RATP Dev finit l’année en remportant un nouveau contrat à Singapour et en lançant les deux premières lignes du métro de Riyad. La filiale de la RATP est également entrée en négociations exclusives avec FirstGroup pour la vente de ses activités de bus londoniens qui étaient déficitaires. La présidente du directoire Hiba Farès dresse pour VRT le bilan de 2024 et esquisse les perspectives 2025.
Ville, Rail & Transports. Quel bilan dressez-vous de l’année 2024 ?
Hiba Farès. L’année 2024 a été intense. C’était la troisième année de mon mandat à la tête de RATP Dev et le début de la concrétisation du plan stratégique que je porte. En gagnant l’exploitation de la ligne 15 Sud et auparavant de la gare d’Orly (dont la fréquentation dépasse les prévisions), nous avons pris le virage du rail urbain. Hier, nous avons pris les clés de la gare de Villejuif-Gustave Roussy. Et le 1er janvier, nous gèrerons les modes lourds de Lyon. Ce sera un gros changement qui doit être transparent pour tout le monde.
Nous avons aussi eu une grande vague de renouvellement de nos délégations de service public (DSP), à Lorient, Annemasse, Vienne, Bourges ou la Roche-sur-Yon pour n’en citer que quelques-unes. En offensif, nous avons enregistré de beaux succès avec Bayonne, Saintes ou Brive. Au premier janvier, nous démarrons les DSP à Narbonne et à Caen.
Sur le marché urbain, nous avons doublé nos parts de marché qui sont passés de 10 à 20 %. Nous avons suffisamment grandi pour être partout. Et nous nous sommes bien développés dans le sud de la France.
L’année prochaine sera moins intense. Nous serons en défensif sur Angers, un contrat que nous apprécions beaucoup et où nous avons ouvert il y a quelques mois deux nouvelles lignes de tram. Nous allons ainsi continuer notre développement qui a débuté en France il y a plus de 20 ans et qui est raisonné et raisonnable. Nous avons commencé par de petites villes, puis par des villes moyennes, puis plus grandes. Nous sommes capables d’aller dans des villes de toutes tailles pour gérer tous types de réseaux.
VRT : Quid du marché des TER?
H. F. Nous continuons à travailler sur ce marché. Nous nous sommes positionnés sur l’appel d’offres Etoile de Caen lancé par la Normandie. Ce dossier va bien nous occuper l’année prochaine. Il a du sens car il est en correspondance avec le transport urbain que nous gèrerons à Caen. Nous regarderons les autres appels d’offres mais nous n’irons pas partout. Seulement si nous estimons que les conditions sont réunies. C’est-à-dire s’il y a de la place pour un nouvel acteur, s’il y a suffisamment de temps pour récupérer le matériel, s’il y a un accompagnement au coût de réponse aux appels d’offres…
VRT. Comment vous positionnez-vous sur le transport interurbain?
H. F. Nous essayons de renouveler nos contrats mais nous ne sommes pas dans une stratégie de développement. Nous pouvons être candidats en cas de complémentarité avec un de nos contrats de transport urbain.
VRT. Comment s’est passé le lancement des deux lignes de métro de Riyad que vous gérez depuis décembre?
H. F. Cela fait plus de dix ans que nous accompagnons Riyad sur son projet de métro : six lignes lancées quasiment en même temps, c’est assez unique. Nous avions déjà lancé, il y a un an, avec notre partenaire Saptco, le réseau de bus qui était alors inexistant. Ensemble les réseaux de bus et de métro sont très maillés.
Nous gérons deux lignes de métro sur les six. Nous avons recruté et formé 1300 personnes. Dont 70 % de Saoudiens et 40 % de femmes. La ligne 1 ouverte le 1er décembre enregistre une fréquentation exceptionnelle : 100 000 voyageurs par jour. Et la 2, lancée le 15 décembre, ne désemplit pas. L’intermodalité a été bien pensée, notamment avec des parkings relais qui sont pleins. C’est une phase de découverte. Nous verrons à terme s’ils sont suffisants.
VRT. Vous avez aussi gagné un contrat à Singapour?
H. F. Nous avons remporté le contrat d’exploitation de la nouvelle ligne de métro de Singapour avec SBS Transit dont la maison-mère est ComfortDelGro, notre partenaire sur la ligne 15 Sud. Nous sommes à Singapour pour les épauler. Nous sommes le seul opérateur non singapourien qui a le droit de cité à Singapour.
VRT. Quelles sont vos perspectives à l’international?
