La mise en cause est sévère : dans son rapport, dévoilé le 10 octobre, sur « le code de bonne conduite et l’indépendance » de SNCF Réseau, l’Autorité de régulation des transports (ART) estime que l’organisation mise en place par le gestionnaire des infrastructures ferroviaires ne permet pas « de garantir le respect de son code de bonne conduite ».
Pour preuve, explique le gendarme des transports terrestres, « SNCF Réseau n’a mis en place aucun dispositif interne de conformité » pour assurer le respect de ses engagements de bonne conduite adoptés en 2020. Par exemple, le gestionnaire des infrastructures n’a pas mené d’audit de contrôle.
« Suspicions légitimes »
Par ailleurs, il n’a pas non plus mis en place « d’organisation opérationnelle permettant d’assurer le respect du code de bonne conduite par les agents exerçant des fonctions essentielles« . Il n’existe ainsi ni procédure ni critère permettant l’identification des agents exerçant ces fonctions « essentielles », celles qui touchent à l’attribution des sillons et à la tarification de l’utilisation de l’infrastructure.
L’ART demande d’y remédier. Et recommande un « renforcement des mesures de garantie au niveau législatif contribuant à dissiper les suspicions légitimes des entreprises ferroviaires quant à l’indépendance de SNCF Réseau« . Renforcement de mesures qui devrait aussi s’appliquer à sa filiale, Gares & Connexions, a minima pour la tarification de l’accès aux gares et pour la programmation des travaux en gare. L’Autorité en profite aussi pour réclamer des pouvoirs élargis pour mieux superviser l’ensemble. Avec un droit de véto sur le code de bonne conduite et la possibilité de sanctionner les manquements.
Message reçu…
Message bien reçu par SNCF Réseau qui annonce, par la voix de son PDG, Matthieu Chabanel, avoir élaboré un « plan d’action immédiat« . Plusieurs chantiers ont déjà été engagés comme la cartographie des emplois chargés des fonctions essentielles et une communication accrue en interne et en externe sur la « culture de l’indépendance ».
Dans sa réponse écrite à l’ART, Matthieu Chabanel propose également de créer un comité composé de salariés et de personnes extérieures à l’entreprise, présidé par une personnalité extérieure. « Ses missions s’inscriraient dans un cadre plus large d’éthique des affaires, intégrant notamment des sujets comme l’anticorruption ou la prévention des conflits d’intérêt« , indique le PDG.
… mais pas d’accord sur tout
En revanche, le dirigeant rejette plusieurs propositions de l’ART qui vont au-delà des textes, notamment européens. S’il accepte son pouvoir de véto sur le code de bonne conduite, il n’est pas favorable à un pouvoir de sanction spécifique puisque l’ART peut déjà sanctionner SNCF Réseau si elle estime que ses agissements remettent en cause son indépendance.
Il ne souhaite pas non plus l’intégration, dans le périmètre des fonctions essentielles, des agents chargés de la gestion des circulations et de la programmation des travaux. « Une telle démarche compromettrait la mobilité des salariés chargés de ces fonctions, et réduirait de ce fait l’attractivité l’embauche de SNCF Réseau, dont les salariés sont désormais recrutés sous un statut de droit privé« . Selon lui, l’organisation actuelle « intègre la nécessaire impartialité des agents face à toute entreprise ferroviaire« .
Quant à l’instauration d’un système de contrôle déontologique des agents de SNCF Réseau semblable à celui instauré pour les agents publics, elle lui semble « excessive et inadaptée« . « La responsabilité des mobilités doit rester celle d’un choix personnel des collaborateurs et non celle de l’entreprise« , estime encore Matthieu Chabanel qui réaffirme l’engagement de ses équipes dans le cadre de l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire.
Marie-Hélène Poingt