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Ewa

La tribune de 6t : Pour concurrencer la voiture sur les déplacements interurbains, les correspondances en modes collectifs doivent passer de la coupure à la couture

brumath parking © facebook

Pour concurrencer la voiture, les opérateurs doivent jouer sur plusieurs leviers pour faire des correspondances la clef de voûte des voyages réussis.

Camille Krier, Nicolas Louvet, 6t-bureau de recherche

Alors qu’une récente étude de l’association de consommateurs UFC-Que choisir pointe le manque de ponctualité des TER, et que la SNCF a récemment mis en application une limitation de bagages sur les trains INOUI et Intercités, la qualité de service offerte par les modes ferroviaires interurbains soulève une fois de plus des interrogations de la part des Français. La voiture personnelle, quant à elle, semble offrir à ses usagers de nombreux avantages (rappelons le triptyque « ubiquité – instantanéité – immédiateté » offert par ce mode selon Gabriel Dupuy).
Si elle ne garantit pas une fiabilité totale sur la route des vacances ou des week-ends prolongés, avec les risques d’embouteillages que ce choix modal comporte, et qu’elle ne permet pas non plus d’emporter le maximum de deux valises par passager permis par la SNCF (même les plus vastes monospaces ou SUV n’ont pas la capacité de stocker une dizaine de valises, lorsqu’ils transportent cinq passagers), la concurrence entre train et voiture pour les déplacements interurbains demeure rude, et se renforce avec l’effet combiné de la baisse des prix du carburant et de la hausse de celui des billets de train. Selon les chiffres de la dernière enquête mobilité nationale, la voiture est utilisée pour plus de 72,4 % des voyages en 2019, alors que seuls 13,8 % sont effectués en train. Face à l’impératif de réduction des émissions de GES du secteur de la mobilité, il apparait aujourd’hui crucial de renforcer l’attractivité des modes collectifs par rapport à la voiture individuelle. Cela vaut aussi bien pour les trajets du quotidien, avec le levier clef des déplacements domicile-travail, que pour les déplacements longue distance, pour lesquels certains ménages conservent une voiture dont ils pourraient se passer au quotidien.

La correspondance en transports collectifs, le nœud du problème

Face à l’avantage du porte-à-porte offert par la voiture individuelle, combiner plusieurs lignes de transports collectifs au sein d’un même déplacement permet d’augmenter la portée de ces modes alternatifs et d’enrichir l’offre proposée. La forme même du réseau ferré français, en étoile autour de Paris, implique pour nombre de voyageurs de réaliser des correspondances entre deux gares de la capitale. Les correspondances en train et cars régionaux sont aussi incontournables pour rallier certaines destinations. Les correspondances font ainsi partie intégrante de l’expérience des voyageurs en modes collectifs interurbains. 6t-bureau de recherche a accompagné l’Autorité de la Qualité de Service dans les Transports (AQST) dans la compréhension fine de l’expérience et du ressenti des voyageurs en correspondance.
Il en ressort avant tout que la réalisation de voyages en modes collectifs interurbains avec correspondances est un choix par défaut, associé à une perte en qualité de service. Les correspondances constituent en effet une rupture dans l’expérience de voyage et peuvent en entraver la fluidité.
Les voyageurs peuvent être amenés à changer de gare, en empruntant un transport en commun urbain pour relier les deux ou à cheminer avec de lourds bagages dans des espaces de transit bondés aux heures de pointe. De plus, en cas de voyage avec correspondance, les conséquences des retards et perturbations se révèlent encore plus négatives pour les voyageurs, la perturbation d’un des modes empruntés pouvant se répercuter sur l’ensemble de la chaine de déplacement, avec des enjeux en termes d’indemnisation, notamment dans le cas où plusieurs transporteurs différents sont concernés.
Associées à une perte de temps et de confort, les correspondances sont également source d’incertitude et de stress pour les voyageurs, qui déplorent un manque de fiabilité.

D’un objectif de fluidification de la rupture de charge au traitement des correspondances comme opportunités

Afin de concurrencer la voiture sur davantage d’origines-destinations interurbaines, il s’agit donc de s’attaquer à l’enjeu des correspondances en transports collectifs. Cela peut notamment passer par deux leviers principaux.
Le premier est celui de la diminution de l’incertitude et des craintes des voyageurs quant au bon déroulement du déplacement dans son ensemble. Au-delà de la réduction des perturbations, il demeure crucial, le cas échéant, de travailler à la diffusion en temps réel d’informations précises et claires sur l’état du trafic, les mesures d’adaptation et d’indemnisation proposées, souvent mal connues des voyageurs. Cela leur permet, d’une part, de s’adapter le moment venu et, d’autre part, d’améliorer le ressenti et l’acceptabilité de ces situations.
Le second levier majeur réside dans la résorption du ressenti négatif associé à la rupture de charge que représentent les correspondances. Cette rupture se traduit à la fois dans le temps, avec des temps d’attente jugés trop longs ou au contraire des temps de correspondances réduits pouvant générer du stress chez les voyageurs, et dans l’espace, avec un enjeu d’orientation, dans les espaces de transit comme dans l’espace public.
Assurer une bonne expérience du temps et de l’espace durant les correspondances permet ainsi aux voyageurs de mieux vivre la rupture de charge qu’elles impliquent. Les déplacements d’un mode à un autre peuvent ainsi être fluidifiés par différentes mesures de guidage et de signalétique, et l’attente peut être rendue plus agréable par un traitement qualitatif des espaces et la mise à disposition de services et d’aménités.
S’il apparait difficile de maintenir l’illusion d’un déplacement sans couture, les opérateurs peuvent enfin tâcher de faire des correspondances une pause appréciable. Ces dernières pourraient alors être traitées comme des opportunités : opportunité de se ressourcer ou de se restaurer, de se divertir ou pourquoi pas de découvrir une destination supplémentaire en cours de route. Des partenariats seraient ainsi à imaginer entre opérateurs et acteurs locaux du tourisme et de la restauration.
Face à la concurrence de la voiture, les correspondances en modes collectifs interurbains ne constitueraient alors plus le nœud du problème, mais plutôt la clef de voûte d’un voyage réussi.

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Ewa

Les priorités de Jean-Marc Zulesi

Portrait de Jean-Marc Zulesi dans le jardin des Quatre colonnes du palais Bourbon.
© Jean-Luc Hauser

Jean-Marc Zulesi est arrivé avec une bonne nouvelle le 9 novembre, jour de son intervention devant le Club VRT : la veille, la commission mixte paritaire au Parlement s’était entendue sur un texte commun sur les services express régionaux métropolitains, ouvrant une adoption rapide de la loi. Loi qui devait être votée avant la fin de l’année. L’idée de lancer des services express régionaux métropolitains (Serm) dans une douzaine de métropoles, à l’image du RER francilien, a été portée au plus haut niveau par Emmanuel Macron en novembre 2022. Reprise par Jean-Marc Zulesi, dans le cadre d’une proposition de loi, le processus a ainsi pu avancer vite.

 

Un cadre large pour les RER métropolitains

Le député s’est réjoui des nouveaux principes définis par les parlementaires qui fixent un cadre juridique à ces grands projets, permettant leur déploiement dans les dix prochaines années. Le texte donne une définition large des Serm, incluant non seulement des TER mais aussi des cars à haut niveau de service, des pistes cyclables, du covoiturage… Bref, tout ce qui peut contribuer à la mobilité dans les territoires dans une logique d’intermodalité, a résumé le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire à l’Assemblée nationale.

Il prévoit aussi le renforcement du rôle des collectivités territoriales dans le processus de déploiement. « La priorité de la loi est de créer une ossature ferroviaire mais aussi de favoriser la multimodalité. Si les collectivités souhaitent s’appuyer sur des solutions décarbonées comme les cars express, des transports fluviaux, une offre de pistes cyclables pour compléter l’offre ferroviaire, c’est positif car cela permet de désenclaver les territoires et d’aller dans le bon sens », explique l’élu. Les députés souhaitent une tarification spécifique pour les péages ferroviaires qui seront appliqués aux circulations des Serm afin de soutenir leur lancement. « Il faut parvenir à réduire les redevances, tout en veillant à ne pas obérer la capacité d’investissement de SNCF Réseau », souligne Jean-Marc Zulesi.

Pour être labélisés (sésame pour obtenir des financements), les projets devront faire l’objet d’une concertation entre l’État, la région, les autorités organisatrices de la mobilité, les départements et, le cas échéant, les gestionnaires d’autoroutes et de voies routières express du périmètre. « Le statut de Serm sera conféré par arrêté du ministre des Transports, après délibération des conseils régionaux concernés », explique le député.D’où l’intérêt d’un billet unique permettant de combiner facilement les différents modes de transports collectifs publics dans le périmètre d’un Serm.

Un défenseur des transports publics et de l’aménagement du territoire

Député des Bouches-du-Rhône depuis 2017 spécialiste reconnu des mobilités, Jean-Marc Zulesi a été rapporteur, entre autres, du volet innovation de la loi d’Orientation des mobilités (LOM), du volet transport de la loi Climat-Résilience ou encore auteur d’un rapport sur les mobilités actives, il est devenu coordinateur du groupe LREM au sein de la commission du Développement durable et de l’aménagement du territoire en 2020, puis a pris la présidence de cette commission en juin 2022. Il est à l’origine de la proposition de loi sur les RER métropolitains

Un nouveau rôle pour la SGP

La loi prévoit de s’appuyer sur l’expertise de la société du Grand Paris, rebaptisée Société de Grands Projets (SGP). Il s’agit de faire bénéficier les territoires de son expérience et notamment de son analyse technique et financière, a expliqué Jean-Marc Zulesi. La SGP sera ainsi chargée de participer à la conception, à la maîtrise d’ouvrage et au financement des infrastructures nécessaires aux futurs Serm mais uniquement s’il s’agit d’infrastructures nouvelles. Ou sur des infrastructures existantes si et seulement si elles sont ouvertes à l’exploitation mais non circulées depuis au moins cinq ans. Dans les autres cas, c’est SNCF Réseau qui a compétence.

