C’est à un subtil jeu de répartition des flux de voyageurs que vont tenter de se livrer la RATP, la SNCF et l’autorité régionale des transports Ile-de-France Mobilités (IDFM) pendant les Jeux paralympiques de Paris. Ils démarrent le 28 août pour deux semaines, en pleine rentrée. Certes, les 300 000 spectateurs quotidiens attendus pour cette deuxième partie des olympiades (moitié moins que pour les JO de l’été) ne vont pas saturer le réseau de transports publics de la région, mais, cette fois ils viendront s’ajouter aux cinq millions de voyageurs qui, dès le 2 septembre, reprendront leurs trajets quotidiens sur les lignes de métro, de RER, bus et tramways. Contre quatre millions pendant l’acte I de Paris 2024. Au cœur de l’été, les transports publics ont été au rendez-vous, l’acte II sera-t-il aussi enchanté ?
Ne pas suivre ses intuitions
« On doit réussir les Jeux paralympiques aussi bien que les JO », promet Valérie Pécresse. Lundi 26 août, la présidente de la région et d’IDFM a détaillé devant la presse le nouveau plan de transports pour ce deuxième round de Paris 2024 qui se déroule sur 17 sites de compétition, dont 10 à Paris intra-muros (carte ci-contre). Avec un message aux Franciliens : « Ne suivez pas les trajets intuitifs ! ». Par exemple, si vous aviez l’habitude d’emprunter la ligne 10 pour vous rendre dans le 16eme arrondissement vers les stations Michel Ange, préférez le 9, la 10 étant dédiée à la desserte du stade Roland Garros, où se dérouleront les épreuves de tennis-fauteuil. Le principe, c’est d’éviter au maximum que les visiteurs ne se retrouvent sur les mêmes lignes de transport que les Franciliens en route vers leur travail, les établissements scolaires, des rendez-vous, etc.
Idem pour la ligne de 13, ultra sollicitée pendant le JO de l’été et qui desservira plusieurs sites paralympiques (tennis de table à l’Arena Paris Sud, para tir à l’arc aux Invalides, escrime fauteuil et taekwondo au Grand Palais). « Nous ne voulons pas qu’elle soit sollicitée pour les Jeux paralympiques, elle disparait donc du plan de transport des Jeux », poursuit l’élue. Même principe pour le RER A sur la ligne du stade nautique de Vaires-sur-Marne. Elle transporte plus d’un million de voyageurs par jour, les spectateurs des épreuves de para aviron et canoé sont invités à y aller par le RER E et la ligne P du Transilien. Cent vingt navettes électriques gratuites (au lieu de 400 pendant les JO de l’été) desservent les sites de compétition les plus excentrés.
Le défi de l’accessibilité
Comment informer ? C’est le rôle de l’application numérique Transport Public Paris 2024, insiste Valérie Pécresse. « Téléchargée un million de fois pendant les JO, elle a permis d’endiguer les flux en donnant des conseils de trajets pertinents », se félicite la patronne de la région et des transports d’Ile-de-France.
Voyageurs du quotidien et spectateurs des Jeux paralympiques seront tout de même amenés à se croiser dans les transports publics, les fréquences de passage vont donc être renforcées sur les lignes : 10% de rames supplémentaires sur la ligne 13 du métro, + 20% sur la 8, 30% de trains en plus sur le tronçon du RER C entre Paris et le château de Versailles ou se déroulent les épreuves de para équitation, et sur le RER D vers le Stade de France (para athlétisme), + 15% sur le RER B vers l’Arena paris Nord (volleyball assis).
L’autre défi, c’est l’accessibilité des transports. Sur les près de deux millions de billets vendus à ce jour pour les épreuves paralympiques, 20 000 acheteurs ont signalé être en situation de handicap (contre 40 000 pour les JO, 30 000 sont finalement venus). Des navettes – sur réservation – sont prévues pour les personnes en fauteuil roulant et leur accompagnant, 5 000 agents d’orientation ont été formés au handicap. Mais si un peu plus de la moitié du réseau des transports franciliens est équipé (290 gares), une seule ligne de métro, la 14, est 100% accessible aux voyageurs en fauteuil roulant. Seuls les tronçons de lignes récemment prolongés sur les 4 et 11 sont équipés d’ascenseurs et de quais à hauteur des rames. Les futures lignes du Grand Paris Express et le prolongement du RER E le seront aussi, mais les 13 lignes historiques du métro parisien restent des forteresses pour passagers valides.
Un métro pour tous à 20 milliards d’euros
Les rendre entièrement accessibles coûterait entre 15 et 20 milliards d’euros, un chantier de 20 ans au minimum, estime Valérie Pécresse en se fondant sur une étude menée pour la ligne 6, aérienne, qui relie nation à Charles de Gaulle-Etoile. « Avec l’allongement de la durée de vie, le handicap va toucher tout le monde, je propose de lancer le chantier de la ligne 6, le coût est estimé entre 600 et 800 millions d’euros, je suis prête à boucler un plan de financement avec l’Etat et la Ville de Paris pour lancer ce projet de métro pour tous », s’empresse-t-elle. Ce qui nécessiterait de faire des arbitrages sur d’autres projets d’infrastructure, un avenant au contrat de plan Etat-Région. Qui n’est toujours pas signé, faute de gouvernement en plein exercice.
Pour Bernard Gobitz, administrateur d’Ile-de-France Mobilités (IDFM) au titre des associations et collectifs d’usagers des transports franciliens, « le coût énorme de la mise en accessibilité de toutes les lignes du métro se fera forcément au détriment d’autres projets comme des prolongements de lignes notamment ». Sceptique, il s’interroge sur la soutenabilité financière du projet (plus de 6 milliards d’euros pour chacune des parties prenantes, IDFM, Ville de Paris et Etat) et le caractère « titanesque » des travaux avec la construction de quatre ascenseurs par station (deux par quai obligatoires) et la mise à niveau des quais à la hauteur des rames. « Pour les voyageurs en fauteuil roulant, à Paris, la meilleure solution, ce sont les bus, il vaudrait mieux améliorer le service;et pour tous les autres voyageurs à mobilité réduite, aménager des escalateurs dans toutes les stations de métro », préconise le défenseur des usagers des transports.
Nathalie Arensonas
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