Invité le 12 mars au Club VRT, Florent Bardon, le coordonnateur national des mobilités pour les Jeux olympiques et paralympiques 2024 a fait le point sur les chantiers en cours. Une campagne de communication, lancée en janvier, sera réactivée chaque mois pour inciter les voyageurs du quotidien à réduire autant que possible leurs déplacements durant les épreuves olympiques.
Le compte à rebours est enclenché. Du 26 juillet au 11 août 2024, Paris recevra les Jeux olympiques d’été puis, du 28 août au 8 septembre 2024, les Jeux paralympiques. Conformément au cahier des charges, les compétitions sportives se tiendront sur 15 sites pour les Jeux olympiques et 11 pour les Jeux paralympiques, avec jusqu’à 50 sessions par jour. À titre de comparaison, la France a accueilli 45 matchs répartis sur 48 jours lors de la Coupe du monde de rugby à l’automne dernier, a rappelé Florent Bardon, qui intervenait le 12 mars devant le Club VRT.
Des objectifs ambitieux
La volonté de valoriser le patrimoine parisien et d’exploiter des infrastructures urbaines déjà existantes pour des compétitions sportives expliquent ses choix, a indiqué le coordonnateur national des mobilités. Nommé à ce poste en décembre 2022, Florent Bardon a également rappelé l’importance et la complexité d’organisation imposée par la cérémonie d’ouverture sur la Seine.
Autre ambition, le comité Paris 2024 s’est engagé à organiser des jeux 100% accessibles en transports en commun, en vélo ou à pied. Pour tenir ces objectifs, il est prévu de renforcer l’offre de transport public de 15 % en moyenne. 13 millions de spectateurs ont acheté des billets pour toute la période des Jeux auxquels s’ajoutent 200 000 membres de la famille olympique. « On attend autant de déplacements en transports en commun cet été qu’un hiver normal, avec une concentration sur certaines lignes qui achemineront les spectateurs vers les sites où se tiendront les épreuves », souligne Florent Bardon. Le Comité d’organisation des Jeux s’est aussi engagé à ce que les temps d’acheminement entre le village des athlètes et les sites olympiques ne dépassent pas 30 minutes. 185 kilomètres de voies routières seront ainsi réservés aux personnes accréditées du 1er juillet 2024 au 15 septembre 2024. Y circuleront 8000 véhicules particuliers et 900 navettes de bus exploitées pour le compte de Paris 2024. Ce qui réduira d’autant la capacité routière. « Le défi sera de concilier les déplacements des spectateurs, des personnes accréditées, mais aussi de ceux qui ont besoin de se déplacer pour la vie quotidienne, économique et culturelle », a reconnu le Monsieur Transport des JO.
Opération vérité avec les Franciliens
Pour informer les Franciliens sur l’impact que pourra avoir l’organisation des Jeux sur leurs déplacements, une campagne de communication a été lancée le 29 janvier dernier. Soit six mois avant le lancement de l’événement, comme cela avait été fait à Londres en 2012. Cette campagne sera répétée, par vagues tous les mois, jusqu’aux Jeux. « Il s’agit d’un dispositif pédagogique, avec de l’affichage dans le métro, les bus et le long du périphérique, mais aussi de la communication digitale », précise Florent Bardon. Pour s’organiser pendant cette période, les Franciliens sont invités à consulter le site https://anticiperlesjeux.gouv.fr/ qui fournira une météo des lignes, avec une carte interactive indiquant l’affluence prévisionnelle, par jour et par heure. Le coordonnateur travaille avec IDFM et la préfecture pour recueillir des données de modélisation fines qui permettront de prédire l’affluence attendue, mais aussi la liste des stations impactées ou fermées, tout en donnant des conseils pour adapter ses habitudes de mobilité. En cherchant à être aussi précis que possible. Pour informer les voyageurs en temps réel et éviter l’engorgement du réseau de transport, Ile-de-France Mobilités proposera aussi un appli spécifique donnant des conseils pour se déplacer. Les itinéraires conseillés ne seront pas forcément les plus courts, a prévenu Florent Bardon. Mais ils permettront de mieux gérer les flux.
Faciliter l’accueil des PMR
Pour faciliter l’accueil des personnes à mobilité réduite, un travail d’amélioration des infrastructures a été réalisé dans les gares et des avenants signés avec les prestataires pour assurer une maintenance préventive renforcée des ascenseurs et escalators mécaniques et des interventions rapides en cas de panne. Les agents de la RATP ont aussi été formés à mieux accompagner les personnes en situation du handicap et des aménagements installés pour faciliter les déplacements des handicapés auditifs et visuels dans le métro. Un effort a également été entrepris pour disposer, durant les Jeux, de 1 000 taxis pouvant accueillir des personnes en fauteuil en Ile-de-France, alors qu’on en dénombrait seulement 200 en 2021.
La SNCF et la RATP donneront les mêmes informations sur leurs applis. Mais il faudrait aussi que les applis les plus connues par les spectateurs de tous pays fassent de même. Les organisateurs travaillent notamment avec Citymapper, avec qui le sujet avance. Côté Google, des échanges « techniques et politiques sont en cours » . Florent Bardon a « bon espoir d’arriver à un accord » et espérait « une stabilisation en mars ». « Nous appelons les Franciliens à prendre conscience que la tenue de ces évènements aura un impact sur leur vie quotidienne. En étant prévenus, ils pourront trouver une réponse à chaque situation. » Mais mieux vaudra éviter certains quartiers, comme l’Ouest Parisien, où des épreuves concomitantes se tiendront à Roland-Garros et au Parc des Princes, et où contrairement aux jours de match, il ne sera pas possible de se rendre en voiture.Les transports en commun desservant ces sites, les lignes 9, 10 et le RER C, seront en particulier très chargés.
Les Parisiens et visiteurs seront encouragés à circuler à pied et en vélos. Il est prévu que 28 000 cycles en libre accès soient disponibles durant les jeux. Vélib a prévu d’augmenter sa flotte de 3000 bicyclettes et les professionnels du free-floating renforceront leur offre. Les cyclistes bénéficieront de 400 km de pistes cyclables, dont 120 nouvellement créées (certaines ne seront que provisoires). Les vélos pourront stationner aux abords des sites, avec 20 000 places temporaires, gardiennées, opérées à titre gratuit, dont le financement sera assuré à 60 % par l’État et 40 % par les collectivités.
Le TDM à la rescousse
Pendant les Jo, 500 000 visiteurs quotidiens sont attendus. Ils viendront compenser la baisse de fréquentation estivale des transports, estimée à 30 %. La jauge de visiteurs attendus pour les paralympiques n’est que de 300 000 personnes par jour, mais les épreuves se tiendront alors que les Parisiens seront rentrés et les voies routières réservées toujours en place. « C’est davantage la route qui sera notre point d’attention que les transports en commun. On s’attend à des congestions plus fortes qu’à l’ordinaire ». Les Franciliens qui le peuvent sont invités à télétravailler, souligne Florent Bardon, qui prône le TDM (Transport Demand Management) pour optimiser l’utilisation des infrastructures. Ce système, éprouvé lors des Jo de Londres en 2012, avait permis de faire baisser sensiblement les déplacements. « Beaucoup d’entreprises et d’administrations sont prêtes à jouer le jeu. Mais il y a des métiers pour lesquels c’est impossible. Nous inciterons aussi au covoiturage et à privilégier les déplacements en vélo ou à pied ». Sachant qu’il ne se passe pas un jour sans aléas dans les transports en commun, difficile d’imaginer qu’il pourra en être différemment durant les Jeux. Des plans B ont été préparés mais heureusement, rares sont les sites desservis par une seule ligne. Pour se préparer à toutes éventualités, le CIO pousse les opérateurs à réaliser des exercices de crise visant à éprouver les chaînes de commandement. Les moyens de maintenance préventive ont été augmentés et il est prévu que des équipes de prévention soient disponibles aux endroits stratégiques avec des brigades cynophiles renforcées.
Restructuration du réseau de bus
La mise en place de zones piétonnières autour des sites olympiques impactera aussi de façon « assez importante » le réseau de bus à Paris. Un travail est engagé sur la restructuration du réseau, a expliqué Florent Bardon, en indiquant que « certaines lignes pourraient être détournées et d’autres coupées en deux » . Le plan qui sera mis en place pendant les Jeux olympiques devrait être achevé en avril, a-t-il précisé.
Pas de voiture
Il ne sera pas possible de se rendre sur les sites olympiques parisiens en voiture, ni de se garer à leurs abords. Le plan de transport a été conçu pour acheminer tout le monde en transports en commun, en vélo ou à pied. Un périmètre rouge aux abords des sites interdira toute circulation motorisée, sauf autorisations spécifiques. Il sera complété par une zone bleue, où la circulation sera régulée. Seuls les piétons, vélos et trottinettes, pourront accéder à ces zones sans justificatifs. « A Paris, les trois quarts des déplacements s’effectuent sur de courtes distances. Il n’y a pas besoin de voiture. Ceux qui la prennent habituellement devront faire différemment durant les jeux ». Certains déplacements automobiles devraient être extrêmement difficiles certains jours et dans certains lieux, notamment lors du premier week-end des Jo, qui tombe en plein chassé-croisé entre juilletistes et aoûtiens. En province, dans des villes où se tiendront des épreuves olympiques (Marseille avec la voile, Villeneuve-d’Ascq, le basket et le handball, Châteauroux avec le tir, Tahiti le surf, ou encore Bordeaux, Lyon, Nantes, Nice, Saint-Étienne), il n’est pas prévu d’interdire l’accès les sites olympiques aux voitures.
« Nous travaillons le plan de transport avec les autorités organisatrices et la préfecture, mais comme les sites de ces villes sont, pour la plupart, desservis uniquement par une seule ligne de transport en commun, il ne sera pas interdit de s’y rendre en voiture, même si les transports en commun, la marche ou le vélo seront privilégiés », rappelle le responsable. À 130 jours de l’ouverture, Florent Bardon reconnait qu’il reste du travail. Notamment pour la cérémonie d’ouverture dont le dispositif de sécurité est encore en cours de finalisation. « Il faudra pouvoir donner l’information sur ce qui va se passer dans Paris le jour de cet évènement. Nous devons encore progresser sur l’information voyageurs, finaliser les transports pour les accrédités, continuer à améliorer l’accessibilité des PMR et à éprouver les chaînes de commandement en cas de crise. Mais nous serons prêts. » Florent Bardon se montre confiant sur des accords à venir avec les organisations syndicales. « Je n’ai pas d’inquiétude sur le fait que le dialogue social sera mené correctement. Il est légitime de reconnaître qu’une mobilisation exceptionnelle est demandée et de proposer des récompenses aux salariés qui y participeront. »
Nouvelles infrastructures
Les personnes qui viendront assister aux Jeux pourront emprunter la prolongation sud de la ligne 14 jusqu’à l’Aéroport d’Orly, dont l’ouverture est prévue pour juin. « Les coupures de cette ligne réalisées durant les dernières vacances scolaires ont permis de réaliser le changement de pilotage automatique nécessaire à ce prolongement. Nous pensons que le prolongement sera prêt dans les temps », a affirmé Florent Bardon. Le prolongement d’Eole devrait aussi être mis en service progressivement à partir de mai. Et la prolongation du T3 B jusqu’à porte dauphine, devait être inaugurée le 5 avril. « Les retards pris par les chantiers du Grand Paris Express ne représentent pas un problème majeur », estime Florent Bardon, considérant que le réseau existant est suffisamment maillé pour absorber les flux attendus cet été. « Même s’il faut tout de même s’attendre qu’à certains moments et à certains endroits il y ait la queue pour rentrer dans les stations ». Près de 200 stations de métro, de tramway ou de gares franciliennes seront « très fréquentées » au moins une fois durant les jeux. Certaines seront en revanche fermées du 26 juillet au 11 août : Champs-Élysées-Clemenceau, Concorde, Tuileries, Colette-Besson, Porte-d’Issy et Porte-de-Versailles.
Et après ?
Au soir du 8 septembre, date de la cérémonie de clôture des Jeux paralympiques, il restera en héritage quelques lignes de transports, des stations et des itinéraires cyclables. L’accessibilité des PMR aura progressé, de même que le regard sur le handicap, espère. Florent Bardon. Ce dernier table aussi sur de nouvelles habitudes de déplacements qui pourront être prises durant les jeux et perdureront. Et de conclure : « Nous souhaitons que les jeux servent d’accélérateur au profit de nouvelles mobilités. Ce sera l’occasion de s’interroger sur ses comportements et de se tourner vers des mobilités plus durables ».
Face à l’urgence climatique et à la nécessité de repenser notre mobilité, les mesures de restriction visant la place de la voiture individuelle suscitent débats et controverses. Entre impératifs environnementaux, besoins de déplacement et enjeux sociaux, ces mesures sont généralement considérées comme mal acceptées par la population. Pourtant, la situation est plus nuancée : l’équilibre entre les besoins individuels de mobilité et la restriction de la place de la voiture peut être trouvé.
Nabil Kabbadj, Léa Wester, Julie Chrétien, Nicolas Louvet
La place de la voiture : un sujet sensible et complexe
« On est attaché à la bagnole, on aime la bagnole. Et moi je l’adore », a déclaré le président Emmanuel Macron au journal télévisé de France 2 et de TF1, le dimanche 24 septembre 2023. « On est un pays qui aime la bagnole », avait-il déjà affirmé lors du Mondial de l’auto en 2022. Le symbolisme rattaché à la voiture est indéniable : pour plus d’un conducteur, l’automobile est synonyme de liberté et d’indépendance. Une partie de l’actualité récente va dans le sens de ce constat et de ces déclarations. Il y a cinq ans, le mouvement des gilets jaunes se constituait, en réponse à la hausse des taxes sur les carburants fossiles, en particulier le diesel. Les récents articles de l’association 40 millions d’automobilistes montrent que l’opposition à la limitation et au contrôle de la vitesse reste vive, tout comme les débats sur le déploiement des zones à faibles émissions (ZFE), le stationnement payant, les voies réservées au covoiturage… Dans ce contexte, le mandat donné aux gouvernements européens et aux collectivités de relever le défi de la décarbonation, et donc de mettre en place des dispositifs visant à réduire l’usage de la voiture individuelle, semble une gageure. Pourtant, dans un sondage réalisé par l’Ifop en octobre 2023, 47 % des présidents d’intercommunalité estiment que leur population est favorable aux zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m), alors que ce serait en réalité 62 % des Français qui expriment un avis favorable. Les élus auraient-ils donc tendance à surestimer « l’attachement » à l’automobile de leurs administrés du fait d’une partie de l’actualité ?