Le Sénat souhaitait aussi conditionner le contrôle des ZFE-m (Zones à faibles émissions de mobilité) à l’existence des Serm, Jean-Marc Zulesi a préféré une autre formulation, « de manière à ce qu’on puisse déployer des Serm là où il y a des ZFE, mais pas uniquement. Les Serm doivent être un argument pour accompagner les citoyens dans l’acceptabilité des ZFE-m et un argument supplémentaire pour les élus pour faire labelliser leurs projets ».
Pour atteindre l’objectif de créer au moins une dizaine de Serm dans les dix prochaines années, des mesures de simplification ont été décidées, notamment pour les déclarations d’utilité publique. « Cela devrait permettre de gagner quelques mois à quelques années dans les déploiements. Un projet comme celui des Hauts-de-France par exemple, nécessitant des infrastructures nouvelles, demandera du temps. Mais pour d’autres, où il “suffit“ d’augmenter la cadence, les mises en service pourraient se faire à des échéances plus courtes. Le temps d’améliorer les infrastructures existantes et de disposer des trains pour répondre à la demande. On pourrait ainsi voir les premiers résultats de la loi d’ici deux à cinq ans », estime le parlementaire. Interrogé sur les débuts difficiles d’un des premiers Serm, celui de Strasbourg, où 600 trains de plus circulent autour de la métropole, Jean-Marc Zulesi relativise : « Les critiques ont été sévères. Mais après quelques difficultés au départ, liés à des problématiques d’organisation et de ressources humaines, la cadence est intéressante et les citoyens sont satisfaits. C’est un exemple à suivre en évitant de reproduire les mêmes erreurs dans les projets à venir. »

Le contrat de performance Etat- SNCF Réseau doit être révisé

Du côté du ministère des Transports, on confirme les propos de Jean-Luc Zulesi selon lesquels le contrat de performance État-SNCF Réseau sera révisé sans doute avant la fin de l’année. L’objectif est de passer progressivement de 3,2 milliards d’euros dépensés en 2024 pour régénérer le réseau à 4,5 milliards d’euros en 2027. Puis de rester sur cette tendance. Le but est non seulement d’arrêter le vieillissement du réseau (pas avant 2030 si tout va bien) mais aussi de donner de la visibilité aux entreprises (cinq ans est un minimum) pour qu’elles puissent investir des sommes importantes dans des outils de renouvellement des infrastructures ferroviaires. Toutefois, pour le moment, ce n’est pas l’Etat qui va mettre la main à la poche. En 2024, c’est la SNCF qui apportera, via son fonds de concours, les 300 millions d’euros supplémentaires permettant de passer à plus de 3 milliards. Le ministère rappelle d’une part que la situation financière de la SNCF le permet, d’autre part que l’Etat renonce ainsi à des dividendes. Et les années suivantes ? On verra…

L’épineuse question du financement

Reste à régler la question du financement. Le coût total des Serm est estimé entre 15 et 20 milliards d’euros par le conseil d’orientation des infrastructures. Le Président de la République a annoncé qu’il mettrait quelques 800 millions sur la table pour amorcer la pompe et contribuer notamment à des études. Pour trouver de nouvelles ressources, Jean-Marc Zulesi dit avoir accepté la proposition sénatoriale d’une conférence nationale de financement, qui sera organisée avant le 30 juin 2024. Elle réunira l’État, les régions, les métropoles, SNCF Réseau, la SGP… Sans s’avancer sur les conclusions, le député évoque des pistes et rappelle que la SGP est une société publique capable de lever de la dette pour financer des projets d’infrastructures. « Le modèle a marché sur le Grand Paris et mérite d’être déployé localement. » Mais seulement une fois que la SGP aura achevé sa mission sur le périmètre parisien, selon Jean-Marc Zulesi.

De plus, poursuit-il « au regard des ressources humaines dont elle dispose, la SGP ne pourra pas aller sur tous les projets, sur tous les territoires. » Il rappelle que son souhait de lever le plafond d’emplois de l’entreprise a reçu un avis défavorable du gouvernement. Il a depuis déposé un amendement permettant d’augmenter de 20 ETP (équivalent temps plein) les effectifs de l’entreprise en 2024. « Cela ne suffira pas pour répondre aux sollicitations dans les années à venir », prévient-il, avant d’imaginer que la SGP pourrait prendre 20 % de la maitrise des premiers projets, puis pourra monter en puissance sur des projets de plus long terme, en fonction de la volonté des collectivités territoriales. Pour trouver les moyens supplémentaires, Jean-Marc Zulesi évoque également le recours à une fiscalité locale, à l’instar de la taxe annuelle sur les bureaux en Île-de-France qui permet de financer des infrastructures. Et il plaide pour la modulation du versement mobilité (VM) pour financer l’exploitation. « Les sources de financement sont nombreuses. Ce n’est pas une équation impossible à résoudre. On peut y arriver en donnant de la perspective et de la visibilité dans les offres de transport qui seront proposées localement », affirme-t-il.

Il rappelle que la loi Climat et résilience donne la possibilité aux régions de lever une contribution spécifique sur le transport routier de marchandises (TRM). C’est cette mesure, également appelée écotaxe, que l’Alsace compte mettre en vigueur en 2024. « Son objectif est de limiter le report de camions européens dans la région, ces reports étant effectués pour contourner la fiscalité sur le TRM existant en Allemagne et en Suisse », explique l’élu des Bouches-du-Rhône, en rappelant que toutes les régions peuvent le faire et affecter les recettes à la décarbonation des transports.

Pour une loi de programmation

Plus généralement, Jean-Marc Zulesi se dit convaincu de la nécessité d’une loi de programmation des infrastructures, perspective attendue de longue date. Sur ce sujet, il se veut optimiste : « En 2024, nous aurons sans doute une loi pour décliner le plan de 100 milliards annoncé par la Première ministre. C’est le rôle de l’Etat pour les infrastructures. » Mais il prévient qu’il faudra aussi « compter sur les collectivités territoriales pour financer à la fois les infrastructures et donner des perspectives sur les services à proposer. »

L’invité du Club VRT est aussi revenu sur le contrat de performance État-SNCF Réseau, adopté en avril 2022 et beaucoup critiqué pour l’insuffisance de ses moyens. Le député dit regretter que des financements supplémentaires n’aient pas été accordés au gestionnaire des infrastructures ferroviaires dans le cadre du projet de loi de finances en cours de discussion au Parlement. Il rappelle être monté au créneau, avec d’autres parlementaires, pour demander des fonds supplémentaires pour la régénération du réseau. « Ce n’est pas faute d’avoir essayé. Mais la volonté de l’Etat c’est de demander à la SNCF de s’appuyer sur le fonds de concours déployé depuis la réforme du pacte ferroviaire. En gros, les dividendes générés par SNCF Voyageurs arrivent dans le fonds de concours et participent à la régénération du réseau. » Il poursuit : « Je ne vois pas pourquoi on ne changerait pas le contrat de performance pour répondre aux exigences à la fois des Serm et de la régénération du réseau. Je pense que courant 2024 on aura de bonnes nouvelles pour le contrat de performances de Réseau. Ce serait bien normal vu les enjeux à venir. »

Un soutien nécessaire au fret ferroviaire

A ceux qui s’inquiètent du démantèlement programmé de Fret SNCF et craignent en conséquence un report des marchandises vers la route, Jean-Marc Zulesi rappelle les faits : la France a versé 5,3 milliards d’euros à l’entreprise entre 2007 et 2019. Aides qui font l’objet d’une enquête à Bruxelles. Pour éviter un remboursement par Fret SNCF, qui conduirait à sa liquidation, l’entreprise va devoir céder 20 % de ses activités à ses concurrents. « C’est la moins mauvaise solution proposée », assure l’élu. Il faut, estime-t-il, continuer à soutenir le développement du fret ferroviaire pour atteindre l’objectif de doublement de sa part modale, en la portant de 9 % à 18 % d’ici 2030, comme le demande la loi Climat. 170 millions d’euros d’aides annuelles sont prévues jusqu’en 2024 pour soutenir les opérateurs. Ces aides permettront la prise en charge à hauteur de 50 % des péages dus par les opérateurs à SNCF Réseau, le versement de 70 millions aux wagons isolés, 47 millions pour le transport combiné via une aide supplémentaire au coup de pince et 15 millions pour des projets d’autoroutes ferroviaires. L’élu compte aussi sur l’Europe pour aller chercher des moyens destinés à développer des corridors européens et entend travailler au rééquilibrage des coûts entre le ferroviaire et routier. « Soit en augmentant les coûts de la route ou en baissant ceux du fer afin d’équilibrer les conditions de concurrence entre ces deux modes. »

A l’origine du leasing social

Pour décarbonner les transports, le gouvernement mise sur le véhicule électrique, mais pas seulement, affirme le député. Le projet de loi de finances prévoit 1,5 milliard d’euros destinés à la prime à la conversion, au bonus écologique et au leasing social qui permettra de proposer un véhicule électrique pour 100 euros par mois aux plus modestes. Pour limiter l’impact de la voiture électrique sur l’environnement, il a aussi été mis en place un malus pour les véhicules de plus de 1 800 kilos. Pénalité qui s’ajoute au malus CO2, destiné à inciter les constructeurs à revoir la conception de leurs véhicules, afin de limiter leur emprise sur l’environnement.

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Le Club VRT s’est tenu le 9 décembre dans nos locaux de la rue de Clichy, à Paris.

Et demain ?

L’agenda est encore chargé pour les mois à venir. « Nous allons travailler sur l’ouverture à la concurrence des bus transiliens sur le périmètre parisien. Nous aurons à discuter de la proposition de loi relative à la prévisibilité de l’organisation des services de la navigation aérienne en cas de mouvement social et à l’adéquation entre l’ampleur de la grève et la réduction du trafic. » Il faudra aussi évaluer la loi d’orientation des mobilités (LOM) à laquelle il a contribué il y a quelques années. C’est prévu pour 2024. Jean-Marc Zulesi prévoit aussi de réaliser un tour de France des Serm.

