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Ewa

La tribune de 6t : Jeux olympiques 2024 : la victoire des petits pas

© wiki Place Saint Michel Paris June 2010 copie

La marche se place en haut du podium des modes les plus utilisés pendant les Jeux olympiques 2024 par les habitants de Paris et de la petite couronne.

Valérie Pécresse, présidente de la région Île-de-France et d’Île-de-France Mobilités, s’est félicitée du fonctionnement des transports en commun pendant les Jeux : « C’est vrai que nous sommes en passe de réussir un exploit olympique, d’avoir organisé des Jeux 100 % accessibles en transports en commun, eux-mêmes 100 % décarbonés. »1 Avec la mobilisation de 6 000 agent·e·s supplémentaires et un investissement de 250 millions d’euros pour renforcer l’offre de transports, les Jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) représentaient un défi majeur pour Île-de-France Mobilités (IDFM) et les opérateurs de transport. Le bilan est positif : les transports en commun ont contribué au succès de l’événement. En parallèle, 10 000 vélos supplémentaires en libre-service ont été proposés, permettant à plus de 10 000 spectat·eur·rice·s par jour de se déplacer à vélo pour se rendre sur les sites des compétitions.2

Quel impact un événement comme les JOP a-t-il sur la mobilité des habitants ?

Mais derrière ces chiffres flatteurs, qu’en est-il des Francilien·ne·s ? Si les transports en commun ont été plébiscités pour leur accessibilité et leur efficacité, et que les nouveaux usag·er·ère·s de Vélib’ ont afflué pour rejoindre les sites olympiques, ces chiffres concernent principalement les touristes et les spectat·eur·rice·s venus assister aux compétitions. Les Francilien·ne·s, quant à eux, ont vécu les Jeux dans un cadre bien différent, marqué par leur quotidien et leurs besoins habituels de déplacement.
Un grand événement tel que les JOP a-t-il un effet déclencheur pour renforcer la pratique du vélo, à l’image de l’engouement observé chez les visit·eur·euse·s ? Plus précisément, les JOP de Paris 2024 ont-ils changé les habitudes de mobilité quotidienne des Francilien·ne·s et leur pratique de travail pendant cette période ? Ces questions méritent d’être posées, car elles permettent de mieux comprendre si un événement de cette ampleur peut véritablement transformer les comportements des résident·e·s au-delà de son impact immédiat sur les infrastructures et les flux touristiques.
Pour répondre à ces questions, 6t-bureau de recherche a réalisé une enquête quantitative inédite auprès des Parisien·ne·s et des habitant·e·s de la petite couronne3. Menée en ligne du 21 juin au 4 juillet 2024, cette enquête s’est appuyée sur un échantillon représentatif de 1 000 résident·e·s des départements de Paris, Seine-Saint-Denis, Hauts-de-Seine et Val-de-Marne. Cette enquête permet d’analyser leur comportement de mobilité pendant la période des JO, du 26 juillet au 11 août 2024.

JOP 2024 : Pas de faux départ pour les Franciliens

L’été est souvent synonyme de départs en vacances pour de nombreux Français·es. Les JO 2024 ont-ils incité davantage de Francilien·ne·s à quitter la région pour éviter l’effervescence ?
Selon notre étude, seulement un tiers des Parisien·ne·s et des résident·e·s de la petite couronne ont exprimé l’intention de quitter la région pendant la période des Jeux Olympiques. Ce résultat est d’autant plus surprenant que le mois d’août reste traditionnellement une période marquée par les départs en vacances pour de nombreux Français·es. À cela s’ajoute le fait que de nombreuses entreprises ont annoncé aligner les dates de congés pour leurs employé·e·s sur celles des Jeux olympiques. Ainsi, contrairement à ce que l’on aurait pu attendre, les résultats de notre étude montrent que les Jeux Olympiques n’ont pas engendré un phénomène de «fuite estivale» accrue parmi les Francilien·ne·s.

Les JO 2024 n’ont pas changé la donne pour le télétravail

La crise sanitaire a popularisé le télétravail, désormais mieux accepté par les entreprises. Les JOP 2024 auraient-ils pu engendrer une nouvelle vague de «néo-télétravaill·eur·euse·s» ? Les résultats montrent que ce n’est pas le cas : seulement 1% des enquêté·e·s sont des « néo-télétravailleur·euse·s », à savoir des non-habitués au télétravail qui ont envisagé de le faire pendant les Jeux Olympiques. Seulement 19% des personnes ont envisagé de faire plus de télétravail parmi celles et ceux qui restaient, qui pouvaient faire du télétravail et qui n’étaient pas en vacances. Parmi ceux qui partent, seulement 11% des répondant·e·s prévoyaient de télétravailler pendant la période des Jeux.
De manière générale, les Français·es semblent moins adeptes du workation (travailler à distance depuis un lieu de vacances) que leurs voisins européens : 20% contre 27% en moyenne4. Les Jeux Olympiques n’ont pas changé la donne pour le télétravail.

La marche en tête de peloton pendant les Jeux Olympiques

Selon notre étude, la majorité des Parisien·ne·s et des résident·e·s de la petite couronne prévoyaient de continuer à se déplacer comme à leur habitude durant les Jeux, tandis que deux personnes sur cinq déclaraient vouloir réduire la fréquence de leurs déplacements pendant cette période. Cependant, cette situation a conduit de nombreux habitant·e·s à repenser leurs modes de transport. L’affluence attendue dans les transports en commun et les restrictions de circulation les ont incités à modifier leur comportement en matière de mobilité. Contrairement aux touristes, qui utilisaient massivement les transports en commun pour rejoindre les sites olympiques, les habitant·e·s prévoyaient de réduire en priorité leurs déplacements en transports en commun (-30 %) et également en voiture (-31 %). La marche s’est ainsi imposée comme le mode de déplacement le plus utilisé pendant les Jeux Olympiques par rapport aux périodes habituelles. En effet, 30 % des Parisien·ne·s et des résident·e·s de la Petite Couronne restant en Île-de-France ont déclaré marcher davantage, au détriment de la voiture, des taxis, des VTC et même des transports en commun.
Par ailleurs, un phénomène notable a émergé : 5 % des personnes interrogées ont indiqué s’être dotées d’un vélo, ou envisager de le faire, pour leurs déplacements pendant les Jeux Olympiques. Cela représente environ 340 000 vélos potentiellement achetés en vue des JO, contribuant ainsi à compenser la baisse des ventes de vélos enregistrée en France en 20235.

  1. Varoquier, J., Allezy, L., Hélaine, F. 2024. « Nous sommes en passe de réussir un exploit olympique » : Valérie Pécresse entrevoit un bilan très positif pour les transports, publié dans Le Parisien du 08/08/2024.
  2.  Ministère des sports, de la jeunesse et de la vie associative 2024. Premier bilan des Jeux olympiques de Paris 2024 et premières perspectives sur les Jeux paralympiques, 16/08/2024.
  3. 6t bureau de recherche 2024. Comment les Parisien·ne·s et les Petit·e·s Couronnais·es adapteront leur mobilité pendant les Jeux Olympiques Paris 2024 ? , https : //www.6-t.co/etudes/comment-les-parisien-ne-s-et-les-petit-e-s-couronnais-es-adapteront-leur-mobilite-pendant-les-jeux-olympiques-paris-2024.
  4.  Ipsos et Europ Assistance 2024. Baromètre des vacances d’été 2024.
  5. Selon l’Union du sport et du cycle, les vente de vélo en 2023 aurait baissé de 14% en 2023 par rapport à 2022 : Union du sport et du cycle 2024. L’observatoire du cycle : Les chiffres du marché, https : //www.unionsportcycle.com/observatoire-du-cycle/chiffres-marche

Ewa

Les priorités de Grégoire de Lasteyrie pour l’Île-de-France

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Grégoire de Lasteyrie.

Changement important en ce début d’année : Île-de-FranceMobilités met en œuvre une réforme tarifaire pour simplifier la vie des voyageurs avec deux tarifs possibles pour utiliser les transports publics franciliens contre 50 000 combinaisons de prix jusqu’alors. C’est l’un des temps forts retenus par Grégoire de Lasteyrie, le vice-président d’IDFM, qui était l’invité le 16 janvier du Club VRT et a profité de l’occasion pour évoquer les autres grands rendez-vous de 2025.

Déjà premier vice-président d’Île-de-FranceMobilités (IDFM) et délégué spécial chargé des Mobilités, Grégoire de Lasteyrie est devenu à l’automne dernier vice-président de la région chargé des Transports. Un rôle clé dans une région qui enregistre chaque jour 9,4 millions de déplacements. « Le réseau de transport public d’Île-de-Franceest le plus fréquenté au monde après Tokyo et le plus dense après Londres », a rappelé l’élu de l’Essonne (il est aussi maire de Palaiseau) lors de son intervention le 16 janvier devant les adhérents du Club VRT.
Le réseau, qui s’étend sur 2 200 km, est aussi au quatrième rang compte tenu de sa longueur. « Il sera le plus long une fois les travaux du Grand Paris Express achevés », poursuit-il.
Ce réseau compte 1 900 lignes de bus, des métros, des RER, des trains, du TAD, du vélo, du tram, bientôt du câble… « Il évolue pour devenir plus performant, plus écologique et plus connecté », souligne Grégoire de Lasteyrie. D’ici 2031, quatre nouvelles lignes du Grand Paris Express seront mises en service. De plus, dès cette année, 130 nouveaux matériels roulants vont équiper le RER NG et la ligne 19. Ce qui portera à 1200 le nombre de rames neuves ou rénovées depuis 2016. Le démarrage de l’exploitation des tramways nouvelle génération TW20 sur le T1 est aussi au programme.
Le réseau de bus ne sera pas en reste, puisqu’il est prévu d’y déployer 1 000 bus entièrement électriques ou fonctionnant au GNV et de passer au HVO (huile végétale hydrotraitée) les bus diesel encore en circulation, afin d’améliorer leur impact écologique jusqu’à ce qu’ils soient remplacés, lorsqu’ils arriveront en fin de vie. 2025 sera aussi l’année du lancement des premières lignes de covoiturage prévues pour faciliter les déplacements des Franciliens.
L’arrivée d’un nouvel opérateur Véligo permettra de passer de 20 000 à 40 000 véhicules électriques en location et de disposer de davantage de vélos cargos. Mais la grande nouveauté de l’année, c’est la réforme tarifaire. « C’est une révolution, car jusqu’au 31 décembre, il existait 50 000 tarifs différents en fonction du lieu de départ et d’arrivée », rappelle Grégoire de Lasteyrie. Désormais, il n’y a plus que deux combinaisons possibles. Cette simplification devrait favoriser l’adoption du Pass Liberté+ sur l’ensemble de l’Île-de-France pour les usagers occasionnels, tandis que les gros consommateurs conserveront leur Pass Navigo. Ce changement tarifaire s’accompagne d’une dématérialisation des titres de transport. « Valider avec son téléphone, même sans batterie devient possible », souligne le vice-président d’IDFM.

Le paquet sur la sûreté

Pour favoriser l’usage des transports en commun, IDFM mise sur la sécurité, y consacrant des investissements conséquents, afin de pouvoir disposer d’un effectif de 3 000 agents de prévention et de sûreté, en complément des forces de police et de gendarmerie. L’autorité organisatrice prévoit d’en ajouter 1 000 de plus et de doubler les effectifs des 50 agents de la Brigade Régionale des Transports déployés à la demande. Enfin, les 50 équipes de sécurité cynotechnique, composées de chiens et de leurs maîtres, recrutées pour lever les doutes en cas d’objets délaissés durant les Jeux, seront confirmées. Le centre de commandement unique (CCOS), inauguré en 2022 et financé en grande partie par IDFM, doit aussi monter en puissance. Basé au cœur de la Préfecture de Police de Paris, il utilise 80 000 caméras de vidéosurveillance disposées sur tout le réseau pour garantir la sécurité dans les transports.Un budget sous contrôle Le budget des transports franciliens s’élève à 13 milliards d’euros pour le fonctionnement des réseaux et à 3,7 milliards d’euros pour les investissements de nouveaux équipements. L’arrivée du Grand Paris Express engendrera des coûts de fonctionnement supplémentaires, évalués à un milliard d’euros par an. « Les recettes générées par ces lignes ne couvriront pas les charges », confirme Grégoire de Lasteyrie. C’est pourquoi IDFM s’est efforcé de trouver les moyens pour faire face à ces nouveaux besoins, sans mettre davantage à contribution les usagers qui financent actuellement un quart du prix des transports.
La présidente d’Île-de-France Mobilités, Valérie Pécresse, s’est en effet engagée à ce que cette proportion soit stable dans le temps et que la hausse annuelle des tarifs des transports ne dépasse pas l’inflation + 1 %. IDFM a négocié en octobre 2023, avec Clément Beaune, alors ministre des Transports et Élisabeth Borne, quand elle était Première ministre, un protocole dotant les transports parisiens de nouveaux moyens. Outre une hausse du financement des collectivités, l’Etat s’est engagé à relever le versement mobilités, ainsi qu’à lui verser une part du versement provenant de la taxe de séjour payée par les clients des hôtels en Île-de-France. Ce qui permet à IDFM de disposer d’un budget en hausse de 4,76% cette année. Une rallonge d’autant plus indispensable que la révolution billettique a coûté 30 millions d’euros. De son côté IDFM a augmenté le prix du pass Navigo au niveau de l’inflation et celui du ticket de métro de 6 %. « Ce qui reste raisonnable si on le compare avec des réseaux similaires. Le prix du billet de métro à l’unité à Londres est de £6.70, soit 8 euros », souligne l’élu. « L’accord obtenu entre Valérie Pécresse et Élisabeth Borne sécurise IDFM face aux charges à venir. Celles du GPE seront financées », assure-t-il.

Un nouveau contrat 
pour la RATP

La mise en concurrence des bus oblige IDFM à négocier différemment le contrat qui le lie à la RATP. « Il y a un changement de nature. Il nous faut garantir la qualité, la régularité, la sécurité pour l’usager », résume Grégoire de Lasteyrie. IDFM examine l’héritage des JO afin de voir ce qui pourrait être conservé en matière de propreté et de présence en gare. « Accorder plus de personnel est un sujet que nous étudions, mais pour les Jeux, nous avions affaire à des personnes qui n’étaient pas des habitués. Il fallait un accompagnement pour gérer les flux… » IDFM regarde donc dans quelle mesure plus de personnel en station permettrait d’offrir un meilleur service aux voyageurs du quotidien sur les lignes les plus chargées ou les plus fréquentées par les touristes. « Nous examinons ce que nous pouvons proposer avec une négociation très fine des prix, car il faut s’assurer que l’argent public soit bien dépensé et utiliser au mieux chaque euro », précise Grégoire de Lasteyrie.

Les enseignements 
de la mise en concurrence des bus Optile

Le processus de mise en concurrence des bus Optile est lancé depuis 2021. La préparation des premiers appels d’offres a nécessité de faire passer un système qui comprenait plus d’une centaine de contrats, passés de gré à gré, à 36 délégations de service de transport public. « Nous avons redéfini le réseau pour repenser les lignes. Il a également fallu assurer la transition, faire converger les statuts et prendre en compte l’humain dans la production des offres et mettre en place un accompagnement social. C’était le premier enjeu des premiers contrats mis en concurrence», précise Grégoire de Lasteyrie.
Suite à plusieurs conflits sociaux, une nouvelle pondération a été mise en place donnant davantage de poids au social. Les premiers contrats se sont toutefois déroulés dans un contexte inimaginable : guerre en Ukraine, hausse de l’énergie, inflation. D’où des coûts non prévus pour les opérateurs, qui ont donné lieu à des discussions pour les prendre en compte dans les contrats via des avenants.
« Nous avons examiné l’ensemble des demandes des opérateurs ligne par ligne, de manière à repartir sur des bases saines. Et si certains opérateurs critiquent notre effort, nous considérons que le risque économique doit perdurer, sans quoi nous ne serions plus dans le cadre d’une DSP, mais d’une régie », justifie le représentant d’IDFM. Les nouveaux appels d’offres qui vont démarrer début 2026 bénéficieront de ces acquis.

