Les résultats d’une nouvelle étude, menée par le cabinet spécialisé « Objectif Carbone », donnent le sourire aux partisans du train de nuit. Selon ses auteurs, au-delà d’une certaine distance, entre 750 à 1500 km, le train de nuit affiche un meilleur bilan carbone que la grande vitesse. En effet, explique l’association Oui au train de nuit, le train de nuit bénéficie « d’une électricité bas carbone en heure creuse la nuit ». De plus, sa vitesse – 100 km/h au lieu de 300 km/h environ – « réduit fortement la consommation énergétique et l’usure des voies« . Bien que le TGV transporte plus de voyageurs sur une plus grande distance et parcourt plus de kilomètres dans un journée, « cela ne permet pas de compenser les trois effets précédents., note l’association dans un communiqué.
D’où sa demande réitérée de déployer les trains de nuit « sans attendre et en complément de la grande vitesse ». Et de conclure : « Cette nouvelle étude vient rebattre les cartes puisque, sur ces dernières décennies, la grande vitesse a été financée à hauteur de 100 milliards d’euros en France, alors que l’offre en trains de nuit a été réduite jusqu’à leur quasi-disparition ».
Après une table ronde organisée le 10 avril par la direction de la SNCF sur la CPA (cessation progressive d’activité), Ville, Rail & Transports a demandé aux quatre organisations syndicales représentatives de réagir aux propositions de la direction. Après les interviews de Didier Mathis (Unsa-Ferroviaire), Thomas Cavel (CFDT Cheminots) et Erik Meyer (Sud Rail), nous publions aujourd’hui notre entretien avec Thierry Nier, le secrétaire général de la CGT Cheminots.
Ville, Rail & Transports. Pourquoi avoir annoncé si vite que vous alliez signer l’accord sur les fins de carrière?
Thierry Nier. Nous réclamions depuis longtemps un tel accord. Lors de la lutte contre la réforme des retraites, nous avions indiqué que si la loi passait, nous pourrions continuer la bataille sous différentes formes, notamment sur la question des fins de carrière. En septembre 2023, nous proposions d’anticiper la retraite en accordant 48 mois à tous (24 mois travaillés, 24 mois non travaillés) et 76 mois pour les ASCT.
Ce n’est pas de la guéguerre syndicale, mais personne n’en parlait à ce moment-là. C’est pourquoi nous avons pu prendre rapidement une décision en interne car nous avions déjà dit que si les dispositifs précédents étaient améliorés, nous pourrions apposer notre signature. Dès le lendemain de la table ronde, il était prévu que notre commission exécutive fédérale se réunisse. Après discussion, elle s’est prononcée à l’unanimité en faveur de l’accord. Et comme c’est elle qui doit approuver les accords, nous avons pu indiquer sans attendre que nous signerions.
VRT. Comment jugez-vous le climat social à la SNCF?
T. N. Le climat social est assez dégradé, pour ne pas dire très dégradé du fait du contexte global lié à la réforme de 2018, les multiples appels d’offres sur les TER, la situation du fret, les exigences pour toujours plus de productivité… Tout cela fait monter la pression.
Nous essayons de nous mobiliser, souvent de façon unitaire, sur les questions liées à l’emploi et au rythme de travail. Les pressions exercées peuvent parfois amener des dérives et des cheminots peuvent être conduits à se mettre en danger. Nous devons nous mobiliser pour que les métiers soient exercés dans le strict respect des réglementations.
Il y a aussi toute une frange de cheminots qui devaient arriver à la retraite et qui voient ce moment reculer. Face à cette situation, la direction ne pouvait plus fermer les yeux. Elle a souhaité -et c’est une bonne chose-, mieux écouter les revendications syndicales. Cela ne veut pas dire répondre à tout. Mais ce nouvel accord représente un premier pas.
VRT. Quelles seront vos prochaines revendications?
T. N. Les fins de carrières constituaient un de nos trois thèmes de mobilisation principaux avec l’emploi et les rémunérations. Nous portons l’exigence de rouvrir les négociations salariales. Même si l’inflation a ralenti, il y a encore des effets qui impactent les plus bas salaires. Nous sommes favorables à une hausse générale des salaires. Quand on additionne les primes de toutes natures, l’intéressement (auquel nous sommes opposés), on voit qu’il y a une enveloppe budgétaire conséquente possible.
VRT. Cinq mois après votre arrivée à la tête de la CGT Cheminots en remplacement de Laurent Brun, peut-on parler d’une méthode Nier pour porter les revendications?