« Nous irons expliquer aux élus et aux acteurs locaux la volonté du législateur, afin que cette loi puisse accompagner la dynamique ». Selon lui, l’enjeu, en 2024, sera de donner « de la visibilité sur les investissements ». Et de résumer : « Nous souhaitons donner aux collectivité les moyens de développer leurs ambitions, au plus proche des territoires. »

Valérie Chrzavzez

Ewa

Strasbourg remporte le Pass d’or de notre 32e Palmarès des Mobilités

Palmarès des Mobilités 2023

PASS D’OR : STRASBOURG, PASS D’ARGENT : TOULOUSE, PASS DE BRONZE : LYON, PRIX SPECIAL DU JURY : ANGERS

Une offre suffisante, facile, rapide, sûre… Ce sont les principaux critères qui font choisir les transports publics, selon une enquête présentée cet automne par l’Union des Transports Publics. Et c’est pourquoi les opérateurs de transport, mais aussi les autorités organisatrices, militent pour un choc d’offre. Qui nécessitera de fait un choc de financement. Des discussions devraient être menées par l’Etat avec les élus qui rêvent d’un accord comparable à celui trouvé en septembre en Ile-de-France (la taxe séjour et le versement mobilités vont pouvoir être augmentés). S’ouvrent des perspectives sur de nouvelles ressources budgétaires pour les collectivités, si l’on en croit Clément Beaune, le ministre des Transports. Depuis le temps qu’on en parle…. Heureusement, les collectivités poursuivent, sans attendre, leurs investissements en faveur des mobilités collectives. Surtout à un moment où il faut, coûte que coûte, réduire notre empreinte sur l’environnement.

C’est sur cette toile de fond que s’inscrit notre 32e édition du Palmarès des Mobilités. Comme chaque année, un jury s’est réuni pour sélectionner les initiatives qui lui ont semblé les plus intéressantes pour faire progresser les transports publics. D’où un classement pour placer sur les plus hautes marches du podium les métropoles qui ont su le mieux conjuguer hausse de l’offre, intermodalité, nouveaux services : cette année, nous récompensons Strasbourg (Pass d’or), Toulouse (Pass d’argent), Lyon (Pass de bronze) et Angers se voit décerner le Prix du Jury, tandis que Bruxelles reçoit notre Grand Prix européen de la mobilité.

Composé de professionnels, d’experts, de représentants d’associations d’usagers et de défense de l’environnement ainsi que de la rédaction de VRT, le jury a aussi attribué des pass thématiques dans les domaines de l’innovation, du développement durable, de la mobilité numérique ou encore pour saluer des initiatives prises en faveur de la mixité et de la diversité. Ce jury, aux tendances diverses mais tout acquis à la cause du transport public, a conscience d’avoir laissé de côté des politiques de mobilité qui auraient pu aussi être récompensées. Ce palmarès est l’occasion de saluer le savoir-faire de toute une profession à l’écoute des autorités organisatrices.

 

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Pass d’Or : Strasbourg veut réussir sa deuxième révolution des transports

La capitale alsacienne conforte l’alliance du tramway, du BHNS, du vélo et des trains régionaux pour réduire encore la part modale de la voiture.

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Le bus à haut niveau de service, ligne G

Strasbourg a retrouvé sa place parmi les villes françaises de référence en matière de mobilité ». Trois ans après l’arrivée des écologistes à la mairie de Strasbourg, Alain Jund, vice-président de l’Eurométropole chargé des mobilités, des transports, de la politique cyclable et du plan piéton, dresse un premier bilan de sa « révolution des mobilités ». « C’est la priorité de notre mandat, avec une traduction budgétaire à 500 millions d’euros. Les premiers projets ont commencé à sortir de terre », indique l’élu. Mise en service le 20 novembre sur 4,5 km depuis la gare Centrale, la ligne G du BHNS emprunte les boulevards qui encerclent le centre historique de la ville. Elle dessert les principaux services publics de la ville et le nouvel hôpital civil, qui n’était pas accessible en direct depuis la gare. « On attend entre 25 000 voyageurs et 30 000 voyageurs par jour sur la ligne G », prévoit Alain Jund.

100 millions pour dix itinéraires cyclables

Dès le milieu des années 1990, avec sa première révolution des mobilités, Strasbourg avait ouvert la voie par un réseau de tramways en site propre, des pistes cyclables et un centre-ville réservé aux piétons. Après le départ de la socialiste Catherine Trautmann, maire jusqu’en 2001, la part modale de la voiture a poursuivi sa chute, passant de 53 % à 47 % en 2010. Mais le réseau de pistes cyclables est vite arrivé à saturation. Pour relancer l’intérêt du vélo, les écologistes élus en 2020 ont engagé 100 millions d’euros d’investissement au profit de dix nouveaux itinéraires cyclables concentriques « à haut niveau de service ». Le « Ring » cyclable, qui encercle le centre historique, a été mis en service progressivement au milieu de l’année 2023. Un autre tronçon cyclable, situé boulevard de Lyon, sur un secteur essentiel à proximité de la gare, a été inauguré au début du mois de novembre 2023. Et la ville planifie d’autres équipements pour la mise en sécurité des vélos sur des axes (avenue des Vosges, avenue de Colmar) toujours dominés par la voiture.

Des itinéraires cyclables ont été aménagés sur de longues distances dans le cadre du réseau Vélostras, jusqu’à une vingtaine de kilomètres, vers des communes en grande périphérie (Breuschwickersheim, Achenheim). « Le vélo à assistance électrique a changé la donne », souligne Alain Jund. L’agglomération compte désormais 700 kilomètres de pistes et d’itinéraires cyclables. « Le tramway reste la figure de proue de notre politique des transport, mais il nous faut développer un ensemble de modes de déplacement alternatifs à la voiture individuelle, en prenant en compte l’ensemble du territoire de l’Eurométropole », affirme l’élu. Avec 250 millions d’euros de chantiers engagés et à venir, le réseau de tramways (77 km de lignes de tram et BHNS) de la CTS (Compagnie des transports strasbourgeois) mobilise la moitié des investissements en cours. Le prolongement de la ligne F jusqu’à Wolfisheim, à l’ouest, a été initié en août 2023 pour une mise en service prévue en 2025. Au nord, la nouvelle ligne vers Schiltigheim et Bischheim entrera en service en 2026. Une autre branche du tramway est prévue en direction des institutions européennes, dans le quartier du Wacken.

Réseau de transport à la demande

La « révolution des mobilités » défendue par Alain Jund comprend aussi une hausse des dépenses de fonctionnement. La mise en place de la gratuité pour les moins de 18 ans sur le réseau de la CTS, promesse électorale tenue par les écologistes élus à Strasbourg en 2020, représente une dépense de 7 millions d’euros par an. Dans le dernier rapport d’activité de la CTS (2022), le taux de couverture des dépenses par les recettes commerciales ne s’établit plus qu’à 35,6 %, contre 48 % en 2019. Le réseau express métropolitain européen (Reme) de l’agglomération strasbourgeoise, exploité depuis décembre 2022 par la SNCF, incarne l’ouverture régionale de la politique de transport strasbourgeoise. Mais il a connu une mise en service compliquée avec de nombreuses défaillances matérielles, pannes et retards. La promesse était belle avec des horaires cadencés à la demi-heure, des dessertes régionales entre le nord et le sud de l’agglomération sans rupture de charge à Strasbourg et une amplitude horaire élargie. L’ambition initiale de faire circuler plus de 800 trains supplémentaires chaque semaine a été revue à la baisse (650 trains). Co-organisatrice avec le Conseil régional du Grand Est de cette offre renforcée de trains régionaux, l’Eurométropole a menacé, début 2023, de suspendre ses paiements (7 millions d’euros par an) avant de trouver un accord avec la SNCF. « Il y a encore des ratés, mais nous nous attachons à rendre les choses fiables », indique Alain Jund. Strasbourg table sur une offre complète de transport à la demande, incarnée par le réseau Flex’hop, pour convaincre les habitants de la périphérie de renoncer à la voiture individuelle. Le réseau Flex’hop a été lancé en 2019 sur dix communes de la seconde couronne.

La fréquentation se situe à 5 000 voyages par semaine, sur un réseau renforcé à 25 communes avec une amplitude horaire de 5 heures à minuit. « Le développement du transport à la demande a été plus rapide qu’on ne le pensait », reconnaît Alain Jund. Le réseau de transports va encore être étendu : il se déploiera sur six lignes à la fin de l’année 2023. La révolution des transports se matérialisera bientôt dans l’urbanisme de la ville, avec la transformation à venir de l’arrière-gare. « Nous avons conclu un protocole d’accord avec la SNCF et la région sur la gare à 360 degrés, un projet d’ouverture qui apparaissait comme un serpent de mer depuis trente ans », se réjouit Alain Jund. La collectivité s’est déjà engagée à aménager un nouveau parking dans ce secteur. Mal accueillie par l’opposition strasbourgeoise au printemps 2023, la nouvelle politique de stationnement doit permettre de reconquérir des espaces publics. « Nous voulons amener le plus grand nombre d’automobilistes à ranger leur voiture dans des parkings en ouvrage », a déjà prévenu Jeanne Barseghian, maire de Strasbourg.

Olivier MIRGUET

 

Chiffres clés

• 6 lignes de tram, 2 lignes de BHNS et 39 lignes de bus

• Km parcourus :  18,4 millions dont 6,1 millions de km en tramway

• Fréquentation : 127,1 millions de voyages

• Taux de couverture des dépenses par les recettes clients :  35,6 %

 

Pass d’Argent : Une progression continue à Toulouse

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Tisséo Collectivités met les bouchées doubles pour développer les transports publics et accompagner la hausse de la fréquentation.

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Téléphérique Téléo, Toulouse.

