bézieux, le président du Medef, qui juge lui aussi indispensable la formation de champions européens a fait part de son « sentiment de ras-le-bol de cette vision de la concurrence strictement consumériste », ajoutant : « Il y a un moment, s’il n’y a plus de producteurs, il n’y a plus de consommateurs ». Cela dit, l’application de ces règles a convenu à des concurrents, à commencer par Bombardier qui s’est déclaré « heureux » dans un communiqué de la décision de la Commission. Elle a satisfait aussi l’intersyndicale franco-belge d’Alstom qui s’était alarmée des conséquences sociales de la fusion.

Reste que ces règles sont désormais sérieusement contestées. Outre-Rhin aussi. Peter Altmaier, homologue allemand de Bruno le Maire estime que la Commission, sur certains secteurs comme « l’aviation, le chemin de fer ou les banques », devrait avoir une approche mondiale du marché et non plus seulement européenne. Car la Commission a aujourd’hui pour mission, comme elle le rappelle d’ailleurs dans son communiqué motivant sa décision « d’apprécier les fusions et les acquisitions entre entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse certains seuils et d’empêcher les concentrations qui entraveraient de manière significative l’exercice d’une concurrence effective dans l’EEE ou une partie substantielle de celui-ci ». Français et Allemands s’apprêtent à tirer les leçons de ce revers et à présenter dans les semaines qui viennent des propositions pour refonder les règles de la concurrence.

F. D.

Ewa

Rencontre au sommet pour faire rimer ferroviaire et filière

Hydrogene Alstom

Les grands chefs à plumes du ferroviaire se sont retrouvés à Barbizon les 2 et 3 février. Pas tous, mais pas loin. Les Henri Poupart-Lafarge (Alstom), Guillaume Pepy (SNCF Mobilités),  Patrick Jeantet (SNCF Réseau), Jacques Gounon (Getlink), Thierry Dallard (SGP) et autres étaient réunis par Fer de France. Une quinzaine en tout. Catherine Guillouard (RATP), Thierry Mallet (Transdev) ou Louis Nègre (FIF) étaient excusés. Objet du séminaire : « Se battre ensemble pour porter plus haut le système », nous dit l’un des participants. Oublier ce qui sépare pour mettre en avant ce qui rapproche. Grands sujets : attirer les compétences, donner une image plus jeune (et plus exacte) du ferroviaire, trop souvent jugé désuet, alors qu’ERTMS, CBTC, projets de trains autonomes ou de trains à hydrogène en font une industrie de pointe. Et bien comprendre la place de chacun dans la chaîne de valeur de l’activité. Des thèmes consensuels pour tenter de monter (enfin) une vraie filière, capable de se défendre et se promouvoir aussi bien que l’automobile ou l’aéronautique.

F. D.

Ewa

Lyon – Turin. Le tunnel dont on ne voit pas le bout

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Vendredi 1er février. Elisabeth Borne, en visite à Modane, va sur le site du tunnel se rendre compte de l’avancée des travaux conduits par le maître d’ouvrage TELT. Federica, le tunnelier inauguré le 21 juillet 2016 par Manuel Valls, alors Premier ministre, conçu et fabriqué au Creusot par NFM Technologies (130 m de longueur, 11,26 mètres de diamètre), a creusé à raison de 15 m par jour près de 7 km de son parcours de 8,737 km. Cette galerie de reconnaissance, reliant la descenderie de Saint-Martin-la-Porte, en France, à celle La Praz, près de Suse en Italie, est au même diamètre que le tube sud destiné à la ligne nouvelle. De l’autre côté, en Italie, le creusement des 7 km de la galerie de reconnaissance de Chiomonte est achevé depuis février 2017. Et maintenant ?

