Lundi 17 février, la station de métro Château Rouge sur la ligne 4 de la RATP, l’une des 10 stations « où l’on fraude le plus », selon Ile-de-France Mobilités (IDFM), sera cernée toute la journée par des dizaines de contrôleurs et agents de la brigade régionale des transports. Appuyés par des forces de police.
Une opération de « contrôles continus » que Valérie Pécresse, la présidente de l’Ile-de-France et de son autorité des transports, promet de déployer « partout où la fraude est importante ». C’est-à-dire dans dix autres stations des lignes 4, 7, 12 et 13, celles où le taux de resquille oscille entre 17% et 11%, selon les enquêtes menées en 2022 et 2023.
Le phénomène de la fraude se serait amplifié depuis la crise du Covid, avec 8% de voyageurs qui ne paieraient pas leurs trajets, tous modes de transports confondus, selon les chiffres présentés ce matin devant la presse par la patronne des transports franciliens. Et des pics à 15% de fraude dans les bus (contre 10,7% en 2019), et près de 27% dans les bus de nuit (contre 19% en 2019).
Dans Paris intramuros et en petite couronne, à bord des bus de la RATP, elle s’établit à 14%, pour atteindre presque 30% dans le secteur du Mesnil-Amelot, au nord-Est de Paris. En grande couronne, le palmarès revient aux lignes de bus autour de Roissy, de l’axe Est-Seine-Saint-Denis, d’Evry, Melun, Sénart, Sainte-Geneviève de Bois, Brétigny, Juvisy etc. Mais globalement, en grande couronne « ça s’améliore », estime Valérie Pécresse qui attribue cette tendance à l’ouverture à la concurrence du réseau Optile. En moyenne un an après le début d’un contrat de délégation de service public, la fraude passe de 12,7% à 11,5%. « Chaque opérateur a la responsabilité de lutter contre la fraude sur ses lignes et il est rémunéré à la validation », souligne IDFM. Ce qui n’est pas encore le cas sur le réseau de bus de la petite couronne, opéré par la RATP, où l’ouverture à la concurrence a commencé et des appels d’offres sont en cours.
Dans les tramways de la RATP, la fraude est à 16%, 11% dans les trams-trains opérés par la SNCF. Dans les Transilien, elle est à 9,5%, avec des pointes à plus de 12% sur les RER B et D, et la ligne H qui dessert le nord-ouest de l’Ile-de-France.
700 millions d’euros par an
Au total, le coût de la fraude s’élève à 700 millions d’euros par an, selon les calculs d’IDFM. « Avec ce manque à gagner, on pourrait acheter 1 500 bus par an ou construire deux lignes de tramways », compare Valérie Pécresse qui lance un plan de tolérance zéro, et se félicite de la récente adoption par les députés de la loi sur le renforcement de la sûreté dans les transports publics. Elle va notamment légaliser le port des caméras vidéo par les contrôleurs (lire ici).
Concrètement, 500 agents de la Suge (SNCF), du GPSR (RATP) et de la brigade régionale des transports (affublée de 50 agents assermentés supplémentaires), vont être déployés à partir du 17 février sur les points noirs du réseau : « On y restera des semaines entières, à différentes heures de la journée, et selon des jours différents », prévient la dirigeante des transports franciliens. En plus des opérations des contrôles normaux. Un dispositif testé sur le secteur de Trappes et Saint-Quentin-en-Yvelines sur les lignes de bus exploitées par l’opérateur Lacroix Savac. Sur les 10 000 voyageurs contrôlés, 700 étaient en infraction. En deux semaines, le taux de fraude est passé de 13% à 6%, indique IDFM.
60% des amendes sont payées immédiatement par les contrevenants, pour les autres, le taux de recouvrement est très faible, à peine 10%, déplore IDFM. Avec la nouvelle plateforme « Stop Fraude », en place depuis début de l’année, les contrôleurs peuvent théoriquement consulter un fichier des adresses, renseigné par le fisc, et cet été, ils y accéderont en temps réel au moment du contrôle. IDFM par ailleurs signé une convention avec l’Antai, l’administration chargée d’automatiser le paiement des amendes et d’envoyer les courriers de relance et les procédures administratives.
Objectif de tout ce arsenal dissuasif qui sera accompagné d’une campagne de communication, « Frauder, c’est voler » : réduire de moitié la fraude dans les transports franciliens d’ici à la fin de l’année. « Les 700 millions de manque à gagner, ça représente environ 23 euros de Navigo mensuel », calcule aussi Valérie Pécresse. Moins de fraude pour faire baisser le prix du passe Navigo ?