La Commission européenne semble bien partie pour bloquer le projet de fusion entre Alstom et Siemens. Nous l’écrivions le 14 décembre et, en ce début d’année, le soupçon ne fait que se renforcer. Le 18 décembre, après la publication des « remèdes » proposés par Siemens et Alstom en réponse aux « griefs » de la Commission européenne, la commissaire à la Concurrence a réaffirmé ses inquiétudes sur un abus de position dominante. De plus, comme l’a remarqué le quotidien Les Echos le 4 janvier, « deux jours plus tard, la DG Concurrence retwittait sur son compte officiel une lettre ouverte signée par les autorités de régulation du ferroviaire britannique, belge, néerlandaise et espagnole, qui appelle Bruxelles à rejeter la fusion ». Rappelons que la décision de Bruxelles doit être rendue avant le 19 février 2019. Bruno Le Maire est vigoureusement intervenu sur le sujet le dimanche 6 janvier, lors de l’émission « Le Grand Rendez-Vous », sur Europe 1. « Le droit de la concurrence européen est obsolète. Il a été créé au XXe siècle et fait face aujourd’hui à l’émergence de géants industriels du XXIe siècle, et il ne permet pas à l’Europe de créer ses propres champions industriels », déclare pour commencer le ministre de l’Economie. Il rappelle qu’Alstom et Siemens étaient, il y a encore quelques années, leaders de l’industrie ferroviaire, et qu’ils sont désormais largement distancés par CRRC, « un géant chinois qui maîtrise parfaitement toutes nos technologies ».
« La Chine a un marché de 29 000 kilomètres de lignes à grande vitesse ou très grande vitesse. L’Europe en a 9 000. CRRC fait 200 trains à grande vitesse ou très grande vitesse par an. Alstom et Siemens 35. Le chiffre d’affaires d’Alstom et de Siemens ensemble, c’est la moitié de celui de CRRC », relève le ministre, qui ajoute : « CRRC a pris quasiment tous les appels d’offres aux Etats-Unis sur les trains et les transports publics de voyageurs dans les villes. Qu’est-ce qu’on attend pour se réveiller ? »
« Si jamais la Commission européenne devait rendre une décision défavorable à cette fusion, elle le ferait pour de mauvaises raisons », juge Bruno Le Maire. Et « elle le ferait en ayant exigé de Siemens et d’Alstom l’abandon de compétences et de technologies, ce qui est complètement déraisonnable », car « ça ne sert à rien de demander une fusion si c’est pour qu’Alstom et Siemens se débarrassent de leurs savoir-faire les plus performants », dénonce-t-il. « Ça ne serait pas simplement une erreur économique, ça serait une faute politique, parce que ça affaiblirait toute l’industrie européenne face à la Chine. » Il poursuit : « Ça enverrait le signal, face à une Chine conquérante, que l’Europe se divise et se désarme. » Et de conclure : « Je souhaite que cette fusion aille jusqu’au bout, et je ne vois aucune raison acceptable que la Commission s’y oppose. »
Le 28 décembre 2018, l’Autorité de la concurrence a « autorisé sans condition » la prise de contrôle du groupe Meccoli par Eiffage Infrastructures. Le projet lui avait été notifié le 7 décembre, à la suite de la signature d’un protocole d’achat rendu public le 24 septembre.
Eiffage Infrastructures a réalisé 4,7 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2017 et emploie 23 400 collaborateurs. Meccoli, entreprise familiale implantée à Azay-sur-Cher (Indre-et-Loire) a réalisé 107 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2017 et emploie environ 500 personnes. Meccoli apparaît notamment comme un spécialiste des suites rapides. Dans le cadre de son grand plan de modernisation, SNCF Réseau a attribué en 2016 le lot 1 du nouveau marché des « suites rapides » à un groupement composé d’ETF, filiale d’Eurovia (Vinci), de Meccoli (mandataire), de VFLI et de Sferis.