Alors que sa population augmente de 1,3 % chaque année (+ 57 % en 30 ans) et reste largement dépendante de la voiture, l’agglomération toulousaine, avec son autorité organisatrice des transports Tisséo Collectivités, met les bouchées doubles pour combler son retard en matière de transports en commun. En 2022, la fréquentation de ses transports publics a augmenté de 22 % par rapport à 2021 (année marquée par la crise du covid) avec 180,8 millions de validations, alors que le nombre de kilomètres offerts (38,5 millions) augmentait de 5,6 %. « L’ensemble du réseau progresse. Le bus est un des moteurs de la hausse, suivi par le métro. En revanche, la baisse de la fréquentation du tram s’explique par la coupure de la ligne T2 pour travaux, explique Jean-Michel Lattes. Les chiffres de fréquentation de ce trimestre permettent de penser qu’on va atteindre, voire dépasser les chiffres de 2019, année avec la fréquentation la plus élevée jamais réalisée sur notre réseau, qui nous avait valu le Pass d’or pour sa progression », poursuit le président de Tisséo Collectivités.

En 2022, une nouvelle ligne de bus Linéo à haut niveau de service a commencé à fonctionner, portant le total à dix lignes pour un projet lancé au milieu des années 2010. Avril 2022 a aussi vu le lancement du téléphérique Téléo, survolant la Garonne et une colline pour desservir deux centres hospitaliers et une université. Ce transport innovant s’installe progressivement dans le paysage avec 6 000 voyageurs par jour en semaine et une tendance à 6 500 depuis la rentrée. La qualité est au rendez-vous, confortée par une évaluation externe. Ainsi, lors des Rencontres nationales du transport public (RNTP) le 18 octobre, Tisséo Voyageurs, la régie de transport, a vu le renouvellement de sa certification Afnor NF Services 281-2016, obtenue pour la première fois en 2017, sa toute première certification remontant à 2003. Par ailleurs, le réseau est entièrement accessible et réunit régulièrement des associations de personnes handicapées au sein d’une commission accessibilité.

Le big bang de la fréquentation des transports toulousains est attendu en 2028 avec la mise en service de la ligne C du métro, une ligne est-ouest de 27 km avec 21 stations visant 200 000 voyageurs chaque jour. « Le projet est entré dans une phase lourde et active, y compris en déplaçant un monument aux morts, signale l’élu toulousain, également président de Tisséo Ingénierie. Le premier des six tunneliers est attendu début 2024 et le chantier devrait durer jusqu’en 2027. » Pour sa phase de programmation et conception, ce projet a d’ailleurs reçu, le 25 octobre, la certification HQE Infrastructures durables de la part de Certivea. Une première en France pour un métro. L’annulation du plan des déplacements urbains (PDU 2020-2030), confirmée par la cour administrative d’appel de Toulouse début 2023, n’a pas eu d’impact sur ces projets, chacun ayant son autonomie juridique. Le travail sur le plan Mobilités 2030-2040, élargi par la loi d’orientation des mobilités (LOM) à la marche et au vélo, a débuté il y a un an et entrera en phase de concertation début 2024, sur la base des résultats de l’enquête ménages attendus en fin d’année.

Catherine STERN

Prix remis par Annelise Avril, directrice générale France, Grands Réseaux Urbains, Keolis.

Chiffres clés

• Fréquentation des transports publics en 2022 : 180,8 millions de validations

• Hausse par rapport à 2021 : + 22 %

• Nombre de km offerts en 2022 : 38,5 millions

• Hausse des km offerts en 2022 : +5,6 %

 

Pass de Bronze : La Métropole de Lyon joue la complémentarité des transports

Métro, tramway, covoiturage, vélo… la collectivité lyonnaise mise sur l’intermodalité pour faciliter les déplacements et réduire l’usage de la voiture individuelle.

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A Oullins (69), le 19 octobre 2023 : nouvelle station du métro B, Oullins Centre. Les employés des entreprises ayant participé à la réalisation du projet montent dans le métro en direction de Saint-Genis-Laval.

500 000e abonné ! C’est le cap franchi en septembre dernier par le réseau des Transports en commun lyonnais (TCL). « C’est 20 % de plus qu’en 2019. Un signe fort qui témoigne de l’attractivité de notre réseau. Il y a également une prise de conscience collective sur l’enjeu de se déplacer autrement. En 2022, près de 467 millions de voyages ont été enregistrés sur le réseau TCL, soit 20 % de plus qu’en 2021 », souligne Bruno Bernard, président de la Métropole de Lyon et de SYTRAL Mobilités. Avec la mise en service, mi-octobre, du prolongement de la ligne B du métro, la fréquentation devrait encore être dopée, puisqu’environ 25 000 voyageurs supplémentaires/jour sont attendus aux deux nouvelles stations d’Oullins Centre et de Saint-Genis-Laval Hôpital Lyon Sud. Si plus aucune nouvelle ligne ou prolongement de métro n’est à l’ordre du jour, les élus de l’autorité organisatrice de transport ont, en revanche, voté en juin un vaste plan de modernisation.

Moderniser le réseau

Afin d’offrir un service performant, le réseau métro qui compte 4 lignes, 34 kilomètres de voies et 42 stations va connaître d’importants travaux de rénovation. « 1,7 milliard sera investi d’ici 2035 dans des chantiers d’envergure, dont 222 millions dans le mandat », annonce Bruno Bernard. L’automatisation du système de pilotage, le déploiement de portes palières, l’achat de nouvelles rames automatiques de grande capacité… sont prévus pour garantir la sécurité et le confort des 700 000 voyageurs quotidiens. Pour poursuivre le maillage du territoire, SYTRAL Mobilités mise sur deux nouvelles lignes de tram en 2026. Ces projets structurants, dont le potentiel est évalué à 38 000 et 22 000 voyageurs quotidiens, relieront des secteurs jusqu’à présent mal desservis.

355 km de pistes cyclables

La Métropole de Lyon développe d’autres alternatives à l’autosolisme. Plusieurs initiatives ont été prises ces derniers mois afin d’intensifier le covoiturage : refonte de la plateforme En Covoit’Grand Lyon avec une incitation financière forte, expérimentation de la vidéoverbalisation sur les voies réservées sur l’axe M6-M7, ouverture d’une aire dédiée à Dardilly-La Brochetière… La collectivité accompagne également la montée en puissance du vélo avec le projet des Voies lyonnaises. Ce réseau de pistes cyclables continues et sécurisées proposera 13 lignes pour 355 km à l’horizon 2030. L’investissement sur ce mandat s’élève à 282 millions. À ce jour, 29 km d’aménagements sont en cours ou livrés et, d’ici l’été prochain, près de 90 km seront achevés. Enfin, pour conseiller les habitants, la Métropole de Lyon a ouvert une agence des mobilités en septembre 2022. « En matière de mobilités du quotidien, la solution magique n’existe pas, mais des solutions combinées, appelées communément bouquet de mobilités, permettent à tout un chacun de choisir le ou les modes de déplacement les plus pertinents », estime Bruno Bernard. 

Séverine RENARD

Prix Spécial du Jury : le nouveau réseau plus connecté d’Angers Loire Métropole

À l’occasion du lancement de deux nouvelles lignes de tram, le réseau de transports publics a été complètement repensé. Mieux interconnecté, il s’est enrichi de lignes de bus express.

thierry bonnet angers loire metropole copie

La cité du bon roi René a choisi en 2011, un tramway aux couleurs arc-en-ciel pour rapprocher les quartiers éloignés du centre. Une première ligne traverse la ville du nord au sud, enjambant la Maine. En quinze minutes, les habitants du quartier excentré de la Roseraie (au sud) peuvent rejoindre la place du Ralliement pour prendre un café en terrasse, dans la célèbre douceur angevine. En juillet 2023, Angers Loire Métropole a mis en service deux nouvelles lignes de tram. À cette occasion, le réseau Irigo (exploité par RATP Dev) a été complètement repensé pour renforcer la connexion du centre-ville depuis les autres communes de la métropole (29 communes, 310 000 habitants) et assurer un meilleur maillage, avec le tram pour colonne vertébrale. Les trois lignes sont désormais très interconnectées, notamment dans le centre où elles sont toutes concentrées, avec 80 % du parcours engazonné.
Le réseau s’est aussi enrichi de lignes de bus « express » (700 000 km supplémentaires parcourus par an), avec des horaires renforcés et prolongés sur les principales liaisons, et des itinéraires simplifiés. Par ailleurs, le service de transport à la demande permet désormais des trajets entre arrêts dans la même zone et connecte certains pôles de santé.

Enfin, l’offre de covoiturage assurée par la plateforme Klaxit, en place depuis 2022, est favorisée par l’implantation de parkings relais reliés aux stations du tramway, tant pour les automobilistes que pour les cyclistes « avec la création de nombreux itinéraires cyclables en ville comme en périphérie », souligne, sur le site d’Angers Loire Métropole, Jean-Marc Verchère, son président. Irigo a aussi développé « Mon tram d’images en images », un ensemble de pictogrammes qui représentent les arrêts de tram intégrés aux plans et aux stations afin de faciliter la compréhension du réseau par les publics fragiles. Le nouveau réseau des transports urbains d’Angers est l’aboutissement de cinq ans de travaux qui ont fait intervenir de multiples acteurs, de la conception du projet à son suivi. Pour Transamo, assistant à maîtrise d’ouvrage (filiale de Transdev), la particularité d’Angers a été de réussir le maillage du réseau avec une ligne de tram déjà en service depuis plus de dix ans. Mais, dès le départ, une extension avait été rendue possible par l’installation préalable d’appareils de voie à quelques points judicieux pour permettre de doubler la traversée du centre-ville par un futur contournement. L’extension du réseau des transports de la métropole d’Angers s’est accompagnée d’une commande de 20 trams Citadis. Toujours alimentés par le sol (APS). À la rentrée 2023, trois mois après la mise en place des nouvelles lignes de tram célébrées par une semaine de gratuité, les transports publics affichaient une hausse globale de fréquentation de 6 % par rapport à septembre 2022.

chiffres clés

• Fréquentation 2022 : 34 millions de voyageurs (31 millions en 2021).

• Offre de transport public 10,6 millions de km en 2022 (10 millions de km en 2021).

• Taux de couverture : recettes commerciales/ dépenses : 24 % en 2022

Retrouvez notre dossier spécial sur le 32ème Palmarès des Mobilités

Ewa

Le défi des Jeux Olympiques

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Une deuxième table ronde a été organisée dans le cadre des GPRC, avec pour thème le défi des JO à l’été 2024, à un moment où une quinzaine de millions de visiteurs sont attendus et où le monde entier aura les yeux rivés sur Paris. D’où la nécessité d’une préparation sans faille. Les opérateurs de transport et l’autorité organisatrice IDFM ont fait le point.