La concurrence des bus parisiens est lancée

L’ouverture à la concurrence des 308 lignes de bus de la RATP a été repoussée après les Jeux olympiques pour éviter les tensions. Cette fois, c’est parti et Grégoire de Lasteyrie juge légitime que la compétition concerne à terme l’ensemble du réseau francilien.
Avant de lancer ce chantier, la mission Bailly a été chargée de plancher sur les conditions de mise en œuvre, prenant en compte les sujets sociaux. « Il est prévu que les agents de la RATP conserveront leurs acquis sociaux dans le cadre d’un sac à dos social que tous les opérateurs devront respecter », rappelle Grégoire de Lasteyrie. Si jusque-là peu d’opérateurs étrangers se sont portés candidats lors des appels d’offres, le vice-président considère que c’est sans doute parce que les cahiers des charges sont rédigés en français et car les opérateurs français ont un avantage concurrentiel en raison de leur meilleure connaissance du marché. « Cependant, lorsque les opérateurs étrangers s’intéressent à nos réseaux, la qualité de leurs offres progresse au fur et à mesure de leurs réponses », constate-t-il.

Le coût de la (non) concurrence…

Le PDG de la RATP, Jean Castex, souhaite la création d’un observatoire de la concurrence pour évaluer son coût. Grégoire de Lasteyrie estime qu’on pourrait également envisager un observatoire de la non-concurrence. « Avant même sa mise en concurrence, le réseau de bus Paris-Saclay enregistrait déjà des grèves et cette ligne connaissait des problèmes de production », rappelle-t-il pour démontrer que les conflits sociaux ne sont pas l’apanage de l’ouverture à la concurrence. « Il existe aussi un coût pour l’inaction. La mise en concurrence est l’occasion de réfléchir à une plus grande productivité et une meilleure efficience. Il est toujours intéressant de rechercher comment l’argent public est dépensé. Si nous faisons cet exercice, il faut le réaliser dans son intégralité. »

… et celui de l’accessibilité

« L’accessibilité est un sujet majeur », rappelle Grégoire de Lasteyrie alors que la présidente de région Valérie Pécresse souhaite un métro 100 % accessibles.
Les bus, le réseau francilien et le RER sont déjà accessibles aux personnes à mobilité réduite (PMR). Rendre le métro historique accessible coûterait entre 15 et 20 milliards d’euros. « Malgré la difficulté, nous devons étudier comment faire », plaide l’élu régional.
Pour avancer sur le sujet, IDFM a choisi de commencer par la ligne 6, considérée comme la plus facile à rendre accessible, car elle circule en aérien sur la moitié de son parcours. « Nous avons proposé un financement tripartite avec la mairie de Paris et l’État pour trouver les 800 millions nécessaires », détaille Grégoire de Lasteyrie. Pour envisager la généralisation de la mise en accessibilité du métro sur l’ensemble du réseau, il conviendrait de réaliser une étude dont le coût est évalué à 3 millions d’euros. « Il devra être aussi cofinancé, car la région ne pourra pas le faire seule », prévient Grégoire de Lasteyrie

Priorité à l’information voyageurs«

L’information des voyageurs en situation perturbée est un sujet central dans les travaux menés avec l’ensemble des opérateurs », assure le représentant d’IDFM qui souhaite que l’on tire les enseignements de ce qui avait été fait en amont des Jeux. « Nous avions prévu 120 plans B en cas de difficultés. Nous en avons activé trois ou quatre et cela ne s’est pas vu, parce que cela avait été bien préparé et qu’il y avait une bonne coordination », souligne-t-il. « Je ne veux plus que, lorsque que le RER ou le métro s’arrête, les gens aillent sur les réseaux sociaux pour savoir ce qui se passe. Il y a de meilleures manières de leur apporter l’information », poursuit le maire de Palaiseau. IDFM veut travailler sur l’information sonore, en améliorant la prise de parole des conducteurs, mais aussi donner des informations via des panneaux d’affichage. « Lorsqu’une gare est fermée, nous savons où seront mis en place les cars de remplacement. Il faut réfléchir à la prédisposition de panneaux donnant les informartions. Si en cas de perturbation nous parvenons à diffuser une information fiable, nous aurons une réduction du mécontentement des usagers, même s’il y a une augmentation du temps de trajet », affirme-t-il.

BHNS et cars express, 
solutions d’avenir

La faillite de la société belge Van Hool, constructeur des bus électriques T Zen 4, a retardé la livraison de ces rames qui doivent équiper la ligne Viry-Châtillon à Corbeil-Essonnes. La société en avait livré cinq, les vingt autres ne sont pas complétement terminés. IDFM a passé un accord avec un industriel suisse pour réaliser les prestations qui relevaient de Van Hool, afin d’en achever la construction. « Nous avons trouvé une solution, en cours d’expertise. Notre objectif est de pouvoir avoir une deuxième ligne opérationnelle cette année », annonce le vice-président d’IDFM.
Pour développer d’autres lignes à l’avenir, Grégoire de Lasteyrie mise davantage sur les bus à haut niveau de service, «plus faciles à mettre en œuvre, plus simples à financer. » Il compte également sur les cars express. Il existe actuellement 50 lignes de cars express en Île-de-France et l’objectif d’IDFM est d’en avoir 45 autres dans un avenir proche. Dont 10 en Essonne et une ligne à Corbeil dès cette année. « Le car express, c’est le RER de ceux qui n’en ont pas. Cela permet un déplacement rapide avec une fréquence élevée et une qualité de confort importante ».

Transparence 
sur les calendriers

Les travaux du Grand Paris font l’objet de critiques pour leurs retards. « Il y a un sujet de retards sur les infrastructures mais aussi sur le matériel roulant», souligne Grégoire de Lasteyrie. « Quand on a un calendrier décalé sur la ligne 15, sur Eole ou sur l’ensemble des projets du Grand Paris, la crédibilité n’existe plus. Quand on nous annonce un retard, on se demande si c’est le dernier », poursuit-il, tout en regrettant qu’IDFM soit prévenu des retards alors que cela fait souvent six mois, voire davantage que les techniciens le savent. «Nous plaidons pour plus de transparence en amont, afin d’obtenir des calendriers plus fiables dès l’origine. » Pour justifier les retards des livraisons des MI20 dont la date de livraison est désormais annoncée pour 2027, Alstom met en cause le fait que le commanditaire a des niveaux de spécifications n’existant nulle part au monde, tandis que de son côté la RATP reproche au constructeur d’avoir des processus longs. « Aujourd’hui, nous finançons ces contrats. Nous serons propriétaires du matériel, mais c’est la RATP qui a contracté avec Alstom. Nous ne sommes pas parties prenantes et ne pouvons donc pas intervenir. C’est pourquoi nous voulons trouver une solution pour qu’à l’avenir, le matériel arrive toujours en temps et en heure. » IDFM envisage de devenir le commanditaire en direct, de manière à avoir une plus grande maîtrise de ces sujets. « Cela se fera en travaillant avec la RATP, la SNCF ou les autres opérateurs européens, de manière à bénéficier de leur expertise », précise encore Grégoire de Lasteyrie

Pas d’urgence pour Orlyval

Aucune décision n’a encore été prise concer- nant l’avenir d’Orlyval, une ligne qui a perdu de son intérêt depuis le prolongement de la ligne 14 jusqu’à Orly. «Nous n’avons pas encore tranché. Nous verrons comment évolue son usage» affirme le vice-président d’IDFM. Les jours de cette ligne, qui date de 1991, semblent toutefois comptés, car son matériel roulant arrive en fin de vie. Faudra-t-il en faire une desserte locale, comme le demandent des collectifs d’usagers et des communes, la transformer en piste cyclable, ou dédier son infrastructure à des lignes de bus ou des navettes ? « Il n’y a pas d’urgence à trouver la bonne solution», temporise Grégoire de Lasteyrie.

Inquiétudes pour les trains de banlieue

La FNAUT redoute l’ouverture à la concurrence des trains de banlieue, craignant une grande complexité de mise en oeuvre.
« Avant chaque changement, il est normal qu’il y ait des inquiétudes », admet Grégoire de Lasteyrie. « Pour les bus, il fallait aussi une expertise technique. En ferroviaire, il faut en plus prendre en compte la réglementation, mais il n’y a pas d’alerte. Ce n’est pas parce que c’est compliqué que nous n’y parviendrons pas. Ceux qui remporteront les appels d’offres auront la capacité technique », assure-t-il.
IDFM a prévu d’inscrire la qualité de service, la fréquence, la fiabilité, la propreté, la sécurité et l’information des voyageurs dans ses appels d’offres et de mettre en place des objectifs bonus-malus incitatifs.
Le représentant d’IDFM prédit un effet positif. « Demain, nous aurons un pilotage du contrat plus précis qu’aujourd’hui et la mise en concurrence permettra davantage d’innovations. Je ne crois pas au monopole de l’innovation du commanditaire. Les usagers peuvent compter sur IDFM pour continuer à faire progresser les transports en commun en Ile-de-France. »

Ewa

La tribune de 6t – Pour concurrencer la voiture sur les déplacements interurbains, les correspondances en modes collectifs doivent passer de la coupure à la couture

Pour concurrencer la voiture, les opérateurs doivent jouer sur plusieurs leviers pour faire des correspondances la clef de voûte des voyages réussis.

Camille Krier, Nicolas Louvet, 6t-bureau de recherche

Alors qu’une récente étude de l’association de consommateurs UFC-Que choisir pointe le manque de ponctualité des TER, et que la SNCF a récemment mis en application une limitation de bagages sur les trains INOUI et Intercités, la qualité de service offerte par les modes ferroviaires interurbains soulève une fois de plus des interrogations de la part des Français. La voiture personnelle, quant à elle, semble offrir à ses usagers de nombreux avantages (rappelons le triptyque « ubiquité – instantanéité – immédiateté » offert par ce mode selon Gabriel Dupuy).
Si elle ne garantit pas une fiabilité totale sur la route des vacances ou des week-ends prolongés, avec les risques d’embouteillages que ce choix modal comporte, et qu’elle ne permet pas non plus d’emporter le maximum de deux valises par passager permis par la SNCF (même les plus vastes monospaces ou SUV n’ont pas la capacité de stocker une dizaine de valises, lorsqu’ils transportent cinq passagers), la concurrence entre train et voiture pour les déplacements interurbains demeure rude, et se renforce avec l’effet combiné de la baisse des prix du carburant et de la hausse de celui des billets de train. Selon les chiffres de la dernière enquête mobilité nationale, la voiture est utilisée pour plus de 72,4 % des voyages en 2019, alors que seuls 13,8 % sont effectués en train. Face à l’impératif de réduction des émissions de GES du secteur de la mobilité, il apparait aujourd’hui crucial de renforcer l’attractivité des modes collectifs par rapport à la voiture individuelle. Cela vaut aussi bien pour les trajets du quotidien, avec le levier clef des déplacements domicile-travail, que pour les déplacements longue distance, pour lesquels certains ménages conservent une voiture dont ils pourraient se passer au quotidien.

brumath parking © facebook
Parking à la gare de Brumath (Bas-Rhin).

La correspondance en transports collectifs, 
le nœud du problème

Face à l’avantage du porte-à-porte offert par la voiture individuelle, combiner plusieurs lignes de transports collectifs au sein d’un même déplacement permet d’augmenter la portée de ces modes alternatifs et d’enrichir l’offre proposée. La forme même du réseau ferré français, en étoile autour de Paris, implique pour nombre de voyageurs de réaliser des correspondances entre deux gares de la capitale. Les correspondances en train et cars régionaux sont aussi incontournables pour rallier certaines destinations. Les correspondances font ainsi partie intégrante de l’expérience des voyageurs en modes collectifs interurbains. 6t-bureau de recherche a accompagné l’Autorité de la Qualité de Service dans les Transports (AQST) dans la compréhension fine de l’expérience et du ressenti des voyageurs en correspondance.
Il en ressort avant tout que la réalisation de voyages en modes collectifs interurbains avec correspondances est un choix par défaut, associé à une perte en qualité de service. Les correspondances constituent en effet une rupture dans l’expérience de voyage et peuvent en entraver la fluidité.
Les voyageurs peuvent être amenés à changer de gare, en empruntant un transport en commun urbain pour relier les deux ou à cheminer avec de lourds bagages dans des espaces de transit bondés aux heures de pointe. De plus, en cas de voyage avec correspondance, les conséquences des retards et perturbations se révèlent encore plus négatives pour les voyageurs, la perturbation d’un des modes empruntés pouvant se répercuter sur l’ensemble de la chaine de déplacement, avec des enjeux en termes d’indemnisation, notamment dans le cas où plusieurs transporteurs différents sont concernés.
Associées à une perte de temps et de confort, les correspondances sont également source d’incertitude et de stress pour les voyageurs, qui déplorent un manque de fiabilité.

D’un objectif de fluidification de la rupture de charge au traitement des correspondances comme opportunités

Afin de concurrencer la voiture sur davantage d’origines-destinations interurbaines, il s’agit donc de s’attaquer à l’enjeu des correspondances en transports collectifs. Cela peut notamment passer par deux leviers principaux.
Le premier est celui de la diminution de l’incertitude et des craintes des voyageurs quant au bon déroulement du déplacement dans son ensemble. Au-delà de la réduction des perturbations, il demeure crucial, le cas échéant, de travailler à la diffusion en temps réel d’informations précises et claires sur l’état du trafic, les mesures d’adaptation et d’indemnisation proposées, souvent mal connues des voyageurs. Cela leur permet, d’une part, de s’adapter le moment venu et, d’autre part, d’améliorer le ressenti et l’acceptabilité de ces situations.
Le second levier majeur réside dans la résorption du ressenti négatif associé à la rupture de charge que représentent les correspondances. Cette rupture se traduit à la fois dans le temps, avec des temps d’attente jugés trop longs ou au contraire des temps de correspondances réduits pouvant générer du stress chez les voyageurs, et dans l’espace, avec un enjeu d’orientation, dans les espaces de transit comme dans l’espace public.
Assurer une bonne expérience du temps et de l’espace durant les correspondances permet ainsi aux voyageurs de mieux vivre la rupture de charge qu’elles impliquent. Les déplacements d’un mode à un autre peuvent ainsi être fluidifiés par différentes mesures de guidage et de signalétique, et l’attente peut être rendue plus agréable par un traitement qualitatif des espaces et la mise à disposition de services et d’aménités.
S’il apparait difficile de maintenir l’illusion d’un déplacement sans couture, les opérateurs peuvent enfin tâcher de faire des correspondances une pause appréciable. Ces dernières pourraient alors être traitées comme des opportunités : opportunité de se ressourcer ou de se restaurer, de se divertir ou pourquoi pas de découvrir une destination supplémentaire en cours de route. Des partenariats seraient ainsi à imaginer entre opérateurs et acteurs locaux du tourisme et de la restauration.
Face à la concurrence de la voiture, les correspondances en modes collectifs interurbains ne constitueraient alors plus le nœud du problème, mais plutôt la clef de voûte d’un voyage réussi.