La dépendance automobile, produit du territoire
Notre rapport à l’automobile n’est en effet pas si simple : nous ne sommes pas tous « attachés à la bagnole » et pas dans tous les contextes. Une des pistes d’explication aux différences de position sur la place de la voiture, et donc d’acceptation des mesures restrictives sur son usage, exige de sortir des représentations et d’étudier nos conditions matérielles de mobilité. Comme l’explique Gabriel Dupuy, dans son fameux livre La Dépendance automobile (1999), les espaces peu denses se caractérisent par une planification urbaine centrée autour de l’automobile avec des infrastructures conçues pour les véhicules motorisés qui peuvent rendre l’emploi de modes doux plus compliqué, un maillage d’activité faible et donc des distances à parcourir plus importantes. Enfin, une absence de services et d’aménités publics réduit le champ des alternatives à l’automobile… Tous ces éléments font de la voiture individuelle un choix par défaut dans ces zones. En 2019, l’Insee, dans son enquête mobilité des personnes (EMP), montrait que la voiture individuelle est utilisée pour environ 75 % des déplacements réalisés par les habitants des communes rurales et agglomérations de moins de 20 000 habitants, contre 58 % dans les grandes agglomérations (100 000 habitants et plus) et 33 % en agglomération parisienne.
Si les habitants de ces espaces sont aujourd’hui dépendants de la voiture, c’est principalement une conséquence de l’aménagement du territoire qui s’est opéré au courant du 20e siècle : en 2019, la route représente plus des deux tiers des dépenses de transport, selon le Commissariat général au développement durable, alors même que le réseau de transports ferrés s’est progressivement érodé entre 1920 et aujourd’hui –initialement, le réseau comptait plus de 60 000 km de voies, contre environ 18 000 km en 2020, selon un rapport d’information réalisé par le sénateur Olivier Jacquin le 28 janvier 2021.
Des dynamiques de soutien aux restrictions à l’automobile
Là où la dépendance à l’automobile est moins forte, les politiques de réduction de la place de l’automobile sont souvent bien acceptées. En France, les candidats EELV aux élections municipales de 2020 ont remporté de nombreuses villes (Marseille, Lyon, Bordeaux, Grenoble, Besançon, Poitiers…) malgré des programmes incluant des mesures de restriction sur la place de la voiture (ZFE, voies réservées au covoiturage, réduction du stationnement…). Enfin, l’IFOP publie en octobre 2023 un sondage des habitants du Tarn et de la Haute-Garonne au sujet de la construction de l’autoroute A69 reliant Toulouse à Castres : 61 % des habitants concernés seraient en opposition à ce projet de construction. En cas de politique cohérente de renforcement de l’offre, même les villes moyennes peuvent soutenir des politiques de réduction de l’automobile. C’est le cas de la piétonnisation progressive de Pontevedra en Espagne (86 000 habitants). Depuis 1999, la piétonnisation d’axes centraux de transit, la suppression du stationnement en centre-ville associée à la création de 8 000 places de parking gratuites en périphérie et un important contrôle policier ont permis de diminuer le trafic automobile de 90 %. Le maire a été réélu six fois depuis 1999 et la ville a gagné 9 000 habitants.
Un sevrage automobile collectif en 12 étapes ?
L’attachement à l’automobile reflète donc avant tout la captivité d’une partie de ses usagers et se focaliser sur une opposition de l’opinion publique aux mesures de restriction, c’est refuser de voir l’absence d’alternatives proposées. La lutte à mener est donc contre la dépendance automobile avant d’être contre l’automobile elle-même. Pour autant, une des meilleures manières de lutter contre une dépendance étant le sevrage, la question de l’acceptabilité des politiques de restriction au sein de l’ensemble des territoires se pose. D’abord, les territoires n’étant pas tous égaux face à la dépendance automobile, certaines politiques ne sont pas adaptées partout. Au-delà du type de mesure de restriction, l’association avec des solutions de mobilité alternative est probablement plus efficace. En matière de perception de la pertinence des mesures, l’adéquation entre l’échelle de déploiement de la mesure et celle de ses impacts positifs favoriserait l’adhésion. Par ailleurs, les mesures restrictives de l’usage de la voiture répondent à des problématiques à la fois globales (dérèglement climatique) et locales (qualité de l’air, nuisances sonores, congestion, sécurité…). La réflexion se construit donc à plusieurs échelons : les collectivités ont la responsabilité de mettre en œuvre les politiques de restriction (ZFE, limitations de vitesse, encadrement du stationnement…) et le cadre reste porté par l’État (législation, sanctions…). En octobre 2023, 82 % des habitants du Tarn et de la Haute-Garonne souhaitaient l’organisation d’un référendum local pour statuer sur le projet de construction de l’A69, selon un sondage de l’IFOP. La participation des citoyens est donc un enjeu important qui s’ajoute à l’articulation entre les institutions et le territoire.
Nommé PDG de SNCF réseau en octobre 2022, après le départ de Luc Lallemand, Matthieu Chabanel a profité de son passage au Club VRT pour dresser un bilan positif de l’année écoulée – sur fond d’engouement pour le ferroviaire-, et évoquer ses priorités.
Matthieu Chabanel
L’action de SNCF Réseau s’inscrit dans un contexte porteur pour le ferroviaire, a rappelé Matthieu Chabanel, qui intervenait le 29 janvier lors d’un Club VRT. « Il y a eu l’an dernier un engouement autour du train, une hausse du nombre de voyageurs, un fort taux de remplissage et SNCF Réseau est fier d’avoir contribué à cette dynamique », s’est réjoui le PDG du gestionnaire d’infrastructure. La nouvelle donne ferroviaire est aussi portée par un accroissement des moyens financiers en faveur du réseau. Le budget régénération et modernisation augmente cette année de 300 millions d’euros. Ce qui porte le total pouvant être investi à 3,2 milliards d’euros en 2024. Cette somme doit progressivement passer à 4,4 milliards par an d’ici 2027. Pour l’heure, c’est le groupe SNCF qui apporte les fonds supplémentaires à un fonds de concours.
Visibilité
Cette trajectoire donne plus de visibilité à la filière industrielle qui va pouvoir recruter et former pour être au rendez-vous, souligne Matthieu Chabanel « Comme la filière se trouve à 97 % en France, les investissements dans le système ferroviaire contribuent au dynamisme économique dans les territoires. Et le réseau dans lequel la SNCF investit est circulé par tous types de trains, dont les TER», ajoute-t-il. Le tout dans un contexte financier assaini puisque SNCF Réseau tiendra son objectif : renouer avec un cash-flow positif cette année. « Nous avons prévu un cash-flow de 2 millions d’euros pour 7 milliards de chiffre d’affaires. C’est aussi un enjeu de crédibilité : démontrer que nous tenons les objectifs financiers fixés par les pouvoirs publics et la loi», commente le dirigeant.
Fin du vieillissement
Les investissements donnent enfin des résultats visibles : SNCF Réseau a stoppé le vieillissement de la voie. Cela vaudra pour tous les composants du réseau à l’horizon 2030. « L’année dernière, nous avons pu livrer plus de 95 % des projets dans les délais », précise Matthieu Chabanel. Côté modernisation, le gestionnaire d’infrastructure prévoit, sur la ligne grande vitesse reliant Paris à Lyon, de basculer 58 postes d’aiguillages vers l’ERTMS. « Ce sera la première fois au monde qu’on le fera sur une ligne en service », souligne le PDG. Ce projet permettra d’augmenter la capacité de ligne, afin de passer de 13 trains par heure et par sens en heure de pointe aujourd’hui à 16 trains en 2030, en assurant une meilleure régularité dès 2025.
Contrat de performance : bientôt un avenant
Passer progressivement de 3,2 milliards d’euros de budget de régénération cette année à 4,4 milliards d’euros en 2027 nécessite de revoir le contrat de performance. Le précédent ministre des Transports, Clément Beaune souhaitait voir établi un nouveau projet de contrat avant la fin février. La vacance du ministère pendant quelques semaines n’a pas remis en cause le calendrier, affirme Matthieu Chabanel. SNCF Réseau travaille avec les services de l’État à la rédaction de cet avenant au contrat, qui fera ensuite l’objet d’une consultation des parties prenantes, pour une adoption espérée à l’automne 2024. Et de préciser : « On ne va pas reprendre l’intégralité du contrat de performance qui date du printemps 2022, mais rédiger un avenant prenant en compte les investissements supplémentaires de régénération, définir le rythme de la montée en charge et la manière d’investir cet argent, avec la volonté d’avoir des programmes d’investissements publiés à échéance de trois ans ».
Moins de tensions sur les recrutements
Les difficultés de recrutement en sortie de crise sanitaire ont causé des tensions dans les postes d’aiguillage. « Faute d’avoir pu recruter, nous avons sur-sollicité des agents qui l’ont vécu comme une dégradation de leur qualité de vie au travail. Cela a entrainé des mouvements sociaux. » Le problème est désormais résolu, affirme le patron de SNCF Réseau. « En 2023, nous avons pu recruter 900 aiguilleurs, qui ont été en formés, puis affectés à des postes, permettant de soulager leurs collègues et d’améliorer les conditions de travail. » Au total, SNCF Réseau a recruté l’année dernière 2700 personnes dans les métiers d’aiguilleurs, d’agents de maintenance et de travaux de la voie, de la signalisation ferroviaire ou encore les métiers de l’ingénierie. « Le marché a été moins tendu en 2023 que l’année précédente. Nous avons regagné en attractivité. » Pour l’entreprise, le mot d’ordre, c’est recruter, former, fidéliser. Un domaine reste particulièrement compliqué : trouver des candidats pour des postes liés à l’électricité car la concurrence avec d’autres secteurs d’activités est forte. Et parce que ces postes demandent des prérequis, ce qui n’est pas le cas pour les travaux sur voie par exemple.
SNCF Réseau va accompagner les collectivités qui souhaitent un RER métropolitain. Ici la gare Saint-Jean (agrandie par Arep), au cœur du projet de Serm de Bordeaux.
Eole a rendez-vous avec les JO
Pour les professionnels du transport, les Jeux olympiques et paralympiques représentent un rendez-vous essentiel qu’il ne faudra pas rater. L’enjeu, pour SNCF Réseau, passe notamment par la première phase de mise en service du prolongement d’Eole jusqu’à Nanterre, prévue pour le printemps. Soit huit kilomètres de tunnels et trois nouvelles gares (Porte-Maillot, La Défense et Nanterre-la-Folie). Le prolongement de la ligne jusqu’à Mantes-La-Jolie (Yvelines) se fera plus tard, en 2026.
RER métropolitains, mode d’emploi
Promulguée fin 2023, la loi SERM a posé le cadre du développement, d’ici dix ans, d’un réseau de RER métropolitains dans dix grandes agglomérations (voire plus). Elle a suscité une énorme attente chez les élus. « Il y avait déjà des expériences de RER métropolitains, comme le Léman Express, qui relie la Haute-Savoie au canton de Genève, mais la loi a généré une nouvelle dynamique. De nombreuses collectivités se montrent intéressées et montent des projets. Nous les accompagnons avec Gares & Connexions », souligne Matthieu Chabanel. Reste maintenant à labelliser les projets et à définir les financements. SNCF Réseau veillera à la compatibilité, sur le réseau, de l’ensemble des trafics. Le gestionnaire historique devra composer avec la Société des Grands Projets (jusqu’alors appelée Société du Grand Paris) en fonction de la teneur des projets. Pour résumer, la loi précise que la SGP sera maître d’œuvre pour les constructions de nouvelles voies ferrées. Et ne pourra donc pas intervenir sur le réseau existant et circulé, territoire exclusif de SNCF Réseau. « Tout le monde a bien compris que les travaux sur les infrastructures existantes doivent être réalisés par SNCF Réseau pour des raisons de sécurité », explique Matthieu Chabanel, qui se réjouit du rôle dévolu à la SGP. « Il aurait été dommage de se priver des capacités d’une société qui a fait ses preuves et dispose de beaucoup d’ingénieurs. Nous sommes animés par la même volonté de faire des SERM un succès. J’ai une grande confiance sur notre capacité collective de mener à bien ces projets. »
Nouveaux clients
Pour développer son activité, SNCF Réseau a intérêt à accueillir de nouveaux opérateurs. Le groupe a ainsi accordé des sillons à la compagnie italienne Trenitalia en 2021, puis à l’espagnole Renfe en 2023. Demain, il pourrait voir arriver d’autres entreprises, comme Kevin Speed (qui veut lancer un train à grande vitesse omnibus) ou Le Train (qui voudrait notamment se lancer sur Bordeaux-Nantes). L’ouverture à la concurrence dans les TER va aussi instaurer de nouvelles relations avec le transporteur SNCF qui sera obligé à chaque fois qu’il remportera des appels d’offres de créer une filiale dédiée pour exploiter les TER qu’il gagnera. Cela implique une transformation culturelle. « Nous devons instaurer des modes de relations différents avec les opérateurs, transformer nos manières de faire, mettre en place des relations renouvelées », résume le dirigeant.
Hausse des péages : le rattrapage
La forte augmentation des péages ferroviaires prévue en 2024 et les années suivantes fait l’objet de critiques et de contestations de la part d’élus et d’opérateurs. Plaidant pour un débat dépassionné, Matthieu Chabanel rappelle qu’entre 2021 et 2023, les péages n’ont augmenté que de 5 % , alors que l’inflation était de 14 % . La hausse prévue pour 2024-2026, est donc un rattrapage. « Pour investir, nos deux seules sources de revenus sont les péages et les subventions. Nous faisons aussi évoluer les péages pour les rendre plus incitatifs », souligne-t-il. C’est ainsi que, pour encourager le maillage du territoire, le péage pour un TGV Paris-Arras, est moins cher que celui d’un Paris-Lille, alors que ces trains utilisent la même ligne. Ou que, pour le TER, SNCF Réseau a mis en place un forfait, puis un péage au train, de manière à inciter au développement du trafic. Des modulations des péages sont aussi instaurées avec des tarifs moins chers aux heures creuses ou sur les lignes de desserte fine du territoire. En France, les péages prélevés vont à l’entretien et la rénovation du réseau structurant, c’est un choix politique, le montant de ceux-ci est un arbitrage entre ce que doit supporter l’usager et ce qui revient au contribuable, rappelle encore le dirigeant. Le péage représente ainsi 40 % du prix du billet d’un TGV et 20 % de celui d’un TER
Optimisme pour le fret
Côté fret, après deux belles années post covid, 2023 a été plus difficile, marqué notamment par les grèves contre les retraites, les hausses d’électricité et l’éboulement en Maurienne qui a coupé la principale liaison ferrée transalpine. Mais le secteur du fret se montre encore dynamique, estime Matthieu Chabanel. « En 2023, nous avons accueilli un nouveau client chaque mois », indique-t-il. D’ici la fin 2024, Fret SNCF va disparaître pour renaître en 2025 sous une autre forme et avec une activité amoindrie. Ce qui augure encore d’une année compliquée. Sur le long terme, Matthieu Chabanel fait preuve d’optimisme, convaincu que dans le contexte actuel, « le fret ferroviaire a un réel avenir en Europe. » Les investissements dans le fret ferroviaire ont été multipliés par quatre par rapport à l’avant Covid, notamment dans le cadre des contrats de plan État-Région qui intègrent des volets fret. Le tout soutenu par la filière réunie dans l’Alliance 4F, qui parle d’une même voix pour définir les projets prioritaires. Et vise le doublement de la part de marché du fret d’ici 2030.