Transporter 100 % des spectateurs en transports publics lors des JO 2024, c’est l’un des défis majeurs à relever pour les organisateurs. Laurence Debrincat, directrice chargée des JO pour Ile-de-France Mobilités (IDFM) a travaillé avec le COJO (Comité d’organisation des JO), afin d’élaborer un plan de transport prenant en compte les spécificités de l’événement. Les épreuves se tiendront sur 25 sites pour les JO, 17 pour les paralympiques, aussi bien à Paris qu’en Ile-de-France. Les transports en commun devront assurer les déplacements de 500.000 voyageurs supplémentaires par jour, du 26 juillet au 11 août pour les Jeux olympiques, puis du 28 août au 8 septembre pour les paralympiques.

Pour modéliser les flux, Laurence Debrincat a recensé le nombre de spectateurs attendus sur chaque site, heure par heure. « Nous avons ensuite regardé les capacités de dessertes dont nous disposions et cherché à renforcer notre offre, car le métro ne suffira pas. Les gares n’ont pas été prévues pour absorber un tel surcroit de voyageurs et certains sites olympiques sont éloignés des gares. Nous avons donc prévu de rajouter des dessertes de bus », détaille-t-elle. Plusieurs milliers de navettes à très haute capacité renforceront le service. A dix mois de l’ouverture des jeux, Laurence Debrincat assure que « la quasi-totalité des plans de transports sont terminés », et se dit confiante sur le fait de pouvoir assurer dans de bonnes conditions, l’acheminement des spectateurs et des 200.000 personnes accréditées, ainsi que les déplacements des usagers habituels.

« Il reste à peaufiner les plans de transport des zones de célébration qui n’ont été dévoilées que récemment », reconnaît-elle toutefois. Des fan zones sont prévues dans Paris centre, à la Villette ainsi qu’en Seine-Saint-Denis. Il faut aussi prévoir des plans B en cas d’aléas. « Si une ligne plante, nous devons être à même de réagir en apportant des solutions », souligne la directrice. Heureusement, ajoute-t-elle, rares sont les sites desservis que par une seule ligne. « Nous devrons également nous adapter si des épreuves sont reportées ».

Deux événements par jour au stade de France

Plus précisément, cela fait combien de spectateurs à acheminer pour la SNCF ? Et sur quelles lignes ? La SNCF attend 10 millions de voyageurs par jour, « On a l’habitude mais, cette fois, ça sera en flux continu, avertit Alain Ribat, le nouveau patron de Transilien. « Cela revient à desservir deux événements par jour au stade de France, pendant toute la période des jeux », ajoute-t-il.

Un challenge auquel la SNCF se prépare en prévoyant d’augmenter les dessertes 3 heures avant chaque évènement et 1h30 après, afin d’évacuer les spectateurs.Sur les RER B et D, particulièrement sollicités avec deux compétitions par jour au Stade de France, et dont on connait les limites, « on va mettre 4500 trains supplémentaires par rapport à un été normal, augmenter les fréquences (toutes les 5 minutes) et les moyens humains » , assure l’opérateur qui cherche 5 000 volontaires au sein du groupe, en plein été, et va déployer 20 % de moyens humains supplémentaires parmi les équipes de la Suge, la sûreté ferroviaire. Les travaux sur le réseau ferré seront gelés du 26 juillet au 8 septembre, le temps des olympiades. Et en cas d’avarie, de pénurie, d’imprévus ? « Il y a un plan B, nous avons prévu beaucoup de redondances, à partir de trois gares, au cas où l’une des lignes n’est pas opérationnelle » , rassure-t-il.

Déviation des lignes de bus

La RATP, de son côté, doit mobiliser 19 000 agents pour la période des JO, ainsi que  pendant les JOP qui se déroulent au moment de la rentrée. « A part les forces de l’ordre, il n’y aura pas d’entité aussi mobilisé que nous », souligne Edgar Sée, le directeur délégué aux Jeux olympiques et paralympiques à la Régie. « En période estivale normale, nous devons absorber 8 à 9 millions de voyageurs quotidiens, avec les JO, ce sera 1,5 million de plus, et avec une grande disparité selon les jours, les événements et les lignes » , décrit-il.

Outre les dessertes des lieux de compétition comme Roland Garros ou le stade de France, la RATP de son côté, devra assurer les déplacements vers les évènements festifs. Pratiquement toutes les lignes de bus seront déviées, « c’est un peu comme si on gérait une arrivée du Tour de France à Paris, tous les jours ! », compare le responsable du projet. Pour s’assurer la disponibilité du matériel roulant la RATP prévoit de recourir à la maintenance prédictive, afin de n’avoir à faire que « du curatif » durant les jeux. Chez Keolis, le grand sujet, c’est le transport des 15 000 athlètes, puisque la filiale de la SNCF a remporté le marché. « Cela représente l’équivalent de 185 lignes régulières de bus entre les sites et le village olympique, dont dix fonctionneront 24h sur 24, avec jusqu’à 800 départs par jour, toutes les 50 secondes », détaille Youenn Dupuis, le directeur général adjoint, chargé de l’Ile-de-France pour Keolis.

Pour le transport des spectateurs et d’athlètes handicapés, 300 véhicules aménagés spécialement. « Ce qui en fera la plus grande opération de transport de PMR jamais réalisée», souligne Youenn Dupuis. A la demande d’IDFM, il a aussi prévu de renforcer les lignes T11 pour le Bourget et le T14 pour Versailles. L’opérateur doit recruter une centaine de conducteurs pendant les JO, et 500 pour les JOP. Chez Transdev enfin, qui a remporté le marché du transport des spectateurs du site du Château de Versailles (15 000/jour) et celui de la base nautique de Vayres-sur-Marne (35 000 spectateurs/jour), plus celui des accrédités (100 000 personnes), « il a fallu construire intégralement un réseau, l’équivalent du réseau des transports de Rouen, mais pour deux mois et demi de fonctionnement », décrit Alain Pittavino, directeur adjoint de Transdev Ile-de-France. Et s’assurer de pouvoir mettre 800 conducteurs tous les jours derrière le volant des bus. « Les recrutements sont en cours, depuis nos réseaux de province et d’Ile-de-France », indique le représentant de Transdev.

Tous les acteurs sont formels : la mobilisation des agents sera essentielle pour réussir le défi. Alain Ribat estime que les agents de la SNCF seront prêts à accepter de décaler leurs congés et seront fiers de participer à cette grande fête sportive. Il rappelle que le groupe a su en mobiliser pour la Coupe du monde de rugby. Des contreparties financières sont prévues : la SNCF devait mener des négociations avec les syndicats cet automne. Alain Ribat les aborde sereinement. « Participer aux Jeux est un élément de fierté. Ce n’est pas un évènement approché par les syndicats sous l’angle de la menace. A nous de préciser les conditions financières, à mettre en place des bonus incitatifs, qui donnent envie de participer à la fête. »

Côté Keolis, des appels à volontariat ont été lancés non seulement auprès des filiales en France, mais aussi en Belgique, indique de son côté Youenn Dupuis. « Nous nous attendons à un fort engouement car les jeux sont un événement unique et que tout le monde a envie d’y participer », estime le représentant de Keolis. Pour motiver les candidats, l’opérateur a prévu de leur donner la possibilité de remporter des places ou de rencontrer les athlètes, en plus de majorations financières. « Durant les jeux, avec nos 800 conducteurs mobilisés, nous aurons besoin de moyens comparables au réseau de Rouen », souligne de son Alain Pittavino. Pour les mobiliser, Transdev table sur des chauffeurs venus de régions ayant moins d’activités en été, sur des conducteurs scolaires ou encore sur de jeunes retraités prêts à reprendre le volant. Il faudra aussi mettre la main à la poche, reconnait le directeur de Transdev qui devait organiser à partir du 5 octobre un premier round de négociations avec les syndicats en vue d’un accord de groupe sur les conditions sociales pendant les JO. Sont évoquées des primes qui permettraient de gagner 30 à 40 % de plus que le salaire ordinaire d’un conducteur de province.

La RATP, qui a déjà recruté 400 conducteurs, compte aussi sur le prestige des jeux pour attirer des volontaires. « Participer à des Jeux, cela n’arrive qu’une fois dans une vie professionnelle. C’est une expérience unique et nous comptons sur l’esprit de responsabilité du personnel et des organisations syndicales pour que cela soit une réussite », anticipe Edgar Sée. La RATP va aussi modifier ses grilles de congés pour l’été prochain. « C’est une contrainte dont nous tiendrons compte dans les négociations avec les organisations syndicales», explique Edgar Sée, en précisant avancer de concert avec la SNCF sur ce sujet.

Une billettique simplifiée

Un forfait JO sera mis en vente, il permettra d’accéder à tous les sites. On n’en connait pas encore le prix – il sera défini en fin d’année par les élus d’IDFM et tout dépend des arbitrages de Bercy dans le projet de loi de finances qui est en discussion au Parlement. Le déficit de l’autorité organisatrice des transports franciliens est estimé à 800 millions pour 2024, dont 200 millions liés au JO. Selon nos informations, ce forfait ne sera pas hebdomadaire, mais en jours glissants.