La ministre réitère la position française : « Il y a un traité international ratifié et nous considérons que nous sommes engagés par ce traité et que le projet doit aller à son terme. » Le même jour, de l’autre côté des Alpes, Matteo Salvini, le vice-président du conseil (Liga) déclare à propos du tunnel : « Le plus tôt on le fera, le mieux ce sera. » Le lendemain Luigi Di Maio, vice-président du conseil (Mouvement 5 étoiles), las de se faire tondre par son partenaire d’extrême droite, revient sur un sujet qui lui permet de se distinguer et d’exister. « Tant que le M5S sera au pouvoir, le chantier ne se fera pas. » Il enfonce le clou le lendemain dimanche : « Au bout du compte, la TAV ne se fera pas. » TAV étant l’acronyme de Treno alta velocità, par quoi les Italiens désignent communément l’ensemble du projet de tunnel de base et de ligne nouvelle « Torino – Lione ». Pour objectiver son propos, Di Maio s’appuie par avance sur les conclusions d’une étude coûts-bénéfices commandée par le ministre des Transports et des Infrastructures, Danilo Toninelli, lui-même du Mouvement 5 étoiles, à des experts connus pour leur opposition au projet. Etude dont la publication, sans cesse repoussée, est maintenant annoncée pour la mi-février. De l’étude est censée dépendre la position du gouvernement italien. Et le lancement d’appels d’offres pour la continuation du Lyon – Turin qui sont bloqués depuis septembre dernier.

Salvini versus Di Maio, le numéro des Italiens est grotesque. On ne le niera pas. Mais, au moins, en Italie, les divergences au sein de l’Etat sont mises en scène. En France, elles sont dissimulées ou inavouées. Le gouvernement s’en tient à une sorte de programme minimum : nous sommes engagés par des accords internationaux. C’est court. Quand, le 1er février 2018, un an pile avant la visite de la ministre, Philippe Duron lui remet le rapport du Conseil d’orientation des infrastructures, c’est un peu la douche froide pour Lyon – Turin. Car les préconisations du Conseil – repousser de 15 ans la réalisation des accès au tunnel, repousser le contournement ferroviaire de Lyon – reviennent quasiment à lui couper bras et jambe sans y renoncer. Que fait le gouvernement ? Rien d’intelligible. Il est pris entre la réaffirmation solennelle du projet et la litanie de Bercy : il n’y a plus d’argent. Les propos de la ministre, le 1er février, à un séminaire de travail organisé par Hervé Gaymard, président du conseil départemental de Savoie, ne sortent pas de l’ambiguïté : « A partir du moment où l’on s’engage à réaliser ce tunnel de base, il va de soi que l’on devra accompagner l’aménagement du réseau et les nouveaux accès pour répondre dans les temps aux besoins liés à ce nouveau tunnel. » Dans les temps, mais lesquels ?

Favorable au projet, la Fnaut a publié un argumentaire solide peu après la publication du rapport Duron, en s’élevant contre son inconséquence. Elle y expliquait que les Suisses ont su politiquement justifier leur RPLP (Redevance poids lourds liée aux prestations) en montrant qu’ils serviraient à financer les tunnels (à l’inverse, le projet d’écotaxe, en France, n’a pas été justifié par la réalisation d’un tel grand projet pour le pays : ce qui a tué la taxe et mis à mal le projet). Proposait une nouvelle redevance routière déclenchée par le grand projet. Faisait remarquer que l’augmentation des passages de camions entre France et Italie (+12 % entre 2014 et 2016) justifiait bien une telle infrastructure. Rappelait que les Suisses et les Autrichiens, eux, n’ont pas hésité. On est d’accord ou pas avec la Fnaut, mais au moins, cela fait une politique. La France n’en a pas. Drôle de dossier, où il s’agit moins d’arrêter une stratégie, que de laisser se produire un état de fait irréversible quel qu’il soit. Soit la continuation du projet, puisque les milliards engloutis forcent à en engloutir d’autres. Soit son arrêt, puisque les tunnels nord – sud suisses ou autrichiens et la force des frets ferroviaires allemand, suisse, autrichien, comparée à la faiblesse du fret français, auront au bout du compte capté l’essentiel des trafics transeuropéens. Cette inconséquence rappelle tristement celle qui a relégué le port du Havre au second rang. On peut rire des Italiens, mais on n’a pas de quoi être fiers.

F. D.

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Ewa

La gauche de la gauche s’élève contre Roissy-Charles-de-Gaulle T4

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CDG Express, privatisation d’ADP : vraies bagarres bien sûr. Mais le conflit majeur va porter sur l’extension de l’aéroport de Roissy. Et sans tarder. La première tranche du T4, après avoir été promise pour 2024, serait livrée en 2028. Pour Jacques Baudrier, conseiller PC de Paris, cela va être « la vraie bataille ». Dix fois Notre-Dame-des-Landes, dix fois Europacity !