Quelques améliorations sont déjà perceptibles : en septembre 88,8 % des sillons de fret ont obtenu une réponse positive, soit 15 points de plus qu’il y a 10 ans. L’entreprise progresse chaque année, assure le PDG, visant les 90 % atteints dans le transport de voyageurs. Autre bonne nouvelle : pour la première fois l’an dernier, SNCF Réseau a moins fait bouger ses sillons que les entreprises ferroviaires. Reste toutefois toujours un point de vigilance : l’augmentation des travaux doit conduire SNCF Réseau à trouver un équilibre entre trains de jour, trains de nuit et travaux. Les arbitrages se font parfois (même si c’est rare) au bénéfice du fret, avec des travaux de jour, comme cela a été le cas sur la ligne Paris-Dijon, afin d’éviter une bascule massive des marchandises sur la route.
Renouvellement d’appareils de voies à Reims le 12 septembre 2020.
La résilience face au dérèglement climatique
En plus des éboulements de terrain, les inondations en Hauts-de-France et des canicules précoces ou tardives ont aussi marqué 2023. « Le rythme des conséquences du changement climatique s’accélère et pose la question de la résilience du réseau », rappelle Matthieu Chabanel. Développer le transport ferroviaire est positif pour la planète, mais n’exonère pas de réduire l’impact environnemental de l’entreprise, poursuit-il. Parmi les actions mises en place, le recyclage permet de revaloriser 100 % du ballast, dont 45 % est réutilisé directement sur les voies ferrées. Une filière de rails verts, qui permet de les refondre, réduit de 70 % l’impact carbone sur les achats. Matthieu Chabanel veut étendre cette politique à l’ensemble des composants ferroviaires. Pour mieux se préparer aux aléas climatiques, l’entreprise a réalisé une cartographie des risques et vulnérabilités du réseau. La forte chaleur sur les rails ne devrait pas être un problème compliqué à gérer, estime le patron de SNCF Réseau, en citant la Mauritanie, soumise à des températures élevées, et qui utilise des rails comparables aux nôtres. En revanche, les composants électroniques n’ont pas été conçus pour subir de fortes chaleurs. Le renouvellement du réseau est l’occasion de l’équiper avec des composants plus modernes et robustes, permettant de gagner en résilience. Des actions peuvent aussi être entreprises sans attendre. Ainsi, pour protéger ses installations contre les canicules, SNCF Réseau a repeint en blanc des guérites en Nouvelle-Aquitaine, ce qui lui a permis de gagner jusqu’à six degrés.
Les investissements ne sont donc pas forcément lourds à réaliser.
L’entreprise doit aussi se préparer au dérèglement des systèmes hydrauliques, à l’origine d’évènements extrêmes plus fréquents, et aux conséquences des retraits-gonflements d’argile, car l’intégralité du réseau se situe dans des sols argileux. « Renouveler le réseau est une première étape pour être plus résilient, car tous les investissements de modernisation réalisés sont utiles en matière de résilience », indique Matthieu Chabanel. « Quand on change de composants, quand on renouvelle les caténaires, c’est déjà une façon de s’adapter aux changements climatiques. Plus un réseau est récent, plus il est résilient. » Le PDG de SNCF Réseau estime que le secteur devra réfléchir à ce que seront les déplacements dans un monde à plus 4 degrés. Et il conclut : « Notre but c’est d’assurer le service le plus élevé possible en tout temps, en tous lieux, tout en veillant prioritairement à la sécurité des voyageurs. Mais je n’ai pas d’état d’âme à imaginer une restriction de circulation en cas d’alerte rouge, comme c’est le cas aujourd’hui sur les routes. Mieux vaut ne pas laisser partir un train que de laisser des voyageurs bloqués sur des voies pendant des heures… »
La filière ferroviaire industrielle française présente d’indéniables atouts. Mais son avenir est étroitement lié à celui de ses fournisseurs et des performances de la supply chain. C’est en conjuguant une stratégie de filière, donc collective et volontariste tournée vers de grands projets de transports intelligents et décarbonés et un déploiement ambitieux d’outils de structuration et de consolidation industrielle que la France sera pleinement au rendez-vous du ferroviaire du XXI siècle, estime Jean-Pierre Audoux, ancien délégué général de la Fédération des industries ferroviaires, aujourd’hui président de l’association Care.
Par Jean-Pierre Audoux, fondateur de Care
La filière ferroviaire française est une filière stratégique et reconnue comme telle par l’État, nul ne saurait en douter.
Le troisième rang mondial, auquel elle se situe n’est en rien usurpé, compte tenu de son savoir-faire de tout premier plan aussi bien au niveau des industriels qu’au niveau des opérateurs de transport.
Cette filière affiche aujourd’hui de grandes ambitions pour être au rendez-vous des «trains du futur» – décarbonés et «intelligents» – grâce auxquels, pour reprendre la prophétie de Louis Armand , le ferroviaire sera le mode de transport du XXIe siècle (« s’il survit au XXe siècle »).
Notre filière dispose de «locomotives» pour incarner cette ambition que ce soit des opérateurs ferroviaires tels que SNCF, RATP, Keolis, Transdev ou encore des leaders industriels tel qu’Alstom, entreprises de tout premier plan mondial dans leurs domaines respectifs. On ne peut donc – a priori – qu’être confiant quant à notre capacité collective à atteindre ces objectifs.
Dans cette perspective, il est toutefois très important de ne pas oublier une vérité essentielle : l’avenir de tout grand donneur d’ordres dépend fondamentalement au moins autant de celui de la performance de sa supply chain que de sa propre performance. Et l’industrie ferroviaire n’échappe pas à cette règle.
Comment ne pas s’en convaincre quand on sait qu’entre 60 % à 70% de la valeur d’un train ou d’un métro proviennent de la valeur ajoutée créée par les fournisseurs des intégrateurs ferroviaires, que ce soit en France ou dans les autres pays.
C’est cette chaine de valeur sur laquelle nous devons non seulement veiller collectivement, mais encore interagir afin de la consolider et de la pérenniser dans un contexte qui l’aura beaucoup éprouvée ces dernières années.
De fait, la période que nous vivons depuis 2020 aura vu se juxtaposer une crise sanitaire mondiale sans précédent, une crise également mondiale des approvisionnements à la fois en énergie et en composants électroniques accentuée par les tensions politiques liées au conflit russo-ukrainien.
La filière ferroviaire française n’a pas été épargnée, loin de là, par l’impact de tous ces évènements, en particulier en 2020 et 2021, période pendant laquelle nombre d’entreprises de cette filière, que ce soit des équipementiers ou des ensembliers industriels – ou encore des opérateurs de transport, ont vu à la fois leur activité s’effondrer, leurs comptes se dégrader et leur endettement sensiblement augmenter, notamment pour les nombreuses PME-PMI ayant dû recourir à des PGE.
Cette crise majeure aura eu au moins un mérite : celui de nous faire prendre collectivement conscience de la nécessité de renforcer fortement notre indépendance économique ainsi que l’efficience et l’homogénéité de nos filières industrielles stratégique, à l’aune d’une compétition économique mondiale plus que jamais présente.
« Sans indépendance économique, il n’y a pas d’indépendance tout court » (Charles de Gaulle) et nos filières industrielles se doivent d’être plus solidaires, de partager des valeurs communes, des objectifs communs, une confiance mutuelle entre les acteurs, bref d’être de VRAIES FILIERES.
Le défi de la concurrence internationale
Dans le cas de l’industrie ferroviaire, on constate que les filières les plus importantes / performantes au plan mondial sont le plus souvent très homogènes.
Si l’on prend ainsi le cas de la Chine, celle-ci s’appuie, pour atteindre les objectifs ferroviaires très ambitieux (mais crédibles) de Made in China 2025, sur un écosystème national contrôlé par l’État et articulé autour de l’opérateur national, China Railway (100 md€ de CA en 2022), et des grands industriels ferroviaires publics, au premier rang desquels le constructeur ferroviaire numéro un mondial CRRC (29 md € de CA en 2022) et aussi des leaders nationaux dans la signalisation ou l’infrastructure ferroviaire (CRSC : 5,4 mds€ de CA en 2022, CREC 140 md€ de CA en 2022).
La filière ferroviaire allemande, deuxième filière ferroviaire mondiale, et, à l’opposé de la Chine, constituée essentiellement d’entreprises industrielles privées, se structure pour sa part autour de la DB et de Siemens Mobility ainsi que des anciens établissements de Bombardier Transport repris en 2021 par Alstom.
Elle s’appuie sur un écosystème industriel extrêmement solide et homogène constitué de cinq ou six ETI (pm : plus de 400 m€ de CA – Knorr-Bremse, Voith-Turbo, Schaltbau, Hübner…) et de dizaines de grosses PME-PMI (plus de 50 m€ de CA) particulièrement performantes à l’export (en moyenne 50% de leur CA).
On peut également mentionner les exemples des filières ferroviaires japonaise ou coréenne, qui, chacune, privilégient des supply chain très largement nationales. Dans le cas du Japon, la filière ferroviaire – quasiment intégrée à 100% – se structure autour des six compagnies ferroviaires JR et de quelques grands systémiers ou intégrateurs, à commencer par Hitachi Rail et Mitsubishi Electric. L’ensemble du tissu industriel ferroviaire japonais peut s’appuyer sur les projets de R&D portés et financés par le RTRI (Master Plan 2020-2024).
Dans le cas de la Corée, on retrouve le même type d’arborescence, cette fois-ci autour de l’opérateur Korail et de l’intégrateur Hyundai Rotem, avec toutefois, à la différence du Japon, une certaine ouverture vers des fournisseurs étrangers (notamment français). Le Korea Railroad Research Institute (KRRI) joue le même rôle pour la filière ferroviaire coréenne que le RTRI au Japon.
Face à ces grandes filières mondiales, qu’en est-il de la situation de la filière industrielle ferroviaire en France ? Comme indiqué en préambule, notre filière industrielle ferroviaire se situe au 3ème rang mondial et son caractère est d’autant plus stratégique qu’elle doit répondre au défi de la mise en œuvre d’une série d’innovations permettant de construire, au cours des deux décennies à venir, un système ferroviaire à la fois intelligent et décarboné.
La création, en 2011, d’un comité stratégique de filière (CSF), dans le secteur ferroviaire (parmi les 11 CSF alors créés) a clairement souligné à la fois une prise de conscience collective et une volonté nationale affichée par l’État de soutenir des actions de structuration de cette même filière, considérée à juste titre comme « stratégique » afin de renforcer celle-ci dans le contexte d’une compétition mondiale, toujours plus acharnée et de pérenniser les emplois et les compétences sur notre territoire.
Par structuration, il faut bien évidemment comprendre que c’est, au-delà des « champions » nationaux, toute la «supply chain» ferroviaire qui doit être renforcée en devenant à la fois plus solidaire, plus homogène et plus efficiente. A cet égard, les défis externes, mais aussi internes, aussi bien structurels que socio-culturels, ne manquent pas.
Parmi les premiers cités, il y a bien sûr la concurrence internationale croissante des équipementiers qui s’est fortement accrue dans les anciens PECO.
On citera notamment la Pologne qui a bénéficié de financements européens pour moderniser son outil industriel et peut s’appuyer dans la « galaxie PKP » sur des équipementiers locaux compétitifs. C’est aussi le cas de la Tchéquie qui, en sus du constructeur ferroviaire Skoda, dispose d’équipementiers de premier plan tel que Bonatrans ou encore Dako-CZ. Le domaine, ô combien stratégique, de l’ingénierie n’est pas non plus épargné par une vive concurrence.
On pourra mentionner en tout premier lieu l’Inde qui dispose à Bangalore, Mumbai ou Delhi de capacités de prestations considérables, ceci à des couts « indiens », donc intrinsèquement plus compétitifs que ceux des européens.
D’une façon générale, Il convient également de ne pas oublier la concurrence émanant des propres filiales étrangères des grands intégrateurs ou équipementiers français, là-encore en Pologne, Tchéquie ou en Inde, concurrence qui peut conduire jusqu’à localiser (ou délocaliser) une production de matériels, parfois destinés au marché français, dans ces mêmes pays au détriment des sites industriels hexagonaux.
Enfin, si l’on considère les fusions-acquisitions réalisées depuis une vingtaine d’années dans la filière du matériel roulant, mis à part le cas de d’Alstom / Bombardier ou de Compin-Fainsa, on constate surtout plus d’acquisitions stratégiques de l’étranger vers la France (Wabtec / Faiveley, MA Steel / Valdunes, Hitachi /Thales (en cours) …) que l’inverse.
REPARTITION PAR REGION DES PRINCIPAUX EQUIPEMENTIERS FERROVIAIRES DE LA FILIERE MATERIEL ROULANT (en nombre de sites industriels)
Une fragilisation croissante
Ce constat démontre certes l’attractivité de nos entreprises, mais aussi la fragilisation de notre filière industrielle en tant que filière « nationale » avec un nombre croissant de pôles de décisions stratégiques situés hors de France.
En résumé, la concurrence pour la filière ferroviaire française est partout, en termes de segments de marchés (intégration, équipements, ingénierie), de pays (Chine, Inde, Corée, Japon, ex-PECO) et va même jusqu’à englober également les filiales des grands industriels français.
Cette concurrence est d’autant plus forte qu’elle émane d’entreprises appartenant à des filières étrangères homogènes et structurées, au sein desquelles (Chine, Inde, Pologne, Tchéquie …) les coûts de production sont le plus souvent intrinsèquement inférieurs (pour de multiples raisons, notamment les salaires et les charges sociales) à ceux de leurs homologues français.
Concernant les défis internes à la filière, on pourra tout d’abord mentionner notre difficulté collective à pouvoir bâtir des grands programmes « fédérateurs », (à l’exception du programme «Train Autonome», piloté par SNCF avec l’IRT Railenium), programmes permettant de rassembler sur dix ans ou plus les compétences de l’ensemble de notre écosystème ferroviaire.
Autre défi collectif : être capable de favoriser la gestation d’entreprises de taille intermédiaire (CA minimum de 400 millions d’€), ou, plus simplement de « grosses PMI » (entreprises ayant un CA supérieur à 50 millions d’euros) et capables de fournir des sous-systèmes ou sous-ensembles (cf. Wabtec-ex Faiveley) lesquelles constituent un relais indispensable entre les grands donneurs d’ordres, que ce soit des opérateurs de transport ou des intégrateurs, et les PME PMI, fournisseurs de composants, de pièces ou d’équipements ferroviaires.
Un autre défi pour notre filière – et non des moindres – porte sur l’efficience et l’agilité permettant de livrer les trains à la fois à l’heure et sans problèmes de non-conformité. Certes, ce problème n’affecte pas que la France (l’Allemagne, notamment, a été aussi largement affectée par ces problématiques), mais elle n’en reste pas moins récurrente
Que les entreprises de la filière disposent d’un véritable savoir- faire et d’une présence de longue date dans le secteur est indiscutable, mais cela ne suffit pas à garantir leur croissance et leur pérennité face aux exigences des marchés et à une concurrence internationale toujours plus présente, jouant sur les prix et les coûts de production des équipements sur lesquels les équipementiers français ont beaucoup de mal à s’aligner aujourd’hui.