Comme le rappelle l’Autorité de la concurrence, « Eiffage est entrée dans le secteur des travaux ferroviaires en 2015, via l’acquisition de la société Pichenot. Le groupe Meccoli est également actif sur les marchés des travaux publics de voies ferrées, en particulier la pose, le renouvellement et la maintenance des voies de chemin de fer ». Cependant, l’Autorité a relevé « qu’Eiffage Infrastructures et Meccoli ne postulaient généralement pas aux mêmes appels d’offres, et lorsque c’était le cas, rares étaient les marchés où les deux entreprises arrivaient aux premier et deuxième rangs des offres ».
L’Autorité a donc écarté tout risque d’atteinte à la concurrence résultant de la disparition d’un concurrent sur ces marchés, dans « lesquels d’autres concurrents crédibles sont par ailleurs actifs, tels que les sociétés Champenoise, Colas Rail, ETF, et Fourchard & Renard ».
Sur les marchés de la pose de matériel de signalisation et de caténaires, l’instruction a révélé de très faibles parts de marché cumulées. « SNCF Réseau continuera à disposer, sur ces marchés, d’alternatives crédibles lors de la passation de ses prochains marchés. »
D’où le feu vert sans condition donné par l’Autorité.
L’opération intervient dans un contexte de concurrence forte, souligne un spécialiste où « les entreprises spécialisées dans les travaux de renouvellement des infrastructures ferroviaires sont confrontées à des problèmes de rentabilité, de taille critique, de complexité des chantiers. Ce qui pousse à la concentration. »
F. D.
Elisabeth Borne a demandé vendredi 21 décembre à Michel Cadot, préfet d’Île-de-France, de conduire, dès janvier, « une mission de concertation auprès de l’ensemble des élus locaux concernés par le CDG Express».
Selon le communiqué de la ministre chargée des Transports, « cette mission entend répondre aux demandes des élus locaux qui ont récemment exprimé leurs préoccupations quant à l’impact des travaux et de l’exploitation du CDG Express sur la qualité de service des transports du quotidien et notamment du RER B. »
Le 12 décembre, Valérie Pécresse, présidente d’Ile-de-France Mobilités, a demandé le report du projet, à moins que des assurances très fermes de l’État lui soient données, concernant l’impact des travaux sur les usagers des transports franciliens. Anne Hidalgo, Maire de Paris, et Stéphane Troussel, président du département de Seine Saint-Denis, ont fait de même le lendemain.
Michel Cadot connaît déjà le dossier, puisqu’il a été chargé, le 8 novembre, par le Premier ministre, d’une mission de coordination des grands chantiers ferroviaires de l’axe Paris-Nord. Dont la construction du Charles-de-Gaulle Express.
La SNCF et la RATP ont répondu à l’appel d’Emmanuel Macron encourageant les entreprises à verser à leurs salariés une prime exceptionnelle défiscalisée qui pourra aller jusqu’à 1 000 euros.
Cette prime, qui concerne potentiellement tous leurs salariés qui perçoivent moins de 3 600 euros nets, pourra être versée idéalement avant la fin de l’année, sinon au plus tard le 31 mars.
D’autres grandes entreprises publiques, comme La Poste ou EDF, n’avaient, ce 18 décembre, pas fait part de leur décision
Guillaume Pepy a annoncé le 17 décembre sur Radio Classique le versement de cette prime à près de 100 000 salariés de la SNCF « dès le bulletin de paie de décembre ». Le président du directoire de SNCF a indiqué qu’elle serait de 400 euros pour tous les salariés qui touchent jusqu’à 1,5 fois le Smic et de 200 euros pour ceux touchant entre 1,5 et 2 Smic.
Des modalités semblables ont été annoncées le même jour par la RATP, qui a précisé que le versement de cette prime concernerait plus de 30 500 salariés.
Mais pour la CGT Cheminots, le compte n’y est pas alors que les cheminots subissent une baisse de leur pouvoir d’achat depuis quatre ans et que le budget prévisionnel 2019 n’envisage pas d’augmentation de salaire. La fédération dénonce une « mesure non pérenne qui ne correspond même pas au montant annoncé par le gouvernement et qui représente moins de 0,4 % de la masse salariale (quand l’inflation a été de 2,4 % sur les quatre années de gel) ». C’est aussi, ajoute-t-elle, un dispositif de « discrimination » entre les cheminots.