Ewa

Le vélo, un sujet d’intérêt national selon Thierry du Crest

Thierry du Crest, coordinateur interministériel pour le développement du vélo et de la marche était l’invité du Club le 5 décembre 2024. Il est revenu sur les conséquences des réductions des aides de l’ambition plan qui avait été tracé.

Club Du Crest 24
Thierry du Crest

Mai 2023, Élisabeth Borne, Première ministre, promet une enveloppe de deux milliards d’euros sur cinq ans « pour les infrastructures, la sécurité et la formation à la pratique du vélo ». Ce plan a notamment pour ambition de « doubler le réseau cyclable d’ici 2030 ». Vingt mois plus tard, nouvelles subventions et appels d’offres sont gelés, compromettant le financement de projets lancés partout en France pour le développement de la pratique du deux-roues. Les mobilités dites actives ne sont plus prioritaires dans un contexte budgétaire contraint et une situation politique pour le moins tendue. Pour Thierry du Crest, actuel coordinateur interministériel pour le développement du vélo et de la marche, poste créé en 2006, qu’il occupe depuis 2019, la mobilité à vélo reste un sujet d’intérêt national. Reste que le rétropédalage tombe au plus mauvais moment si l’on en juge par les derniers indicateurs de mobilités. Les résultats de la dernière enquête sur la mobilité des personnes, réalisée en 2019, démontrent que la part des déplacements à vélo ne progresse pas et reste en France à 2,7%. C’est stable par rapport à l’enquête précédente datant de 2018. Et très faible comparé à ceux des voisins de la France. En Belgique et en Allemagne, ce taux atteint de 11 à 12%. Aux Pays-Bas, le pays le plus cyclable du monde, il grimpe même à 28%. « On part donc de très bas », reconnaît Thierry du Crest, qui relève aussi, de 2008 à 2019, une progression de 1,4 % de la marche et des transports collectifs. La décroissance des mobilités actives n’est pas un phénomène récent. Elle est même régulière depuis l’après-guerre. Le point bas de la pratique du vélo a été atteint autour de 2010. La marche, elle, a regagné un peu de place depuis les années 90, même si peu d’enquêtes fréquentes, à l’échelle du pays, ne le démontrent précisément.

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Le Club VRT s’est tenu le le 5 décembre 2024 dans nos locaux de la rue de Clichy, à Paris.

De multiples atouts

Le potentiel du vélo reste incontestable en France. « Il n’y a pas de raisons que nous n’atteignions pas la part modale de nos voisins proches », estime l’invité du Club VRT. Près de 40% des déplacements en voiture dans l’Hexagone, portent sur des trajets de moins de cinq km, ce qui représente 20 minutes à vélo. C’est vrai quels que soient les territoires, ruraux, périurbains, grandes villes. La proportion s’élève même à 75% pour les trajets de moins de dix km, soit 40 minutes à vélo. Autre indicateur :  30% des gens en France font l’ensemble de leurs déplacements à moins de 9 km. « Cela donne un ordre de grandeur théorique de la part modale et du potentiel du vélo », indique le coordinateur, en rappelant qu’il correspond aussi à de nombreux enjeux sociétaux importants. C’est le cas de la décarbonation et de la réduction de la voiture utilisée seul. Face aux tensions sur le pouvoir d’achat, le vélo est aussi une option de déplacement peu chère. Les mobilités actives offrent par ailleurs des bénéfices en matière de santé publique. Les maladies liées à la sédentarité progressent, sur toutes les tranches de populations et notamment chez les jeunes. Les 30 minutes d’activité physique recommandées par jour par l’OMS (et une heure pour les jeunes), peuvent être atteintes avec un aller-retour de 15 minutes à pied ou en vélo. « Mettre une mobilité active dans son schéma personnel de déplacement permet d’atteindre ses objectifs sans aller dans une salle de sports », estime Thierry du Crest.

Un spécialiste des transports

Polytechnicien et ingénieur des ponts et chaussées, Thierry du Crest a réalisé l’essentiel de sa carrière dans les transports. Il a débuté au Certu (ex Cerema), le centre d’études sur les réseaux, les transports, l’urbanisme et les constructions publiques, où il suivait en particulier les problématiques de péages urbains et d’évaluation socio-économique de projets de mobilité. Il a ensuite rejoint la Ratp, puis la métropole de Lille, avant d’intégrer le ministère de la Transition Ecologique. Lecteur de VRT depuis 25 ans, il a quitté la direction du projet CDG Express pour prendre, en septembre 2019, le poste de coordinateur interministériel pour le développement du vélo et de la marche.

Bond en avant

Le spécialiste juge « remarquable » la croissance de la pratique « inédite sur ces cinq ou dix dernières années ». Il en prend pour preuve les données sur l’évolution de la part modale du vélo publiées par l’Insee. En 2015, elle s’établissait à 2%, contre 4% en 2023. L’usage du vélo a donc doublé en huit ans. « Si les transports collectifs avaient gagné 2% à l’échelle nationale, ce serait un très grand succès. Même si on part de bas, c’est remarquable. Moi qui ai passé 25 ans dans les transports, je n’ai jamais connu cela à une échelle nationale ». Première explication à ce bond en avant : l’effet déconfinement qui a agi comme un accélérateur de tendance, constaté par tous, notamment à Paris. Le monde des transports collectifs a-t-il été victime d’un report modal vis-à-vis des bus, trams ou du métro ? Thierry du Crest avoue ne pas pouvoir apporter de réponse définitive. Une autre impulsion majeure est liée depuis dix ans au développement du vélo à assistance électrique. Il offre un accès à la pratique à une population pour qui elle était plus compliquée, comme les femmes et les seniors, sur-représentés dans les achats de vélos à batterie. L’assistance électrique « aplanit les collines » ouvrant ainsi le vélo à plus de zones géographiques. En France, elle a devant elle une belle marge de progression si l’on en croît les parts de vente en Allemagne et Belgique, où plus de 50% des vélo vendus sont équipés d’assistance électrique, contre 25% en France.

Incontournable marche

Dominante dans les déplacements de moins d’un kilomètre (80%), la marche reste une pratique qui perdure de façon significative mais elle est victime de la diminution des trajets. Selon Thierry du Crest, quelques collectivités locales pionnières s’en sont emparé en mettant en place des plans piétons. Elles peuvent d’ailleurs bénéficier de l’aide du coordinateur, de l’Ademe et du Cerema, pour avoir accès à des référentiels techniques. Ces plans doivent résoudre les questions de la sécurité et de traversées des passages piétons. Ils doivent aussi prévoir l’installation de bancs, de toilettes, l’aménagement de trottoirs pour les seniors. « Beaucoup de gens ne sortent pas parce que la marche n’est pas possible », souligne l’invité de VRT. Les transports en commun, ne prennent pas assez en compte selon lui, la marche, qui représente, avec l’attente, jusqu’à 50% du temps de trajet.

Cercle vertueux

Thierry du Crest veut aussi croire que la progression de la pratique est liée à l’impact des politiques publiques. Il cite les exemples de villes comme Grenoble ou Strasbourg. Dans la capitale alsacienne, le vélo a bénéficié du développement de pistes cyclables depuis les années 90. A Grenoble, l’usage de la voiture est passé de 53% à 41%, entre 2002 et 2020. « L’adaptation d’un territoire permet, dans le temps, de baisser la part modale de la voiture ». Pour le coordinateur interministériel, rattaché au ministre des Transport, les bases de cette politique publique pour le vélo sont désormais établies. Elles passent d’abord par la réalisation d’aménagements de pistes cyclable sécurisées, séparées, ou par la création de voies vertes. « Ces infrastructures permettent d’enclencher un cercle vertueux, car plus on voit de cyclistes plus on a envie de faire du vélo », rappelle-t-il. La réalisation d’espaces de stationnement est aussi déterminante, car la deuxième crainte des cyclistes est de se faire voler le vélo. Enfin, le coordinateur estime que la pratique fait l’objet de communication et d’opérations de sensibilisation comme « Mai à vélo ». Elles permettent d’aider des collectivités locales, des associations, des employeurs, à organiser des événements surtout pendant le mois de mai, partout en France pour créer des expériences et « un peu d’émulation ».

Une fin brutale des subventions

Que reste-t-il de l’ambitieux plan de plus de deux milliards d’Elisabeth Borne, qui portait sur la période 23-27 ? Voilà donc la première question posée au coordinateur. Pour Thierry du Crest, les annonces récentes faites par feu le gouvernement Attal, ne correspondent pas à l’arrêt du plan vélo-marche qui regroupait une somme de lignes de crédit autour de 2 milliards d’euros. Sur les 640 millions d’euros affectés à des aménagements cyclables, depuis 2019, il reste encore 400 millions à verser. Ce sont les nouvelles subventions et les nouveaux appels à projets qui ont été stoppés pour 2025 tandis que les aides à l’achat de vélo seront, elles, suspendues dès février 2025. Depuis 2017, elles permettaient aux ménages modestes de bénéficier de primes. Face à la crise budgétaire, le gouvernement a décidé de se concentrer sur le réseau national et ferroviaire, et de réduire la voilure sur les subventions aux collectivités locales. « L’Etat n’est pas chargé de développer les pistes cyclables. C’est bien aux communes, intercommunalités et départements de le faire en tant que gestionnaires de voiries. Cette partie vit encore car les subventions ont démarré en 2019 », souligne le coordinateur. L’objectif global de 100 000 km d’aménagement vélo est donc maintenu, mais «va surement prendre du retard au vu des contraintes budgétaires qui pèsent sur l’Etat et les collectivités ». Les infrastructures cyclables devraient atteindre en fin d’année 63000 km, contre 40 000 en 2017. L’objectif des 100 000 km nécessite une accélération qui semble désormais compromise. Thierry du Crest précise que les contrats de plan Etat-région, dotés de 185 millions d’euros continuent. Ils sont censés gérer des projets communs pour développer des vélo-routes, des itinéraires de loisirs, qui servent aussi pour les déplacements du quotidien. « L’appel à projet pour développer l’industrie du vélo, piloté par l’Ademe, devrait faire l’objet d’annonces échelonnées dans les mois qui viennent », promet le coordinateur.

Courage politique

Reste que l’un des objectifs portés par le plan vélo 2023-2027 d’atteindre 100 000 kilomètres de pistes cyclables d’ici à 2030 semble aujourd’hui compromis. L’invité du Club considère qu’il faut distinguer la situation des grandes et des plus petites agglomérations. Les premières ont des plans vélo ambitieux, qui se déploient. « Cela va continuer, même si les ambitions sont réduites ». Dans les territoires moyens, les situations varient. Certaines collectivités ont des politiques cyclables plus ou moins ambitieuses et complètes. Les élus vont décider de leurs priorités, « mais l’on peut craindre que dans certains endroits, la politique cyclable ne soit pas la priorité », concède le spécialiste des transports. D’un point de vue territorial, il rappelle qu’aujourd’hui, les enjeux ne sont pas dans les grandes agglomérations où la culture du vélo est acquise, mais dans les territoires. Une enveloppe de 649 millions d’euros doit permettre de poursuivre les projets engagés dans 27 territoires, soit deux par régions, comme Pontivy, Niort, Albi, Cœur de Savoie, ou Marie Galante. Leur territoire doit devenir cyclable dans six ans. « Demain, elles seront des références », veut croire le polytechnicien. Pour lui, la couleur politique des collectivités influent assez peu sur leurs ambitions vélo. Les blocages viennent plutôt de la difficulté à partager l’espace public. « Supprimer une file de stationnement, de circulation, faire changer les habitudes tout cela nécessite du courage politique. Mais ceux qui le font ne le défont pas après. Si l’on reprend l’exemple des Pays-Bas, il n’existe pas un gène du vélo batave mais une politique qui a commencé dans les années 70. Au début, les automobilistes ont râlé… Mais avec le temps, le territoire s’est transformé et aujourd’hui tout le monde est cycliste. Nous, nous n’avons démarré qu’en 2010 ». Les participants au Club VRT ont souhaité avoir du coordonnateur des réponses concernant l’intermodalité train-vélo. Il a reconnu que mettre le vélo dans le train restait compliqué. Aux Pays-Bas, 50 % des usagers du train arrivent à la gare à vélo. En France, les places dans les trains et en gare, les emplacements de stationnement, sont encore insuffisants. La massification de l’usage du deux-roues est encore difficilement envisageable, même si de plus en plus de TGV et TER offrent des possibilités de mettre à bord son vélo, pendant les périodes de vacances (exemple avec l’opération Jumbo Vélo en Val de Loire). Thibault Quéré, directeur du Plaidoyer et porte-parole de la Fub (Fédération française des usagers de la bicyclette), a rappelé que beaucoup des points abordés dans un livre blanc sur le sujet en 2021, n’avaient pas encore été réglés.

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Les cyclistes sont nombreux sur la rue
de Rivoli, à Paris.

Des cyclistes en sécurité en milieu urbain

L’accidentalité vélo s’établissait avant 2020 autour de 160 à 180 décédés par an. Si elle a grimpé depuis 2021 autour de 220 à 230 cyclistes tués, elle est plutôt stable depuis trois ans. Les statistiques démontrent une sur-représentation des personnes âgées circulant hors agglomération, ainsi que d’une population de cyclistes dite de loisirs, victimes d’accidents sans tiers, c’est-à-dire sans choc avec un véhicule. Premier constat : la croissance du vélo, très forte en milieu urbain, n’a donc pas été suivie d’une forte progression des décès. Les spécialistes qualifient ce phénomène de « sécurité par le nombre ». Plus il y a de cyclistes et plus les comportements s’adaptent. Thierry du Crest souligne aussi que même si le nombre d’accidents a augmenté, le risque individuel a baissé. Confirmation avec le nombre de blessés en milieu urbain. Il est lui aussi en augmentation, mais progresse moins que le trafic. Thierry du Crest en conclut « qu’il est devenu plus sûr à Paris de faire du vélo ». Autre observation, l’année dernière, aucun cycliste n’a tué de piétons. Ce qui est par ailleurs très rare. Pour la marche, les chiffres sont assez stables avec 480 décédés par an. Cela concerne essentiellement des personnes de plus de 70 ans, en agglomération, sur des passages piétons.

Les places de stationnement manquent, sont mal indiquées ou ne sont pas assez sécurisées. L’emport de vélo à bord et aussi toujours insuffisant. L’objectif de 70 000 places dans des trains n’est toujours pas atteint en 2024, pas plus que les huit places prévues par la loi d’orientation des mobilités promulguée en décembre 2019. Pour son mot de la fin, Thierry du Crest a rappelé que les mobilités actives étaient des enjeux d’intérêt national, malgré un contexte peu favorable. « J’invite les professionnels des transports collectifs à s’intéresser à l’intermodalités, à réfléchir comment mieux travailler ensemble, car cyclistes et piétons sont des utilisateurs des transports collectifs ».

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Vers un métro automatique 2.0

Si les métros automatiques font appel à des technologies qui sont aujourd’hui parfaitement maîtrisées (le CBTC par exemple), il est sans doute encore possible de les optimiser. Quelle est marge de progrès pour accroître la disponibilité et la résilience des matériels roulants et les installations ? Comment rendre les réseaux plus frugaux ? Quel rôle pour les agents ? Ce sont autant de sujets qui ont été abordés lors de la conférence organisée le 19 novembre par VRT.