Les fournisseurs d’équipements ferroviaires en France ont heureusement pour leur part d’autres cartes à jouer notamment en termes de proximité géographique et culturelle des grands donneurs d’ordres.
Mais, pour sécuriser leurs positions commerciales, ceux-ci vont, quoi qu’il en soit, devoir à la fois renforcer leur efficience industrielle et baisser leurs coûts de production.
Cela, en particulier, en maitrisant mieux leurs process et la gestion de leurs flux et de leurs stocks afin d’être plus efficients sur le respect des calendriers de livraison et sur la conformité des produits livrés.
D’où la nécessité pour ces entreprises d’axer leurs efforts dans trois directions essentielles : renforcer leurs compétences sur le « Lean » (lean management, lean innovation…), optimiser l’utilisation de leur outil numérique et, last but not least, pouvoir parler « le même langage » avec leurs grands donneurs d’ordres (notamment en matière d’indicateurs de performances), ce qui implique, bien sûr, un effort symétrique de la part de ces derniers.
Un nouvel outil pour répondre aux défis
C’est sur la base de ce constat et des objectifs à atteindre que la filière ferroviaire a créé Care Rail en 2020 en permettant, avec le soutien financier de l’Etat (DGE -Bpifrance) ou des Régions (Auvergne Rhône-Alpes, Hauts-de-France…) de mobiliser à terme des centaines de PME-PMI réunies en grappes d’entreprises régionales et travaillant sur leurs process industriels autour d’un grand donneur d’ordres (Alstom, SNCF Voyageurs…) avec un accompagnement par des experts industriels de haut niveau.
Care Rail est un outil de structuration de filière «intelligent», dont la méthodologie a pleinement fait ses preuves dans l’aéronautique depuis plus de quinze ans (cf. démarche Space-Aéro) et dont le déploiement en cours dans le ferroviaire permet pour les PME-PMI de la filière de répondre au défi de la maturité industrielle nécessaire pour être pleinement compétitives et, ainsi, de pouvoir rivaliser avec leurs concurrents internationaux.
Les PME bénéficient ainsi, pendant 18 mois, de 22 jours d’accompagnement et d’expertise industrielle, à la fois individualisés et collectifs, via des échanges de bonnes pratiques entre participants ainsi que d’une mise en réseau.
Les progrès réalisés par les entreprises déjà engagées dans la démarche sur des périodes de 18 mois sont des plus spectaculaires : en moyenne + 18% de maturité industrielle (du niveau 28 au niveau 56) permettant de réduire les retards de livraisons jusqu’à plus de 50% et les non-conformités de 45%. Ce sont de tels niveaux de performance qui vont contribuer à compenser les avantages compétitifs dont bénéficient leurs concurrents dans les PECO ou en Asie.
D’autres axes de progrès sont souhaitables pour permettre aux PME-PMI de la filière de renforcer leur compétitivité.
On pourra citer tout particulièrement celui portant sur la RSE (engagement dans une démarche de Responsabilité Sociétale à la hauteur des attentes des parties prenantes, intégration des bonnes pratiques permettant de répondre aux spécifications RSE figurant dans les cahiers des charges des donneurs d’ordres,) ou encore, celui concernant l’optimisation de l’outil numérique, aujourd’hui encore largement sous-utilisé, pour la gestion des flux physiques et financiers.
Là-encore, les marges de progrès sont certaines et la mise en œuvre à court terme dans ces domaines de programmes adaptés aux besoins et aux moyens des PME-PMI constitue un impératif pour leur avenir et, in extenso, pour celui de notre supply-chain dans sa globalité.
Des démarches collectives de structuration de filière telles que Care Rail sont et seront la preuve même que notre filière ferroviaire est prête à prendre son destin en main en se mobilisant pour consolider et pérenniser sa supply chain.
C’est en conjuguant une stratégie de filière, donc collective, ambitieuse et volontariste tournée vers de grands projets de transports intelligents et décarbonés et un déploiement tout aussi volontariste et ambitieux d’outils de structuration et de consolidation industrielle que la France sera pleinement au rendez-vous du ferroviaire du XXIème siècle. L’un ne pourra pas se faire sans l’autre, sauf à décider de tirer un trait sur une filière d’excellence et reconnue comme telle dans le monde.
Le vieillissement de la population implique des changements spatiaux et temporels dans les comportements de mobilité qui peuvent se révéler à double tranchant pour les transports en commun. Une compréhension fine de ces changements permet d’imaginer des solutions pour assurer que les réseaux ne subissent pas de baisse de fréquentation et continuent de jouer leur rôle de solution de mobilité pour le plus large public.
Par Julie Chrétien, Léa Wester, Nicolas Louvet
Une croissance à plusieurs étapes
Nous sommes à mi-chemin d’une transformation démographique de grande ampleur. Entre 1960 et 2060, le nombre de personnes âgées de 75 ans et plus sera multiplié par quatre, tandis que dans le même temps, le volume total de la population ne sera multiplié que par 1,6. Il y a aujourd’hui cinq millions de plus de personnes de plus de 75 ans qu’il y a 60 ans, et cette tranche d’âge devrait à nouveau gagner cinq millions d’individus d’ici 2060, dont quatre millions rien que d’ici 2040. En parallèle, les tranches d’âge des « jeunes » (moins de 19 ans) et des actifs (20-64 ans) décroissent de manière continue depuis 2010.
Ce changement se fait cependant en plusieurs étapes. Tandis que les années 2010 ont vu croître le nombre de 65-74 ans, les années 2020-2030 vont voir augmenter celui des 75-84, et la croissance des plus de 85 ans devrait se faire après 2030. Ces évolutions ont déjà eu et vont avoir des impacts forts sur les territoires dans leur composition, leur forme, leur rythme et les manières dont elles interviendront. Dans un contexte de volonté de réduction de la place accordée à la voiture et d’incitation au report modal, l’impact de ces changements démographiques sur l’usage des transports mérite d’être interrogé.
Une hausse du nombre de retraités à double tranchant pour les transports en commun
Les changements de pratiques spatiales et modales ont déjà commencé à faire reculer les transports en commun au sein de la population des 65 ans et plus. En effet, les retraités d’aujourd’hui ne sont pas ceux d’hier. Ils habitent plus souvent dans le périurbain, où ils se sont installés à l’âge actif ou lors du passage à la retraite, et conservent l’usage de l’automobile qu’ils avaient à cette même période, là où une part significative de la génération qui disparaît n’était pas motorisée. La part des retraités n’appartenant pas à un ménage possédant une voiture est ainsi passée de 38 % en 1994 à 27 % en 2008 et à 19 % en 2018 d’après les enquêtes de mobilité nationale successives.
Quel que soit l’âge, l’absence d’emploi induit des changements conséquents en matière de mobilité. La fin de l’activité professionnelle, synonyme de la fin des déplacements pendulaires domicile-travail, s’accompagne à la fois d’une baisse de la mobilité individuelle et d’une hausse des déplacements de loisir. Si l’ensemble des modes est affecté, ceci interpelle particulièrement les réseaux de transports en commun, originellement dimensionnés et conçus pour desservir une population d’actifs réalisant des déplacements pendulaires.
Le remplacement d’individus aux horaires réguliers se déplaçant aux heures de pointe vers et depuis des lieux denses, par une population aux rythmes moins marqués se déplaçant en heures creuses vers des lieux de consommation et de loisir est à double tranchant pour les opérateurs de transport. D’une part, les inactifs sont souvent des publics moins captifs que les actifs : ils se rendent vers des destinations moins denses à des heures moins congestionnées, ce qui rend les transports en commun moins compétitifs et ils ont plus de latitude pour relocaliser leurs activités lorsqu’il y a des contraintes en matière de transport. Ceci induit le risque d’une baisse de fréquentation des réseaux dans les territoires où la hausse du nombre de retraités s’accompagne d’une baisse du nombre d’actifs. D’autre part, une hausse de la fréquentation en heures creuses assortie d’une stabilité ou d’une baisse de la fréquentation en heures de pointe – en raison de la stagnation du nombre de jeunes et d’actifs, qui se déplacent à ces heures – pourrait résoudre bon nombre de problèmes de capacité pour les opérateurs et de confort pour les usagers. L’atténuation du phénomène de l’heure de pointe et le lissage de la fréquentation permettraient alors une réduction des coûts opérationnels, favorables aux réseaux de transport.
Insee, estimations de population et scénario central des projections de population 2021-2070.
L’enjeu de la santé et de l’accessibilité pour le 4e âge
Par ailleurs, si les retraités d’aujourd’hui sont en meilleure santé que ceux des décennies passées, l’augmentation du nombre de plus de 85 ans, notamment à partir de 2030 pourrait impliquer un retour en arrière dans ce domaine. Ceci devrait entraîner une hausse de la demande de service à destination des personnes âgées dont la mobilité est contrainte par un état de santé déclinant. La demande de services de mobilité spécifiquement destinés aux seniors (bus, TAD pour PMR) devrait ainsi suivre l’évolution de ces tranches d’âge et donc presque doubler à l’horizon 2040.
En parallèle, la baisse de motricité des personnes âgées est pointée du doigt comme un risque pour les transports en commun. Les seniors acceptent plus difficilement un temps élevé de marche pour rejoindre un arrêt et sont plus sensibles à la pénibilité physique que ces modes peuvent impliquer en raison d’un niveau d’accessibilité encore variable et souvent insuffisant. Les réseaux qui relèveront ce défi devraient être les plus épargnés. Ainsi à Paris, la fréquentation des bus par les personnes âgées est sensiblement plus élevée que celle du métro, dont l’accessibilité est considérablement plus limitée.
Enfin, les effets du vieillissement de la population sur la mobilité seront décuplés s’ils se superposent à une dégradation des conditions de vie et des ressources socio-économiques des personnes âgées de plus de 65 ans. Or, tandis que la fragilité des unions affectant la génération des baby-boomers laisse présager une diminution des cohabitations jusqu’à un âge avancé, le déséquilibre du système de retraites est d’ores est déjà annoncé. Il semblerait alors que les personnes retraitées connaîtront, dans les décennies à venir, une paupérisation significative (IAU Île-de-France, «Vieillissement et inégalités : les disparités traversent les âges», février 2018), résultant en une baisse plus accentuée de leur mobilité.
Conclusion
Les effets du vieillissement de la population seront inégaux dans le temps et dans l’espace : selon la phase de la transition, l’évolution du reste de la structure démographique et la structure du territoire. Si tous ces effets ne sont pas négatifs, ils pourraient déséquilibrer les réseaux qui n’auraient pas anticipé ces phénomènes. Ces derniers vont devoir s’adapter, que cela soit par une refonte des services de TAD, une modification de la tarification ou un renforcement des services en heures creuses. Au-delà des conséquences techniques et opérationnelles, il s’agit d’un enjeu pour la cohésion sociale et territoriale.
Présenté comme le Graal en matière de mobilité, le MaaS (Mobility as a Service) est une réalité en Nouvelle-Aquitaine avec Modalis. Un outil évolutif déjà adopté par 100 000 abonnés. Renaud Lagrave, le président de la Région, en a tiré les enseignements et présenté ses objectifs au cours d’une conférence co-organisée le 23 janvier avec VRT.
L’histoire remonte à 2017 lorsque la région Nouvelle-Aquitaine a pris la compétence sur la gestion des transports scolaires et interurbains, en plus des TER. Une réflexion a alors été lancée avec les autres collectivités, aboutissant à la création du Syndicat Nouvelle-Aquitaine Mobilités (Nam), qui regroupe aujourd’hui 34 autorités organisatrices de transport et 40 réseaux. Son objectif : coordonner les offres de transport, créer un billet unique interopérable et mettre en place un système d’information unique. Une démarche innovante qui a permis de lancer Modalis, un MaaS (Mobility as a Service) à l’échelle de la région.
Renaud Lagrave
« Nous avons entamé les discussions pour créer cet outil avant la loi Mobilités de 2019 », rappelle Renaud Lagrave, le président du syndicat, également vice-président chargé des transports de la région. Les discussions visaient à simplifier la vie du voyageur tout en organisant les actions des différentes autorités organisatrices de mobilité (AOM). « Les briques ont été assemblées progressivement, avec des coups d’accélérateur liés à des évènements comme le Covid qui, en interdisant la vente des billets dans les cars, a poussé le syndicat Nam à trouver une solution de vente de billets sur Modalis en trois semaines », raconte l’élu.
Modalis, mode d’emploi
Le système est simple. Après avoir chargé l’application Modalis sur son smartphone, l’usager peut saisir une origine et une destination et se voit proposer tous les modes de transports possibles, ainsi que les horaires, pour faire son choix. Il peut acheter son billet en carnet ou à l’unité, même s’il emprunte plusieurs réseaux. « A ce jour, 65 % des réseaux de Nouvelle-Aquitaine sont référencés. Ce taux passera à 85 % dans un an », précise Jérôme Kravetz, directeur de Nam. Parallèlement, le syndicat coordonne le déploiement de la carte Modalis sur les réseaux membres, afin de mettre progressivement en place un support unique de mobilité sur l’ensemble du territoire régional.
Montée en puissance
« Le système est perfectible, nous travaillons avec les AOM pour l’améliorer, qu’il s’agisse de la billettique, de l’interopérabilité, de la remontée en temps réel des informations ou de l’intermodalité », détaille Renaud Lagrave. D’ores et déjà, le succès de Modalis s’observe à travers les hausses de trafic enregistrées sur tous les réseaux urbains et une progression de + 40 % en quatre ans sur les lignes TER. Pour inciter les automobilistes à laisser leur voiture au garage et utiliser les transports publics, l’élu prévoit de travailler sur l’intégration tarifaire pour bénéficier d’offres plus attractives. Pour l’heure, Modalis ne peut que proposer une superposition tarifaire.
Michel Germaneau
Une intégration à pousser
Modalis intègre déjà les transports par cars, les TER, les réseaux urbains, l’autopartage, le covoiturage, les vélos. Bientôt, le transport à la demande (TAD) pourrait faire son apparition. Ainsi que les TGV et les Intercités dès qu’un différend avec la SNCF sera réglé. « La SNCF ne veut pas que nous vendions des billets pour ses trains car nous serions une agence de voyages », déplore Renaud Lagrave. « Comment expliquer que nous pourrions vendre tous les modes de transport sauf les TGV et les Intercités ? », interroge-t-il, s’en remettant aux services de l’État pour lever ce point de blocage. Il se dit prêt à saisir l’Autorité de régulation des transports s’il n’obtient pas gain de cause. « Nous refuser la possibilité de vendre ces billets est contreproductif. La SNCF a 122 distributeurs automatiques de billets dans les gares en Nouvelle-Aquitaine. Nous en installons 265 sur lesquels on pourra vendre les billets de tout le réseau. Y compris ceux des TGV et des Intercités si on trouve un accord. Tout le monde y gagnerait », ajoute-t-il.