H. F. Nous avons quatre marchés où nous intervenons sur l’intermodal : la France, les Etats-Unis, l’Italie et l’Arabie Saoudite. Et sur le reste du monde, nous intervenons en tant que spécialistes du rail urbain : tramways, métros, trains du quotidien…
Nous avons ainsi huit appels d’offres en cours concernant le rail urbain, dont deux en Australie (Melbourne et Sydney), le renouvellement de la concession pour le Gautrain en Afrique du Sud, ainsi qu’aux Etats-Unis, au Canada et en Serbie.
Notre activité à l’international représente aujourd’hui 70 %. Elle représentera 60 % en 2025.
RATP Dev est pleinement dans sa feuille de route. Son expertise est reconnue en France et à l’international, et notamment sur le segment du rail urbain et sur des contrats très différents de projets complexes et industriels. C’est notre plus-value et notre savoir-faire.
La station est dotée de 16 ascenseurs et de 32 escaliers mécaniques, les deux plus longs se croisant spectaculairement et formant un spectaculaire “X“ au milieu du cylindre. Elle a été imaginée par l’architecte Dominique Perrault comme un élégant parapluie géant et transparent, laissant passer la lumière et la circulation naturelle de l’air. « On n’a pas besoin d’une ventilation mécanique« , précise l’architecte.
Le réseau express métropolitain (REME-SERM) de Strasbourg propose depuis le 15 décembre une offre renforcée. Quatre trains supplémentaires circulent notamment sur la ligne vers Lauterbourg. L’offre augmente dans les mêmes proportions sur Strasbourg-Wissembourg.
Le réseau périurbain avait connu un lancement difficile en décembre 2022, imputé au manque d’anticipation de la SNCF. Le REME-SERM de Strasbourg propose désormais 700 trains supplémentaires chaque semaine par rapport à l’offre antérieure. La fréquentation a augmenté de 15 % en 2023. La région Grand Est et l’Eurométropole de Strasbourg se partagent son financement, à parts égales.
Iveco Bus a annoncé le 18 décembre avoir remporté, auprès du groupement d’achat « BusGruppe », un accord-cadre portant sur la fourniture de bus allant jusqu’à 580 unités. « Il s’agit à ce jour du plus gros appel d’offres pour des véhicules électriques remporté en Allemagne par Iveco Bus« , indique la société dans un communiqué.
L’accord-cadre comprend jusqu’à 200 Crossway Low Entry ELEC de 12 mètres et 50 autobus articulés électriques E-WAY. Les véhicules seront équipés de batteries NMC haute densité énergétique de 69,3 kWh, délivrant 180 Wh/kg pour optimiser l’équilibre entre la capacité de transport de passagers et l’énergie embarquée. Il inclut également jusqu’à 150 autobus articulés hybrides Urbanway de 18 mètres et 180 Crossway Low Entry de 12 mètres.
Le titre unique va faire ses premiers pas en France : selon nos informations, l’Etat a choisi le 6 décembre la société française Worldline pour déployer le sésame qui doit permettre, à terme, de se déplacer partout sur le territoire quel que soit le mode de transport. Ce titre unique avait été annoncé en février 2023 par Clément Beaune quand il était ministre des Transports, avec l’objectif de le lancer deux ans après.
Un contrat de 20 millions d’euros
Le contrat attribué pour quatre ans à Worldline représente 20 millions d’euros entièrement financés par l’Etat, nous explique-t-on côté DGTIM. Worldine, spécialiste des solutions de paiement, devra déployer une plateforme permettant de générer un titre de transport (avec une appli nationale) et un système de gestion des recettes. Le compte bancaire des voyageurs sera prélevé en fin de mois en fonction des déplacements qu’ils auront effectués. Les recettes perçues par le système seront ensuite reversées aux opérateurs de transport concernés.
Une première expérimentation doit débuter d’ici 18 mois sur l’axe ferroviaire Caen-Le Mans-Tours qui traverse trois régions (la Normandie, les Pays de la Loire, le Centre-Val de Loire). Le billet unique sera proposé pour utiliser le transport urbain, les TER et les Intercités. L’idée est de définir un modèle économique et de réfléchir à la pérennité du projet.
Au bout de quatre ans, l’Etat devrait remettre la main sur le système développé par Worldline grâce à des clauses de transférabilité inclues dans le contrat. L’objectif sera alors de mettre sur pied une structure dédiée, avec une gouvernance partagée avec les AO, Actuellement, une quinzaine de collectivités autorités organisatrices des mobilités (dont quatre régions) travaillent avec la DGITM sur le sujet. Or, on compte plus de 750 AO, indique-t-on du côté de la DGITM. Comment les convaincre de travailler toutes dans la même direction alors que la tendance actuelle des collectivités est plutôt de se démarquer des autres en imprimant leur propre marque sur les transports qu’elles financent? D’ailleurs, bien qu’il s’agisse d’un titre unique, la politique tarifaire restera entre les mains des collectivités. Le projet de billet universel a encore du chemin à parcourir avant d’arriver dans la poche des voyageurs.