T. N. Ce sont les cheminots et les agents syndiqués à la CGT qui pourront le dire! Ma méthode repose sur la transparence, même si c’était déjà le cas avec Laurent Brun. Nous devons être clairs dans nos objectifs et savoir ce que nous cherchons dans les négociations. Notre matrice à la CGT, c’est le rapport de force porté par des cheminots mobilisés et ayant en mains tous les éléments de la réflexion. C’est pourquoi il n’y aura pas de grands chamboulements mais une grande capacité d’écoute de ma part. Je souhaite que les cheminots voient que la fédération est à leurs côtés, au quotidien.
Propos recueillis par Marie-Hélène Poingt
Après une table ronde organisée le 10 avril par la direction de la SNCF sur la CPA (cessation progressive d’activité), un accord est proposé jusqu’au 22 avril à la signature des organisations syndicales représentatives de l’entreprise. La CGT Cheminots a déjà indiqué qu’elle allait signer.
Ville, Rail & Transports. Comment réagit l’Unsa-Ferroviaire aux propositions de la SNCF sur les fins de carrière?
Didier Mathis. Nous observons un plébiscite sur cet accord avec un vote favorable de 100 % de nos adhérents qui ont répondu. C’est assez rare pour le souligner. Cet accord fait faire un bond en avant sur les fins de carrière. On peut déjà parler d’accord car l’entreprise a répondu aux revendications quasi unanimes des organisations syndicales représentatives qui tenaient à ce que l’impact de l’allongement des carrières soit contenu. Il y a fort à parier qu’il sera signé.
VRT. Est-ce un contournement de la réforme sur les retraites?
D. M. Hormis le changement d’appellation (le CPA devient CAA, congé d’activité anticipée), l’accord inclut des personnes qui étaient en exclues auparavant. Il permet surtout de mieux encadrer la réforme Touraine qui a péjoré la situation des agents. Dans les faits, elle les avait déjà incités à travailler plus longtemps, au-delà des deux ans posés par la réforme Macron sur les retraites.
L’accord permet d’augmenter soit le nombre de trimestres cotisés, soit de partir plus tôt en touchant une retraite améliorée. Les mesures prennent en compte les allongements de carrière pour les postes pénibles. Elles traitent aussi des métiers qui ne sont pas considérés comme pénibles mais sont soumis à des examens médicaux réguliers avec le risque d’être déclaré inapte. Dans ce cas, l’accord permet d’éviter de chercher un nouveau poste qui pourrait avoir une incidence sur la rémunération.
Enfin, l’accord crée, à partir de janvier 2025, un échelon d’ancienneté supplémentaire pour les statuaires et les contractuels : un douzième échelon pour les sédentaires, un dixième pour les roulants. Avec la création de positions supplémentaires pour les rémunérations, ce qui permet de ne pas bloquer les cheminots en étant au taquet alors que leur carrière est allongée.
VRT. Qu’est-ce qu’il reste à faire?
D. M. De nombreux accords arrivent à terme, notamment sur la gestion prévisionnelle de l’emploi. Citons aussi les accords sur les salariés transférés, pour leur garantir le maintien de leur statut. N’oublions pas que chaque réponse à un appel d’offre dans le transport conventionné donnera lieu à la création d’une filiale. Cela va concerner 25 000 agents pour TER, 17 000 pour Transilien, 3 000 pour Intercités. Sans oublier les agents du fret suite à l’enquête de Bruxelles qui a débouché sur un scénario de discontinuité économique et auquel nous sommes farouchement opposés.
Propos recueillis par Marie-Hélène Poingt
Ville, Rail & Transports. Comment jugez-vous la proposition de la direction de la SNCF sur les fins de carrière?
Thomas Cavel. C’est une proposition d’accord qui porte des dispositions de progrès très importantes. L’accord s’appelle d’ailleurs désormais CCA : congé d’activité anticipée car il permet de travailler pendant une période, puis d’arrêter avec compensation financière et non plus d’alterner périodes travaillées et non travaillées. Il traite aussi du temps partiel en fin de carrière, de l’aménagement, de rémunérations et d’éléments autour de la pénibilité.
Ces dispositions répondent à des aspirations de salariés qui sont en fin de carrière mais donne aussi de la visibilité à ceux qui n’y sont pas encore car c’est un accord à durée indéterminée.
VRT. Comment expliquez-vous ces améliorations importantes proposées par la SNCF?
T. C. C’est dans la continuité de ce que nous avons imposé en février. Nous avions dit qu’il fallait des mesures au niveau du groupe pour redonner corps à l’unité sociale. Nous avons poussé ce sujet car le cadre social a été très mis à mal avec l’éclatement du groupe. La réponse de Jean-Pierre Farandou a été de proposer une plateforme de progrès social. C’est donc une première brique.