Une coopération renforcée
Michel Germaneau, vice-président chargé des mobilités du Grand Angoulême, qui regroupe 38 communes et dispose d’un réseau de 11 lignes de bus, estime que la création du syndicat a permis de réduire les méfiances entre territoires. « Nous sommes passés d’un système de concurrence, à un système de partage ». Adhérer au projet Modalis permet à l’agglomération de profiter de solutions « sur étagère » pour offrir des services nouveaux ou harmonisés. Le Grand Angoulême va ainsi pouvoir tester en avant-première les applications Covoit Modalis pour du covoiturage de courte distance et Vélo Modalis, un service de location de vélos électriques proposé dans toutes les gares de la ligne TER Royan – Angoulême.
Des financements à trouver
Pour améliorer l’offre de transport régionale, le syndicat veut déployer une vingtaine de lignes de cars express. « Une première, Bordeaux-Créon, a déjà été mise en place en 2019 et nous venons d’ouvrir celle reliant Blaye et Bordeaux en début d’année. Nous sommes en train de finir les comités de pilotage pour en démarrer trois autres lignes sur Poitiers, La Rochelle et dans le Sud Aquitaine », précise Renaud Lagrave. Pour financer ces projets, l’élu régional compte sur les collectivités, les recettes fiscales, mais aussi sur la participation des usagers. Par ailleurs, le syndicat Nam a instauré, depuis le 1er janvier, le versement mobilité (VM) additionnel sur l’ensemble des communes de son territoire. L’aménagement de la ligne de bus à haut niveau de service entre Bordeaux et Blaye a ainsi pu être cofinancé à hauteur de 25 % par la Région, 25 % par Bordeaux Métropole et 50 % par Nam. Renaud Lagrave s’autorise toutefois une réserve, constatant que des entreprises situées dans des communes centre sont moins mises à contribution que d’autres moins riches, et en conclut que cette taxe additionnelle n’est pas adaptée au déploiement d’une offre de transport périurbaine.
40 ans après l’inauguration de la première ligne de métro automatique du monde, le Val de Lille, les perspectives de développement de ce mode sont plus prometteuses que jamais. Lors d’une conférence organisée le 23 novembre par Ville Rail & Transports, des experts ont évalué les niveaux de performance du métro automatique et sont revenus sur les conditions de réussite.
L’actualité est riche : à Paris, la ligne 4 migre du pilotage automatique analogique, avec conducteur, à l’automatisation intégrale, sans personnel à bord. A Lyon, la ligne D connaît une migration inédite, entre deux générations successives d’automatisation intégrale. Le développement exponentiel des métros automatiques s’accompagne ainsi d’un triple challenge. Pour l’extension d’un réseau existant, la recherche de performance et d’économie dicte le recours aux plus récentes technologies, incompatibles avec les anciennes. Dans le même temps, la haute valeur patrimoniale d’une ligne nouvelle contraint l’opérateur à devoir en tirer au plus vite tout le potentiel pour le bénéfice de l’autorité organisatrice, alors que la montée en puissance ne peut être que graduelle. Et pour l’automatisation d’une ligne existante, comme pour la migration d’une génération d’automatismes à la suivante, la nécessité de ne pas interrompre l’exploitation oblige désormais les constructeurs à des prouesses afin que, chaque matin, les rames puissent circuler, en toute sécurité, après les travaux de la nuit. C’est sur ce triple challenge, technique, financier et organisationnel, que les autorités organisatrices, constructeurs et opérateurs doivent réagir.
Automatisation de la B à Lyon…
A Lyon, l’automatisation de la ligne B est devenue opérationnelle en juin 2023, avec un passage d’un système GOA2 à GOA4. Christophe Sanguina, directeur du centre d’excellence Metro-Tram de Keolis, explique que cette migration a été réalisée dans des conditions complexes.
Christophe Sanguina
« Il est important de montrer que cette évolution n’est pas impossible même si cela reste un sujet délicat, notamment du point de vue de l’opérateur », souligne Christophe Sanguina. « La bonne coopération entre les différents acteurs, que ce soit l’autorité organisatrice, le maître d’œuvre, l’exploitant ou les constructeurs a été primordiale pour la réussite du projet car il s’agissait de mettre en place un système GOA4 tout en gardant une exploitation pour le public. Les essais ont ainsi été réalisés dans des conditions dégradées par rapport à un système neuf, sans disposer de tout le temps nécessaire pour tout tester, et avec peu de références sur ce type de passage. D’un point de vue social, cette opération peut apparaître comme un sujet d’inquiétude pour de nombreuses villes, ce qui n’a pas été le cas à Lyon car des trains ont été rajoutés sur la plupart des lignes, avec en complément la création de nouvelles lignes de tramways. De fait, il n’y a pas eu de conséquences pour les conducteurs qui étaient affectés sur la ligne B », ajoute-t-il. Selon lui, les passagers de la ligne ont ainsi pu bénéficier de trains plus réguliers et plus fiables, tout en profitant de voitures plus larges et proposant beaucoup plus d’informations voyageurs à bord.
… et modernisation de la D
Ludovic Morel
Ludovic Morel, directeur de projets Avenir Metro – chez Egis Rail, rappelle que la modernisation de la ligne B fait partie du projet « Avenir Metro », qui intègre également la modernisation de la ligne D. Ce qui représente une trentaine de marchés de travaux pour le compte de Sytral Mobilités (exploitant Keolis), dont Egis est le maître d’œuvre (co-traitant Systra) « Ce projet permet de répondre à une augmentation de trafic des lignes B et D, en proposant une modernisation et une uniformisation du réseau de métro lyonnais qui remonte à 1978. Sur la ligne D appelée Maggaly (pour Métro automatique à grand gabarit de l’agglomération lyonnaise), il s’agissait de remplacer des automatismes, qui étaient déjà GOA4, et pour lesquels Egis intervenait déjà au début des années 1990 », raconte Ludovic Morel. Ces modernisations ont également eu une incidence sur la ligne A. « Cette ligne bénéficie à présent du renfort des anciennes rames de la ligne B, en attendant sa future automatisation. Enfin, la ligne B a aussi été concernée par son prolongement aux Hôpitaux sud avec deux nouvelles stations et environ deux kilomètres de tunnels, ce qui s’est traduit en termes de planning par une belle aventure de dix ans puisque les études amont pour la ligne B ont été menées en 2013 ».
La première rame de métro automatique de la ligne B est arrivée sur site au printemps 2019 avec une mise en service en mai 2022. L’extension de cette ligne a eu lieu en octobre 2023. Pour mieux se rendre compte de l’ampleur des travaux nécessaires pour assurer ces différents chantiers, Ludovic Morel rappelle qu’il a fallu renforcer l’alimentation en énergie de traction et améliorer les systèmes courants faibles avec un remplacement du tableau de contrôle optique ainsi que tous les systèmes d’interphonie et de téléphonie. L’arrivée de nouveaux équipements d’automatisme a également nécessité la création et l’aménagement de locaux existants, avec une attention particulière apportée sur les problématiques d’amiante qui se trouvait dans ces anciens locaux.
Grande nouveauté, l’exploitant dispose à présent d’une machine à laver interfacée avec les systèmes automatiques, qui permet au régulateur situé au PCC de pouvoir commander le lavage des trains automatiques sans personnel à pied d’œuvre. Ce qui évite ainsi des hauts le pied importants avec le dépôt. Pour supporter l’arrivée de nouvelles rames, la voie ferrée a dû être renforcée et deux nouvelles voies ont été créées dans les ateliers en dépôts, avec des équipements dédiés comme la mise en place de passerelles pour la maintenance de la climatisation des nouveaux trains. En raison d’un manque de place, un tunnel de liaison peu utilisé entre les lignes B et D a été réquisitionné et aménagé pour offrir un espace de remisage complémentaire.Ces aspects logistiques ont une incidence sur la vitesse d’exploitation de la ligne B. « La ligne B possède une particularité technique notable puisqu’elle partage un dépôt commun avec la ligne A. Par conséquent, les rames de la ligne B utilisent une partie de la ligne A en mode manuel pour venir s’injecter sur la ligne B où elles circulent ensuite en mode automatique. Cette injection se réalise sur un terminus en voie unique qui pose des contraintes importantes en termes d’intervalles : ces dernières sont de 120 secondes alors qu’ils sont de 90 secondes sur la ligne D qui ne partage pas ces contraintes », détaille encore le représentant de Egis Rail. Les extensions de la ligne B ont également la particularité de présenter une voie unique temporaire. Aux heures creuses, en début et fin d’exploitation, le réseau est ainsi exploité en voie unique sur ces portions et Keolis remise les autres rames sur voie courante pour gagner en place de remisage.
Enfin, dernière caractéristique, le terminus a la particularité d’être en courbe, comme à la station Bastille à Paris sur la ligne 1. Elle a donc été équipée en comble-lacune pour permettre aux personnes à ne pas avoir de difficultés lors des montées et descentes, avec un dispositif de signalisation lumineuse et sonore pour avertir les voyageurs et les inciter à s’éloigner du bord du quai.
Nouveaux défis à Paris pour les lignes 4, 14, Eole
Edouard Dumas
Edouard Dumas, responsable des comptes SNCF Réseau et antérieurement Société du Grand Paris chez Siemens Mobility a apporté un éclairage sur les projets franciliens sur lesquels son groupe intervient. Rappelons que l’entité française de Siemens Mobility est l’héritière de l’expertise déployée par Matra Transport, à l’origine du premier métro automatique et sans conducteur au monde, le VAL, mis en service pour la première fois à Lille il y a 40 ans, en 1983. L’aventure s’est poursuivie en région parisienne avec notamment l’automatisation de la ligne 1 en 2001, avec une mixité de trafic et sans interruption, ce qui était là encore une première mondiale. « Nous continuons désormais avec la ligne 4 en déployant la même solution, en mixité de trafic et nous allons terminer l’injection complète des rames d’ici la fin de cette année » souligne Edouard Dumas.
Siemens Mobility avait aussi mis en place dès 1998 la première ligne automatique de la RATP avec la ligne 14 et le système Meteor. « Cette ligne constitue la colonne vertébrale du Grand Paris Express et nous serons en mesure de l’automatiser complètement avec le nouveau système CBTC pour les Jeux olympiques. Il s’agira d’un passage de GOA4 vers un nouveau système GOA4 toujours sans conducteur ». Contrairement aux autres lignes, le basculement ne s’opérera pas en mixité de trafic mais sous forme de « big bang », en une seule nuit. Quelques essais ont toutefois eu lieu au préalable pour préparer l’opération. « Nous avons pu procéder à des essais pendant les nuits des vacances de la Toussaint avec l’exploitant RATP en faisant tourner un carrousel de 25 trains sur l’extension qui ira jusqu’à Orly », précise-t-il.
François Destribois
Toujours en région parisienne, Siemens Mobilty déploie, cette fois-ci pour le compte de la SNCF, un système CBTC GoA4 pour la première fois en réseau ouvert sur le RER E Eole. « La mise en place du système Nexteo est prévue pour 2025-2026. Elle relève d’une logique différente puisqu’il faut réaliser une interface en entrée et sortie de tunnel avec des systèmes historiques comme le KVB, avec des transitions dynamiques, ce qui est reste complexe. » Tout comme Siemens Mobility, Hitachi Rail a également des ramifications françaises puisque cette société italienne (anciennement Ansaldo STS) est l’héritière de la Compagnie des Signaux dont le premier contrat de maintenance du métro parisien remonte à… 1913 ! « Ce contrat a été renouvelé l’année dernière avec une équipe de maintenance 24h sur 24 » précise François Destribois, Global head of business development & market intelligence, Hitachi Rail. Ce leader de la signalisation ferroviaire, filiale du groupe japonais Hitachi, intervient sur neuf lignes de métro et huit de tramway et travaille également pour le compte de la SNCF sur Paris-Lyon et Tours-Bordeaux. La filiale R&D se situe à Sophia-Antipolis tandis que le centre mondial d’excellence CBTC est implanté aux Ulis (1500 salariés), avec également un centre de fabrication à Riom dans le Puy-de-Dôme.
Les exemples de Doha et du Caire
Dao Dam-Hieu
Au-delà de nos frontières, Dao Dam-Hieu, directeur exécutif Commercial & Partenariats chez RATP Dev a mis en exergue deux exemples récents significatifs sur lesquels son groupe est amené à travailler : le métro automatique de Doha au Qatar, un contrat « majeur » pour RATP Dev et Keolis, et une exposition mondiale lors de la dernière Coupe du monde de football en décembre 2022.
« Le niveau d’exigence visait le zéro défaut. Tous les matchs ayant lieu au même endroit, le trafic montait en pic le jour des matches avec un trafic multiplié par 4, et des pointes à 8, ce qui a nécessité de totalement repenser la gestion des flux et des crises. Il a fallu doubler, voire tripler les ressources pour être capable de faire face à n’importe quel imprévu. Avec l’appui de notre maison mère, nous avons envoyé 70 personnes sur place, des managers, des experts de premier rang ou encore des agents opérationnels capables de gérer les flux et de calmer les foules dans des périodes de grande excitation », souligne Dao Dam-Hieu.
Et il poursuit : « Tout s’est bien passé, avec un niveau de performance qui n’est jamais descendu en dessous de 99,8 %. De plus, aucun accident n’a été à déplorer. Le client a été extrêmement satisfait de son opérateur RKH et l’a félicité comme l’un des héros de la coupe du monde ».
Au Caire, RATP Dev a dû gérer une problématique complètement différente en reprenant l’exploitation de la ligne 3, qui emploie 700 personnes dans des conditions plus folkloriques. « Les conducteurs ont par exemple le droit de dormir dans leur cabine. Il faut donc être en mesure de pouvoir changer très rapidement la culture d’entreprise car quand nous reprenons une exploitation, son état est en général moyennement satisfaisant et nous devons améliorer les procédures ». Il s’agissait alors de changer rapidement de braquet. « Nous avons envoyé énormément de personnel, sur la durée, avec une équipe de 20 à 30 expatriés sur place durant les deux à trois premières années », ajoute le responsable de RATP Dev. Le groupe a multiplié les audits et les heures de formation, y consacrant pas moins de 180 000 heures (25 000 jours en deux ans). Les efforts se sont révélés payants, avec une diminution des incidents par « 2 à 3 », une satisfaction client « énorme » et un réseau « désormais sous contrôle », même si des projets d’automatisation ne sont pas encore évoqués.
Les critères pour les projets « greenfield »
Lors des appels d’offres pour de nouveaux projets de type greenfield (construction de nouvelles lignes), certains critères vont permettre de faire pencher la balance pour remporter ces contrats. Dao Dam-Hieu rappelle que les projets de nouvelles lignes de métros automatiques se réalisent désormais en grande majorité par le biais de contrats clés en main de type PPP (partenariat public privé). Ils consistent à proposer un produit qui doit être « le moins cher possible, ou du moins rentrer dans le budget imparti et respecter le calendrier, avec en moyenne 6 à 8 ans de construction », le tout avec un objectif de performance élevé. Ce qui demande une parfaite connaissance de ses partenaires.