Et pour guider les 25 millions de spectateurs attendus, une appli dédiée sera mise en ligne, en plus de Bonjour RATP, Citymapper, Transilien et de Google Maps. « Nous mettons en place une série de messages, recherchons des itinéraires pour les PMR. Nous installerons aussi une signalétique claire pour faciliter les trajets. »
Pour réussir à acheminer sans accrocs les millions de spectateurs, tous les acteurs insistent sur la nécessité de travailler ensemble. « Nous devons réaliser un travail d’équipe », insiste Edgar Sée. Keolis est allé voir des réseaux étrangers pour s’inspirer de bonnes pratiques. « En 2019 nous sommes allés voir comment Tokyo se préparait. Cela a été une source d’inspiration. Nous avons découvert beaucoup de bonnes pratiques en matière de signalétique, de gestion des flux, de présence humaine, de tarification lisible et de communication en langues étrangères », raconte Youenn Dupuis qui se réfère à de récents événements : le transport de 600 000 supporters durant la coupe du monde de football à Doha, des équipes et des supporters lors de la Ryder cup de Golf dans les Yvelines, des visiteurs de l’exposition universelle de Dubai et plus récemment des équipes et supporters de la coupe de monde de rugby. « Il ne faut pas qu’il y ait de grain de sable et si cela devait arriver, il faut les avoir anticipés pour pouvoir proposer des plans B. Nous devons être agiles le jour J», insiste Alain Pittavino. Pour Alain Ribat, « la gestion des flux, c’est notre quotidien. Avec les jeux, nous passerons à une échelle bien supérieure, mais nous bénéficions, pour réussir, de l’appui du politique et d’un dialogue permanent avec notre donneur d’ordre IDFM». C’est tout l’enjeu, car dans le cas des transporteurs, l’essentiel n’est pas de participer…

Valérie Chrzavzez avec Nathalie Arensonas   

Ewa

Les premières Assises du mass transit

mass transit

Londres en 2012, plus tard Tokyo en 2021, ont chacune à leur tour organisé des Jeux olympiques. De son côté, Milan a été la ville hôte de l’exposition universelle en 2015. Elle recevra les JO d’hiver en 2026. Des représentants des réseaux de transports de ces métropoles ont livré un retour d’expériences lors des premières Assises du Mass Transit organisées le 3 octobre par VRT dans le cadre des Grands Prix de la Région Capitale.

Les chemins de fer East Japan Railway sont considérés comme l’un des réseaux les plus performants du monde. La compagnie, qui exploite des lignes dans Tokyo et ses banlieues, est reconnue pour sa ponctualité. En 2018, avant le Covid l’entreprise transportait plus de 40 millions de personnes. « Nous sommes indépendants et exploitons sans compter sur des subventions du gouvernement. Cela nous permet de nous développer de façon autonome », souligne Hideaki Kuroda, le directeur exécutif (bureau de Paris).

Cette autonomie a contribué à assurer le succès des transports à Tokyo durant les JO de 2021, estime-t-il. En organisant cet événement, la direction de l’entreprise avait comme objectif de continuer à assurer un service irréprochable aux habitants de Tokyo, tout en se donnant les moyens de gérer un afflux important de voyageurs à acheminer vers les stades, explique le dirigeant. « Il a fallu travailler à l’accessibilité des personnes en fauteuil roulant, veiller à ce que les escalators fonctionnent dans toutes les gares », rappelle notamment Hideaki Kuroda. Pour pallier la faiblesse en langues étrangères des Japonais, l’entreprise a mis en place des formations en anglais destinées à améliorer le niveau de ses employés et leur a remis des tablettes sur lesquelles ils disposaient d’outils de traduction pour pouvoir fournir assistance et informations aux visiteurs. En complément, pour aider les voyageurs à se repérer, chaque gare affichait des informations en anglais et en chinois. « Les JO nous ont donné l’opportunité d’encourager notre personnel à apprendre et à pratiquer des langues pour guider les visiteurs étrangers. Nous en bénéficions encore aujourd’hui », se félicite le directeur. Pour faciliter les déplacements des touristes durant les olympiades, l’entreprise a lancé des cartes de transport délivrées en échange d’une caution de 3€ et rechargeables. Elles ont permis de voyager sans être confronté à la complexité de la tarification tokyote. « Après les JO, nous avons maintenu ce système », précise Hideaki Kuroda. Selon lui, il faut auss, pour réussir le mass transit, « une bonne technicité et une très bonne coopération au sein du système pour pouvoir fournir à un nombre conséquent de voyageurs des flux de transport alliant ponctualité et sécurité ».

Investissements

ATM, qui gère les transports publics de la capitale de la Lombardie et d’une centaine de communes alentour, transporte quotidiennement 4,5 millions de passagers et entend capitaliser sur son expérience pour assurer les transports lorsque la ville accueillera les JO d’hiver, en 2026. Son directeur de la stratégie et du développement commercial, Paolo Marchetti, rappelle : « Lors de l’exposition universelle en 2015, nous avons transporté 12 millions de voyageurs et tiré des leçons au jour le jour afin de nous améliorer. Cette expérience a duré six mois. » Il affirme qu’ATM a su tirer les enseignements des difficultés rencontrées. « Nous avons étudié toutes les situations critiques en collectant les données pour éviter qu’elles se reproduisent. Ce qui a permis de mettre en place des outils utiles lorsque nous avons reçu 18.000 voyageurs pour la visite du Pape. » Pour se préparer à accueillir les jeux d’hiver, ATM qui automatisé sa première ligne de métro en 2015, a investi en commandant des tramways, des bus électriques et des rames, tout en rénovant son matériel. Le groupe a aussi recruté 600 employés. « Investir pour améliorer son service et avoir une bonne gouvernance sont les deux points clés pour assurer la réussite de ces événements », assure le représentant d’ATM.

Ne pas séparer l’infrastructure de l’exploitation

Lord Peter Hendy, aujourd’hui président de Network rail, société créée en 2000 pour gérer tous les transports publics de la capitale britannique (bus, métro et système ferroviaire, mais aussi taxis et véhicules privés pour les transports de personnes à mobilité réduite), affirme que la préparation des JO de 2012 dans la capitale britannique a démarré très en amont. « Le plan de préparation a pris sept ans », rappelle celui qui était alors commissaire aux transports de Londres après avoir été directeur général de Transport for London (TfL).  Dans un premier temps, raconte-t-il, il a été envisagé de recruter des équipes spécialement dédiées à événement, avant de rejeter cette option, les managers en place étant les plus compétents en la matière.

Peter Hendy ne cache pas les frictions avec les dirigeants du Comité olympique. « Ils voulaient donner la priorité aux athlètes, alors que nous estimions important que nos voyageurs habituels puissent continuer à se déplacer de manière normale tous les jours et que la ville puisse fonctionner comme en temps ordinaire. » Les Londoniens, bien informés des difficultés de circulation, ont pu les anticiper en étant nombreux à changer leurs habitudes de transport et de travail durant les olympiades. Période au cours de laquelle les transports londoniens ont dû s’adapter à des situations différentes chaque jour, en fonction des manifestations. « Il fallait anticiper les endroits où il y aurait de la congestion », se remémore le président de Network rail qui garde en tête les critiques négatives des médias. « Ils doutaient de notre capacité à assurer les JO. Mais lorsque nos sportifs ont commencé à gagner des médailles, ils nous ont oubliés ! »

graham cross linkedin copieLa coordination, une des clés de réussite selon MTR

MTR Corporation UK est une filiale de la compagnie hongkongaise MRT corporation, spécialisée dans le mass transit. A Londres, elle exploite une ligne de type RER, la Elizabeth Line, anciennement Crossrail, qui traverse la capitale londonienne d’ouest en Est et dessert l’aéroport d’Heathrow. C’est la ligne la plus fréquentée de Grande-Bretagne. « Nous sommes responsables des gares et de la gestion des trains », précise Graham Cross, directeur commercial de MTR corporation UK.
Cette ligne a bénéficié d’une extension après les JO, période durant laquelle elle a transporté des millions de voyageurs venus pour cet événement, en plus des utilisateurs habituels. « Il était important que les visiteurs gardent une bonne impression de la gestion des transports publics», commente Graham Cross interrogé dans une vidéo. « Les collaborateurs de MRT ont tout mis en œuvre pour assurer la ponctualité et la sécurité des voyageurs, mais aussi pour les aiguiller, afin qu’emprunter cette ligne soit pour eux une bonne expérience », souligne le dirigeant qui pointe l’importance, « pour assurer le succès d’un tel événement, d’un plan de transport bien pensé et d’une bonne communication avec les autres acteurs impliqués ». V. C.

Les JO ont apporté de nouvelles infrastructures : des gares, une ligne à grande vitesse depuis Stratford… Et ils ont permis d’engranger des savoirs. « Grâce aux JO, nous savons mieux gérer les heures de pointe et le succès de cet évènement a rendu nos collaborateurs fiers du service rendu. » Interrogé sur les clés de la réussite, Peter Hendy répond : « Il faut le soutien des politiques, mais aussi un budget, des financements et un plan à long terme pour le développement de la ville. » Il note que la mairie de Londres n’a pas toujours été en phase avec la politique nationale des transports, ce qui a pu poser problème. Autre impératif à ses yeux : « Mettre le client au cœur du projet et faire en sorte de lui permettre de voyager facilement en lui offrant des infrastructures durables et un service fiable sur toutes les lignes. » La séparation des infrastructures et de l’exploitation mise en place en Angleterre ne fonctionne pas, ajoute-t-il, en précisant que le gouvernement le reconnait et cherche désormais à faire marche arrière. « Depuis deux ans, le gouvernement cherche à remettre en place la réunification de l’exploitation et du système, mais il faut trouver les fonds », conclut-il en conseillant de ne pas suivre ce même chemin.

 

 

> Retrouvez notre deuxième table ronde de cette soirée 

Ewa

Les grandes orientations stratégiques de Jean Castex

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« Un amoureux du ferroviaire ». Ce sont les premiers mots de Jean Castex, qui était le 26 septembre l’invité du Club VRT. Il a rappelé « avoir eu deux fiertés dans les médias », lorsqu’il était à Matignon, (il a été Premier ministre de 2020 à 2022) : « avoir fait la Une d’Historia et de La Vie du Rail ! » Reprenant sa casquette de PDG de la RATP, il a dressé, dix mois après son entrée en fonction, un premier bilan de son action et présenté ses grandes orientations stratégiques.

