Les pannes subies depuis plusieurs mois par les trains à grande vitesse Avril de la Renfe n’entrainent pas seulement des incidents à répétition sur tout le réseau. Ils pourraient également gêner la stratégie de développement de la compagnie espagnole en France.
En effet, depuis leur livraison, en mai, les trains Avril (série 106) du constructeur Talgo enchaînent les pannes de manière anormale. Très remonté, le ministre des Transports, Oscar Puente, a annoncé le 29 août, lors d’une audition au Congrès des députés, que deux nouvelles réclamations contre Talgo pour le préjudice subi étaient actuellement à l’étude. Elles viendraient s’ajouter aux 166 millions d’euros que la compagnie Renfe réclame déjà au constructeur espagnol suite au retard de plus de deux ans pour la livraison de ces trains.
Les Avril suscitaient pourtant de grandes attentes. Une commande pour 15 unités avait été passée en 2016, avec la possibilité de l’élever à 30, option confirmée par la suite. Talgo avait remporté l’appel d’offre avec des trains capables de dépasser les 300 km/h et, surtout, de faire varier l’écartement de leurs roues pour s’adapter à l’ensemble de réseau espagnol, où coexistent trois types d’écartement des voies ferrées : métrique, ibérique et européen. La proposition de l’entreprise était enfin 43 % moins chère que le prix envisagé dans l’appel d’offre. Une économie estimée à 1,15 milliard pour la Renfe.
Les premiers trains devaient arriver sur les rails en janvier 2021. Ils n’ont été livrés qu’en mai dernier. Pis, entre leur entrée en service, le 21 mai, et le 8 août, 479 incidents ont été enregistrés, dont 28 ont provoqué un retard supérieur à une heure, et 14 ont nécessité le transfert des passagers sur un autre train. Sur cette période, la ponctualité des trains Avril a été inférieure à 50 %, contre plus de 76 % sur l’ensemble du service grande vitesse et longue distance en Espagne.
Pannes moteur
“Depuis la mise en marche des séries 106, les incidents ont augmenté de façon substantielle dans tous les couloirs, produisant des contretemps importants et affectant la qualité du service”, accusait Oscar Puente, le 6 août, au lendemain de l’incident qui a fait déborder le vase : une panne d’électricité sur l’ensemble d’un convoi, dans un tunnel, proche de la station Madrid Chamartin. Il a laissé autour de 500 passagers bloqués dans les wagons durant plus de deux heures, sans air conditionné. Certains ont même brisé la vitre d’une rame pour faire diminuer la chaleur suffocante dans le compartiment. Le blocage a également provoqué le chaos dans l’ensemble de la station de Chamartín.
Selon la Renfe, ces pannes sont la conséquence d’une série de problèmes identifiés de manière récurrente sur les trains Avril. Certains sont de simples défauts de fabrication des sièges. Mais 57 % de ces problèmes affectent le matériel moteur.
Ces contretemps font monter la pression sur la Renfe, déjà mise en difficulté par l’arrivée en Espagne des opérateurs Iryo et Ouigo, qui ne cessent de grignoter des parts de marché. De son côté, l’opérateur espagnol peine à faire sa place sur le marché français. Il opère déjà entre Madrid, Barcelone, Marseille et Lyon. L’Espagnol rêve maintenant d’arriver jusqu’à Paris, mais rencontre une série d’obstacles pour obtenir les homologations nécessaires. Son projet était de faire rouler jusqu’à Paris, au moment des JO, les trains Avril, dont la capacité importante est essentielle pour rendre la ligne rentable. Voici un obstacle de plus sur sa route.
Alban Elkaïm