Le syndicat annonce qu’il va déposer d’une part « une nouvelle DCI à la SNCF sur les salaires et la situation de l’entreprise », d’autre part « une motion pour le CA de la CPRP pour exiger la hausse des pensions ».
M.-H. P.
Le 12 décembre Alstom et Siemens ont communiqué un « ensemble de remèdes à la Commission européenne ». Drôle de tournure. La Commission est-elle malade ? C’est peut-être le cas, mais il s’agit en l’occurrence de répondre à la « communication des griefs reçue le 29 octobre ». La liste des griefs de la Commission est secrète, celle des remèdes aussi. Alstom et Siemens indiquent seulement qu’ils concernent « les activités de signalisation ainsi que des produits de matériels roulants » et portent sur 4 % du chiffre d’affaires. Soit, précise-t-on chez Alstom, dans une fourchette entre 550 et 700 millions des 15,6 milliards de chiffre d’affaires que représenterait le groupe.
Pas sûr que cela réponde aux griefs d’une Commission scrupuleusement attentive au droit de la concurrence. Siemens, qui a acheté en 2012 le poids lourd britannique de la signalisation Invensys Rail (alors un milliard d’euros de CA), est un géant dans le domaine. Avec Alstom, il deviendrait le premier mondial. En Grande-Bretagne précisément, le groupe détiendrait 93 % du marché de la signalisation. Fin octobre dernier,Andrew Haines, le patron de Network Rail, le réseau britannique, s’en était inquiété dans une lettre à Margrethe Vestager, la commissaire à la Concurrence.
Selon des sources proches du dossier, citées par Reuters, Alstom et Siemens s’apprêteraientà céder les trois quartsdesactivités de signalisationd’Alstomen Europe, et, dans la grande vitesse, soit la plate-forme Pendolino d’Alstom, soit la plate-forme du futur Velaro Novo de Siemens. De fait, selon nos informations, un produit de grande vitesse (pas de très grande vitesse) de l’un des deux partenaires pourrait être cédé. Mais, concernant la signalisation, les efforts seraient beaucoup plus équilibrés que ne le dit Reuters. Les concessions pourraient prendre diverses formes (cessions de sites ou de technologies, licences d’utilisation).
Cela suffira-t-il ? Ilsemble que les demandes de la Commission aillent bien au-delà . Et que 4 % du CA, quelle qu’en soit la forme, ne soient pas à la hauteur de ses exigences.
Le communiqué d’Alstom et Siemens ne cache d’ailleurs pas as que l’affaire est mal engagée : « Les parties estiment que cette proposition de remèdes est appropriée et adéquate » écrivent-ils avant de reconnaître :« Toutefois, il n’y a pas de certitude que le contenu de cette proposition sera suffisant pour répondre aux préoccupations de la Commission. »
La décision européenne est attendue d’ici le 18 février 2019. La Commission, au nom du droit à la concurrence, est bien partie pour montrer que la constitution d’un champion industriel européen ne lui importe pas. Margrethe Vestager, la commissaire à la Concurrence, a la main sur ce dossier, la commissaire aux Industries, Elżbieta Bieńkowska, et la commissaire aux Transports, Violeta Bulc, sont en retrait. Selon un bon connaisseur de Bruxelles, il n’y a pas que la Commission qui fasse obstacle à la fusion. Au conseil européen de grands Etats s’y opposent aussi. L’Espagne, qui défend une industrie nationale bicéphale forte sur les marchés mondiaux (CAF, Talgo). La Grande-Bretagne, par libéralisme. Et Emmanuel Macron et Angela Merkel, qui soutiennent le plus fermement cette alliance franco-allemande, sont affaiblis.