Faire un bilan après seulement dix mois, c’est un peu présomptueux. Il faut tout d’abord tirer des enseignements », souligne Jean Castex. Je suis arrivé après la démission non prévue de ma prédécesseure, Catherine Guillouard, dans un contexte difficile pour le secteur des mobilités :  la crise sanitaire a engendré un effondrement du nombre d’usagers quotidiens et induit des changements d’habitudes importants qui ont un impact sur notre réseau. Nous n’avons à ce jour toujours pas retrouvé le nombre de voyageurs que nous avions avant la pandémie. » 

Une situation principalement due au télétravail et qui s’observe notamment sur la ligne 1 desservant le quartier d’affaires de La Défense. « En revanche, le week-end, nous transportons plus de voyageurs qu’en 2019 ». C’est un changement majeur : les Franciliens restent davantage chez eux pendant les jours ouvrés et se déplacent plus sur leurs temps libres, donc en fin de semaine. 

Face à ces nouveaux comportements, l’entreprise doit s’adapter. Une gageure en termes de gestion du personnel, même si les salariés du Groupe ont l’habitude de travailler en horaires décalés, la nuit, le dimanche ou les jours fériés. 

Tensions sur les métiers 

Comme les autres entreprises, la RATP fait face à des difficultés en termes de ressources humaines. « Nous sommes une entreprise de terrain, avec peu de métiers télétravaillables », souligne Jean Castex. La pénurie de personnel se répercute sur l’offre de transport : « Lorsque j’ai pris mes fonctions, le service de bus était assuré à 75 % de notre offre contractuelle avec l’autorité régulatrice Ile-de-France Mobilités, et cela en très grande partie en raison du manque de conducteurs ». 

L’ex-Premier ministre se souvient l’avoir lui-même constaté en prenant le métro. « J’ai pu observer immédiatement la dégradation sur certaines lignes du métro, car en quittant Matignon, je suis redevenu un usager du métro comme je l’ai toujours été depuis 35 ans », raconte le PDG, qui a été marqué par la Une du « Parisien » du 16 décembre 2022, titrée « L’enfer sous terre » et consacrée au métro parisien.

Depuis, des progrès ont été réalisés : le niveau de service de bus proposé par RATP avoisine désormais les 90 % (de l’offre demandée par Ile-de-France Mobilités hors causes externes comme les travaux etc…) et l’offre de métro atteignait 96,5 % en septembre, indique le PDG de la RATP.

Le « plan massif de recrutements » y a aidé. Le PDG cite notamment un job dating réussi organisé pendant les dernières Journées du patrimoine. « Auparavant, les gens se battaient pour travailler à la RATP, aujourd’hui avec la nouvelle génération, c’est à nous de les séduire », résume-t-il. En septembre, près de 3 650 personnes avaient été recrutées (soit 80 % des recrutements prévus cette année), dont 2 100 chauffeurs de bus (couvrant près de la totalité des besoins) et 230 conducteurs de métro. Pour autant, conduire à la RATP ne s’improvise pas et il faut plusieurs mois de formations avant qu’un recrutement se traduise par une prise de poste de conduite.  

Deux métiers connaissent des tensions particulières, peut-être plus que la conduite : ceux liés à la sûreté et ceux de la maintenance. Côté sûreté, la concurrence pour les recrutements est vive, d’autant plus que les grands événements s’additionnent, avec en ligne de mire les Jeux olympiques et paralympiques prévus à Paris en 2024. Sur le millier de postes concernés, il manque encore 60 agents. 

Evoquant les métiers de la maintenance et de la signalisation, Jean Castex pointe un problème de fond : « L’Éducation nationale envoie insuffisamment d’élèves dans ces filières. Il faut par ailleurs revaloriser ces métiers. C’est une de mes priorités en matière de recrutement et je veux intensifier les liens entre la RATP, les lycées professionnels et les CFA de la région. Au sein de la filière ferroviaire, on se dispute les ressources disponibles. » 

Absentéisme 

Autre enjeu en matière de ressources humaines : l’absentéisme. « Ce phénomène n’est pas propre à la RATP. Il n’a jamais été aussi élevé en France », rappelle Jean Castex, alors que l’absentéisme a fortement augmenté à la RATP depuis la crise Covid et qu’il a du mal à redescendre. « On a accru les contrôles, on a engagé des poursuites disciplinaires », indique le PDG, pour qui le levier essentiel de changement reste l’attractivité même de l’entreprise. Comme à l’hôpital ou dans la restauration, les agents doivent travailler la nuit, le week-end… Des horaires décalés qui conviennent de moins en moins aux jeunes générations. A cela s’ajoute la problématique du logement, avec des temps de déplacements domicile-travail souvent supérieurs à la moyenne. « Une des priorités est de garantir plus de logements à nos salariés, j’ai signé une nouvelle convention avec Action Logement pour augmenter le nombre de nos logements au bénéfice de nos salariés. Et nous avons aussi notre propre parc de logements avec RATP Habitat. ». Les solutions d’aides à la garde d’enfants doivent aussi être améliorées dans le cadre d’un nouvel accord sur la qualité de vie au travail en cours de discussions avec les organisations syndicales. 

Attractivité

Les perspectives de carrière à l’international au sein du groupe RATP, opérateur de transport de dimension mondiale, doivent aussi être mises en avant pour attirer de nouveaux profils. Pour Jean Castex « la dimension salariale est aussi importante pour rester attractif et ce encore plus avec les effets de l’inflation en 2023 ». 

Ainsi, la dernière NAO 2023 (négociation annuelle obligatoire) prévoit une augmentation des salaires de 5,7 % pour tenir compte de cette inflation. Elle a été signée par toutes les organisations syndicales, dont la CGT. Elle est par ailleurs en ligne avec celle des autres opérateurs de transport.

La conséquence de cette inflation en est un alourdissement des charges pour l’entreprise, : ce sont près de 200 M€ d’inflation salariale non couverte entre 2021 et 2023. « Notre contrat pluriannuel avec Ile-de-France Mobilités avait été signé dans un contexte d’inflation nul, et ne prévoyait que 1,5 % d’augmentation de rémunération par an au maximum. Ce n’est aujourd’hui pas tenable, c’est pourquoi nous en discutons en bonne intelligence avec IDFM », rappelle le patron de la RATP. La facture énergétique augmentera également très significativement, autour de 80 % en 2023 par rapport à 2022 (augmentation qui n’est que très peu couverte par le contrat). 

Modernisation

Pour améliorer le service, la RATP modernise avec IDFM ses matériels et ses infrastructures, en passant notamment à l’automatisation. Ce sera le cas de la ligne 4 à la fin de l’année. Elle viendra s’ajouter à deux autres lignes déjà entièrement automatiques : la 1 et la 14. Avec, à chaque fois, un saut qualitatif, en termes de fréquence, de confort, de fiabilité. La création des porte-palières en particulier améliore les conditions d’exploitation et la sécurité ferroviaire en réduisant les intrusions sur les voies et les accidents voyageurs. 

Autre chantier en cours, le processus d’automatisation de la ligne 13. Un travail d’envergure en raison de son tracé en fourche et du matériel de la ligne, roulant sur fer et non sur pneus – la ligne 13 sera la première ligne ferrée automatisée. La durée des travaux est estimée à dix ans. « Il y aura deux étapes successives : d’abord la modernisation pour accueillir les rames MF 19 puis l’automatisation avec ce nouveau modèle ». 

Les autres lignes ne sont pas oubliées. « A partir de 2025-2026, avec IDFM nous changeons le matériel et le système d’exploitation de huit lignes, explique Jean Castex. Le calendrier s’étalera jusqu’en 2032-2033. Pour les deux dernières lignes, la 7 et la 8, nous travaillons à anticiper le calendrier de dix-huit mois pour la 7 et de douze mois pour la 8. » 

Faudrait-il automatiser toutes les lignes du métro ? « Il ne faut pas être binaire et opposer lignes classiques et lignes automatiques. Sur les huit lignes, nous mettons en place le système Octys, un accompagnement à la conduite très développé. C’est un mix entre les deux. » Jean Castex rappelle néanmoins qu’IDFM n’exclut pas d’automatiser à l’avenir d’autres lignes.

Innovation

D’où un budget investissements de la RATP en forte hausse, passé de 800 millions d’euros par an au début des années 2000 à 1,9 milliard d’euros en 2022. Sur la période 2025-2029, les investissements devaient encore progresser pour atteindre 2,5 milliards d’euros annuels. 

« Ces enveloppes ne concernent pas que les exploits technologiques. Nous devons aussi veiller à tout ce qui touche au quotidien des usagers, comme les tripodes du métro qui datent des années 70, ou les escaliers mécaniques. Il faut faire des espaces qui accueillent nos usagers une priorité pour les prochaines années. Pour les moderniser, nous devons doubler la mise, en y consacrant 300 millions d’euros au lieu de 150 millions jusqu’à présent », souligne le dirigeant. 

Parmi les sujets devenus majeurs, le développement durable. La réalisation du programme Bus2025 réalisé avec IDFM doit permettre de remplir les obligations environnementales. Il consiste à convertir la grande majorité du parc à l’électrique et au biométhane. La moitié du parc est désormais convertie au gaz. Des travaux d’aménagement sont menés en parallèle dans les centres bus à Paris et en petite couronne pour qu’ils puissent accueillir ces véhicules plus « propres ». Jean Castex s’inquiète toutefois de l’intention de Bruxelles d’interdire le GNV (gaz naturel pour véhicules) dans le contexte urbain. 

La problématique de la qualité de l’air dans le métro fait aussi partie des préoccupations. « Nous manquons de benchmark », estime Jean Castex, en rappelant les investissements réalisés par l’entreprise et IDFM dans les dispositifs de surveillance et de mesure de la qualité de l’air, dans des systèmes de ventilation plus performants ainsi que dans des changements de garniture de frein, en passant du freinage mécanique au freinage électrique, ce qui réduit les émissions de particules fines. La RATP compte aussi poursuivre, avec Santé publique France, les études pour suivre les causes de mortalité et de morbidité des agents. Pour l’heure, affirme Jean Castex, depuis le début de cette démarche scientifique, cette surveillance ne révèle aucune surmortalité sur l’ensemble de la cohorte RATP par rapport la population d’Île-de-France.