La concertation sur le projet d’aérogare T 4 commence le 15 février, pour une période de trois mois. La concertation sera conduite par ADP. Et, même si la Commission nationale du débat public a désigné en juillet quatre garants pour veiller à son bon déroulement, la procédure retenue a choqué Les Amis de la Terre, qui ont vivement regretté qu’il n’y ait pas de vrai débat public sous la responsabilité de la CNDP. Car l’extension de l’aéroport est énorme. Elle doit faire passer ses capacités de 72 millions en 2018 à 120 millions avant 2040, et les mouvements d’avion de 500 000 à 680 000. Et pourtant elle se décidera ont regretté les écologistes selon eux « en catimini ».

Cette extension les élus du groupe communiste-front de gauche de Paris la refusent. Et vont demander au Conseil de Paris de se prononcer contre sa construction. Ils ne s’en tiennent pas là. Pour eux, le volume de passagers de Roissy devrait être plafonné à son volume actuel. Dans le cadre de la LOM, le kérosène sur les vols intérieurs serait taxé, ce qui rapporterait selon leurs calculs 500 millions par an. La taxe d’aviation civile serait réformée afin de dégager, espèrent-ils, trois milliards d’euros de recettes supplémentaires par an, en taxant surtout l’aviation d’affaires. Ces nouvelles recettes seraient affectées à l’Afitf et à la SNCF, à la fois pour financer les infrastructures et rendre le train moins cher. A terme, les Paris – Marseille, Paris – Bordeaux, Paris – Strasbourg, tous les vols aériens intérieurs entre les villes reliées par TGV, seraient interdits. En définitive, ils présentent une politique d’ensemble de report modal. Contre « les choix massivement proavions du gouvernement », contre cet « énorme bras d’honneur à la province et aux gilets jaunes ».

Jacques Baudrier, conseiller de Paris, délégué auprès de Jean-Louis Missika, l’adjoint à la maire chargé de l’Urbanisme et des Grands projets, est l’un des artisans de ces propositions. Pour lui, le rapport en CO2 émis au kilomètre entre train et avion étant de un à 40, l’urgence écologique ne laisse pas le choix. L’investissement « pharaonique » de huit milliards d’euros pour le T4 est dans ces conditions un « scandale absolu ». Déjà, souligne-t-il Roissy, avec 70 millions de passagers par an, n’est pas loin de la moitié des 164 millions de passagers aériens annuels en France (chiffres de 2017). Certes, le plafonnement de Roissy atteindrait surtout les vols internationaux. Mais, remarque-t-il, sur des relations internationales aussi le train peut être privilégié : Paris est relié à Londres, Amsterdam ou Francfort par des trains à grande vitesse.

Le vœu des élus PC-Front de gauche sera porté au conseil de Paris par Nicolas Bonnet Oulaldj, Jean-Noël Aqua et Didier Le Reste. Et sera présenté au conseil d’Ile-de-France Mobilités, où siège Jacques Baudrier, le 13 février. Deux jours avant qu’ADP n’ouvre la concertation.

F. D.

Ewa

Communistes et front de gauche contre la tour Total à La Défense

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L’enquête publique sur la tour The Link, à La Défense, lancée le 7 janvier, s’achève le 15 février. L’immeuble doit abriter le siège de Total et accueillir quelque 7 000 salariés (10 000 dans la configuration la plus dense selon son propriétaire, Groupama Immobilier). Tour Eiffel mise à part, ce sera la plus haute tour de France, faite de deux ailes liées entre elles par des passerelles, et dont la plus haute atteindra 244 mètres, faisant face à First qui culmine à 231 mètres. The Link sera directement desservi par la ligne 1 du métro, à la station Esplanade-de-La Défense. Station aujourd’hui saturée, comme cela a été souligné lors du lancement de l’expérimentation de « lissage des pointes » à La Défense. C’est pourquoi les élus communistes et Front de gauche de Paris vont proposer au conseil de Paris d’émettre un avis défavorable sur la construction de la tour. Un même vœu sera présenté le 13 février au conseil d’Ile-de-France Mobilités.