« Cette connaissance est primordiale et concerne l’ingénierie, les systémiers et les fournisseurs de pièces essentielles comme les portes. Il est fondamental de connaître leurs performances, et ceci, bien au-delà des seuls documents techniques. Cette expertise est développée lors de l’exploitation, par exemple celle des lignes 1, 14 et 4 sur lesquelles on peut s’appuyer. Elle nous a permis en partie de remporter l’appel d’offre de Sydney parce que nous connaissions très bien Siemens ». L’expertise la plus importante reste, selon lui, l’expertise projet, car un exploitant ne réalise pas chaque année un projet de changement de signalisation. Un tel changement intervient tous les 20 à 25 ans par ligne et il ne faut pas risquer de perdre son savoir-faire. « A Paris, avec la RATP, nous avons la chance de disposer de 14 lignes, ce qui signifie que nous mobilisons cette expertise en moyenne tous les deux ans pour changer une SIG en pleine exploitation. Cela nous permet de rester dans les temps dans les projets de greenfield et de donner confiance à nos clients. », souligne Dao Dam-Hieu.
De son côté, François Destribois, signale qu’Hitachi Rail bénéficie d’une double casquette d’opérateur et de constructeur, ce qui lui donne une forte légitimité dans le cadre de PPP. « Nous avons remporté le contrat de l’Ontario ligne, ce qui représente huit ans de construction et 30 ans exploitation-maintenance. De même nous avons récemment livré le premier métro automatique des Etats Unis à Honolulu, que nous exploitons également », rappelle-t-il. Au-delà de cette expertise technique, que l’on retrouve aussi à Copenhague, à Lima ou Riyad, François Destribois pointe les aspects financiers entrant également en ligne de compte. « La maîtrise des aspects financiers fait partie des facteurs qui nous ont permis de gagner le contrat d’Ontario, car nous avons pu nous appuyer sur le credit rating de notre maison mère. La façon dont nous travaillons pendant les huit ans de construction et les 30 ans d’exploitation pour gagner en valeur et réduire les coûts peut vraiment changer la donne », conclut-il.
Adapter le matériel aux exigences du métro automatique
Gildas Rault
La réduction des intervalles entre chaque rame, permise par l’automatisation, va jouer sur l’usure du matériel. Gildas Rault, vice-président de Wabtec Transit Access & Infra, explique comment répondre à la demande de ses clients comme Hitachi ou Siemens qui garantissent des intervalles précis entre les rames. « Les trains arrivent de plus en plus vite et doivent donc freiner plus rapidement, ce qui implique de repenser complètement les systèmes de freinage dans une optique GOA4 comme nous avons pu le faire à Paris sur les lignes 1, 4 et 14 en développant notre système Metroflexx pour le freinage d’urgence. Cette solution, que nous avons vendue à près de 2000 exemplaires dans le monde, sera également utilisée pour le Grand Paris Express. Nous garantissons seulement 50 % de marge ce qui permet d’avoir des distances de freinage beaucoup plus courtes. Nous prenons également en compte le vieillissement de nos équipements et garantissons d’une manière constante la distance d’arrêt » Une fois le freinage réalisé, la porte s’ouvre en 2,5 secondes. « Sur certains métros il peut y avoir jusqu’à huit portes (quatre par face), ce qui demande énormément de synchronisation. Au moment de la fermeture, de nombreux signaux se déclenchent pour prévenir les passagers avec des bandeaux, des joints lumineux et des signaux sonores. Puis les portes se referment en 3 secondes pour éviter de blesser ce qui demande une courbe de calcul assez complexe », indique Gildas Rault.
L’équipementier souhaite garder cette performance en mode dégradée, car le temps de freinage très court, ainsi que les portes qui s’ouvrent et se referment très rapidement, ont un très fort impact sur l’usure du matériel et les pièces mécaniques. « ll faut savoir anticiper la moindre panne. Nous devons mettre en place des programmes de fiabilisation énormes en nous montrant capables de détecter par une maintenance pré-réactive si un switch va tomber en panne ou si une porte est mal réglée », souligne le dirigeant. L’attention donnée aux portes des métros automatiques est primordiale, assure-t-il, puisqu’elles sont à l’origine de 30 % des problèmes répertoriés. Lorsqu’une porte refuse de s’ouvrir, aucun mécanicien ne sera là pour venir la fermer, ce qui occasionne un arrêt de service.
Les enjeux d’une migration côté maître d’oeuvre
Ludovic Morel pointe plusieurs enjeux forts lors de la migration dans le cadre d’une ligne de métro existante. Le premier défi consiste à pouvoir intégrer travaux et essais, le plus souvent pendant les nuits. Ainsi l’opération lyonnaise Avenir métro a représenté 1 500 nuits (courtes ou longues) de travaux pour atteindre l’automatisation. L’extension aux hôpitaux sud a nécessité 50 nuits et environ 30 jours de fermeture de ligne pour pouvoir tester l’ensemble du système en insérant des carrousels à 16/17 rames. L’impact sur les passagers, non négligeable, suppose de pouvoir communiquer sur ces désagréments bien en amont.
Autre enjeu, le choix de la stratégie de migration elle-même : mixité de trafic, big-bang, ou bien une solution intermédiaire. « Pour la ligne B lyonnaise, nous avons décidé de tester le nouveau système le week-end avec moins de rames, avec un retour à l’ancien système pendant la semaine, ce qui permet d’avoir une courbe d’apprentissage. Toutefois ce basculement prend plusieurs heures, ce qui ne peut se faire en une nuit et nécessite de fermer », précise-t-il. La migration GOA4 à GOA4 sur la ligne D, prévue pour un horizon 2030, sera gérée différemment avec un choix de transition bigbang. « Les rames seront pré-équipées et les racks du nouveau pilotage automatique seront installés au dernier moment, avec un basculement en quelques jours ». Il convient également de mettre en place une stratégie d’enrichissement fonctionnel, de manière à monter en puissance par étapes. « Un système aussi complexe ne peut disposer de toutes les fonctionnalités dès le départ. Nous commencerons à tourner en unité simple pour le moment pour passer en unité multiple fixe en 2024. La composition variable avec des basculements d’unité fixe et multiple interviendra plus tard. »
La formation de l’exploitant représente aussi un point essentiel. « Le personnel travaille et n’est pas facilement disponible, il faut juger du bon moment pour le former sur le nouveau système et trouver un créneau qui soit ni trop tôt, au risque de devoir repasser ensuite, ni trop tard, sinon nous n’avons pas le temps de former tout le monde. »
Enfin le dernier enjeu est patrimonial puisqu’il concerne le démantèlement et la dépose des anciens systèmes : « Il ne s’agit pas de tout laisser en place et de rajouter année après année, tout en faisant attention à ne pas faire tomber en panne ce qu’on vient de mettre en service ».
Cybersécurité et sécurité
Comment réagir face aux menaces d’attaques informatiques dont les effets paralysants s’avèrent parfois désastreux ? Acteur réputé sur ce secteur, Siemens Mobility a récemment signé un contrat pour adapter les lignes A et B de Rennes aux nouvelles normes exigées par la loi de programmation militaire. Les attaques informatiques ne se cantonnent pas en effet aux administrations et aux hôpitaux, et l’attaque au rançongiciel qu’a connu la DSB – l’équivalent danois de la SNCF – en octobre 2023 a montré l’importance de renforcer la protection des réseaux de transport. Au Danemark, le trafic a dû être interrompu pendant plusieurs heures. La France reste très à la pointe dans sa réglementation, assure Edouard Dumas puisque le premier texte de loi en la matière remonte à 2013 avec une transposition appliquée aux transports en 2016. « L’arrêté impose aux organismes dits d’importance vitale, comme la RATP, la SNCF, la SGP, etc. de renforcer la sécurité de leurs systèmes d’informations critiques. Siemens Mobility s’inscrit dans cette dynamique pour assurer la sécurité des nouvelles lignes 14, 15 16 et 17 à Paris ainsi que la ligne 1, et les lignes A et B du réseau de Rennes , affirme-t-il. Nous avons ainsi développé le programme Tracy qui permet de cybériser notre système CBTC et l’ensemble des composants tels que l’ATC, soit l’ensemble des équipements à bord des trains, au sol, la radio entre les deux, et le réseau tout autour et la partie supervision de l’ATS ».
Le programme Tracy se décline sur quatre niveaux, avec en premier lieu la « défense en profondeur » qui consiste à utiliser réellement tous les outils à disposition au quotidien afin de réduire la surface d’attaque. La protection sera également renforcée en opérant une séparation logique avec la partie exploitation, d’une manière informatique mais aussi physique, afin d’empêcher que des personnes extérieures au fonctionnement du CBTC puissent se connecter. « Il faut s’assurer que la bonne personne utilise la bonne clé et a le droit de le faire », commente le responsable . Le troisième niveau correspond à la mise en place de la journalisation (ou logs), en récupérant l’ensemble des informations et des accès au système pour être en mesure de réagir en cas d’attaque, si possible en temps réel. Enfin, une fois la menace détectée, il faut être capable de maintenir le réseau en condition opérationnelle, « en déployant une solution de réparation dans le système sans dégrader ses performances afin que le client puisse continuer à exploiter ».
Hitachi n’est pas en reste sur le sujet, à travers sa filiale Hitachi securities system. Pour François Destribois toutefois, malgré tous les systèmes sophistiqués, les failles humaines de comportements sont souvent la porte ouverte à des attaques. Il faut en tenir compte pour bâtir des lignes défensives solides. « Le vrai sujet c’est la résilience », estime-t-il. A côté des attaques informatiques, le réseau peut également subir des intrusions physiques. Pour prévenir les actes de malveillance et l’accès aux voies, Wabtec indique avoir choisi d’installer des portes palières en pleine sur la ligne 4. Ce chantier, qui a duré trois ans (en partie pendant le Covid) a permis de mettre en place environ 2000 portes. « Afin de prévenir les chutes, et d’éviter que des usagers se retrouvent coincés entre la porte du métro et la porte palière, nous utilisons des solutions mécaniques avec des barrières qui poussent un peu. Ces solutions sont toutefois impossibles à mettre en œuvre dans les stations en courbe car des personnes de petite taille peuvent être prises et nous recourons à des systèmes de détection par caméra ou laser. La détection doit être extrêmement rapide car elle doit répondre aux impératifs d’intervalles entre les trains. Nous avons développé ces outils que nous fournissons en interface avec les CBTC d’Hitachi à Ho Chi Minh et bientôt à Bruxelles », commente le représentant de Wabtec.
L’usage des caméras est destiné à la protection des passagers face aux incivilités, sous forme d’enregistrements mais aussi via une transmission en très haute fidélité. Les dispositifs peuvent également détecter s’il reste des passagers lorsqu’un train part en dépôt et donner l’alerte. « Mais l’une des premières fonctions est dédiée à l’observation des portes. Lorsque quelqu’un tire une poignée, l’analyse d’image permet de réaliser l’ouverture à la station suivante ».
Les prochaines tendances du métro automatique
Après 40 ans d’existence, le métro automatique peut-il aller encore plus loin ? Quelles seront les prochaines évolutions ? François Destribois prévoit la montée en puissance des industriels pour la gestion des métros automatiques. « La plupart des produits CBTC ont désormais des performances et une architecture à peu près équivalente. Chez Hitachi, nous sommes allés jusqu’au bout sur les fonctions d’automatisation, en proposant jusqu’à des fonctions de remote rescue qui permettent d’aller envoyer un train automatique en chercher un autre bloqué sur une ligne puis le ramener et le garer au dépôt, tout en automatique. Nous entrons dans une ère de haute technicité, de plus en plus sophistiquée, avec un peu moins de gestion humaine, même si la maintenance garde une importance cruciale. Il est possible qu’il y ait désormais deux mondes, avec l’exploitation classique d’un côté et le métro automatique de l’autre. C’est pour cela qu’en tant qu’industriel, Hitachi est à son aise dans l’univers du métro automatique même si nous sommes également exploitants ». François Destribois évoque la notion de smart city et la constitution de jumeaux digitaux (digital twins) qui permettent de tester les réseaux de transport à l’échelle d’une ligne et même d’une ville dans sa globalité grâce à des outils de simulation par l’intelligence artificielle (IA), sur lesquels travaille le groupe Hitachi.
A l’inverse, Christophe Sanguina considère que le challenge ne se résout pas aux seuls aspects techniques, au risque d’oublier que le métro automatique reste un outil d’usage pour les passagers. « Il y a eu une énorme avancée depuis 40 ans et maintenant nous pouvons aller plus loin en nous re-focalisant autour du passager. Le métro automatique apporte tellement d’avantages d’un point de vue technologique qu’on en oublie parfois certaines solutions, comme l’exploitation en unité variable, qui autorise par exemple de ne mettre qu’une seule rame en heure creuse et deux rames en heure pleine. Nous nous sommes battus pour l’avoir à Lyon car cela permet de garder une fréquence très optimisée même en heure creuse, de plus cela génère presque 30 % d’économie en termes de maintenance ». Christophe Sanguina ajoute qu’il faut désormais recentrer les débats autour des passagers, en repensant les accès dans les métros en favorisant l’intermodalité de manière à proposer un parcours sans accroc. S’il est assez facile de monter sa trottinette dans un bus et un tramway, il semble plus compliqué de la descendre dans un métro en empruntant les escaliers par exemple. Or il faut désormais considérer tous les modes de mobilité douce, plaide-t-il.
Photo-souvenir des intervenants et Philippe Herrisé (au milieu).
Dao Dam-Hieu acquiesce. « Lorsque nous recevons des visiteurs d’exploitants d’autres villes d’Europe, l’exemple de migration qui les intéresse le plus est celle de la ligne 4 car elle correspond au basculement de GOA2 à GOA4. La technologie est mature et la complexité technique parvient à être maîtrisée. En revanche, la complexité organisationnelle reste l’élément qui peut vraiment faire déraper un projet », témoigne-t-il.
Le projet de migration de la ligne 4 a duré pas loin de sept ans, avec une extension et trois types de matériels roulants différents, sans compter un changement du PCC et la rénovation des stations pour installer les façades de quais. « Le projet s’est déroulé dans une période marquée par le Covid et l’échéance des Jeux olympiques, ce qui a généré beaucoup de tensions au même moment. Le défi humain s’est avéré plus intéressant que le défi technologique car le passage de GOA2 à GO4 représente une révolution de l’organisation. Cela suppose un fort rôle de persuasion pour recueillir l’assentiment et l’accord de tout un corps social. Cette opération prend du temps et donne tout son sens à la fonction de l’opérateur. »
Edouard Dumas conclut sur une vision plus écologique en soutenant que la meilleure infrastructure en termes de préservation de l’environnement reste « celle que l’on ne construit pas » : « Le métro automatique permet d’optimiser l’infrastructure de nos clients. Celui mis en place sur la ligne 4 permet de transporter 20 % de passager en plus grâce à un intervalle réduit passé de 105 à 85 secondes », souligne-t-il. De plus, en synchronisant les départs et arrivées des trains, tout en augmentant légèrement la marche sur l’ère (sans traction), la consommation énergétique sera allégée de 15 %.