Après quatre décennies de service, le métro automatique fait sa mue et entre dans une nouvelle ère, celle du 2.0. Les opérateurs vont se retrouver au cœur du système, affirme Patrick Violet, directeur opérationnel de la maîtrise d’œuvre des systèmes sur les lignes 15, 16 et 17 du Grand Paris Express chez Egis. Selon lui, le métro automatique 2.0 permet de fournir aux opérateurs des modes de visualisation « user friendly », en apportant les bonnes informations pour mieux exploiter et pour mieux maintenir le système de transport. À l’image d’internet, passé d’un système technique 1.0 – réservé aux informaticiens – à une plateforme 2.0 accessible à tous, le métro automatique suit une trajectoire similaire. Patrick Violet prend pour exemple les systèmes de CBTC, pour lesquels le système de supervision est à présent très détaillé, avec une imagerie très forte. L’innovation réside dans la multiplicité des objets connectés qui permettent désormais de collecter des informations précieuses pour tous les acteurs : exploitants, mainteneurs et bien sûr, usagers. «En effet, si le métro automatique permet de gagner deux minutes, ce gain de temps n’aura pas d’intérêt si l’usager en perd dix pour acheter un ticket», souligne-t-il. Il faut, explique-t-il, simplifier chaque étape du parcours, depuis l’orientation dans la station jusqu’à l’achat du billet, en minimisant la complexité perçue par l’utilisateur.

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La conférence a eu lieu le 19 novembre au 8 rue d’Athènes à Paris.

Optimisation de l’exploitation

Christophe Sanguina, directeur du centre d’excellence Métro-Tram Centre chez Keolis, rappelle les innovations mises à profit pour optimiser l’exploitation des métros automatiques.Il cite l’exemple de la récupération énergétique qui, en synchronisant l’arrivée et le départ des rames, permet de générer des économies « significatives ». Une autre innovation majeure réside dans la modulation de la composition des trains. «En exploitant des systèmes alternant des unités multiples (en heures de pointe) et des unités simples (en heures creuses), il est possible de réaliser des économies en termes de coût d’énergie et de maintenance ». Christophe Sanguina regrette que cette approche ne soit « pas toujours systématisée dans tous les designs de métro automatique »,. Une problématique que Keolis a soulevée lors du projet d’automatisation de la ligne B à Lyon. Mais les perspectives d’automatisation s’étendent bien au-delà, comme la possibilité d’entrer dans les ateliers en mode automatique, sans utilisation de conducteur. La conviction du représentant de Keolis est claire : « C’est tout à fait gérable d’un point de vue procédure et la technologie le permet très probablement ». Selon lui, « cette innovation ferait gagner énormément de temps à l’exploitant et lui apporterait beaucoup de flexibilité dans l’exploitation, tout comme la possibilité d’insertion et de retrait automatisé des rames sur un réseau en cas de de de gestion de crise.» Autre innovation pertinente, l’adaptation dynamique des temps d’arrêt en station. « Aujourd’hui la technologie nous permet d’avoir accès à une évaluation du nombre de personnes sur les quais, alors que traditionnellement les temps d’échange sont établis avec des données historiques. Cela doit permettre le parcours le plus rapide possible pour les passagers. » Cette vision trouve un écho chez Albin Rodot, directeur de Projet Intégration Système pour le Grand Paris Express chez Systra France. « En tant que société d’ingénierie, nous pouvons imaginer des fonctions transverses pour l’exploitation puisque l’ensemble des systèmes est désormais numérisé, ce qui permet d’offrir à l’exploitant et aux usagers des fonctions plus performantes, aussi bien à Lyon, sur le Grand Paris Express qu’à Toulouse, Dubaï, New York ou San Francisco. » Il indique que Systra a développé une méthodologie baptisée SEF (System Engineering Framework) dont l’objectif est de « maximiser les besoins des passagers et des exploitants ».

Recours à l’IA

L’intelligence artificielle représente bien évidemment une évolution, voire une révolution, dans la façon d’opérer, et le métro automatique n’échappe pas à la règle. « Il faut rester mesuré quant aux perspectives, mais aucun industriel ne peut ignorer les potentiels qu’elle peut apporter », estime Jean-Christophe Lebreton, Chief Technology Officier chez Siemens Mobility. Dans son entreprise, « l’IA générative sert déjà à améliorer la productivité des équipes en automatisant certaines tâches, notamment pour générer du code, analyser des cahiers des charges ou encore créer des tests automatiquement », explique-t-il. L’IA est aussi envisagée pour détecter les incidents et faciliter leur résolution, en particulier dans des systèmes complexes. L’industriel explore également la création de nouveaux services à travers sa plateforme Railigent X, conçue pour agréger des données, considérées comme le carburant essentiel de l’IA. Ces données permettent de mettre en place des services de maintenance prédictive, capables d’anticiper la dégradation de composants et d’orienter les mainteneurs ou opérateurs vers une résolution proactive des problèmes avant même qu’ils ne se manifestent. Enfin, Siemens investit dans le développement de produits embarquant l’intelligence artificielle. Ce volet, encore en phase de développement, pourrait inclure des innovations comme la détection d’obstacles via l’analyse d’images. Le groupe envisage également de faciliter l’acheminement de trains de travaux vers les dépôts sans nécessiter une ligne entièrement équipée en CBTC, grâce à l’utilisation de technologies comme les lidars, l’analyse d’images et la détection automatique de signaux. Même si le niveau de sécurité serait moindre que dans les systèmes traditionnels, l’absence de passagers permet d’accepter cette solution. Supervision François Destribois, senior executive de Hitachi Rail, met l’accent sur l’importance d’utiliser à bon escient la masse de données générées par le secteur ferroviaire. « L’enjeu principal consiste à savoir exploiter les données de manière pertinente. Nous y parvenons grâce à l’edge computing, qui permet de les traiter en temps réel. » Lors du dernier salon Innotrans, Hitachi a présenté sa solution HMAX (Hyper Mobility Asset Expert), une plateforme qui offre aux opérateurs des outils numériques basés sur l’intelligence artificielle pour optimiser la gestion des trains, des infrastructures et de la signalisation. François Destribois donne l’exemple des pancams, ces caméras dédiées à la surveillance des pantographes des trains, qui filment les équipements pour détecter des défauts ou des risques de casse. Jusqu’à présent, ces données étaient collectées en fin de journée pour être analysées en différé. « Avec l’Edge computing, ces informations sont traitées directement à bord des trains, ou sur les infrastructures, via des calculateurs locaux, qui ne transmettent que les données essentielles aux centres de contrôle. Ce gain de temps permet d’optimiser les interventions de maintenance et d’améliorer la disponibilité du matériel ». Albin Rodot décrit de son côté le projet mené par Systra en collaboration avec la SNCF pour optimiser la supervision des lignes RER E, B et D grâce au nouveau système ATS+. Ce projet repose sur des algorithmes avancés de régulation de trafic, qui révolutionnent les approches traditionnelles. « Ces algorithmes permettent de calculer en temps réel la qualité du service offert et de prédire son évolution sans intervention humaine. En identifiant les scénarios les plus pertinents, le système propose des ajustements pour améliorer l’exploitation en fonction des conditions », détaille-t-il. Ce dispositif peut intégrer des stratégies variées, comme la régulation du trafic, l’injection ou le retrait de trains, le remisage ou encore les contraintes liées à la maintenance. L’objectif est de lisser ces différentes opérations pour optimiser le fonctionnement global du réseau et garantir une meilleure qualité de service aux usagers.

Empreintes physiques

Si l’IA permet d’alléger certaines tâches, il est également possible de réduire l’empreinte matérielle des systèmes de transport, qu’il s’agisse des équipements installés dans les locaux techniques ou directement sur les voies. Un sujet sur lequel s’est engagé Siemens, notamment sur la fin programmée des balises de localisation. « À terme, ces balises pourraient être remplacées par des technologies plus avancées, basées sur des centrales inertielles, la détection magnétique, le mapping ou encore des dispositifs lidar », indique Jean-Christophe Lebreton. Siemens explore également des solutions pour moderniser les systèmes de communication radios utilisés par CBTC. Des programmes pilotes sont en cours avec le réseau MTA de New York pour remplacer les systèmes propriétaires actuels par des communications utilisant la 5G. L’idée est d’exploiter les infrastructures 5G publiques, ce qui réduirait l’empreinte matérielle au sol tout en accélérant les déploiements. Cependant, ce changement soulève des défis, notamment en matière de cybersécurité, et nécessite des négociations avec les opérateurs télécoms afin de garantir la priorité des données critiques des CBTC sur d’autres usages, comme le streaming vidéo. Cette approche est également envisagée pour le projet RTMS à Lille. La réduction de l’empreinte physique concerne aussi les interfaces avec la signalisation. Une nouvelle logique prévaut, celle des manœuvres intégrées. « L’enclenchement et la logique d’enclenchement seront désormais gérés directement dans le système CBTC, au lieu d’être déportés vers un système de signalisation classique. », ajoute le représentant de Siemens Mobility. Cette évolution reflète une volonté de simplification et de rationalisation des infrastructures, tout en favorisant des solutions plus intégrées et efficientes.

Automatisation des lignes anciennes

Pour Louis Villié, directeur général ORA L15 chez RATP Dev, « le métro 2.0 ne concerne pas seulement des métros neufs mis en service à partir de zéro. Il inclut également des opérations de renouvellement ». Et il poursuit, rappelant le « grand défi » relevé par les équipes de la RATP concernant la ligne 14 du métro parisien.« La 14, première ligne de métro automatique à gabarit lourd, était arrivée à la fin du cycle de vie du système, qui dure environ une trentaine d’années. Cela nous a placés de nouveau en position de pionnier avec la première ré-automatisation d’une ligne de métro automatique. » Il s’agissait tout d’abord de relever d’importantes contraintes techniques, en assurant à la fois le renouvellement du système existant et l’extension de la ligne, qui a doublé de longueur, passant de 14 à 28 kilomètres. La contrainte temporelle était également significative : la mise en service devait impérativement être prête pour les Jeux Olympiques de Paris, au cours desquels la ligne 14 devait jouer un rôle stratégique en desservant à la fois l’aéroport d’Orly et le Stade de France. Il a fallu mener 3 000 chantiers par an, sur une décennie, tout en limitant au maximum les interruptions de service, sauf lors des toutes dernières étapes avant les JO. « C’est un exploit majeur, surtout en maintenant un niveau de production de 100 % pendant les travaux, et en garantissant une transition fluide au moment de l’activation du nouveau système », affirme-t-il. Enfin, le projet représentait également un défi organisationnel, notamment pour le rôle des agents de station. « Dès le lancement de la ligne 14, les agents ont bénéficié de prérogatives élargies. Ils pouvaient ainsi intervenir directement sur les façades de quai pour condamner une porte défectueuse, permettant au train de repartir en mode automatique. Avec la prolongation de la ligne, leurs responsabilités ont été renforcées afin de garantir une réactivité accrue dans la gestion des incidents. Récemment, ils ont obtenu l’accès à la voie pour intervenir directement en cas de problèmes. » En outre, ils peuvent désormais, sur ordre du PCC, activer le Commutateur d’Isolement du Contrôle des Portes (Kiscopo). Ce dispositif permet le départ automatique d’un train même en présence d’un problème de fermeture, un type d’incident qui représente environ 50 % des situations rencontrées. Bientôt, ces agents auront également la capacité de déplacer les navettes.

Cybersécurité

« L’intégration des nouvelles technologies dans des réseaux existants représente un défi de taille », complète Patrick Violet, en faisant également référence aux lignes conçues dans les années 70 à 90. Ces projets se distinguent radicalement de ceux menés pour des créations entièrement nouvelles, comme celles du Grand Paris Express. « La première étape consiste à réaliser un diagnostic approfondi des installations existantes, afin de déterminer celles qui sont compatibles avec les nouvelles technologies ». Ce travail minutieux conduit à des décisions stratégiques : faut-il revoir certaines exigences à la baisse ou, au contraire, décider de renouveler davantage que prévu afin d’atteindre un niveau technologique ambitieux ? Dans certains cas, il devient nécessaire de remplacer des systèmes qui pourraient encore fonctionner pendant des années, mais qui empêcheraient le réseau de franchir un cap décisif en matière d’innovation. Cette modernisation pose également la question des risques de cybersécurité. « Les systèmes anciens n’ont pas été conçus avec les normes de sécurité actuelles et peuvent présenter de nombreuses vulnérabilités», souligne Patrick Violet. Les décideurs doivent alors se demander si ces équipements peuvent être conservés ou mis à niveau et évaluer l’impact de ces choix sur le budget et le calendrier des travaux. Dans ce processus, la collaboration avec les exploitants s’avère cruciale. « Les arbitrages sont parfois complexes : accepter de limiter un niveau technologique pour gagner deux ans sur le calendrier peut être un compromis nécessaire », note encore Patrick Violet.

Consommation d’énergie : un enjeu prioritaire en 2024

La gestion de la consommation d’énergie est un sujet crucial, pour des raisons économiques et environnementales. «Environ 50 % de l’énergie consommée provient de la traction des trains », rappelle François Destribois, Senior Executive – Hitachi Rail. « Notre approche consiste à mettre en œuvre une combinaison de stratégies précises pour réduire la consommation énergétique. Par exemple, en ajustant légèrement la vitesse des trains, en tirant parti des pentes pour réduire la consommation, ou encore en synchronisant les départs de trains avec les moments où d’autres régénèrent de l’énergie » explique-t-il, en précisant que cette gestion fine des flux permet d’atteindre des résultats significatifs. La ligne North-South East-West du réseau SMRT, à Singapour par exemple, équipée du système Green CBTC d’Hitachi a ainsi abaissé sa consommation énergétique de 8 %. En s’appuyant sur l’intelligence des données et des technologies toujours plus avancées, l’objectif est d’atteindre une baisse de 15 % de la consommation d’ici deux ans.

Accompagnement humain

Toutes ces innovations ne doivent pas faire oublier l’attention portée au personnel. « Un métro automatique ne signifie pas un métro sans personnel », rappelle Louis Villié. « Le personnel reste au cœur du fonctionnement d’une ligne de métro automatique. Nous avons pu le voir lors des Jeux Olympiques, avec l’accueil en gare et le fait de rassurer, accompagner, aider les voyageurs à se diriger», souligne-t-il. Christophe Sangina ne peut qu’approuver. « A Lille, nous avons constaté, depuis le début, le besoin des usagers d’être rassurés car le métro automatique peut être anxiogène, notamment dans les tunnels. Il faut en profiter pour remettre plus de présence dans les stations afin notamment d’orienter les passagers. A Lyon, dès qu’il y avait une situation de crise ou un problème sur le réseau quel qu’il soit, l’ensemble des cadres de Keolis était envoyé sur le réseau au contact des voyageurs pour faire de l’information sur le terrain. », raconte-t-il. Et d’ajouter : « Il ne faut pas opposer technologie et humain. La technologie permet de libérer des énergies et des forces pour rendre le métro beaucoup plus accessible à l’ensemble des usagers » . Dans le même esprit, Louis Villié précise que la RATP utilise la solution Detect IA pour vérifier, par le biais des caméras de bord, qu’il n’y a personne à bord des trains lorsqu’ils sont remisés au garage après l’heure de pointe. « Désormais, des alertes sont envoyées automatiquement à l’opérateur au PCC en cas de présence à bord. Cela fonctionne à 99% et permet de redéployer le personnel sur des tâches plus essentielles », explique-t-il. Il cite également le déploiement, sur un grand écran à Brest, d’un avatar d’apparence humaine entraîné à répondre à la majorité des questions posées par les touristes. « Cela peut paraître plus anecdotique mais cet avatar s’avère particulièrement judicieux dans les gares ou les aéroports ». Cet avatar pourrait être déployé sur le réseau parisien. Le représentant de RATP Dev insiste également sur la notion de métro « inclusif », en précisant que tous les agents ont été formés pour accueillir tous types de handicaps (physiques et mentaux) à travers le label S3a et des certifications. L’entreprise a développé des solutions innovantes, comme des tablettes avec des fonctionnalités de speech-to-text permettant de communiquer facilement avec les touristes étrangers. Sur la future ligne 15, prévue désormais pour la mi-2026, l’accent est mis sur la polyvalence des agents. L’hôte des lieux – équivalent de l’agent de station sur le réseau parisien – aura non seulement la possibilité de conduire le train et de résoudre les incidents de transport, mais pourra également intervenir pour un premier niveau de maintenance sur les équipements en gare. En complément, des mainteneurs circuleront dans les gares pour effectuer de la maintenance préventive et corrective. Facilement identifiables grâce à leur uniforme, ils seront également en mesure de répondre aux questions des voyageurs. Là aussi, une petite révolution.

