Mauvaise nouvelle pour Alstom qui avait fait du Land de Basse-Saxe, en Allemagne, un projet pilote pour son train à hydrogène largement médiatisé. Un an après avoir mis en service une demi-douzaine de trains à hydrogène Coradia iLint du constructeur français sur une de ses lignes régionales, la société des transports de proximité du Land de Basse-Saxe (Landesnahverkehrsgesellschaft, LNVG) a en effet annoncé en août qu’elle ne fera pas appel à cette technique pour remplacer d’ici à 2037 les trains encore assurés en traction diesel sur les autres lignes de son réseau.
L’exploitation serait moins coûteuse avec d’autres solutions d’alimentation en électricité. « Nous avons fait une étude de marché sur les autres lignes non électrifiées. Il en ressort qu’il est plus judicieux de remplacer les trains diesel par des trains à batteries», explique Melina Gnisa, porte-parole de la LNVG qui appartient à 100% au Land de Basse-Saxe.
Il ne s’agit pas pour autant de revenir en arrière sur la ligne équipée de trains à hydrogène, la « Weser-Elbe » reliant Buxtehude à Cuxhaven, un investissement de 93 millions d’euros. « Nous espérons qu’ils continueront de rouler pendant encore 30 ans », insiste Melina Gnisa. « Nous sommes fiers d’avoir introduit les premiers trains à hydrogène du monde dans notre parc. Ce sont les véhicules adéquats pour cette ligne », assure-t-elle. Pour preuve : à partir de septembre, dix trains seront mis en service contre 6 en août et 14 devraient rouler à partir de novembre sur la ligne, soit le parc initialement prévu.
Pénurie de conducteurs spécialisés, problème de logiciel ou de ravitaillement en hiver… le démarrage dans plusieurs régions d’Allemagne a été émaillé de gros problèmes – y compris avec des modèles de Siemens – qui ont rendu l’hydrogène impopulaire. «Une débâcle », juge le quotidien Die Welt concernant le lancement raté dans la région Rhein-Main (bassin de Francfort).
Précipitation
Pour Christian Böttger, expert en systèmes de transports ferroviaires à l’Ecole supérieure des techniques et de l’économie de Berlin (HTW), les responsables politiques ont péché par enthousiasme en mettant la charrue avant les bœufs (plus d’un tiers du réseau de 33.000 kilomètres de la DB ne dispose pas de caténaires). « L’Allemagne étant un pays fédéral, plusieurs länder (entre autres : Thuringe, Basse-Saxe, Bade-Wurtemberg, Bavière) se sont lancés dans une sorte de compétition avec chacun son propre projet sans se soucier vraiment des coûts. L’argent n’a joué aucun rôle pour ces projets politiquement prestigieux, surtout en période d’élections. Alors qu’on en était encore au stade de l’essai, il n’est pas étonnant qu’il y ait eu des ratés au démarrage. La réputation de l’hydrogène en pâtit », regrette-t-il.
Le Land du Bade-Wurtemberg, dirigé par les écologistes depuis plus de dix ans, s’est déjà détourné définitivement de l’hydrogène. Sur la base d’une étude sur seize sections non-électrifiées du réseau ferré, le ministère des Transport de ce land a retenu la solution d’automotrices « hybrides » alimentées par batteries sur les sections sans caténaires et par pantographes lorsqu’il y en a, voire pour une électrification pure et simple de cinq tronçons, pour des raisons économiques. L’hydrogène est « trop coûteux », conclut l’étude, d’autant plus que les lacunes dans l’électrification du réseau ferré de Bade-Wurtemberg sont suffisamment courtes pour être franchies au moyen de batteries.
Ce n’est pas pour autant la fin de ces trains en Allemagne : la Bavière par exemple va tester le train à hydrogène Mireo Plus H de Siemens qui doit entrer en service pendant 30 mois à partir de 2024 sur différentes lignes au départ d’Augsbourg. De plus, selon Christian Böttger, « les batteries n’ont pas fait leurs preuves non plus. Aujourd’hui, elles semblent plus convaincantes. Mais qu’en sera-t-il dans cinq ans ? Aucune étude n’a encore été menée au niveau fédéral. Rien n’est encore définitivement arrêté ». Et de conclure : « Je n’exclus pas que des trains au diesel soient toujours en service dans 15 ans pour des questions économiques».
Christophe Bourdoiseau
« Les trains qui rouleront en France ne seront pas les mêmes qu’en Allemagne »
Jean-Luc Gibelin, vice-président de la région Occitanie (en charge des transports) qui a acheté des trains à hydrogène.
« La comparaison ne vaut pas raison. Les trains à hydrogène qui roulent en Allemagne ne sont pas homologués en France, ce ne sont pas du tout ceux qui rouleront chez nous. Nous ne sommes pas sur le même type de trains, nous avons, avec d’autres régions, financé les études de R&D pour qu’Alstom mette au point une nouvelle génération de matériel roulant pour nos futurs TER- cela a pris du temps, c’est bien pour ça que les TER à hydrogène ne sont pas encore sur les rails français. Je ne considère donc pas par hypothèse que ce qui vaut en Allemagne s’applique en France. J’ai connaissance de l’information, je souhaite en connaitre les tenants et aboutissants, et s’il y a des enseignements à en tirer, nous le ferons. Mais je ne me sens pas engagé par la décision allemande « .
Propos recueillis par N.A