Pour lutter contre le changement climatique, il est urgent de repenser les mobilités et de réduire la place de la voiture. Tous les acteurs travaillent dans ce sens et font preuve d’inventivité pour inciter à de nouvelles formes de déplacement, ont assuré les participants à la table ronde organisée le 5 décembre 2023 par VRT, avant la cérémonie de remise des prix du Palmarès des Mobilités.
Tom Dubois
Le dérèglement climatique devient un sujet de préoccupation majeure, et pourtant, les Français se déplacent toujours plus. En 100 ans, leurs trajets quotidiens sont passés de 6 km à 60 km en moyenne, tandis que le taux d’équipement des ménages, d’une voiture pour 25 habitants en 1950, est aujourd’hui d’une pour deux habitants, rappelle Tom Dubois, porte-parole du Forum Vies Mobiles, un think tank de la mobilité soutenu par la SNCF. D’où d’importantes conséquences en termes d’aménagement du territoire : les déplacements devenant plus faciles, les lieux de travail, de loisirs ou encore les commerces ont été dispersés, poursuit Tom Dubois. Mais, selon l’expert, les temps changent, et les Français aspirent désormais à plus de proximité. « Les politiques publiques ne semblent pas encore l’avoir pris en compte, puisqu’elles tendent encore à proposer toujours plus de tuyaux pour se déplacer plus facilement et qu’il y a toujours une concentration des activités dans certaines métropoles », constate le porte-parole du Forum Vies Mobiles. « Or, il est impératif que le secteur des transports, avec 30 % des émissions de CO2, baisse son empreinte carbone. D’autant qu’il est le seul à avoir augmenté ses rejets. L’Agence européenne de l’environnement estime que plus de 400 000 décès sont attribuables chaque année à la pollution aux particules fines, tandis que notre dépendance à la voiture nous a rendus plus sédentaires et plus exposés aux maladies cardio-vasculaires, sans parler du stress et de la fatigue liés aux déplacements. Il est donc temps de faire bouger les lignes pour prendre en compte de nouvelles aspirations », conclut Tom Dubois.
Jean-Michel Lattes
Pour réduire la place de la voiture, une métropole comme Toulouse compte sur son réseau de transport public, ses lignes de métro, son téléphérique et ses bus rapides. Le vice-président de Toulouse Métropole, Jean-Michel Lattes, estime qu’il faut développer le vélo et l’autopartage. À condition de disposer de suffisamment de moyens. Dans ce but, l’élu demande que les collectivités puissent bénéficier d’une augmentation du versement transport, à l’instar de ce qui a été fait pour île-de-France Mobilités. « Cela permettrait notamment de lancer des mesures d’accompagnement pour faire accepter les ZFE aux personnes qui seront les plus pénalisées par leur mise en place. C’est-à-dire celles vivant en banlieue et n’ayant d’autres possibilités que de prendre leurs vieilles voitures pour se déplacer. Il faut leur apporter des solutions », souligne Jean-Michel Lattes.
Acceptabilité sociale
Bastien Soyez
Pour écrire un nouveau contrat social des mobilités, il faut tenir compte des attentes des utilisateurs. Le Covid a contribué à la généralisation du télétravail, dont les effets se font tout particulièrement ressentir les lundis et les vendredis, nouveaux jours de départ et de retour de week-ends prolongés. De plus, durant la pandémie, beaucoup d’utilisateurs des transports en commun se sont reportés vers le vélo ou la voiture, rappelle Bertrand Soyez, directeur RSE de Transdev. Selon lui, ceux qui ont adopté les deux roues resteront fidèles à ce mode, tandis que ceux qui sont retournés à la voiture semblent prêts à s’en détacher. 73 % des automobilistes affirment en effet qu’ils aimeraient la laisser plus souvent au garage et se disent prêts à utiliser davantage les transports en commun.
Laurent Sénécat
« Il faut se saisir de cette opportunité en proposant plus d’offres », indique le directeur de Transdev.Le succès des cars express mis en place entre Bordeaux et Créon en est, selon lui, la démonstration. Cette ligne a suscité un report modal deux fois plus important que prévu. Même exemple du côté de la métropole de Besançon, où Keolis exploite les transports publics, notamment une ligne de BHNS, pour laquelle l’opérateur s’efforce de proposer un service fiable et ponctuel à toutes les heures de la journée. « Après les travaux sur cette ligne, nous pensions voir passer le trafic de 7 000 à 9 000 personnes par jour. Nous en sommes à 12 000. Offrir un service attractif et fréquent, pas seulement aux heures de pointe, a permis de capter de nouveaux utilisateurs qui, sans cette garantie, auraient continué à prendre leur voiture », assure Laurent Sénécat, le directeur général de Keolis Besançon Mobilités.
Interrogations sur le covoiturage
Le dirigeant dresse, en revanche, un bilan plutôt négatif des efforts réalisés pour encourager le covoiturage. « Cela ne marche pas. Parce qu’aller chercher quelqu’un en faisant un détour et voyager avec un étranger à côté de soi crée une forme d’inconfort. Les Français n’y sont pas prêts pour des trajets du quotidien. » D’où son interrogation : « Ne vaudrait-il pas mieux mettre ailleurs l’argent qu’on consacre à ce mode de transport ? » Jean-Michel Lattes se montre plus nuancé : « Sur le territoire de Toulouse où il y a des jeunes ingénieurs, nous obtenons de belles réussites en matière de covoiturage. C’est moins le cas avec des populations plus âgées. » L’étude du Forum Vies Mobiles sur la zone de pertinence du covoiturage montre ses limites lorsqu’il est organisé par des plateformes, mais des résultats plus encourageants lorsqu’il s’effectue de manière informelle. Pour Tom Dubois, le recours à ce mode de déplacement est pénalisé par l’étalement du territoire et les nouveaux rythmes de travail. Si bien qu’en zone rurale, où ces transports pourraient sembler pertinents, il est plus difficile de trouver une solution de covoiturage que dans des zones plus denses. Le covoiturage peut être une solution intéressante, mais elle n’est pas forcément évidente à mettre en place, juge Bastien Soyez. Le représentant de Transdev préconise de mettre l’accent sur le transport à la demande qui peut bénéficier d’un meilleur taux de groupage grâce au numérique. « En transportant deux personnes, on peut faire baisser le coût de la course », ajoute-t-il.
Simplifier les déplacements
Arnaud Coiffard
La vocation de SNCF Connect & Tech est de concevoir et de développer des technologies nécessaires au réseau de transport, pour le compte de la SNCF, d’opérateurs et d’autorités organisatrices de la mobilité. L’objectif est de faciliter l’accès à l’offre. C’est ainsi que l’entreprise a mis en place un partenariat avec Airweb (spécialiste de la vente dématérialisée des titres de transport) pour la distribution de titres urbains, à des fins de complément de parcours dans 30 villes. « Avant l’arrivée dans une gare, nous incitons les voyageurs, par une notification, à acheter un titre du réseau local. Nous ciblons les touristes ou les voyageurs occasionnels », détaille Arnaud Coiffard, le directeur Innovation et nouveaux marchés de SNCF Connect & Tech.La filiale numérique de SNCF Voyageurs s’efforce aussi de proposer des solutions facilitant le recours aux transports publics. Ainsi, en Nouvelle-Aquitaine, l’entreprise a lancé l’offre JustGo. Plus besoin d’acheter un billet avant de voyager, il suffit de lancer l’application qui permettra le postpaiement, en garantissant le meilleur tarif. La société cherche également à simplifier le paiement des titres de transport, en acceptant les chèques vacances et les cartes forfait mobilité durable.
De son côté, la métropole de Toulouse a expérimenté la validation par carte bancaire sur la navette aéroport. Dès la mise en place de cette possibilité, 33 % des usagers l’ont adoptée. Un succès qui a poussé la collectivité à déployer ce mode de paiement sur tout son réseau de transport public. « 35 % des voyages occasionnels sont payés par ce biais », témoigne aussi Laurent Sénécat. Selon lui, en facilitant l’accès aux transports publics, ce mode de paiement a permis d’augmenter le trafic de 1 à 2,5 %.
En plus de Besançon, il est possible de valider son transport avec une carte bancaire à Perpignan, Lyon ou encore Amiens.Pour Arnaud Coiffard, c’est un mode de paiement parmi toute la palette de solutions possibles qui peuvent être complémentaires les unes des autres. La dématérialisation du paiement peut aussi passer par un smartphone. Pour inciter à prendre davantage les transports en commun, le représentant de SNCF Connect & Tech compte aussi sur l’intelligence artificielle (IA) qui permettra d’améliorer la relation client et de proposer une offre plus personnalisée, en fonction du profil (famille, célibataire, personne à mobilité réduite…). Laurent Sénécat se dit favorable à cette personnalisation, y compris lorsqu’il s’agit de créer une offre de transport. « Il faut aller au-devant des gens, comprendre leurs besoins, afin de leur apporter une solution qu’ils aient envie d’essayer. »
Pour changer les habitudes, Arnaud Coiffard table aussi sur l’encouragement. « En informant les voyageurs sur le bilan carbone de leurs déplacements et les économies réalisées par rapport à la voiture, nous espérons déclencher une prise de conscience qui encouragera le report modal. » D’où le lancement, le 7 décembre, de Retrainspective qui permet de retrouver les voyages effectués sur l’année 2023 pour connaître son empreinte carbone annuelle.
Ces entreprises, qui se mobilisent pour les transports publics, demandent-elles à leurs salariés de donner l’exemple ? Citons Keolis qui a acheté des vélos qu’elle prête à ses collaborateurs pour leurs trajets domicile-travail. L’entreprise a aussi supprimé trois voitures de service. À la place, des voitures sont louées au coup par coup dans une station Citiz à proximité. Un changement qui a d’abord été mal vécu. Laurent Sénécat assume. « Si on veut bouger et donner l’exemple, il faut parfois en passer par des obligations. » Un avis partagé par Jean-Michel Lattes : « Pour réduire la place de la voiture, l’incitation ne suffira pas. Il faudra aller vers la contrainte pour changer les comportements, afin de répondre aux enjeux pour la planète. »
À la métropole de Toulouse, il a pu constater que le remplacement de véhicules de fonction par des vélos électriques avait aussi été, dans un premier temps, vécu comme une obligation malvenue, avant que les salariés ne finissent par réaliser que le vélo électrique avait des avantages (pas besoin de tourner pour trouver une place par exemple). Désormais, ils en réclament davantage. L’élu en déduit que, pour faire basculer les citoyens vers des modes plus vertueux, il faut qu’ils y trouvent un intérêt dans leur quotidien. Cela a aussi été le cas lorsque la métropole a inauguré son téléphérique à Toulouse. L’utilisation de ce mode de transport peu polluant est vue comme un bonus par les usagers qui l’empruntent parce qu’il permet de réaliser un trajet en dix minutes, contre 30 en voiture auparavant. « Si malgré tout, cela ne fonctionne pas, c’est parce qu’on a trop concentré l’offre de transports collectifs dans les centres, trop investi dans les LGV au détriment des lignes du quotidien, développé une logique de concurrence entre modes, plutôt que leur complémentarité, mais aussi parce qu’il n’y a pas assez de contraintes d’usage de la voiture », estime de son côté Tom Dubois. Selon lui, les politiques qui prônent le recours aux véhicules électriques ou autonomes sont toujours trop favorables à la voiture. Et n’apportent pas de solutions réelles.
Faire de la route une solution
Bastien Soyez confirme : « On compte trop sur l’électrification de la voiture individuelle pour décarboner. Or, les batteries posent le problème de ressources de lithium et de nickel, on se fourvoie. » Il considère qu’il serait judicieux de profiter de l’important maillage routier français pour proposer davantage de bus et de transports à la demande. C’est aussi l’avis du représentant du Forum Vies Mobiles qui considère qu’étant face à un mur d’investissements pour décarboner les transports, il est impératif de mieux utiliser notre réseau routier, « en faisant en sorte de mettre plus de personnes dans chaque voiture et moins de voitures sur les routes et en réutilisant une partie du réseau pour donner des voies dédiées au collectif, au vélo et à la marche. »
D’où cette conclusion d’Arnaud Coiffard : « Le nouveau plan social des mobilités implique une coopération entre les AOM, l’opérateur et tout l’écosystème pour rendre les transports plus fluides et moins carbonés. »
Valérie chrzavzez
ATELIERS D’EXPERTS
Financement de la mobilité : pensez Banque des Territoires
La Banque des Territoires veut accélérer l’évolution vers une mobilité plus durable et inclusive en accompagnant les métropoles. Forte de ses 35 implantations, elle propose de mettre son expertise de conseil et d’ingénierie au service des acteurs de la mobilité et des collectivités, pour accompagner la structuration des projets au plus près du terrain. « La BPI propose des crédits d’étude pour accompagner financièrement ceux qui le souhaitent. Elle peut prendre une participation au capital de sociétés ayant des projets visant à aller vers des transports décarbonnés. Ou encore proposer une offre de prêts à long terme couvrant l’ensemble des problématiques des projets et visant à parvenir à un report modal, au décongestionnement des routes et à faciliter l’accès à une mobilité qui permette la transition écologique », détaille Thomas Sanchez, responsable d’investissement énergie, écologie et numérique. La banque a déjà accompagné des métropoles en finançant des projets d’aménagement de la voirie pour les mobilités douces, ou encore pour déployer des solutions de mobilités partagées et inciter au report modal. Elle peut aussi aider au déploiement d’une billettique dématérialisée, d’un système MaaS, de bornes de recharge, de stations d’avitaillement en bioGNV ou H2, ou encore à acquérir des rames de TER à motorisation décarbonnée ou bien à rénover des rames anciennes…
Fortal : la sécurité made in Alsace
Fortal est une entreprise familiale implantée à Barr (67), qui propose, depuis 1985, des solutions sécurisées pour éviter les chutes de hauteur, deuxième cause de mortalité au travail. L’entreprisemet à disposition des acteurs de la mobilité, des solutions sur mesure pour sécuriser l’accès des toits des trams, des TGV, ou encore des bus. Ses structures en acier, produites en France, sont réglables, faciles à déplacer et d’un encombrement réduit. Fortal, qui a déjà réalisé plus de 1 000 projets pour des clients français comme la RATP, Keolis, la SNCF ou Transdev, intervient aussi en Suisse où elle a une filiale, et pour Alstom dans le monde entier. L’entreprise qui réalise 55 M € de CA dont 20 % à l’export, avec 200 collaborateurs, assure aussi la maintenance de ses produits.