VRT. Le contexte des JO joue-t-il en votre faveur?
T. C. Je suis toujours étonné que l’on traite les JO sous l’angle de la conflictualité. Car la production que nous allons devoir réaliser va être hors norme. Mais en réalité elle sera peut-être un optimum que nous devrons atteindre à l’avenir avec la hausse de la part du ferroviaire. Servons-nous en pour en faire un levier de progrès social.
Un coup de pression. Voilà comment plusieurs connaisseurs de l’économie du rail espagnol consultés par VRT, expliquent les accusations de “dumping” et concurrence déloyale lancées par le ministre des Transports espagnol, Óscar Puentes, contre Ouigo. Le but ? Attaquer un challenger qui mord sur les parts de marchés de l’opérateur national historique en Espagne, Renfe. Mais aussi mettre la pression dans un autre dossier : Madrid se plaint des difficultés rencontrées par Renfe pour entrer sur le marché français, dans un contexte où chaque pays tente de protéger ses bijoux de famille face à l’arrivée de la concurrence.
“Ouigo a clairement parié sur le dumping. Il fixe des tarifs inférieurs à ses coûts [d’exploitation] et entraîne Iryo et RENFE [dans sa dynamique] ce qui nous cause de gros problèmes (…). Ils ont la SNCF, l’entreprise publique française derrière eux, ils ont la capacité de supporter ces pertes et génèrent d’énormes distorsions sur le marché”, avait accusé le ministre espagnol des Transports, Óscar Puentes, le 20 mars, marquant le début d’une grande offensive médiatique contre la filiale du groupe ferroviaire français en Espagne. “La concurrence doit être loyale, et ne pas chercher la liquidation de l’adversaire”, avait-il également estimé. “Nous étudions la possibilité de recourir à la commission nationale des marchés et de la concurrence [CNMC, gendarme des marchés NDLR] car nous estimons qu’ils utilisent des pratiques profondément déloyales”, a-t-il finalement lancé, le 1er avril.
“Notre modèle est basé sur le volume et fonctionne si nous avons autour de 90 % des trains remplis. Nous sommes en train d’arriver à ce résultat”, s’est défendue la directrice générale de Ouigo en Espagne, Hélène Valenzuela.
Une stratégie classique pour les nouveaux entrants sur un marché longtemps monopolistique qui s’ouvre, selon Javier Campos Méndez, professeur d’économie à l’université Palma de Gran Canaria et spécialiste du secteur ferroviaire. “Ils appliquent d’abord une politique de prix agressive pour se faire une place sur le marché. Ensuite, les prix remontent, mais restent normalement plus bas qu’avant l’ouverture. Lancer des tarifs en dessous des coûts de revient n’est pas illégal. Si Ouigo faisait financer ces pertes par l’Etat français à travers de SNCF, effectivement, ce serait une violation de la réglementation européenne. Mais si le ministre avait des preuves sur ces accusations, une plainte pour distorsion de la concurrence serait déjà déposée.”
Par ailleurs, Ouigo n’aurait pas la capacité de liquider Renfe en Espagne, où l’entreprise publique reste de très loin le maître du jeu. Pour l’économiste, l’opérateur historique a surtout du mal à affronter la nouvelle donne : “Il pensait que ses challengers allaient prendre une part de marché marginale, mais se rend compte qu’ils lui font mal sur les segments les plus rentables.”
L’État espagnol chercherait-il simplement à protéger son champion ? Pas seulement. “Je me plains aussi du manque de réciprocité”, avait ajouté le ministre espagnol des Transports, le 20 mars. “Nous voulons entrer en France [avec RENFE] et quand nous y entrons, nous ne trouvons que des difficultés et des obstacles sur notre chemin.” Madrid adresse ce reproche à son voisin de façon répétée. A Paris, on allègue des motifs techniques. “Mais la question technique me semble très relative. Je crois surtout que la France n’est pas intéressée par ce type de libéralisation pour le moment. Si demain, Paris montre une volonté de faciliter l’entrée de Renfe sur son marché, cette histoire est terminée”, estime Javier Campos.
Pourtant, cette libéralisation a eu de réels effets bénéfiques en Espagne. Sur les lignes concernées, les prix ont sensiblement baissé, le nombre d’allers-retours quotidiens a largement augmenté. Le train a même pris des parts de marché à l’avion pour certains trajets. “Mais je crois qu’on oublie souvent que l’ouverture à la concurrence a été faite pour bénéficier aux consommateurs, pas aux entreprises”, regrette Javier Campos.