Pour ces élus, « la saturation croissante de la ligne 1, qui accueille plus de 750 000 voyageuses et voyageurs par jour […] est maximale à l’heure de pointe du matin dans le sens est – ouest ». Ils rappellent que la capacité maximale de la ligne par heure et par sens est de l’ordre de 20 000 personnes. L’arrivée de nouveaux salariés va aggraver la situation, tout en renforçant le déséquilibre entre l’est et l’ouest de la région Ile-de-France, que le schéma directeur de la région entend contrer. Pour Groupama, au contraire, The Link « sera livrée fin 2021, au moment de l’arrivée du RER E qui placera La Défense à 15 minutes de la gare du Nord, puis du Grand Paris Express, le « super métro » qui la placera à 30 minutes des aéroports de Roissy et Orly ». Et, disent-ils, « elle est située au pied du métro M1 ». C’est bien le problème.

F. D.

Ewa

La Fnaut Ile-de-France demande à Edouard Philippe 300 millions pour le contrat de plan

RER B - Magenta

Gros sujet d’inquiétude de l’Association des usagers des transports d’Ile-de-France, l’apport de l’Etat au financement du CPER 2015-2020. Ils en ont saisi  le préfet par courrier le 8 janvier. Mais, comme à la suite des mesures prises pour résoudre la crise des « gilets jaunes », Bercy cherche à rogner tout ce qu’il peut, il a paru nécessaire de s’adresser  directement au gouvernement. Dans une lettre envoyée à Edouard Philippe le mardi 29 janvier, Marc Pélissier, le président de l’AUT-IDF écrit notamment : « Plusieurs sources indiquent que l’Etat ne mettrait pas en place en 2019 les autorisations d’engagements suffisantes pour la poursuite ou le démarrage de travaux, qu’il s’agisse de tramways (extensions du T1, création du T10 et du T13), de sites propres bus de type Tzen ou d’investissements pour les RER ». Et la Fnaut Ile-de-France  demande « l’attribution d’un montant minimal de 300 millions d’euros pour les autorisations d’engagement de l’Etat », estimant qu’un « montant inférieur serait un très mauvais signal alors que la priorité aux transports du quotidien est affirmée par votre gouvernement ».

Autre préoccupation majeure, les travaux. Dans sa lettre à Michel Cadot du 8 janvier, l’association d’usagers se disait très inquiète  « du fort volume de travaux qui sont prévus sur le faisceau ferroviaire de la gare du Nord ». Ces travaux sont l’objet de la mission de coordination confiée par le Premier ministre au préfet et dont les conclusions sont attendues pour avril. La deuxième réunion de la mission a lieu ce vendredi 1er février. Sentiment partagé par plusieurs proches du dossier : la conscience de l’extrême difficulté de faire tout ce qui est prévu – dont CDG Express – a progressé dans les services de la préfecture ou de l’Etat. D’ailleurs, à entendre Elisabeth Borne le 17 janvier, lors de ses vœux à la presse, on comprenait que la ministre des Transports cherchait une porte de sortie sur CDG Express. Et, comme elle se dit sur ce point en plein accord avec Valérie Pécresse, que la solution conciliera la réaffirmation de la liaison spécialisée avec l’aéroport et la priorité accordée aux transports du quotidien, notamment au RER B. Au tout début février doit être signé le contrat de concession entre l’Etat et la société constituée par ADP, SNCF Réseau et la Caisse des dépôts. Quitte à ce que CDG soit mis en service pour les JO sans atteindre les performances prévues. Ou qu’il soit tout simplement retardé… sans trop l’être non plus. Car s’il paraît impossible de tout faire dans les délais initiaux, la SNCF compte tout de même sur le coup de pouce que va apporter la réalisation de CDG Express à des travaux dont le réseau francilien a rapidement besoin.

