Le marché français de la grande vitesse ferroviaire pourrait devenir l’un des plus concurrentiels d’Europe selon une étude d’E-Cube Strategy Consultants, dévoilée le 25 juin. L’étude sur l’ouverture des lignes à grande vitesse à la concurrence, réalisée par ce cabinet spécialisé dans le transport et l’énergie, rappelle qu’après l’arrivée de
Trenitalia sur l’axe Paris – Lyon en 2021, puis de
Renfe en 2023, entre Lyon et l’Espagne, pas moins de quatre acteurs supplémentaires sont attendus (si tout va bien) dans les prochaines années.
Le Train souhaite exploiter des liaisons de Bordeaux vers Rennes et Nantes d’ici à 2026.
Evolyn avait annoncé fin 2023 vouloir concurrencer l’Eurostar à partir de 2026.
Proxima compte déployer une offre sur les relations Paris – Bordeaux, Rennes, Nantes et Angers à partir de 2027. Et
Kevin Speed vise des relations à hautes fréquences entre Paris et Lille, Lyon et Strasbourg à partir de 2028.
Hausse du trafic
«
En Italie, l’arrivée d’Italo [l’opérateur privé fondé en 2006 par NTV] en 2012 sur la ligne Milan – Naples a induit une augmentation du trafic de 74 % entre 2011 et 2019 », souligne l’étude. Cela, sans préjudice pour l’opérateur historique, au contraire. «
La nouvelle demande a été très largement captée par Italo sur les dessertes couvertes (environ 80 % de l’augmentation [de trafic, ndr]) mais également par Trenitalia (20 %) qui a adapté son offre et n’a pas subi de baisse de fréquentation », écrivent encore les auteurs de l’étude.
En Espagne, le nombre de voyageurs transportés sur la ligne Madrid – Barcelone a aussi doublé (+51 %) entre le 4e trimestre de 2019 et le premier trimestre de 2023, passant de 2,1 millions de passagers à 3,1 millions. En revanche, la part de marché de l’opérateur historique a été divisée par deux (49 %), même s’il en détient aussi 11 % à travers son service low cost Avlo. «En moyenne l’arrivée de la concurrence sur les lignes Madrid – Barcelone et Madrid – Valence a entraîné une baisse des prix de plus de 20 % », souligne l’étude. « La plupart des nouveaux services ferroviaires sont lancés avec l’utilisation de trains neufs ce qui réduit les risques matériels et améliore le confort ». Exemple de l’amélioration de l’offre : des sièges confortables, du wi-fi à bord, du contenu multimédia accessible…
Difficultés de financements
Reste la difficulté pour les nouveaux entrants d’acquérir des trains, autant parce que les carnets de commandes des constructeurs sont déjà bien remplis — « Fin 2023, Alstom bénéficiait d’un carnet de commande record de 90 milliards d’euros », rappelle l’étude — qu’en raison des difficultés de financement.
Fin mai, Le Train a annoncé finaliser deux levées de fonds, une de 50 millions d’euros pour le fonctionnement de l’entreprise et une autre de 350 millions pour acquérir dix rames à grande vitesse auprès du constructeur espagnol Talgo. En juin, Proxima annonçait une levée de fonds d’un milliard d’euros, qui servira à financer l’achat de 12 rames TGV nouvelle génération (TGV M). Kevin Speed estime qu’il lui faudra investir 1,2 milliard pour faire rouler 20 trains à partir de 2028.
En Espagne, Iryo a investi 800 millions pour 23 trains. Et en Italie, NTV a consacré 650 millions d’investissement entre 2008 et 2012 pour lancer Italo.
Coût des péages
Autre frein à l’accès au marché de la grande vitesse pour les nouveaux entrants : le montant des péages. « Le niveau des péages, en renchérissant le coût kilométrique, apparaît comme un frein à la compétitivité du rail par rapport aux autres modes de transports », écrivent les consultants « Le ticket de train intègre une part importante de péage (autour de 40 % du prix d’un ticket aujourd’hui). […] En 2019, le péage moyen sur le réseau LGV était de 16 €/train.km en France contre 5 € en Italie et 7 € en Espagne ».
L’étude rappelle toutefois que ces péages permettent « de financer l’infrastructure à hauteur de 44 % contre 23 % en moyenne en Europe ». Ce qui fait du « réseau ferré français, deuxième réseau européen, l’un des réseaux les moins subventionnés d’Europe »…
Yann Goubin