Le Parlement, lui, est attentif aux questions industrielles. La résolution de Martina Werner votée en juin 2016 poussait à la mise en place d’une stratégie pour la filière ferroviaire au niveau européen. Et, ce 12 décembre, alors qu’Alstom et Siemens communiquaient leurs remèdes à la Commission, le Parlement votait, dans le cadre d’un projet de règlement, une esquisse de Buy European Act : un amendement de Christine Revault d’Allonnes-Bonnefoy visant à promouvoir les industries qui produisent en Europe dans l’accès aux financements. Pour la présidente de la délégation socialiste française, « il s’agit de ne plus être les idiots du village planétaire. Les marchés publics ou les marchés de fournitures bénéficiant de financements européens dans des secteurs aussi stratégiques que les transports, l’énergie et le numérique, devront être attribués à des offres dont au moins plus de 50 % de la valeur ajoutée est réalisée sur le territoire européen ».
Mais le danger chinois, qu’invoquait il y a deux ans Martina Werner, et qui est visé par l’amendement de Revault d’Allonnes-Bonnefoy, n’est pas jugé menaçant dans le ferroviaire par la Commissaire à la concurrence. Si la Commission rend un avis négatif d’ici le 18 février, ce sera la fin de l’aventure. Même si, par ailleurs, la Chine, l’Inde et Singapour ont donné leur accord au rapprochement, et si les deux partenaires pensent en avoir fini des autres demandes d’autorisation sur les marchés mondiaux au premier semestre..
En cas de fiasco, chacun reviendrait à sa situation initiale . Celles-ci diffèrent fortement. Siemens Mobility et Alstom font à peu près jeu égal. Mais Siemens Mobility pèse moins de 10 % des 83 milliards d’euros de CA de Siemens AG. Alstom au contraire, depuis la cession de Power à GE, est réduit aux huit milliards de son CA transport : Alstom pèse dix fois moins que Siemens AG. En se séparant de Power, et avant le projet de fusion ferroviaire, Alstom affichait fièrement un stand alone qui ne convainquait pas grand monde. Certes, les résultats d’Alstom sont bons, et il n’y a pas de péril immédiat en la demeure. Et certes, une fusion avec Siemens, du fait d’importantes surcapacités, se solderait vraisemblablement après une période de quatre ans par d’importantes destructions d’emplois. Tout ne seraitpas rose pour Alstom dans la fusion, d’autant que le pouvoir reviendrait à Siemens. A l’inverse on voit mal, à moyen terme, un Alstom capable de résister seulsur les marchés mondiaux. La menace chinoise est considérée comme une « tarte à la crème » par la CGT d’Alstom , citée par l’Usine nouvelle. Mais, si elle n’est pas immédiate en France ou sur les marchés européens, Alstom, entreprise mondialisée, l’affronte déjà en Afrique ou en Amérique latine où ce n’est pas si simple. Pas d’autre solution que de se renforcer technologiquement pour faire la course en tête. De bonnes fées imaginent déjà de futurs apports au fleuron ferroviaire français. Notamment dans la signalisation. A l’image de ce qu’a patiemment fait Siemens par l’acquisition des savoir-faire de Matra puis d’Invensys. Qui l’ont rendu incontournable dans le secteur le plus prometteur du ferroviaire.
FD
Après Valérie Pécresse hier, Anne Hidalgo, maire de Paris, et Stéphane Troussel, président du département de Seine-Saint-Denis, demandent aujourd’hui la suspension des travaux du CDG Express « tant que des garanties n’auront pas été apportées pour améliorer en parallèle la qualité de service des RER et Transilien ».
Se fondant sur le rapport réalisé par Ile-de-France Mobilités et présenté mercredi en conseil d’administration, les deux élus soulignent « les nombreux impacts du projet CDG express sur les RER et Transilien ». Leur communiqué commun les résume ainsi : « Pendant la phase travaux prévue de 2019 à 2024, le CDG Express va impacter l’infrastructure empruntée par les lignes RER B, RER D et le Transilien K ainsi que les lignes P et E lors de l’adaptation de la gare de l’Est. Des impacts sont aussi anticipés après l’ouverture du CDG Express. La ponctualité des lignes K et H pourrait être affectée. Le RER E sera également impacté par la réorientation des trains vers la gare de l’Est. La capacité d’accueil sera alors réduite par le CDG express ce qui poserait problème non seulement au RER E mais aussi à la ligne P. »
Pour la maire de Paris et le président du département de Seine-Saint-Denis, il s’agit encore que « toutes les mesures soient prises pour ne pas affecter les habitants du XVIIIe arrondissement et de Seine-Saint-Denis vivant à proximité de la future ligne ». Une ligne qui traversera le futur parc de Chapelle-Charbon puis la porte de la Chapelle par le pont ferroviaire qui doit être rénové. Selon eux, « le seul respect de la réglementation ne peut suffire et les mesures phoniques prévues dans le projet actuel doivent être renforcées ».