F. D.

 

Lettre de la Fnaut à Edouard Philippe

Ewa

Alstom-Siemens : le sénateur Bourquin pense à la solution Thales

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Sauf coup de théâtre, on s’attend à voir les autorités européennes refuser la fusion ferroviaire Alstom-Siemens. Et Joe Kaeser, le patron de Siemens, en présentant ce mercredi les résultats du groupe s’en est pris aux « technocrates rétrogrades » de Bruxelles, tout en assurant qu’en cas de veto, Siemens a « d’autres solutions ». Et Alstom, quelles solutions aurait-il ? Martial Bourquin, sénateur socialiste, rapporteur pour le Sénat du rapport d’information sur Alstom du 18 avril 2018, essaie d’imaginer le coup d’après. La situation du groupe, remarque-t-il, ne serait « pas désespérée ». Il souligne sa bonne santé financière, son remarquable dynamisme commercial sur les marchés mondiaux. Mais, comme il ne nie pas qu’il faut se renforcer, notamment face au danger CRRC, il ne resterait plus selon lui qu’à rebâtir une « solution nationale ».

D’ailleurs, si Martial Bourquin s’est montré dans son rapport favorable au rapprochement franco-allemand, c’était sans enthousiasme, et en regrettant fortement que l’accord soit déséquilibré en faveur de Siemens. Car, souligne-t-il, contrairement à ce qu’a prétendu notamment le gouvernement français, le projet de fusion « n’a rien d’un Airbus du rail ». Un Airbus, cela passerait par un accord 50/50 entre les deux industriels et une implication des Etats. On n’y est pas. Autre travers de la proposition Alstom-Siemens : elle causerait, du fait des synergies, « des pertes d’emploi se chiffrant par milliers ». Un rapport commandé à A. T. Kearney dès 2012 par les deux industriels le montre, mais la commission du Sénat n’a pu en obtenir communication.

Mal ficelée, l’alliance risque d’être refusée pour de mauvaises raisons. Face à une Chine et à des Etats-Unis où l’Etat s’implique fortement dans la compétition économique mondiale, l’Europe est démunie, et la Commission, regrette Martial Bourquin s’en tient au « dogme de la concurrence libre et non faussée ».

Seule solution : « que l’Etat définisse une stratégie industrielle qui fait aujourd’hui défaut ». Alstom pourrait être musclé par l’apport de l’activité transport de Thales, afin de rattraper son retard dans la signalisation sur un Siemens redevenu son concurrent.

Vieille idée que cette fusion dans la signalisation d’Alstom et Thales. Tour à tour, chacun des deux se voit bien en pôle de consolidation de l’activité. Fin 2016, le projet est allé loin, le gouvernement soutenant l’appétit d’Alstom pour la signalisation de Thales à l’époque chiffrée à plus d’un milliard d’euros. Cela ressemble fort à l’idée que soutient aujourd’hui Martial Bourquin. Problème : Thales n’entend pas céder son activité. Mais le sénateur n’en doute pas : l’Etat, s’il entendait renforcer Alstom, ne manquerait pas de moyens pour faire appliquer sa stratégie par un industriel dont il est actionnaire à 26 % et qui vit en grande partie des commandes de la Défense nationale.

Pour contrer le risque d’OPA sur un groupe dont l’actionnariat est émietté, il faudrait encore que l’Etat entre au capital Alstom, par une prise de participation de la Caisse des dépôts et consignations ou de la BPI. Et qu’un pacte d’actionnaires mette le groupe à l’abri d’un prédateur.

On n’imagine pas cette vision nationale et étatique partagée par le pouvoir néolibéral macronien. Martial Bourquin le sait bien, qui pointe la responsabilité d’Emmanuel Macron dans la cession d’Alstom Power à GE ou dans la privatisation calamiteuse – vivement critiquée par la Cour des comptes – de l’aéroport de Toulouse au profit du groupe chinois Casil Europe. Et, aujourd’hui, dans le projet de privatisation d’ADP. Une grave erreur, alors que l’aéroport rapporte 175 millions d’euros de dividendes par an. Au Sénat, gauche et gaullistes côte à côte – « on ne peut pas privatiser Charles-de-Gaulle ! » dit l’un de ces derniers – pourraient se prononcer contre la mesure lors de l’examen de la loi Pacte qui a commencé ce mercredi. L’Assemblée nationale a voté la loi en première lecture, et la privatisation d’ADP avec. Le Sénat pourrait « sauver l’honneur », espère Martial Bourquin. « Ce serait un coup de tonnerre », prévient-il. Levez-vous, orages désirés…

F. D.