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Les entreprises de transport face aux défis de l’intelligence artificielle générative

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Les acteurs de la mobilité se tournent de plus en plus vers l’intelligence artificielle générative pour profiter de ses facilités. Mais l’adoption à grande échelle de cette technologie soulève aussi la question de son impact environnemental. C’est sur ce thème que s’est tenue la table ronde organisée par VRT le 10 décembre avant la remise des prix du Palmarès des Mobilités 2024.

 

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Marta Alvarez

L’intelligence artificielle est utilisée depuis des décennies, mais la diffusion au grand public il y a deux ans de l’intelligence artificielle générative, avec ChatGPT, a contribué à une révolution technologique des usages. Par exemple, 95 % des étudiants recourent désormais à l’IA générative.
Pour accompagner ses salariés, Keolis a mis en place un plan d’action que détaille Arnaud Julien, directeur de l’innovation. Le premier axe vise à «  acculturer» les équipes en les formant et en les faisant monter en compétences, mais aussi en les sensibilisant à l’impact environnemental de la technologie. « Nous les accompagnons pour leur apprendre à prompter, c’est-à-dire à faire une demande pour générer des réponses fiables et utiles, en évitant d’avoir besoin de s’y reprendre plusieurs fois, car les requêtes ont une empreinte carbone », explique Arnaud Julien. L’entreprise a développé son outil interne, Keolis GPT, dans un environnement Microsoft Azure sécurisé. Elle a lancé des projets pilotes intégrant cette technologie pour améliorer l’efficacité des processus existants et imaginer de nouvelles façons de travailler.
Keolis explore les applications potentielles de l’IA générative dans des domaines tels que la prédiction, l’affluence et la sécurité. « Nous travaillons avec l’IA générative sur la communication aux voyageurs en cas de perturbations, en veillant à fournir des messages validés pour éviter les “hallucinations“, c’est-à-dire les réponses fausses ou trompeuses », précise Arnaud Julien. Grâce à cette technologie, l’entreprise est parvenue à réduire par quatre le temps de délivrance de l’information aux voyageurs.

50% d’erreurs

arnaud valhas
Arnaud Valhas

« Transdev utilise l’IA algorithmique ou analytique depuis une vingtaine d’année pour des projets d’informatisation, de maintenance ou de relation client », rappelle de son côté Arnaud Vahlas, directeur des systèmes d’information. Mais l’arrivée de l’IA générative a marqué une rupture, comme l’a été celle d’internet il y a 30 ans, ou du smartphone il y a 15 ans. La différence, c’est la rapidité à laquelle cette technologie s’impose. En deux ans, ChatGPT a atteint 200 millions d’utilisateurs dans le monde.
« Les étudiants qui l’utilisent vont arriver en entreprise, il faut s’y préparer », souligne Arnaud Vahlas. Les équipes de Transdev planchent sur les perspectives inédites offertes par cette technologie. « Notre objectif est d’expliquer à nos collaborateurs ce qu’est l’IA générative, ce qu’elle apporte, et les pousser à s’y essayer », détaille le représentant de Transdev. Pour que l’IA soit acceptée socialement, le groupe a développé une charte pour s’assurer de son usage dans le cadre du respect de la vie privée et pour limiter son empreinte carbone. « Notre ambition est de tirer pleinement parti des bénéfices de l’IA générative, tout en maîtrisant les risques associés, les risques de fausse réponse, mais aussi les risques cyber ou environnementaux. Cela en veillant à ne pas perdre le contrôle », affirme le directeur SI.
Les premiers cas d’usage se concentrent sur la bureautique. L’IA générative est utilisée comme «assistant» ou «compagnon» par les salariés, et leur permet de gagner en productivité sur des tâches comme la rédaction de comptes-rendus.
L’IA est aussi utilisée en interne pour le recrutement, pour rédiger des offres d’emploi ou pour des questionnaires d’entretien. Avec un garde-fou : l’IA ne doit pas priver l’humain de son l’expertise. Elle ne doit pas viser à réduire les compétences humaines, mais les compléter. Enfin, il faut veiller à la qualité des données indispensable à la fiabilité de l’IA. « Sans données pertinentes, 50% des réponses sont fausses », alerte Arnaud Valhas.

Un assistant du quotidien

Pour mener des expérimentations, la RATP a créé la fabrique digitale. « Nous recherchons des usages qui apportent une valeur différenciante, justifiant l’investissement», explique Mathilde Villeneuve, responsable IAgreen au sein de la fabrique digitale du groupe RATP. La « data factory » est ainsi un collectif composé d’experts métiers et en data, qui recherche des cas d’usage susceptibles d’apporter des améliorations aux voyageurs, aux territoires ou aux collaborateurs.
« Nous cherchons à utiliser l’IA en maitrisant les usages et en y ayant recours uniquement là où le jeu en vaut la chandelle, tout en maîtrisant les aspects techniques et économiques », précise-elle. D’où une démarche « d’industrialisation » dans quelques domaines pour améliorer la maintenance, le service aux voyageurs et la performance de l’exploitation. Par exemple, la RATP a lancé le chatbot CMalin qui permet à ses agents en station de renseigner les voyageurs, de vendre des billets ou encore de surveiller l’état de la station. Autant de tâches qui demandent une maîtrise de toutes les procédures et réglementations. « L’assistant CMalin permet aux agents d’accéder aux connaissances utiles dans des situations qu’ils ne rencontrent pas quotidiennement », explique Mathilde Villeneuve. Le dispositif est expérimenté sur les lignes 1 et 3. « Il offre de la réassurance, renforce la polyvalence et permet aux agents de gagner en efficacité tout en améliorant la qualité de service offerte aux voyageurs et en contribuant à éviter les surcoûts liés à une mauvaise application des gestes métier », souligne la responsable.

A petits pas

arnaud julien
Arnaud Julien

SNCF Connect &Tech, filiale de la SNCF, a eu recours à l’IA générative pour trouver une solution aux manquements du chatbot d’accompagnement client. « Utilisé par huit millions de personnes par an, notre logiciel conversationnel fonctionnait sur une logique de connaissances, en interprétant les questions, afin d’apporter la réponse considérée comme la plus pertinente. Mais malgré nos efforts, la satisfaction des clients n’était pas au rendez-vous », rappelle Franck Gbenou, directeur de l’information voyageurs chez SNCF Connect & Tech. D’où la décision de tester l’IA générative (IAG) à petits pas, de manière très sécurisée pour l’améliorer. Résultat, aujourd’hui 5 à 10 % des réponses apportées par le chatbot de SNCF Connect sont générées par IAG, avec des indicateurs de qualité et la possibilité de débrayage si un problème est constaté, précise Franck Gbenou. L’entreprise ne prévoit pas de se reposer uniquement sur l’IA, « car il y a des situations où l’intervention humaine des conseillers clients reste supérieure à celle de l’IA, même la plus performante. De plus, certaines personnes ne souhaitent pas parler avec un robot », souligne Franck Gbenou.

Un secteur très impacté

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Mathilde Villeneuve

Le secteur des transports est, avec celui de la santé, l’un des domaines où l’intelligence artificielle aura le plus d’impact, estime Pierre Lagarde, CTO chez Microsoft France. Il rappelle les progrès déjà réalisés : « l’IA a aujourd’hui des capacités de calculs qui étaient inenvisageables par le passé, en raison d’un trop grand nombre de données. L’IA générative a fait de l’inférence, s’est entraînée sur une vaste quantité d’informations et peut restituer des données de manière pertinente, afin de répondre aux utilisateurs de manière extrêmement précise. » Microsoft a intégré l’IA générative dans ses outils de collaboration. Avec sa solution Copilot, n’importe quel utilisateur peut interagir avec la machine par la voix ou en tapant son intention qui sera transformée en action ou en texte. « Nous avons transformé l’interaction avec la machine, qui n’est plus limitée à l’utilisation traditionnelle d’un clavier et d’une souris, et comprend l’intention pour apporter une réponse pertinente », affirme Pierre Lagarde.
Selon lui, l’IA générative peut répondre aux enjeux de développement durable en donnant des informations pour voyager en ayant le moins d’impact possible sur l’environnement, tout en prenant en compte les contraintes de l’utilisateur. Interrogé sur le coût de développement et de l’utilisation de l’IA, il répond que des études ont démontré que pour chaque dollar investi, les entreprises bénéficient d’un retour sur investissement de 3,5 dollars en moyenne.
L’IA permet de gagner en productivité en automatisant les tâches ou en permettant aux collaborateurs d’enregistrer de meilleurs résultats, par exemple en proposant un service d’information en plusieurs langues. « L’IA peut permettre de changer les process si on constate que ses résultats sont supérieurs aux coûts d’investissements et aux besoins en ressources», ajoute Pierre Lagarde.

Financements européens

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Pierre Lagarde

Entité liée à l’Union européenne, EIT Urban Mobility est une communauté d’acteurs de la mobilité urbaine. « Notre vocation est d’aider les villes à atteindre leurs objectifs climatiques en collaborant avec l’ensemble de l’écosystème de la mobilité urbaine, afin de leur fournir des solutions adaptées », détaille Marta Alvarez, responsable des partenariats pour l’Europe du sud. L’EIT Urban Mobility a par exemple soutenu le lancement d’une application mesurant la qualité d’air et permettant de tester l’impact sur la qualité de l’air que peut avoir l’ajout ou le retrait de pistes cyclables, ou la mise en place de feux de signalisation. L’entité a aussi participé au financement d’une application dont l’objectif est de concevoir des intersections intelligentes pour éviter les points de congestion dans les villes et réduire les risques d’accidents. Cela grâce à des caméras qui collectent des données traitées par des logiciels.
Autre type d’intervention, elle a financé une solution utilisant la vision par ordinateur pour surveiller le stationnement des vélos et trottinettes sur les trottoirs, afin de prévenir les piétons des dangers et garantir leur sécurité. Pour Marta Alvarez, l’IA peut donc être un fabuleux outil pour transformer la mobilité urbaine, sous réserve que l’on veille aux risques de confidentialité et environnementaux. C’est pourquoi elle plaide pour une technologie qui soit digne de confiance, éthique, centrée sur l’humain. Et elle insiste sur la nécessaire régulation. « Il est crucial de mettre en place un cadre clair pour assurer une IA éthique et responsable. Ce que l’Europe a fait via un règlement établissant des exigences et des obligations concernant l’utilisation de l’IA », rappelle-t-elle.
L’Europe a pris du retard en matière d’IA, par rapport à la Chine et aux États-Unis, c’est pourquoi EIT Urban Mobility préconise de poursuivre les investissements destinés à combler ces retards. C’est réalisable compte tenu des dépenses planifiées, estime Marta Alvarez. Le programme Next Generation a ainsi alloué 4,4 milliards d’euros pour des initiatives liées à l’IA pour la période 2024-2027 et l’UE prévoit de consacrer un milliard d’euros par an à l’intelligence artificielle (IA) pour renforcer sa compétitivité dans ce domaine.

Gare à l’impact environnemental de l’IA

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Lorraine de Montenay.

Consultante spécialisée en Green IT, Lorraine de Montenay, dénonce l’impact environnemental de l’intelligence artificielle. « L’IA fait partie du secteur numérique, qui représente 40 % du budget GES soutenable des européens. Pour limiter à + 1,5 °C le réchauffement climatique, si nous ne faisons pas d’efforts pour réduire l’impact de ce secteur, il faudra atteindre cet objectif avec les 60 % restants. C’est irréalisable », prévient-elle. Il est donc crucial de minimiser l’impact environnemental du numérique. Or on mesure encore mal les conséquences de l’IA générative (IAG), même si on comprend déjà qu’elles seront extrêmement importantes.
Les études réalisées se concentrent principalement sur les émissions électriques, qui ne représentent qu’un des aspects. « Nous ne savons pas encore mesurer l’impact de la fabrication des équipements, des pièces, des puces, ni celui des besoins en refroidissement nécessaire au bon fonctionnement de cette technologie », souligne Lorraine de Montenay. L’arrivée de l’IAg demande des data centers toujours plus grands et nécessite des ressources énergétiques exprimées en gigawatts et des systèmes de refroidissement spécifiques. « Nous arrivons à des projets ayant un impact environnemental considérable en termes de consommation électrique. C’est une aberration, car cette consommation n’est que la partie visible de l’iceberg », déplore Lorraine de Montenay. Malgré les efforts d’optimisation annoncés pour réduire la consommation des data centers, les résultats ne sont pas visibles. Or, il est prévu une hausse de 26 % de leur superficie au cours des cinq prochaines années.
« Le dernier rapport de développement durable de Microsoft fait état d’une hausse de ses émissions de 29 % et de sa consommation d’eau de 23 %. Cela soulève des questions sur l’alignement de ces chiffres avec les objectifs de réduction des gaz à effet de serre. Nous sommes confrontés à une problématique qui dépasse largement l’aspect virtuel et séduisant que l’on peut attribuer à l’IA en première intention », conclut l’experte.

Usages raisonnés

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Franck Gbenou

Les opportunités offertes par l’intelligence artificielle sont nombreuses. Mais son impact sur l’environnement est aussi considérable. Tout en le reconnaissant, Arnaud Julien rappelle que le développement des transports en commun est une partie de la solution pour lutter contre le dérèglement climatique.
L’IA peut faire partie de la solution si cette technologie permet de faire gagner des parts de marché à la mobilité partagée. Il faut, poursuit-il, en limiter l’usage et y avoir recours uniquement lorsqu’elle contribue à faire préférer le transport public
Une position unanimement partagée
Mathilde Villeneuve assure que le groupe RATP fait le choix de se tourner vers l’IA uniquement lorsque c’est réellement justifié, et en limitant les données utilisées. « Il est crucial d’innover pour rendre la mobilité accessible à tous. Mais ce serait dommage de compromettre nos efforts en matière de durabilité en nous précipitant sur l’IA sans discernement », confirme aussi Franck Gbenou qui milite pour un usage raisonné.
« Inutile de prendre une Ferrari pour faire les courses quand cela peut se faire avec une Twingo. C’est la même chose avec l’IA générative, il faut l’utiliser seulement quand cela présente un intérêt. Dans 99 % des cas, des modèles plus frugaux sont suffisants », estime-t-il. « L’IA générative aura un impact majeur sur la performance et la transformation digitale de Transdev. Il faut en comprendre les bénéfices et en maîtriser les risques pour construire une société plus durable», souligne également Arnaud Valhas.
Quant à Microsoft, le fournisseur de technologie s’est engagé à aller vers la neutralité carbone et maintient cet engagement, malgré la montée en puissance de l’intelligence artificielle. « Nous en sommes seulement au début de l’IA. Nous sommes en train d’optimiser nos méthodes pour trouver le traitement approprié et réduire notre impact, tout en étant pleinement conscients que c’est un défi complexe à relever », reconnait Pierre Lagarde.
Pour tenir son objectif, Microsoft prévoit de construire des datas centers avec des matériaux plus légers. La société française a aussi annoncé la création de ses propres puces et travaille sur sa consommation d’eau et sur l’optimisation du refroidissement de ses data centers, en privilégiant des systèmes de refroidissement liquide plutôt qu’air. « Nous nous sommes engagés à publier notre rapport environnemental, ce qui nous oblige à investir pour nous améliorer », poursuit Pierre Lagarde.
Et Arnaud Julien de conclure : « L’IA n’a que deux ans. Nous sommes encore dans l’inconnu, mais il faut d’ores et déja faire attention à limiter l’empreinte environnementale de l’intelligence artificielle générative. C’est une responsabilité collective du monde de la tech. Nous devons avoir une vision systémique pour garder le cap d’une société plus durable, qui passe notamment par la mobilité partagée».