Paris et la Seine-Saint-Denis demandent également à l’Etat d’étudier l’utilisation de voies réservées sur les autoroutes reliant Paris, la Seine-Saint-Denis et l’aéroport Charles-de-Gaulle « pour développer des liaisons efficaces qui pourront dans les prochaines années grâce aux technologies de conduite connectée et autonome, apporter une qualité de déplacement qui rivalise avec le transport ferroviaire ». Enfin, ils demandent « l’étude de la mise en place d’une voie dédiée au covoiturage et à des lignes de bus express sur l’A1, avant même l’arrivée de véhicules autonomes, réflexion qui devra inclure l’optimisation d’usage de la bande d’arrêt d’urgence ».
C’est encore plus radical qu’on ne s’y attendait. Déjà, le projet d’avis d’Ile-de-France Mobilités émettait de sérieuses réserves sur la réalisation, dès le début de l’an prochain, des travaux permettant à CDG Express de circuler sur les voies contiguës à celles du RER B et que celui-ci emprunte en situation perturbée. L’avis, finalement durci par Valérie Pécresse, et voté ce mercredi par le conseil d’Ile-de-France Mobilités, demande de suspendre les travaux du CDG Express « tant que toutes les garanties n’auront pas été données sur l’absence d’impact sur les voyageurs du quotidien, notamment du RER B ». Suit une longue liste de demandes, qu’il semble très difficile de satisfaire dans les temps. Pour ne pas dire impossible. IDFM, conformément à sa mission, interrogé sur le CDG Express, donne donc sans réserve la priorité au RER B et à ses 900 000 usagers.
Or, les travaux sur les voies prévues pour CDG Express sur cette partie de son itinéraire, doivent commencer dès janvier 2019. Le préfet d’Ile-de-France, Michel Cadot, chargé par l’Etat de la coordination des travaux ferroviaires dans le nord de la région, doit tenir une réunion en janvier. Ses décisions sont attendues pour février ou mars. L’avis d’IDFM pourrait bousculer ce calendrier. SNCF Réseau a remis au ministère des Transports toutes les informations sur les travaux, pour que l’État puisse trancher au plus vite.
La veille du vote a eu lieu une réunion au siège de l’autorité organisatrice, à laquelle se sont rendus élus et association. Réunion agitée où la crainte des usagers s’est manifestée, certains arborant des brassards jaunes… Alors que l’on n’est pas encore sorti de la révolte des gilets jaunes, une fronde des usagers du RER a de sérieuses chances de se faire entendre. Train des riches contre train des pauvres, on ne donne pas cher en ce moment du premier. D’autant que les usagers en colère seront vite des électeurs.
Dans un communiqué le groupe Alternative Ecologiste et Sociale se félicite du « revirement de la présidente du Stif sous la pression des écologistes » en rappelant que « depuis des années les écologistes répètent que ce projet aura des impacts sur la zone Nord de Paris et fait courir à la catastrophe tant en phases travaux qu’en phase d’exploitation ». Et Pierre Serne — ancien vice-président Transports de la Région — précise : « A l’heure où les Français-es manifestent un certain ras-le-bol contre l’abandon des habitant-es ordinaires, notamment en zones périurbaines, au profit des plus privilégié-es, le CDG Express fait plus que jamais figure de symbole de ce que l’on peut plus supporter avec un coût de deux milliards d’euros qui seront entièrement tournés au bénéfice des touristes fortunés et des hommes d’affaires. »
Etait-il pour autant stupide de faire passer le CDG Express (si CDG Express il doit y avoir) le long du RER B ? Pas forcément. Mais Valérie Pécresse, en choisissant, comme elle l’avait promis dans sa campagne électorale, le renouvellement massif des trains, contraint à des travaux d’adaptation de l’infrastructure qui n’étaient pas programmés et qu’il faut réaliser sans tarder. Le meilleur exemple en est l’adaptation des hauteurs des quais, indispensable pour que le MING, le matériel d’interconnexion à deux niveaux de nouvelle génération en appel d’offres pour le RER B, puisse circuler. Travaux qui se chiffrent à notre connaissance à 350 millions d’euros. De plus, le nouveau matériel ne donnera le meilleur de lui-même qu’avec le système d’exploitation Nexteo, déjà commandé pour le RER E, mais dont le coût prévu pour les RER B et D serait de l’ordre de 500 millions. Autant de coûts qui n’étaient pas prévus et qui peuvent conduire à critiquer Valérie Pécresse. Sur ces choix, elle est au contraire soutenue, au-delà de sa majorité, par les élus communistes, très actifs sur le dossier, au nom de l’indispensable — et urgente — amélioration des conditions de transport des Franciliens.