Alix Lecadre a rejoint Transdev au printemps 2022 pour devenir directrice des Offres et des métiers ferroviaires. Un peu moins de deux ans après son arrivée à ce poste nouvellement créé, elle participait, le 14 décembre 2023, à un club VRT. Forte de son expérience du côté des transporteurs (elle a aussi travaillé dix ans à la SNCF), mais aussi en collectivités locales et au sein de cabinets ministériels (elle a été conseillère Mobilités et infrastructures de Jacqueline Gourault et de Joël Giraud au ministère de la Cohésion des territoires), elle a dressé un premier bilan de l’ouverture à la concurrence des TER et esquissé des pistes d’amélioration.
Le fait d’être un petit acteur sur le marché ferroviaire en France nous offre la possibilité de réfléchir sur le métier, de poser des questions sans chemin tout tracé et de capitaliser sur l’expérience acquise à l’étranger par le groupe, en prenant en compte ce qui a fonctionné ailleurs, afin de proposer de nouvelles offres. Tout n’est pas transposable, mais pouvoir travailler ensemble est une richesse », a lancé Alix Lecadre en préambule, lors de son intervention au club VRT. Après cinq appels d’offres pour des TER, la directrice des Offres et des métiers ferroviaires de Transdev dresse un premier bilan positif de l’ouverture du marché.
Son entreprise a remporté l’exploitation, à partir de l’été 2025, de la ligne Marseille-Toulon-Nice. Un choix rassurant, selon elle, démontrant une réelle volonté des régions de faire jouer la concurrence.
Revoir les règles de transfert
Mais ce premier contrat a aussi mis en évidence la nécessité de revoir les règles, particulièrement celles concernant les transferts de personnel, estime-t-elle, règles à l’élaboration desquelles Transdev a pourtant participé et qui cherchaient à éviter le dumping social. Dans la pratique, ces règles ne sont pas toujours adaptées, affirme Alix Lecadre. Évoquant le transfert chez Transdev du personnel de la SNCF du Marseille-Nice, elle estime que « la maille choisie pour savoir quel personnel sera affecté et quels métiers seront transférés n’est pas assez précise. On transfère une catégorie “maintenance matériel roulant“ sans connaître la compétence et les salaires de ceux qui la composent. C’est une grosse prise de risque », estime-t-elle. D’où sa demande d’une évolution de ces règles.« De plus, poursuit-elle, la SNCF aurait dû produire une liste de cheminots avec leur taux d’affectation. Environ 50 % des cheminots travaillant sur la ligne gagnée par Transdev étaient transférables. Or, la majorité d’entre eux a demandé à être affectée à l’Étoile de Nice (une ligne gagnée par la SNCF) pour rester dans leur entreprise. D’autant que la SNCF leur promettait de leur trouver un poste », ajoute la dirigeante. « Nous avons eu peu de transferts chez nous. Ceux qui sont venus l’ont fait sur la base du volontariat et sont donc motivés par notre projet. »
Plaidoyer pour une baisse du tarif de l’infrastructure
Comment développer le trafic ferroviaire à l’heure de la lutte contre le dérèglement climatique ? L’une des solutions, selon Solène Garcin-Berson, est de faire évoluer la tarification de l’infrastructure ferroviaire, afin de la rendre plus incitative et d’en faire un levier pour initier des cercles vertueux en créant un choc d’offres qui contribuerait à augmenter les recettes.
Or, le modèle actuel ne va pas dans ce sens, regrette la déléguée générale de l’Afra. Selon elle, les péages français appliqués en France sur les lignes à grande vitesse sont parmi les plus élevés d’Europe et représentent donc un frein à l’accès aux nouveaux entrants. « C’est, poursuit-elle, ce que démontre une étude du cabinet Sia Partner :partant de l’hypothèse d’une baisse des péages de 20 % sur les lignes Paris-Lyon et Paris-Strasbourg, ses auteurs estiment qu’accompagnée d’une diminution des prix des billets de 10 %, une telle mesure permettrait d’augmenter le trafic de 35 % en créant un choc d’offres et aurait pour conséquence de développer la marge des transporteurs, en leur donnant les moyens d’investir, tout en préservant les redevances. »La représentante de l’Afra rappelle aussi que l’arrivée de Trenitalia sur la ligne Paris-Lyon a permis d’augmenter le trafic en attirant de nouveaux voyageurs, sans réduire la part de la SNCF. Il faut aussi changer les mentalités, ajoute-t-elle. « Ouvrir à la concurrence sans s’ouvrir à de nouveaux modèles ne peut pas fonctionner. Il faut faire de la place à la diversité des modèles, celui de Transdev, comme d’autres opérateurs. »Elle recommande aux autorités organisatrices d’oser le changement, tout en reconnaissant qu’il leur faut gagner en indépendance et en expertise.Aujourd’hui, toutes les régions n’ont pas la même maturité et la même maîtrise du sujet, remarque Alix Lecadre. « Celles qui ont investi dans des compétences techniques et sur la maîtrise du parc roulant peuvent utiliser ce travail de long terme pour capitaliser, tandis que les autres vont devoir acquérir des compétences sur la gestion patrimoniale des matériels notamment. » Les régions qui veulent un meilleur accès aux données et cherchent à les comprendre sont plus à même de proposer des appels d’offres équitables et bien menés, indique encore Alix Lecadre.
« La mise à disposition des données est un prérequis pour pouvoir se positionner sur un appel d’offres à égalité avec la SNCF. C’est un impératif pour lancer un appel d’offres équitable », insiste la directrice de l’Offre et des métiers ferroviaires de Transdev. « Si nous n’avons pas l’ensemble des données dès le début de l’appel d’offres, il est difficile de remonter la pente face à la SNCF qui, elle, les maîtrise. » L’obtention de ces données semble toutefois plus facile, précise-t-elle, depuis que SNCF Réseau s’est vu infliger l’été dernier une amende de deux millions d’euros par l’Autorité de régulation des transports, pour défaut d’information…
Conséquence : Transdev devra embaucher davantage de personnel que prévu, ce qui apparaît malgré tout à la directrice des métiers ferroviaires comme une bonne nouvelle. « Nous souhaitons recruter des profils différents, notamment au niveau commercial, car nous projetons d’offrir des services à bord. » Outre les contrôles de billets à bord des trains et la sécurité, les agents de Transdev devront fournir des informations aux voyageurs sur l’ensemble de leurs déplacements, y compris sur les correspondances. Dénommés agents de la relation client, ils alterneront des journées à bord et au sol, avait expliqué fin novembre à VRT, Gwendal Gicquel, le directeur général de la nouvelle société dédiée à l’exploitation de l’axe Marseille-Toulon-Nice. Transdev prévoit de les former dans ce but. Auparavant, en janvier, une campagne de recrutement pour les métiers de conduite sera lancée, suffisamment à l’avance pour être dans les temps : les premiers trains tirés par Transdev sont attendus le 29 juin 2025. La compagnie veut porter une attention particulière auxconditions de travail pour attirer des candidats. « Parce que les attentes et les exigences des salariés ont changé et qu’on manque de personnel, on ne peut pas s’exonérer de revoir la façon dont on organise le travail. Pour pouvoir recruter, il faut pouvoir repenser la façon de concevoir les roulements en fonction des attentes de nos futurs agents et leur permettre de concilier vie privée et vie professionnelle », souligne Alix Lecadre. « Nous serons opérationnels le jour J. »
La branche ferroviaire se construit progressivement
Récemment promue déléguée générale de l’Association française du rail (AFRA), Solène Garcin-Berson a participé à la rencontre avec Alix Lecadre, complétant ses propos en tant que représentante de l’association des opérateurs concurrents de la SNCF. Cette avocate de formation estime que les métiers du ferroviaire présentent des atouts forts. « Ce sont des métiers qui ont du sens. Ils permettent de travailler au service de la planète. Ce sont aussi des métiers féminisables. » Des emplois qui, au regard du niveau d’entrée, sont bien rémunérés, puisqu’avec un bac, un conducteur peut rapidement gagner 3 000 euros par mois, rappelle-t-elle. C’est aussi un secteur où on peut évoluer. Beaucoup de managers sont d’anciens agents au sol ou d’anciens conducteurs. « Il faut le faire savoir pour changer l’image du passé qui pénalise la filière », souligne-t-elle.
Le fait de passer d’un système de monopole à la constitution d’un écosystème contribuera à la consolidation de la branche ferroviaire, en fixant des règles et en facilitant le passage des collaborateurs d’une entreprise à l’autre. D’où l’importance d’avoir des titres reconnus au niveau de la branche, plaide Alix Lecadre. La représentante de Transdev souhaite des formations de branche, à l’instar de ce qui se fait en Allemagne. « Là-bas, la formation est assurée au niveau de la branche, avec 70 % des places réservées pour la Deutsche Bahne qui reste le principal opérateur et 30 % pour les autres opérateurs. C’est le modèle qu’on promeut et qu’on essaye de développer au sein de l’UTP », précise-t-elle. Un tel changement prendra du temps et demande de s’interroger collectivement sur les formations et les plans de carrière, reconnaît Alix Lecadre qui veut porter ce projet pour l’attractivité de la filière. « Même la SNCF y a intérêt, car les nouvelles générations ne veulent plus effectuer toute leur carrière dans la même société », ajoute-t-elle.
Pas vocation à répondre à tous les appels d’offres
D’autres appels d’offres sont prévus courant 2024, notamment en Bourgogne – Franche-Comté, en Normandie pour l’Étoile de Caen, dans le Grand Est pour l’Étoile de Reims, ainsi qu’un ou deux lots dans le sud. « Nous n’avons pas vocation à aller sur tous les fronts, parce que répondre à un appel d’offres coûte cher, un à deux millions d’euros. Pour répondre, il faut avoir les équipes et une chance de gagner », indique Alix Lecadre. Avant de se positionner, Transdev cherche à savoir si la région est en quête d’un service moins cher, ou si elle est prête à se lancer dans une relation différente avec l’opérateur. « Nous regardons s’il y a des marges intéressantes à exploiter pour améliorer le service et nous jaugeons l’appétence de la région à changer d’opérateur. Si l’ouverture à la concurrence se limite à avoir un service moins cher, cela ne servira pas à grand-chose », prévient Alix Lecadre qui souhaite profiter de l’ouverture à la concurrence pour proposer des solutions qui sortent du cadre. « Nous n’avons pas vocation à être une SNCF low-cost. Si c’est ce que recherche une région, nous n’irons pas. Notre sujet c’est d’être capable de proposer une offre différenciante. »En se projetant en 2025, Alix Lecadre rappelle que son principal objectif est de transformer en réalité la promesse faite par Transdev à la région sud, avec des trains qui rouleront « en qualité et à l’heure ». Mais elle sait qu’elle sera confrontée à de nombreux défis, notamment parce que la ligne Marseille-Nice va faire l’objet de grands travaux : « Nous espérons aussi qu’à cette échéance nous aurons été capables de répondre avec succès à d’autres appels d’offres et de convaincre des régions que cela vaut le coup d’essayer quelque chose de différent. Nous sommes une PME dans un grand groupe et nous avons vocation à continuer à grandir. »
Le 32e Palmarès des Mobilités a eu lieu le 5 décembre à l’espace Saint-Martin dans le 3e arrondissement de Paris. Après une conférence s’interrogeant sur les conséquences du dérèglement climatique et la nécessité d’inventer un nouveau contrat social pour nos déplacements, puis la tenue de deux ateliers d’experts, les différents prix de ce Palmarès 2023 ont été remis aux collectivités qui ont particulièrement innové ces derniers mois en faveur des transports collectifs. La soirée s’est conclue autour d’un verre de l’amitié.
Pass d’or
Eurométropole de Strasbourg
Remettant : Frédéric Demarquette, directeur général adjoint, VRT (à droite). Alain Jund, vice-président Transports, (au centre avec une écharpe verte), à sa gauche Pierre Des Roseaux (Eurométropole de Strasbourg) et sa droite Emmanuel Auneau (Compagnie des transports du Bas-Rhin).
Pass d’argent
Métropole de Toulouse
Remettant : Annelise Avril, directrice générale France, Grands réseaux urbains, Keolis. Jean-Michel Lattes, vice-président de Toulouse Métropole et président du SMTC Tisséo.
Pass de bronze
Métropole de Lyon
Vincent Monot, président de la commission. déplacements et voirie de la Métropole de Lyon.
Prix Spécial du jury
Angers Loire Métropole
Jacques-Olivier Martin, Adjoint à la voierie, Angers.
Grand Prix Européen de la Mobilité
Région Bruxelles
Andréa Mongbondo, social media manager de Elke Van den Brand, ministre de la Mobilité de la Région Bruxelles.
Prix Intermodalité
Bordeaux pour le tramway au pied de l’aéroport
Remettant : Bastien Soyez, directeur RSE France, Transdev. Béatrice de François, vice-présidente en charge des transports en commun, Bordeaux Métropole.
Prix Ville connectée & automobile
Dijon Métropole pour l’abonnement à tarif préférentiel pour les petits rouleurs
Nicolas Bourny, vice-président de Dijon Métropole, délégué à l’alliance des territoires et maire de Magny-sur-Tille. Laurent Calvalido, directeur général de Keolis Dijon. Nolwenn Leguillon, directrice marketing de Keolis Dijon.
Prix Innovation
Perpignan Méditerranée Métropole pour le transport sur réservation à la ZAC Saint-Charles
Séverine Collomb, directrice à la direction des mobilités Perpignan Méditerranée Métropole. Fabrice Mayer, directeur de Keolis Perpignan Méditerranée.
Prix Mobilité numérique
Métropole Aix-Marseille et Transdev pour l’appli Umay qui cherche à rassurer les voyageurs
Remettant : Thomas Sanchez, responsable d’investissement énergie, écologie et numérique,
Banque des Territoires – Groupe Caisse des dépôts. Julien Réau, directeur innovation France – Transdev. Thibault Loneux, manager innovation – Transdev. Thibault Auboeuf, responsable contrôle/régulation – Transdev. François Morival, directeur général, Umay.
Prix Mobilité durable
Niort Agglomération pour le « Savoir rouler » qui généralise sur une tranche d’âge l’apprentissage du vélo
Alain Lecointe, vice-président mobilités, Niort Agglomération. Caroline Gasche, cheffe de projet mobilité durable en charge du projet SRAV au sein de la direction mobilités, Niort Agglomération. Sébastien Forthin, directeur transports et mobilités, Niort Agglomération.
Prix Modernisation
Dunkerque pour les nouveaux services de l’application DK Bus
Remettant : Nicolas Ruffenach, président, Fortal. Grégory Bartholoméus, conseiller communautaire délégué transports et à la mobilité,
maire délégué de Fort-Mardyck. Laurent Mahieu, directeur général DK Buset directeur territorial Côte d’Opale. Nourredine Hajadj, responsable SI DK Bus et responsable digital région GE-HDF.
Prix de la Mixité-Inclusion
Réseau urbain de Cholet pour avoir embauché un conducteur sourd
Remettant : Arnaud Coiffard, directeur Stratégie, innovation et nouveaux marchés, SNCF Connect & Tech. Pierre-Marie Cailleau, vice-président Mobilités de la Communauté d’agglomération du Choletais. Marc Delayer, directeur général, Transports publics du Choletais. Romuald Poupard, conducteur.
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