Atelier d’expert

agier
Monique Agier

Trois questions à Monique Agier, directrice des investissements de la Caisse des Dépôts

VRT. Où en est le déploiement des bornes de recharge électrique en France ?
Monique Agier. Le taux de pénétration des véhicules électriques reste encore limité. Mais concernant les bornes de recharge, alors que nous étions considérés comme de mauvais élèves il y a encore trois ans, nous sommes désormais en avance sur la moyenne européenne. Nous avons installé 120 000 bornes de recharge accessibles au grand public, dont 30 000 de plus en un an.
Nous avons vu l’émergence de nombreuses initiatives privées qui ont fait passer le nombre de points de recharge rapide de 10 000 à 18 000. Le réseau a anticipé le déploiement du parc de véhicules électriques.

VRT. Quel est le rôle de la Caisse des Dépôts ?
M. A. Nous jouons un rôle dans le déploiement des mobilités au sein des territoires. Nous accompagnons les collectivités dans l’élaboration de leurs schémas directeurs d’installation de bornes de recharge électriques, ainsi que les opérateurs qui répondent à leurs appels d’offres. Nous les aidons à déployer des solutions de recharge rapide.
Et pour garantir à chacun de pouvoir disposer d’une prise de recharge à proximité de son domicile, nous avons créé Logivolt, une filiale qui finance l’installation de prises dans les copropriétés. Nous avons engagé plus de 500 millions d’euros pour financer 60 000 bornes publiques et 150 000 bornes dans les copropriétés.

VRT. Quels sont vos objectifs ?
M. A. Nous visons les 300 000 points de charge publics d’ici dix ans, dont 80 000 en recharge rapide, ainsi qu’un parc de 7 millions de véhicules électriques. Nous voulons aussi jouer un rôle dans la transition des poids lourds vers l’électrique et accompagner l’émergence d’un parc de véhicules accessible à tous.
Bien que le secteur privé se soit déjà engagé dans ce domaine, le public a également un rôle à jouer, et les besoins en subventions seront réels. Ils devront être ciblés afin de trouver le bon équilibre.

Ewa

Rencontre avec Patrice Schmitt. « CDG Express entrera en service en mars 2027 »

Club Schmitt 2 copieLes travaux du Charles-de-Gaulle Express avancent. La navette entre Paris et l’aéroport de Roissy devrait être mise en service en mars 2027. Patrice Schmitt, directeur du projet pour SNCF Réseau, a dévoilé les détails de cet ambitieux chantier lors d’un Club VRT organisé le 14 novembre.

Les centres-villes de Londres, Stockholm, Hong-Kong, Tokyo ou Moscou bénéficient d’une liaison directe avec leur aéroport. Au premier trimestre 2027, Paris disposera également de la sienne. Lors de la mise en service du Charles-de-Gaulle Express, il sera alors possible de voyager entre l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle et la gare de l’Est, sept jours sur sept, de cinq heures à minuit, avec un train toutes les 15 minutes.
Invité du Club VRT le 14 novembre, Patrice Schmitt, directeur du projet CDG Express pour SNCF Réseau, a présenté l’état d’avancement du chantier, dont 75 % a déjà été réalisé.
« Ce projet était un pari difficile à relever », rappelle-t-il. Les détracteurs, nombreux, dénonçaient une liaison « pour les riches » prenant l’avion, alors que sur les mêmes voies s’entasseraient les banlieusards du RER B soumis à de fréquents dysfonctionnements. Il a donc fallu démontrer que les améliorations apportées par le CDG Express bénéficieraient à l’ensemble des usagers du réseau nord francilien, raconte Patrice Schmitt. Près de 30 % des investissements réalisés profiteront aux transports du quotidien, indique-t-il.
CDG Express ne sera pas une liaison entièrement nouvelle : sur les 32 km, seuls 8 km doivent être construits. Mais pour faire circuler les futures navettes avec le niveau d’exigence requis en termes de performance et de robustesse, l’intégralité du tronçon doit être modernisé « Le projet a été conçu pour ne pas être simplement une construction des morceaux manquants, mais pour moderniser les lignes existantes, afin de bénéficier à l’ensemble des voyageurs franciliens. C’était une condition sine qua non d’acceptabilité », rappelle celui qui considère le Charles-de-Gaulle Express comme une des briques qui manquaientt pour améliorer les circulations ferroviaires sur l’axe nord.

Huit phases de travaux

« Le tracé de la ligne du CDG Express utilise une partie du réseau existant, qui était parfois à bout de souffle. C’est pourquoi nous le modernisons en procédant au renouvellement des composants ferroviaires à l’identique et en ajoutant de nouvelles fonctionnalités », détaille le directeur du projet côté SNCF Réseau.
Sur les huit phases de travaux prévus, deux restent encore à réaliser. Elles devraient être achevées en juin 2026. À partir de cette date, les phases d’essais, de démonstration de sécurité, d’élaboration des procédures et de formation des conducteurs, pourront débuter. Suivront les marches à blanc. Si tout se déroule comme prévu, « la mise en service de la ligne se fera en mars 2027 », précise Patrice Schmitt.
Dès lors, les navettes du Charles-de-Gaulle Express partiront de la gare de l’Est, depuis les trois voies à quai rénovées qui lui seront réservées, pour un voyage le menant à l’aéroport en 20 minutes. Sous ces quais, les voyageurs disposeront d’une salle d’embarquement, où il sera possible d’acheter des billets pour prendre le train.
Le trajet commencera le long de voies existantes qui ont été rénovées, puis se prolongera sur des voies nouvelles qui bifurqueront pour passer sous le tissu urbain de la zone industrielle CAP 18 dans le 18eme arrondissement de Paris, grâce au percement d’une tranchée ouverte-couverte de près de un km. Les navettes rejoindront ensuite le réseau de Paris Nord, au niveau du pont de la Chapelle. A ce moment-là, la ligne s’insérera aux voies existantes rénovées du réseau de Paris-Nord.
Patrice Schmitt précise que cette zone concentre un quart des travaux du projet. Entre les gares de La Plaine-Stade de France et Aulnay-sous-Bois, les travaux ont porté sur les caténaires, la signalisation, la rectification du tracé, le renouvellement du ballast et la rénovation des traverses et des rails. Ces travaux de rénovation permettront de relever la vitesse de circulation des trains des lignes K et du TER Paris-Laon, de 120 à 140 km/h. La construction du pont des cathédrales à Saint Denis, qui remplacera un ouvrage centenaire en fin de vie, est en cours. Ce chantier monumental impactera le trafic des RER et des Transilien, jusqu’en juillet 2025.

140 km/h

A terme, entre la gare de La Plaine St-Denis et Mitry-Mory, les navettes poursuivront leur trajet, à 140 km/h sur 22 kilomètres, sur deux voies existantes, parallèles à celles du RER B, qui auront, elles aussi, bénéficié d’aménagements et de modernisations. Au niveau de Mitry Mory, le CDG Express se débranchera du réseau pour emprunter une ligne nouvelle de six km de long, parallèle aux voies existantes de la LGV et menant jusqu’à la commune de Tremblay-en-France. La navette traversera alors un tunnel construit par ADP, sous les pistes de l’aéroport, et parcourra un kilomètre en tunnel pour atteindre la gare CDG2. Le terminus de CDG Express sera à proximité du quai du RER B, sur un quai dédié, avec quatre ascenseurs et cinq escalators faisant le lien avec le hall de l’aéroport.
Des bénéfices pour le transport du quotidien
Un tel chantier ne pouvait pas être réalisé sans gêner l’exploitation. « Il y a eu des contraintes sur les RER et les TER afin de dégager des périodes pour le chantier», rappelle Pierre Schmitt. Pour dégager des plages horaires suffisamment importantes et mener à bien les travaux, il a été décidé de mettre en place des Interruptions Temporaires de Circulation Industrielle. Ces périodes réservées au chantier nécessitaient d’arrêter le trafic plus tôt le soir, en mettant en place des transports de substitution par bus. « Ce dispositif a permis de respecter le calendrier établi », affirme Patrice Schmitt.
En cas de problème sur l’axe nord, il devrait être possible de réorganiser l’exploitation plus rapidement à l’avenir grâce à la création de voies de retournement pour le le RER B, qui permettront d’améliorer la gestion des situations perturbées et de faciliter le retour à un trafic normal en cas d’incident. « Nous avons envisagé 13 grands types d’incidents susceptibles de se produire et nous avons conçu les investissements qui permettent de les résoudre de la manière la moins douloureuse possible. Une part importante des investissements du projet a été consacrée à cet objectif », affirme le représentant de SNCF Réseau. La mise en service du CDG Express permettra également au RER B de redevenir un véritable transport régional, en réduisant le nombre de touristes, ajoute-t-il. Actuellement, la branche Nord du RER B est empruntée à 30 % par des voyageurs en provenance ou à destination de l’aéroport Paris-Charles de Gaulle.
« Le projet n’a pas suscité de grandes innovations techniques », reconnait Patrice Schmitt. Selon lui, la principale complexité réside dans la réalisation de travaux dans un environnement contraint. Le chantier a toutefois permis d’expérimenter des solutions, comme la voie sur dalle, privilégiée au ballast sur huit km du tracé. « Un choix technique qui a nécessité un investissement plus conséquent, mais qui permettra d’optimiser et de minimiser la maintenance future », assure Patrice Schmitt.

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Report modal

À terme, les travaux menés pour le CDG Express auront permis de financer, entre autres, le remplacement de 40 km de voies et le renouvellement des ponts ferroviaires de la Porte de la Chapelle et du pont des cathédrales par des ouvrages en acier-béton, améliorant ainsi la performance du réseau et permettant l’accueil des RER B à deux étages. « À l’issue des travaux, l’âge moyen des rails sera passé de 32 ans à 8 ans, les ouvrages d’art, les caténaires, les systèmes d’alimentation et la signalisation de sécurité auront bénéficié d’une régénération. Les travaux auront également permis une simplification du réseau, en éliminant tout ce qui s’était accumulé au fil du temps et n’était plus adapté à l’exploitation du XXIe siècle », détaille Patrice Schmitt. CDG Express participera en outre au financement du projet de cheminement piéton entre la Gare du Nord et la Gare de l’Est, porté par Île-de-France Mobilités et qui doit être mis en service. Patrice Schmitt estime qu’avec le temps, on ne retiendra de ce projet qu’une belle aventure technique qui aura généré 2400 emplois durant la phase de construction et en créera d’autres durant celle de l’exploitation. « Cette liaison ferroviaire directe permettra le report modal de 15 % du trafic automobile et d’économiser ainsi 330 000 tonnes de CO2 sur 50 ans. Le CDG Express sera un vecteur d’attractivité pour l’Île-de-France, tout en offrant davantage de confort aux passagers aériens. Mais on retiendra aussi que la construction de cette nouvelle ligne aura contribué à la modernisation des transports du quotidien », conclut-il.

 

Faux départ, dérives financières et retards

Patrice Schmitt rend hommage à ses prédécesseurs qui sont parvenus à imposer ce projet contre vents et marées. L’histoire démontre que ce ne fut pas simple. Après une étude de faisabilité en 1998, il a fallu attendre 2008 pour que le projet CDG Express soit déclaré d’utilité publique. Vinci, qui avait été retenu pour devenir concessionnaire a finalement jeté l’éponge et il a fallu attendre fin 2010 pour que l’État relance le projet. Il a alors été décidé de créer un gestionnaire d’infrastructures détenu à parts égales par des entreprises publiques (le groupe ADP, SNCF Réseau et la Caisse des dépôts), qui s’est vu confier la concession pour une période de 50 ans à compter du démarrage de l’exploitation.

En 2017, le nouveau schéma de réalisation du projet CDG Express a fait l’objet d’une déclaration publique modificative. Et en 2019, l’Etat a signé le contrat de concession de l’exploitation avec le groupement Hello Paris, réunissant Keolis et RATP Dev. « C’est donc une très longue histoire dont on verra l’aboutissement en 2027 », résume le responsable.  La date de lancement de la ligne était initialement prévue pour les jeux de Paris 2024. « Personne n’y a jamais cru », rappelle-t-il, de trop nombreux aléas externes au projet ayant décalé le calendrier.  Démarrés en 2019, les travaux ont été stoppés par le Covid pour reprendre en 2020, avant d’être stoppés de nouveau pour des raisons environnementales. Le projet sera finalement validé en appel par la justice en 2022, permettant au chantier de reprendre.  « Ces décisions ont eu de lourdes conséquences, en démobilisant les équipes et en nécessitant une reprogrammation d’un chantier qui se déroule sur un réseau exploité, et qui doit être négociée deux à trois ans à l’avance », souligne Patrice Schmitt.

Selon lui, le coût du projet a été estimé à 2,2 milliards d’euros, les trois actionnaires du groupement d’intérêt apportant 400 millions de fonds propres, complétés par un prêt de 1,8 milliard garanti par l’État. Les aléas rencontrés et l’inflation, ont conduit à sa réévaluation à 2,6 milliards. Mais ce coût ne pèsera pas sur les finances publiques, assure Patrice Schmitt. Les concessionnaires se rembourseront par les péages payés par Hello Paris.  La tarification des billets n’est pas dévoilée mais on a souvent entendu dire que les tarifs pourraient tourner autour de 24 euros. « L’objectif n’est pas de générer des profits, mais d’atteindre l’équilibre des comptes dans le cadre de la concession », affirme encore Patrice Schmitt.

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Fortes chaleurs : entre raz-de-marée automobile et paralysie des déplacements

Les jours de canicule, sept personnes sur dix modifient leurs pratiques de déplacements et la voiture apparaît alors comme le mode privilégié. D’où la nécessité de mettre en place de nouvelles politiques de mobilité et de mieux adapter les transports publics au dérèglement climatique.

Camille Krier (cheffe de projet), Nicolas Louvet (directeur), Nabil Kabbadj (chargé d’études et de recherches)

 

Météo-France classe l’été 2023 au quatrième rang des étés les plus chauds depuis 1900, avec des températures moyennes supérieures de 1,4°C à la normale1 et le passage en vigilance rouge canicule de 19 départements de France métropolitaine. Alors que la dernière décennie (2013-2022) compte en moyenne 12 jours de canicule par an, la décennie 1980-1989 n’en enregistrait que 3. L’augmentation des fortes chaleurs est amenée à se poursuivre au cours des années à venir, Météo-France prévoyant un doublement du nombre de jours de canicule d’ici à 2050.
Les températures extrêmes se traduisent par d’importants impacts sur les écosystèmes, les infrastructures et les individus. Face aux conséquences du changement climatique, il apparaît donc nécessaire de réfléchir à l’adaptation des systèmes et des sociétés, en parallèle de mesures d’atténuation qui ne sauraient à elles seules suffire. S’adapter pour vivre au mieux dans un monde plus chaud nécessite avant tout de comprendre finement les effets des fortes chaleurs sur les pratiques individuelles, se traduisant ensuite à plus large échelle sur les systèmes. Alors que la mobilité constitue un rouage central des modes de vie et de l’organisation des territoires, et constitue également un secteur fortement émetteur de gaz à effet de serre, il existe encore peu de données sur les impacts des très fortes chaleurs sur la mobilité.