Quoi qu’il en soit, le résultat est là : travaux déjà prévus de renouvellement du RER, travaux des correspondances avec le Grand Paris Express, adaptation de l’infrastructure aux futurs trains d’interconnexion, plus CDG Express, c’est beaucoup pour une seule ligne en si peu de temps. Et beaucoup pour le gestionnaire d’infrastructure. La capacité de SNCF Réseau à réaliser les travaux atteint des limites. Comme le rappelle Marc Pélissier, président de l’AUT-IDF, « à peine la moitié des travaux prévus de renouvellement de la caténaire sur le RER B Nord ont pu être réalisés cet été ».
Pas question d’aller plus vite que la musique ou de jouer toutes les partitions dans le même concert. IDFM a dit sa préférence : les usagers. Maintenir les travaux de CDG Express en début d’année ne peut se justifier que par le rendez-vous des Jeux olympiques de 2024. Mais ce rendez-vous — comme d’autres à cette échéance — est si tendu qu’il semble intenable. « Totalement illusoire », disent les écologistes. L’Etat peut-il aujourd’hui prendre le risque d’un pari si risqué contre les usagers ?
Augmentation de 100 euros du Smic, annulation cette année de la CSG pour les retraités gagnant moins de 2 000 euros par mois, suppression des impôts et charges pour les heures supplémentaires dès 2019. C’est le contenu concret de « l’état d’urgence économique et social » déclaré le 10 décembre par Emmanuel Macron. Pas de mesure concernant la mobilité, contrairement à ce qu’on pouvait attendre. Il est vrai que, au chapitre des mobilités, l’augmentation de la taxe sur les carburants avait déjà été annulée.
Le silence présidentiel ne signifie pas que l’idée d’une prime mobilité soit oubliée. Le grand débat national dont les maires seront les organisateurs reviendra sans doute sur les questions de mobilité qui ont été le détonateur de la crise politique et sociale. Et la discussion de la LOM permettra en parallèle d’élaborer des réponses.
Le 4 décembre, Edouard Philippe avait proposé « de réunir les partenaires sociaux et les élus locaux pour étudier ensemble les meilleures manières d’aider les personnes qui travaillent loin de leur domicile ». Son idée ? « Réfléchissons, à une meilleure prise en charge des transports, notamment hors des villes, par exemple sous forme d’une prime mobilité. »
Le projet de LOM fait déjà le constat que « le manque de solutions dans de nombreux territoires crée un sentiment d’injustice et une forme d’assignation à résidence ». Il prévoit donc, dans son article 2, en même temps que la couverture de tout le territoire national par des AOM (Autorités organisatrices des mobilités), une extension du versement transport devenu versement mobilité. Ce versement financerait le développement de services de transport régulier, dans lesquels pourrait figurer le covoiturage. Tout employeur serait tenu dans le cadre de ce versement mobilité de rembourser à hauteur de 50 % les frais de transports collectifs des salariés abonnés à l’un de ces services.