« Des centaines de rames » amiantées pourraient-elles perturber l’ouverture à la concurrence des TER ? Le vice-président chargé des transports dans les Hauts-de-France, Christophe Coulon, a lancé un pavé dans la marre, s’inquiétant des effets d’une réglementation européenne de 2006 qui n’aurait pas été anticipée.
« C’est une directive européenne, Reach, qui édicte qu’on ne peut pas céder des biens contenant de l’amiante », s’est-il emporté devant des journalistes. Sont concernés des trains assez anciens dont la SNCF ne peut pas se défaire. « Or, dans le cadre de l’ouverture à la concurrence, nous devons mettre à la disposition de l’opérateur retenu les trains qu’il va devoir exploiter. »
L’Etoile d’Amiens, que les Hauts-de-France ont déjà mise en concurrence, n’est pas concernée. Mais l’Etoile de Lille l’est, avec « une quarantaine de trains » contenant de l’amiante, selon Christophe Coulon. Un lot que la région entend ouvrir à la concurrence en 2028. Les remplacer coûterait un milliard d’euros, dit-il. « Des centaines de rames sont concernées en France », met en garde l’élu LR.
Découvre-t-on soudainement le fameux règlement Reach concernant les substances chimiques, un texte de 2006 qui s’applique en France depuis 2011, alors que l’ouverture à la concurrence du ferroviaire n’était encore qu’un vague concept ? Le texte européen interdit en l’espèce à un opérateur de céder du matériel contenant de l’amiante, quand bien même il n’y a aucun danger pour le personnel et les passagers (l’amiante se trouvant dans les isolants de compartiments fermés). « Cela fait trois ans qu’on a identifié ce sujet et que rien n’avance. se plaint Christophe Coulon. Depuis 2021, nous avons demandé à l’Etat de se prononcer mais on n’a jamais eu de réponse ! »
Benoît Simian, lorsqu’il était député, avait posé la question en 2019. Il s’intéressait alors à l’amiante contenue dans les voitures Corail, mais le problème est le même que pour les TER. Et il avait reçu une réponse assez claire du gouvernement (plus d’un an plus tard) : « Seul un désamiantage total, forcément très coûteux, permettrait de les transférer ou de les louer à un autre opérateur. Comme autres solutions, les autorités organisatrices ou les opérateurs ferroviaires peuvent faire l’acquisition de matériels neufs ou d’occasion qui ne présenteraient pas ces contraintes, ou, s’ils veulent disposer de locomotives ou de voitures sans en financer l’acquisition, les louer auprès de l’un des loueurs de matériel ferroviaire qui ont émergé à la suite de l’ouverture à la concurrence de différents réseaux ferroviaires européens. »
La France n’ayant pas demandé de dérogation, le règlement Reach empêche de fait la SNCF de céder ses vieux TER aimantés —du matériel construit jusque dans les années 1990— aux régions qui les ont payés, et a fortiori à des concurrents. L’Etat fait profil bas, les régions sont peu loquaces… « C’est un sujet qui relève de l’application du droit. SNCF Voyageurs est tenue de se conformer à la réglementation européenne », indique sobrement l’opérateur historique, qui dans l’histoire est le moins gêné puisqu’il pourra toujours exploiter ses trains.
Cette situation « peut constituer un frein pour l’ouverture à la concurrence », s’inquiète de son côté l’Autorité de régulation des transports (ART). « Les appels d’offres régionaux pourraient rester inaccessibles aux nouveaux entrants ferroviaires, ces derniers ne disposant pas de matériel roulant adéquat en raison des coûts et délais de fabrication des équipements neufs et de l’absence de marché de seconde main pour des matériels exempts d’amiante », ajoute-t-elle.
L’ART dit vouloir agir avec les autorités organisatrices, l’Etat et la Commission européenne « afin d’identifier les leviers juridiques éventuellement mobilisables ainsi que la levée des éventuels risques de distorsion de concurrence qui pourraient se présenter entre l’opérateur historique et les entreprises ferroviaires alternatives ». Autrement dit demander une dérogation à Bruxelles, pour que l’ouverture des TER à la concurrence puisse se faire quel que soit le matériel utilisé.