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Modification de l’usage des modes de déplacement en période de fortes chaleurs par les individus les utilisant au moins une fois par mois.

 

Se déplacer pendant les périodes de fortes chaleurs

À partir de l’exemple de l’été 2023, particulièrement marqué par les épisodes de canicule, 6t a mené une vaste recherche sur fonds propres visant à comprendre les effets des fortes chaleurs sur les pratiques de mobilité2. Produisant des données inédites, à même d’orienter la décision publique, ces travaux ont bénéficié du soutien de l’Ademe et de l’Institut pour la recherche de la Caisse des dépôts et consignations. La méthodologie employée combine revue de littérature, enquêtes quantitative et qualitative.
L’enquête menée durant les épisodes de fortes chaleurs dans les territoires concernés fait ressortir qu’un jour donné de canicule, 7 individus sur 10 modifient substantiellement leurs pratiques de mobilité, en adoptant au moins l’une des 4 stratégies suivantes : renoncement au déplacement, décalage temporel au cours de la journée, modification du mode de déplacement et télétravail pour les actifs.
On estime également qu’une hausse de 1°C, toutes choses égales par ailleurs, entraîne en moyenne la modification ou la suppression d’au moins 1 déplacement sur 100, un effet qui croît de manière exponentielle avec la température. Les fortes chaleurs affectent donc largement les pratiques de mobilité, appelant des adaptations des systèmes et des organisations, afin de répondre au double objectif de limitation des effets négatifs sur les populations et de limitation des émissions associées à la mobilité.

Enrayer le cercle vicieux de « l’automobilité »

Si le report modal reste une stratégie à première vue minoritaire et ne concerne que 6 % des déplacements effectués un jour de canicule, plusieurs signaux font apparaître la voiture comme un mode privilégié face aux fortes chaleurs, là où les modes alternatifs se trouvent fragilisés. 53 % des automobilistes3 estiment que la voiture est un mode de déplacement agréable lors des périodes de forte chaleur, alors que n’est le cas que de 24 % des usagers des transports en commun, de 21 % des cyclistes (vélo mécanique) et de 17 % des piétons. En période de fortes chaleurs, plus de la moitié des piétons et des cyclistes déclarent ainsi utiliser ce mode de déplacement moins fréquemment que d’habitude, là où ce n’est le cas que de 27 % des automobilistes. Cela se traduit par exemple, un jour donné de canicule, par une baisse de 12 % de la part modale du vélo par rapport à une journée habituelle.
Les fortes chaleurs renforcent l’attractivité de la voiture, alors même qu’il s’agit du mode contribuant le plus fortement au réchauffement climatique. Il y a donc un enjeu fort à enrayer le cercle vicieux de « l’automobilité », en développant des offres de mobilité ou des politiques publiques contraignant son usage et renforçant l’attractivité des modes alternatifs : itinéraires piétons et cyclistes ombragés, douches sur les lieux de travail, meilleure climatisation des transports en commun et, pourquoi pas, taxation de celle des véhicules personnels.
Cela permettrait également de rendre moins pénible l’expérience des canicules pour celles et ceux qui utilisent déjà les modes alternatifs et en sont parfois dépendants, dont les déplacements sont peu flexibles et qui souffrent de conditions inconfortables, notamment dans les transports en commun.

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Favoriser l’adaptation

Un jour de canicule, 6 individus sur 10 renoncent à au moins une activité hors de leur domicile, notamment pour éviter le déplacement associé. 33 % des individus renoncent à une balade, 28 % à une activité physique hors domicile, 22 % à des sorties ou loisirs et 18 % à des achats, là où seuls 6 % des actifs renoncent à se déplacer sur leur lieu de travail.
À rebours du concept de « démobilité » (prônant une diminution des mobilités subies au profit de mobilités choisies), les fortes chaleurs entraînent un renoncement avant tout à des activités contribuant à la sociabilité et au bien-être des individus. Ce renoncement étant d’abord dû à une volonté d’éviter des déplacements pénibles, l’enjeu d’adapter la mobilité aux fortes chaleurs est d’autant plus fort. Des stratégies de décalage temporel des activités pour éviter les heures les plus chaudes sont aussi observées, et concernent 29 % des individus.
Décaler ses déplacements contraints plutôt que d’y renoncer (ou pour moins les subir) suppose cependant d’en avoir la possibilité. Au-delà de variations de sensibilité à la température, tous les individus ne sont pas soumis aux mêmes contraintes dans leurs programmes d’activités et ne disposent pas des mêmes marges de manœuvre pour s’adapter. Alors que les plus aisés contribuent davantage au changement climatique, il convient de s’attaquer à l’enjeu d’équité sociale soulevé par l’augmentation des températures. Adapter les territoires et les activités au rythme des fortes chaleurs permettrait à davantage d’individus de mieux vivre ces périodes contraintes.

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Enfin, les déplacements domicile-travail, structurants à l’échelle de la mobilité individuelle, demeurent très peu flexibles. Même si l’on observe les jours de fortes chaleurs une augmentation de 36 % de la part de télétravailleurs par rapport à une journée normale, cette stratégie est bien davantage le fait des cadres. Elle suppose aussi que l’on dispose d’un domicile suffisamment bien adapté pour choisir d’y passer sa journée de travail. Cela soulève également un enjeu d’équité sociale. Pour les professions peu ou pas « télétravaillables », les employeurs peuvent proposer des adaptations à leurs salariés, comme une modification des horaires, voire des jours chômés. À l’avenir, adapter les professions les plus exposées à des épisodes de canicule de plus en plus intenses et fréquents s’avère indispensable et appelle un véritable accompagnement, pouvant prendre la forme de « RTT climatiques », voire de « chômage partiel climatique ».

1. Météo-France, (2023), Bilan climatique de l’été 2023, 17 p.

2. 6t, (2024), Impacts des fortes chaleurs sur la mobilité. Synthèse des résultats, 20 p.

3. Personnes utilisant le mode au moins une fois par mois.

Ewa

Vacances d’été : le réchauffement climatique recompose le paysage touristique

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Avec la hausse des températures, le choix des destinations touristiques évolue. Les grands sites vont devoir s’adapter aux nouvelles pratiques des vacanciers. C’est aussi l’occasion de développer de nouvelles formes de tourisme plus durables.

Depuis plusieurs années, les épisodes de canicule se multiplient et Météo France prévoit un doublement de la fréquence des vagues de chaleur d’ici à 2050. Ces très fortes chaleurs constituent l’une des conséquences les plus visibles du changement climatique en France métropolitaine. Au-delà de la prise de conscience de l’urgence climatique qu’ils peuvent induire, ces épisodes affectent fortement les pratiques et les modes de vie et font de l’adaptation une véritable nécessité.

Par leur caractère estival, les vagues de chaleur touchent particulièrement le secteur du tourisme, en modifiant les pratiques et logiques de choix des vacanciers.  Alors que la France est la première destination touristique mondiale (100 millions de visiteurs internationaux en 2023) et que le secteur génère près de 8 % du PIB et 2 millions d’emplois directs et indirects, il apparaît nécessaire de comprendre et d’anticiper les conséquences du changement climatique sur le tourisme.

À partir de l’exemple de l’été 2023, pendant lequel 19 départements de France métropolitaine ont été placés en vigilance rouge canicule1, 6t a mené une recherche sur fonds propres2, avec le soutien de l’Ademe et de l’Institut pour la recherche de la Caisse des dépôts et consignations, à partir d’enquêtes quantitatives et qualitatives. Celle-ci a été l’occasion de comprendre la façon dont le réchauffement climatique affecte les pratiques touristiques des Français.

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Projections concernant le lieu de vacances de l’été 2023 face à une hausse des températures
(source : 6t, 2023)

Une recomposition des pratiques déjà amorcée

D’après notre enquête, 20 % des Français ne sont pas partis en vacances à l’été 2023. Parmi ceux qui ont voyagé, les deux tiers ont choisi une destination située en France métropolitaine. Les régions attirant le plus d’estivants sont la Nouvelle-Aquitaine, l’Occitanie, Provence-Alpes-Côte d’Azur, la Bretagne et l’Auvergne-Rhône-Alpes. Les destinations littorales sont par ailleurs plébiscitées.

Le choix d’une destination de vacances répond à plusieurs critères, parmi lesquels la volonté de retrouver ses proches, de réaliser certaines activités sportives ou culturelles, ou encore de découvrir de nouveaux paysages. 78 % des vacanciers déclarent également rechercher un climat agréable dans leur choix de destination. Alors que le souhait de passer ses vacances dans un climat chaud et ensoleillé était jusqu’à présent la norme, cet objectif pourrait être plus nuancé avec l’intensification des canicules. Dans notre enquête, 46 % des vacanciers ont cherché à éviter les fortes chaleurs dans leur choix de destination de l’été 20236.

À horizon de 10 ans, 45 % des vacanciers estiment que la hausse des températures rendra leur lieu de vacances de l’été 2023 moins agréable. Un tiers d’entre eux envisagerait alors de ne plus s’y rendre. À noter également que 8 % des vacanciers estiment que le réchauffement climatique à l’horizon de 10 ans pourrait rendre leur lieu de vacances plus agréable.

Les impacts du changement climatique sur le tourisme sont en effet à différencier selon les territoires. Les destinations qui seraient le plus négativement affectées sont celles situées le plus au sud, dans les régions Provence-Alpes-Côte d’Azur et Occitanie, suivies de près par les destinations situées en Auvergne-Rhône-Alpes. Plus de la moitié des enquêtés ayant passé leurs vacances d’été 2023 dans l’une de ces régions estiment que leur lieu de vacances sera moins agréable à un horizon de 10 ans du fait des trop hautes températures. Cela amènerait une partie d’entre eux à éviter à l’avenir les régions méridionales.

Les destinations situées plus au nord, notamment sur les côtes bretonnes, normandes et du nord, pourraient, quant à elles, devenir plus attractives sous l’effet du changement climatique (du moins à court terme, par la hausse locale des températures et par contraste avec les destinations méridionales). Ainsi, 27 % des vacanciers partis en Bretagne à l’été 2023 estiment que leur destination sera plus agréable grâce à la hausse des températures d’ici une dizaine d’années, alors que ce pourcentage est résiduel dans les régions situées dans la partie sud de la France. Au-delà des transferts à anticiper entre littoraux, certains touristes se tournent aussi vers des destinations de montagne, en remplacement des traditionnelles vacances d’été en bord de mer.

Certains vacanciers optent enfin pour une stratégie de décalage temporel, en choisissant s’ils le peuvent, de partir davantage au printemps ou à l’automne plutôt qu’en juillet ou en août, notamment pour les destinations les plus exposées aux canicules ou pour réaliser des activités sportives comme la randonnée.

Un modèle à réinventer

Face aux fortes chaleurs estivales, l’évolution des pratiques touristiques et des logiques de choix de destination à l’échelle individuelle se traduit à plus large échelle par une recomposition des flux touristiques.

Les territoires les plus vulnérables sont ceux dépendant fortement du tourisme et exposés aux fortes chaleurs, comme les stations balnéaires du sud de la France. Leur modèle, issu de la mission Racine, apparaît plus que jamais à réinventer. 

Les grands sites touristiques (historiques, culturels ou naturels) situés dans les régions les plus chaudes devront eux aussi s’adapter pour continuer à accueillir touristes et visiteurs dans les meilleures conditions (Carcassonne a par exemple enregistré des records absolus de température avec 43,2°C à l’été 2023, et il a fait cet été-là jusqu’à 43°C dans les Gorges du Verdon).

Face à des étés de plus en plus chauds, les littoraux situés plus au nord, comme en Bretagne et en Normandie, pourraient quant à eux recevoir des flux touristiques croissants. Leurs températures plus douces peuvent déjà apparaître comme un argument de marketing territorial et touristique. De même, les destinations de tourisme vert, situées en moyenne et haute montagne, pourraient anticiper une hausse de leur fréquentation et attirer davantage d’estivants. Les stations de sports d’hiver, qui doivent faire face à une diminution croissante de l’enneigement sur la saison hivernale, cherchent déjà à se réinventer, en proposant des activités alternatives au ski alpin. Fragilisées sur la saison hivernale, elles pourraient ainsi être gagnantes sur la saison estivale, offrant une alternative plus fraîche aux traditionnelles vacances en bord de mer. Pour ces destinations touristiques « gagnantes » à court (ou moyen ?) terme face au réchauffement climatique, une adaptation des capacités d’accueil et des infrastructures est nécessaire afin de pouvoir accueillir des flux croissants. Une réflexion sur des formes de tourisme plus sobres et la limitation des impacts environnementaux des infrastructures et modes de consommation associés s’impose également, afin d’ancrer ces nouvelles dynamiques touristiques dans une perspective plus durable.

1. Météo France, (2023), Bilan climatique de l’été 2023. 1er juin-31 août.

2. 6t (2024), Impacts des fortes chaleurs sur les modes de vie.

3. Un résultat cohérent avec les chiffres de l’INSEE, (2023), Quels sont les Français qui voyagent ?, INSEE Focus, n° 310 : en 2022, 18% des Français de 15 ans ou plus n’ont pas voyagé pour motif personnel.

Camille Krier, Nicolas Louvet, Nabil Kabbadj, 6t

Ewa

Transition énergétique des bus, état des lieux

La conférence a eu lieu le 27 juin, rue d’Athènes à Paris.

Les autorités organisatrices de la mobilité ont établi les feuilles de route pour la transition énergétique de leurs réseaux de bus, avec des choix bien arrêtés en matière de mix énergétique. Pour les aider à atteindre leurs objectifs, les opérateurs, constructeurs et équipementiers poursuivent leurs efforts de recherche et développement afin d’améliorer les performances, de réduire les coûts et l’empreinte carbone des véhicules.

Les bus électriques font la course en tête sur le marché de la transition écologique. Selon les données compilées par le consultant néerlandais Wim Chatrou, les bus à batteries dominent le marché européen avec 40,8 % des nouvelles immatriculations en 2023, suivis des bus hybrides (19,5 %) et au gaz (11,2 %). L’hydrogène reste marginal avec 1,4 %.

Sur les dix dernières années, 19 009 bus électriques à batteries ont été mis en service en Europe. La France occupe la troisième place avec 10,4 % des immatriculations, derrière le Royaume-Uni et l’Allemagne.

Le plan bus 2025 mené par la RATP à Paris a fortement contribué à cette dynamique puisque le groupe s’est engagé à convertir la totalité de sa flotte à l’électrique ou au gaz. Olivier Vitkine, directeur du développement à RATP Cap Île-de-France, rappelle que la décision prise, il y a tout juste dix ans, par Île-de-France Mobilités (IDFM, ex-STIF) de convertir le parc avec des motorisations plus durables a permis à la RATP de devenir le premier opérateur au monde à mener une transition d’une telle ampleur, avec près de 5 000 véhicules concernés. Une première étape est inscrite en 2025.