D’autre part, l’article 26 prévoit que les entreprises pourront dès le 1er janvier 2020 verser un « forfait mobilités durables » à tout salarié se déplaçant à vélo ou en covoiturage, exonéré d’impôt et charges fiscales jusqu’à 400 euros par an et par personne. L’Etat s’apprête à donner l’exemple, en versant cette prime aux fonctionnaires à partir de 2020, tout en la limitant à 200 euros. Les deux dispositifs ne se cumulent pas. Chaque salarié pourra choisir chaque mois de bénéficier de ce « forfait » ou d’être couvert par la prise en charge d’une partie de l’abonnement pour les transports collectifs.
On retrouve d’une certaine façon avec le forfait mobilités durables la prime transport existant depuis 2008, et soumise à un accord d’entreprise. Un employeur peut verser une prime transport à ses salariés, exonérée de cotisations sociales et d’impôt dans la limite de 200 euros par an et par salarié. Yves Veyrier, à peine élu secrétaire général de Force Ouvrière, a demandé la généralisation de cette prime et le relèvement de son plafond de 200 à 400 euros. Il déclarait aux Echos en novembre : « Il faut une impulsion nationale pour généraliser la prime transport et pour cela une réunion tripartite au ministère du Travail entre l’Etat et les interlocuteurs sociaux. Il faut ensuite des négociations de branche pour en préciser les modalités pour que les entreprises qui versent la prime ne soient pas pénalisées en termes de compétitivité. »
La prime n’est donc pas loin du forfait avancé dans le cadre de la LOM. A ceci près que la prime selon la proposition syndicale est obligatoire. Alors que le projet de loi en ouvre la possibilité.
F. D.
L’Institut européen de l’innovation (EIT) a choisi à l’issue d’un appel d’offres le consortium paneuropéen MOBiLus pour former au 1er janvier prochain la communauté de l’innovation EIT Urban Mobility.
L’EIT Urban Mobility rassemblera 48 partenaires issus de 15 pays chargés de conceptualiser, créer et mettre en œuvre des solutions innovantes en matière de mobilité urbaine durable. Le budget du projet se monte à 1,6 milliard d’euros sur sept ans (2019-2026). L’Union européenne contribuera à hauteur d’environ 400 millions d’euros.
L’EIT a été créé en 2008 pour renforcer la capacité d’innovation de l’Europe. Cette initiative de l’Union européenne intègre les entreprises, l’enseignement et la recherche.
L’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), membre de MOBiLus, voit dans ce succès le fruit des efforts initiés, en 2015, par les quatre universités fondatrices de l’alliance Eurotech : les universités techniques du Danemark, d’Eindhoven, de Munich et l’EPFL. « Le point fort de MOBiLus est d’avoir mis l’espace au cœur du projet. Notre premier objectif stratégique est de renforcer la qualité de vie des espaces urbains en redessinant la mobilité. Tout le reste en découle », explique Simone Amorosi, directeur opérationnel de Trace, le centre de transport de l’EPFL.
EIT Urban Mobility, dont le siège sera à Barcelone, réunit onze universités, sept organismes de recherche non universitaires, dix-sept partenaires industriels, treize villes et un réseau plus large de trente-neuf partenaires affiliés.
Les membres du Consortium
Parmi les acteurs académiques lauréats de l’EIT figurent l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne, Technion, l’Université d’Aalto, le KTH Royal Institute of Technology University College London, la Budapest University of Technology and Economics, la Czech Technical University et la Polytechnic University of Catalonia.
Les treize villes sont Amsterdam, Barcelone, Copenhague, Eindhoven, Hambourg, Helmond, Helsinki, Istanbul, Milan, Munich, Prague, Stockholm et Tel-Aviv.
Les principaux partenaires industriels sont E-ON et TomTom pour l’Innovation Hub North (Copenhague) ; BMW, Siemens, Unternehmer TUM, Volkswagen Truck and Bus pour l’Innovation Hub Central (Munich) ; Achmea, Altran, Colruyt, Oracle, TASS International, Tractebel pour l’Innovation Hub West (Helmond) ; MOL Group, Skoda Auto, Zone Cluster pour l’Innovation Hub East (Prague) et Amadeus, Carnet and Seat pour l’Innovation Hub South (Barcelone).