Alban Alkaïm
La direction de la SNCF doit respirer. Alors que des préavis de grève menacent le mois de mai, l’accord sur la CPA (cessation progressive d’activité) pourrait être signé d’ici le 22 avril par toutes les organisations syndicales représentatives de la SNCF, ce qui serait de bon augure.
Le 10 avril en effet, une table ronde s’est tenue sur le sujet, proposant des conditions financières plus avantageuses lors des fins de carrière, un allongement de la durée des dispositifs et plus globalement une simplification du dispositif, comparé à l’ancien accord qui datait de 2008.
Fait rare, la CGT n’a pas attendu de connaître l’intention de sa base pour annoncer dès le 11 avril qu’elle allait signer. L’Unsa Ferroviaire et la CFDT Cheminots devraient logiquement se prononcer favorablement. Quant à Sud Rail, la tonalité inhabituelle de son tract diffusé depuis hier montre que les avancées sont réelles. Mais même si ce syndicat ne signait pas, l’accord pourrait s’appliquer avec la signature des autres organisations qui seraient majoritaires.
Pour Jean-Pierre Farandou qui est monté au créneau et s’est personnellement impliqué dans le dialogue social depuis la grève des contrôleurs en février dernier, c’est -déjà- une petite victoire. Incertain sur son sort à la tête du groupe, il apporte un gage aux pouvoirs publics en déminant le terrain social à l’approche des JO. Reste désormais à connaître ses propositions définitives sur les conditions de travail et la prime JO pour tirer toutes les conclusions.
Marie-Hélène Poingt
Après une table ronde organisée le 10 avril par la direction de la SNCF sur la CPA (cessation progressive d’activité), un accord est proposé à la signature des organisations syndicales représentatives de l’entreprise. Il prévoit des conditions financières plus avantageuses lors des fins de carrière, un allongement de la durée des dispositifs et plus globalement une simplification du dispositif, comparé à l’ancien accord qui datait de 2008. La CGT a déjà indiqué qu’elle signerait. Erik Meyer, secrétaire fédéral de Sud-Rail, commente l’accord en attendant que les adhérents de son syndicat se prononcent.
Ville, Rail & Transports. Allez-vous signer l’accord sur la CPA?
Erik Meyer. Je ne peux pas le dire car ce sont nos adhérents qui décident. La date limite est le 22 avril.
VRT. En lisant votre tract, on a l’impression d’une tonalité inhabituelle, plutôt bienveillante…
E. M. Il faut rappeler le contexte des négociations qui s’inscrivent suite à la grève des contrôleurs. Ce conflit a obligé la direction à accélérer son agenda social et à répondre à nos revendications. Après les déclarations de Jean-Pierre Farandou disant qu’il ne voulait pas discuter de revendications catégorielles, l’entreprise avait l’obligation de négocier un accord pour l’ensemble des cheminots.
Il faut reconnaître que l’accord proposé est plus intéressant que le dernier qui datait de 2008 et qui était très peu utilisé. Seuls 12 % des cheminots y recouraient car il était peu attractif financièrement : l’entreprise ne prenait pas en charge les cotisations sociales et la rémunération baissait même sur la partie travaillée.
Le nouvel accord n’annule pas la réforme Macron mais fait un vrai effort en termes de durée et autour des conditions financières. Il y a aussi une spécificité pour les contrôleurs que l’entreprise s’était engagée à maintenir.
Après, nous avons encore des discussions à mener, notamment autour de la liste des métiers pénibles.
VRT. Le contexte et les menaces de grève jouent en votre faveur…
E. M. Nous ne sommes plus sur un syndicalisme défensif depuis décembre 2022, date de la grève des chefs de bord. Avant, nous étions systématiquement sur des mouvements pour essayer de maintenir des acquis. Aujourd’hui, nous sommes plus en offensif. Le rapport de force nous permet de faire avancer nos revendications. Dans la tête des dirigeants, il y a sûrement la question des JO en toile de fond. Ce n’est pas le seul facteur. On ne sait toujours pas si Jean-Pierre Farandou sera maintenu ou pas à la tête de la SNCF. Donc les discussions sur la CPA représentaient un peu une épée de Damoclès sur les préavis de contrôleurs pendant les ponts de mai. Tout cela a joué dans la balance car Jean-Pierre Farandou sera jugé sur sa capacité à faire avancer le dialogue social.
VRT. Le climat social va donc s’apaiser à la SNCF?
E. M. Il va tout de même falloir que l’entreprise arrête de nous balader de mois en mois avec les JO. Et qu’elle sorte du bois. Faire mariner les cheminots crée du mécontentement.
Propos recueillis par Marie-Hélène Poingt