Dans un second temps, à l’horizon 2030, les bus devront tous avoir été convertis au gaz ou à l’électricité dans l’ensemble de l’Île-de-France (contre 40 % actuellement). Et l’objectif ultime, c’est que l’ensemble des modes du réseau francilien soit entièrement propre d’ici à 2050. Actuellement la RATP compte 850 bus électriques, 1 400 bus fonctionnant au biogaz et 1 100 bus hybrides opérés à partir de 13 centres-bus électriques et autant équipés au gaz. « Cette transformation concerne également la grande couronne, où nous sommes actuellement en train de finaliser d’ici quelques semaines la transformation énergétique de nos centres-bus pour le gaz. Ces opérations à grande échelle, qui se sont parfois émaillées de péripéties, ont permis au groupe RATP de beaucoup apprendre, en accompagnant une filière en construction », commente Olivier Vitkine.

Cette expertise permet au groupe RATP de dupliquer l’expérience au-delà de ses frontières historiques, notamment à Londres où RATP Dev est devenue le leader du marché des bus électriques pour Transport for London, avec 16 lignes 100 % électriques et la conversion de cinq centres-bus. La RATP expérimente également des lignes de bus à hydrogène à La Roche-sur-Yon ainsi qu’en Île-de-France.

Maintenance des bornes

L’Union européenne pousse aussi dans cette direction, avec une accélération des directives. « Il y a 15 ans, un quart du parc devait être renouvelé avec des énergies propres. Cette part est désormais passée à la moitié, avec 50 % en zéro ou très basses émissions et 50 % en basses émissions. De plus, une nouvelle directive, entrée en vigueur au mois de juin 2024, stipule que 90 % des achats effectués à partir de 2030 seront en zéro ou très basses émissions », souligne encore le représentant de RATP Cap Île-de-France.

La Régie n’est pas la seule à être montée en compétence sur l’électromobilité. Ses fournisseurs, à l’instar du fabricant de bornes polonais Ekoenergetyka, profitent de l’ouverture du marché. « La signature de notre première commande française par la RATP en 2018 (avec 96 bornes à l’époque) a servi de déclencheur auprès des autres collectivités. Notre présence en France s’est renforcée avec un complément de bornes auprès de la RATP (1 100 bornes actuellement), mais aussi de nouveaux contrats sur Strasbourg (20 bornes), Rouen (100 bornes), Orléans, Toulon ou Perpignan », détaille Stéphane Batarière, Area Manager France d’Ekoenergetyka.

Il constate que le mouvement vers la mobilité électrique s’est vraiment enclenché dans plusieurs grandes villes françaises avec des appels d’offres en cours à Nantes, Lyon ou encore Clermont-Ferrand. Pour assurer la maintenance des bornes, l’entreprise a noué de nombreux partenariats avec des entreprises locales capables d’intervenir sur différents types de défaillances (bornes, pistolets, installation électrique ou software).

Ekoenergetyka vient tout juste de gagner un contrat cadre pour 800 à 900 bornes pour Marseille dans les huit ans à venir, en partenariat avec Spi et Mobility pour une fourniture globale de bornes comprenant logiciel de supervision et installation électrique.

En effet, en plus de la fourniture de bornes, les industriels doivent être en mesure d’apporter une réponse globale. Théo Trébuchon, directeur du développement France chez Shell complète : « L’infrastructure de recharge est un pan d’un écosystème plus large. L’opérateur de bus doit prendre en compte la conception du site, mais aussi toute la partie logiciel communication avec le bus et la borne de recharge, ainsi que toutes les infrastructures annexes comme la puissance du réseau haute tension ou les réseaux courants forts et faibles. Cet écosystème s’avère d’une complexité parfois difficile à appréhender pour certains opérateurs dans les métropoles. C’est pourquoi nous pouvons proposer des solutions sur mesure ».

La filiale dédiée aux bornes de recharge SBRS, que Shell a rachetée définitivement en 2022, se positionne donc en tant que fabricant de bornes, mais aussi d’intégrateur et exploitant de la recharge. Elle détient une position de leader en Allemagne : l’opérateur BVG de la ville de Berlin lui a fait confiance pour déployer un projet « greenfield » d’un dépôt de bus de 65 000 m², avec les bâtiments administratifs, intégrant la coordination du génie civil et électrique. « Cela représente 209 points de charge à 150 kW et 8 points de charge à 450 kW avec des solutions sur mesure, que ce soit de la recharge par pantographe montant ou descendant, mais aussi par satellite ou enrouleur ». SBRS a également équipé la ville de Vienne avec l’intégration d’une infrastructure photovoltaïque installée sur les dépôts de bus. Autre particularité, la récupération de la chaleur émise par les cabinets de puissance dans le dépôt de bus pour chauffer les salles adjacentes au sein du dépôt.

Pour soutenir cette marche forcée vers l’électrique, les concepteurs et fabricants de batteries comme Forsee Power ont désormais une gamme complète à proposer capable de répondre à l’ensemble des usages. La grande majorité des projets sur lesquels cet équipementier est engagé concerne des bus électriques exigeant une batterie capable de tenir toute une journée de service, avec une recharge au dépôt le soir.

« Certains projets nécessitent toutefois de faire appel à une recharge rapide. Nous venons d’équiper un bus de 24 mètres avec une batterie qui se recharge en bout de ligne ou à certains arrêts intermédiaires et ceci 20 à 40 fois par jour. Ces charges très rapides et extrêmement puissantes (jusqu’à 1 MW) nécessitent des batteries très spécifiques », indique Sébastien Rembauville-Nicolle, vice-président du développement de Forsee Power.

Cette société française, créée en 2011, développe aussi des batteries dédiées aux trolleybus sous caténaire, un marché qui intéresse peu la France, mais qui bénéficie d’une belle attention en Europe de l’Est ainsi qu’en Amérique du Nord. Dans le cas d’une extension de ligne, l’enjeu consiste à proposer une batterie capable d’effectuer quelques arrêts supplémentaires en s’affranchissant de la ligne de contact aérienne. Ce principe, baptisé IMC (In motion Charging), est notamment utilisé à Lyon, Limoges et Saint-Étienne.

Enfin, Forsee Power développe des batteries capables de répondre aux demandes des constructeurs de bus à hydrogène. « Il s’agit dans ce cas d’une batterie de puissance qui aura une fonction de tampon entre la pile à combustible – qui a besoin d’avoir un régime permanent – et l’exploitation normale du bus qui va avoir son stop & go régulier », poursuit le responsable de Forsee Power. Si les cellules proviennent toujours d’Asie, l’entreprise espère pouvoir compter un jour sur une production européenne, voire française, afin de sécuriser ses approvisionnements et rapatrier sur notre continent une part non négligeable de la valeur ajoutée globale des batteries (de 40 % à 60 %).

Le moteur thermique n’a pas dit son dernier mot

La conversion à marche forcée du parc de bus vers les énergies alternatives n’empêche pas une certaine résistance du moteur thermique. Voith a ainsi lancé en 2022 une nouvelle boîte de vitesses Diwa NXT pour bus urbains et interurbains, avec un investissement de 50 millions à la clé. « Un industriel doit sentir les évolutions du marché. L’équipement en boîte automatique sur l’interurbain est un marché en croissance, même si le marché global du thermique est en baisse. Cette nouvelle génération de boîtes, présente notamment sur les derniers Iveco Crossway Low Entry ou standard, est destinée aux véhicules gaz ou diesel, avec ou sans microhybridation 48 V. Elle offre des gains très significatifs en matière de consommation et d’agrément » affirme Pierre Levy, responsable du service véhicules industriels et commerciaux chez Voith. L’équipementier a en ligne de mire le plan de renouvellement de la flotte engagé par IDFM de 3 500 bus sur quatre ans, entre 2025 et 2028, pour la grande couronne parisienne, avec une part très significative de véhicules équipés de moteur gaz, qui pourrait être supérieure à 50 % si la législation le permet. « Nous souhaitons fournir notre nouvelle boîte de vitesses pour 70 % des nouveaux bus thermiques qui seront proposés ».

L’équipementier ayant investi depuis des décennies dans le diesel, comme beaucoup de ses confrères, regrette la disparition annoncée, et prématurée de ce carburant. La révision de la directive 2030, appelée à être revue en 2027, pourrait offrir un salut, sinon « un pan entier du marché va disparaître, ce qui est un problème pour les industriels, mais aussi probablement pour l’environnement ».

Pierre Levy s’interroge également sur la capacité du réseau à fournir l’énergie nécessaire à la transition énergétique. « En 2022, la consommation française de produits pétroliers, hors gaz, était de 7,7 TWh pour le transport collectif de personnes, soit un peu moins qu’un réacteur nucléaire de 1 300 MW (9 TWh). Cette consommation était de 288 TWh pour le transport individuel. La bascule au tout électrique pour les bus et les voitures ne pourra mener qu’à l’échec. Même si des objectifs sont définis, la raison plaide pour l’utilisation d’alternatives comme le gaz, voire de l’Euro 6 ».

La solution du rétrofit

Pour éviter que les véhicules munis d’un moteur diesel ne sortent prématurément du marché, le retrofit peut apparaître comme une solution pertinente. « Les objectifs fixés pour le renouvellement des flottes en électrique vont au-delà d’un taux de renouvellement normal, puisqu’habituellement ce taux est compris annuellement entre 7 % et 15 %. Cela peut conduire à sortir des véhicules du parc alors qu’ils sont parfaitement valides. Le changement de la chaîne de traction va permettre de garder ces véhicules 15 ans au lieu de 5 ans » estime Sébastien Rembauville-Nicolle. Des constructeurs s’y mettent, comme l’anglo-irlandais Wrightbus, premier constructeur de bus zéro émission au Royaume-Uni. « Wrightbus vient d’annoncer le lancement d’une nouvelle entreprise, NewPower, pour remplacer les anciens moteurs diesel de ses modèles, mais aussi ceux de ses concurrents, par de nouvelles chaînes de traction électrique à zéro émission », indique-t-il.

Forsee Power fournira à cet effet des batteries Zen Plus pour la conversion de 1 000 bus urbains à double étage au cours des trois prochaines années. Afin de lisser les coûts d’acquisition initiaux, Forsee Power s’est associé à EDF pour créer NeoT Capital, financeur destiné à accompagner les collectivités et les industriels « à travers un système de financement reposant sur la location du véhicule ou de la batterie ».

Pour sa part, Olivier Viktine indique que la RATP n’a pas fait le choix de véhicules rétrofités, une solution qu’il estime plus appropriée sur l’interurbain, notamment pour les autocars et les bus scolaires, ainsi que pour les plus petites villes en région. Il tient à rassurer les contribuables : les véhicules diesel ne sont pas mis au rebut ! « Les autorités organisatrices savent anticiper et ces transformations s’opèrent sur un temps relativement long. De fait, en France et en particulier en Île-de-France, aucun bus n’est écarté d’un réseau ou d’une exploitation et mis à la casse avant sa fin de vie, qui est classiquement entre 15 et 20 ans. »

L’électromobilité redéfinit-elle le rôle des opérateurs de transport ? Si la mission reste la même, de nouveaux enjeux interviennent. « Il s’agit avant tout d’un enjeu de technique et d’ingénierie, car notre rôle consiste à garantir l’interopérabilité entre le véhicule, sa batterie, la borne de recharge et le software associé », souligne Olivier Vitkine. Un véritable défi, selon lui, d’autant plus quand l’opérateur ne dispose pas d’un système intégré. « Les transitions s’effectuent sur des durées longues et nous ne disposons pas toujours des mêmes partenaires. Il faut que cet ensemble puisse se connecter et fonctionner correctement et il y a parfois des surprises. Cela nous permet de développer notre propre expertise et, une fois celle-ci acquise, l’enjeu se situe plus sur le plan de l’exploitation traditionnelle, avec la recherche de gains en termes d’optimisation ».

De nouvelles possibilités apparaissent, comme le Smart charging. Le groupe RATP a développé depuis deux ans un programme d’innovation sur ce sujet, consistant à charger « au meilleur moment sur le meilleur créneau, quand l’énergie utilisée est la plus décarbonée et accessoirement la moins onéreuse ». Même pendant une recharge de nuit, les variations dans la capacité de production des fournisseurs d’énergie permettent d’atteindre des résultats « assez intéressants ».

Le groupe RATP a aussi signé un partenariat avec EDF pour investir dans cinq parcs éoliens en France, « qui représentent l’équivalent du fonctionnement de sept lignes de tramway à Paris ». De même, le groupe a noué un accord avec Urbasolar – au travers du déploiement de 65 hectares de photovoltaïque en France – en s’engageant à acheter de l’énergie bas carbone sur une durée longue (2024 à 2039).

Côté gaz, Engie garantit que la moitié du bioGNV utilisé en Île-de-France est issu de sites de production franciliens. « Les transports en commun, très souvent opérés en délégation de service public, ont ceci de vertueux d’être utilisés pour tirer des filières industrielles vers le haut, en développant des capacités de production d’énergie qui pourront profiter ensuite à des utilisateurs plus grand public », se félicite Olivier Vitkine. Même tonalité chez Stéphane Batarière et Théo Trébuchon : les investissements réalisés pour les bornes de bus sont en train de se décliner pour les camions, notamment avec la future norme à très forte puissance MCS.

De fait, les industriels ne cessent d’innover et de trouver de nouveaux moyens d’optimisation. Voith a développé une chaîne de traction électrique, bien accueillie par le marché, proposant un système complet (moteur, convertisseur de fréquence et système de pilotage) qui couvre des midibus de 10 mètres – avec des moteurs qui font moins de 200 kW – jusqu’aux articulés avec des moteurs qui font 400 kW et 3 000 Nm de couple. « Les essais certifiés montrent une consommation de 68 kWh au 100 km pour un bus standard de 12 mètres chargé à 19 tonnes, ce qui nous place dans les premières marches en termes d’efficience énergétique. Notre chaîne cinématique est déjà présente chez le constructeur turc Otokar ainsi que les britanniques Alexander Dennis et Wrightbus, ce dernier étant en fort développement et ne devrait pas tarder à arriver sur le marché européen continental », souligne Pierre Levy.

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Sébastien Rembauville-Nicolle indique que son entreprise continue à travailler sur la densité énergétique en recherchant toujours plus d’intégration dans le châssis. Après les batteries extra-plates – qui ont notamment contribué au succès de Wrightbus –, Forsee Power veut exploiter « tous les emplacements inutilisés » du châssis. Mais le plus gros défi consiste à rallonger la durée de vie des batteries. « Les générations actuelles ont des durées de vie de huit à dix ans et nous constatons qu’elles vieillissent moins vite que ce qui était anticipé. Le virage commence à être visible sur le marché britannique avec des batteries que nous poussons jusqu’à 12 ans, voire 14 ans. » Théo Trébuchon évoque également les efforts effectués pour prolonger la durée de vie des bornes, avec le développement et l’installation d’infrastructures de recharge à refroidissement liquide pour les modules de puissance. « La durée de vie apparaît quasiment doublée par rapport au système de refroidissement à air », affirme-t-il.

L’équipementier est également engagé sur un projet de vehicle-to-grid mené en Allemagne sur une flotte de bus complète, capable de présenter « des centaines de mégawatts disponibles qu’il faut pouvoir utiliser à bon escient lors de pics ». Restent toutefois encore quelques interrogations : l’optimisation de la gestion du coût électrique ne risque-t-elle pas de s’effectuer au détriment de la durée de la vie de la batterie, voire de l’exploitation elle-même, si les véhicules ne sont pas chargés avant la première tournée du matin ? Réponse dans quelques années, lorsque le marché sera véritablement mature !

Grégoire Hamon