Concurrence 

Autre sujet de crispation potentielle : l’ouverture à la concurrence des bus de Paris et de la petite couronne à partir de 2025. « Les agents ressentent une forme d’inquiétude. Il faut y répondre », commente Jean Castex. Et il ajoute : « Je ne suis pas contre le principe de l’ouverture à la concurrence. J’applique les lois de la République. Mais tout est dans l’art de l’exécution. » 

S’inquiétant d’un calendrier qui pourrait venir télescoper celui des JO Paris 2024, il a discuté dès son arrivée avec Valérie Pécresse du sujet. La présidente d’IDFM a commandé à Jean-Paul Bailly, ancien PDG de la RATP, et à Jean Grosset, ancien questeur du Conseil économique, un rapport sur la question. Sur la base de leurs conclusions, elle a acté un processus d’ouverture à la concurrence des bus s’étalant sur deux ans. Cet étalement du calendrier des mises en service devra faire l’objet de débats parlementaires et d’ajustements législatifs. 

Jean Castex précise que son groupe sera systématiquement candidat à sa propre succession. Sans transiger sur des principes forts : « Nous ne nous présenterons jamais en étant moins-disant sur le plan social ou en dégradant le service public ». 

Pour se préparer à la compétition face aux autres opérateurs, la direction de la RATP a revu l’organisation du travail de ses 18 000 machinistes. Sous la précédente présidence de Catherine Guillouard, les accords sur le temps de travail des conducteurs de bus avaient été dénoncés pour se rapprocher des règles du cadre social territorialisé (CST, décret pris en application de la loi d’orientation des mobilités précisant les règles pour l’ouverture à la concurrence des bus et applicable le 1er janvier 2025). Sous l’égide de Jean Castex, un nouvel accord a été signé par les organisations syndicales, prévoyant une augmentation du temps de travail de 120 heures par an (en passant de 121 jours de repos à 115), une amplitude journalière inchangée de 13 heures et des services en deux fois dans une journée, avec une prime de 10 euros bruts par service. En contrepartie, les salariés bénéficieront d’une augmentation de salaire de 372 euros bruts par mois et d’une augmentation de 20 % d’une prime de qualification-pénibilité, la portant à 70 euros bruts par mois. Un accord gagnant-gagnant selon Jean Castex.

Prudence à l’international 

Sa ligne directrice est claire, c’est le recentrage sur le « cœur de métier ». Autrement dit sur le territoire historique. « Cela n’empêche pas bien sûr d’aller gérer des lignes de bus en Toscane mais consacrons-nous avant tout aux bases de notre action ! », poursuit-il.

Sur le marché international, le dirigeant se veut prudent : « Les marges se réduisent. Il faut être précautionneux. Le simple fait de concourir et de présenter une offre est coûteux. Nous devons être sélectifs, tout en privilégiant les partenariats ». 

A Londres en particulier, où un audit a été réalisé, la filiale de la RATP n’a pas trouvé son modèle économique. L’entreprise a engagé une réflexion stratégique sur l’avenir de sa filiale.

Dans sa conquête de nouveaux marchés, la RATP doit, selon son PDG, miser sur ses points forts, comme le métro automatique. L’entreprise est leader mondial du métro automatique à grande capacité. « C’est notre priorité stratégique », affirme Jean Castex, qui se réjouit de voir sa filiale RATP Dev obtenir des marchés aux antipodes (à Sydney) comme à proximité (la ligne 15 du Grand Paris Express). 

Défis des JO

L’échéance est dans toutes les têtes : les Jeux olympiques et paralympiques constitueront un défi majeur pour les mobilités sur le territoire francilien. Jean Castex affiche beaucoup de sérénité : « On peut être pessimiste et se dire qu’on ne va pas y arriver. Mais on peut aussi se dire qu’on a la ressource et la fierté en nous. Regardez la Coupe du monde de rugby, cela se passe bien ». 

A l’occasion des JO, entre 10 et 15 millions de visiteurs sont attendus. Les organisateurs ont fixé l’objectif de les acheminer à 100 % en transport public. « Le plus haut pic de fréquentation annuelle à la RATP est d’environ 11,5 millions de voyageurs. Pour les JO, nous prévoyons au maximum 9,5 millions de voyageurs. Pour une raison simple : les Jeux Olympiques se dérouleront l’été, au moment où les habitants partent de Paris. » 

Certaines lignes seront plus fréquentées que d’autres, en particulier dans l’ouest parisien pour desservir Roland-Garros ou le Parc des Princes… « Les deux lignes desservant cette zone sont les 9 et 10, qui ne sont pas les plus guillerettes du réseau, pointe Jean Castex. Nous allons donc mettre en place des renforts de bus depuis la Porte Dauphine. Il y aura aussi une signalétique installée en surface pour conduire les voyageurs au RER C. » 

Pour informer les voyageurs, l’entreprise mise sur les applications mobiles, en coordination avec IDFM et les autres transporteurs. Et bien sûr, sur ses agents : 19 000 personnes seront mobilisées à cette occasion. 

D’ici le printemps 2024 (et donc avant les JO), l’entreprise veut finaliser son futur plan stratégique à partir de 2025. Pour Jean Castex, s’il est nécessaire de « concerter notre stratégie pour les années à venir et de poser les bons axes de réflexion », iI ne faut surtout pas négliger « tout ce qui fait le quotidien des usagers ». Et il ajoute : « Notre objectif sociétal est de convaincre les gens qui utilisent des transports carbonés de se tourner vers des modes décarbonés ».

Concluant son intervention, Jean Castex revient sur un terrain plus personnel. « La direction de la RATP me fait penser au travail de Maire (ndlr : Jean Castex a été maire de Prades de 2008 à 2020). Dans les deux cas, il s’agit de gérer la vie quotidienne des habitants », dit-il, avant de glisser, avec un bel accent gersois : « Lorsque j’ai quitté la vie politique, j’ai dit que voulais me rendre utile… aujourd’hui, je suis comblé! » 

Antoine Pecqueur

 

Ewa

La tribune de 6t – Un ticket unique, oui, mais pour quoi faire ?

En février 2023, à l’issue d’un hackathon portant sur le « titre de transport de demain », le ministre des Transports Clément Beaune a annoncé la mise en place d’un ticket unique d’ici deux ans en France . Ce projet vise à développer un unique support pour emprunter l’ensemble des réseaux de transport du pays. L’unification et l’interopérabilité des titres de transport à l’échelle nationale rendraient les actes d’achats plus simples, ponctuels, permettant de se rapprocher d’une mobilité dite « sans couture ». Au-delà de la question du support, ce titre unique oublie toutefois les problématiques d’accès à l’information et de tarification, autant de leviers et freins à l’usage des transports en commun à prendre en compte pour favoriser leur utilisation.
Par A. Cognez (chargée d’études chez 6t), J. Chrétien (directrice opérations et études chez 6t), N. Louvet (directeur de 6t)

En février 2023, à l’issue d’un hackathon portant sur le « titre de transport de demain », le ministre des Transports, Clément Beaune, a annoncé la mise en place d’un ticket unique d’ici à 2 ans en France. Ce projet vise à développer un support unique pour emprunter l’ensemble des réseaux de transport du pays. L’unification et l’interopérabilité des titres de transport à l’échelle nationale rendraient les actes d’achat plus simples, ponctuels, permettant de se rapprocher d’une mobilité dite « sans couture ». Au-delà de la question du support, ce titre unique oublie toutefois les problématiques d’accès à l’information et de tarification, autant de leviers et freins à l’usage des transports en commun à prendre en compte pour favoriser leur utilisation.

Le titre unique à la française : un support unique sous forme de portefeuille ayant des effets limités sur le parcours usager 

La mise en place d’un ticket unique en France vient répondre à la volonté d’encourager l’utilisation des transports en commun. Le terme de « ticket unique » peut recouvrir des dispositifs très différents selon les contextes de mise en œuvre. L’Allemagne et l’Autriche proposent des forfaits illimités liés à un unique support, les Pays-Bas disposent d’un système national d’achat de billet en « pay-as-you-go » (OV Card), tandis que la Suède a mis en place une plateforme unifiée de distribution de titres de transport et d’information multimodale. Ces initiatives ont démontré la faisabilité technique et organisationnelle de l’interopérabilité de systèmes de billettique différents à une très grande échelle. 

À l’heure actuelle, le dispositif à l’étude en France ne présume pas d’actions en matière d’unification tarifaire ou d’information multimodale : sa mise en place vise à simplifier le parcours des usagers en leur permettant, au travers d’un unique support de titres de transport (papier ou dématérialisé), d’accéder à l’ensemble des transports en commun du quotidien. Ainsi, ce support « unique » pourrait contenir plusieurs contrats de transport permettant d’accéder chacun à un réseau différent. Cette solution de titre unique existe déjà en France à l’échelle régionale. Toutefois, au-delà d’un travail sur le support, différentes annonces ont suggéré que le titre unique français pourrait s’inspirer du système de billetterie unique mis en place aux Pays-Bas ou en Allemagne, laissant présager que d’autres dispositifs pourraient accompagner ce support unique.

En l’absence de dispositifs accompagnant la mise en place d’un titre unique, le support unique n’agirait sur aucune étape du processus d’acquisition de droits à voyager, c’est-à-dire la compréhension des produits tarifaires, l’achat et la validation du titre de transport. Ce titre unique serait donc comparable à un portefeuille : sans réduire l’hétérogénéité des objets qu’il contient, il permettrait de les réunir en une seule entité, mais ne réduirait pas les efforts à fournir à chacune des étapes du processus. Il demeurerait nécessaire de se rendre au guichet (éventuellement virtuel) de chaque réseau pour acheter des droits à voyager. Ainsi, le « ticket unique », au sens de support commun à plusieurs réseaux, n’est pas en soi la garantie d’un allègement de la charge mentale associée à l’achat ou à l’information pour l’usager.

 

La nécessité d’aller plus loin qu’un simple portefeuille
de titres de transport au travers de l’information voyageur et de la simplification des processus d’achat 

Les formes de titres uniques mises en place récemment en Europe ne se résument pas à l’interopérabilité des titres de transport sur plusieurs réseaux de transports en commun. Elles se sont accompagnées de dispositifs visant à simplifier l’acte d’achat des usagers ou facilitant la connaissance des services proposés ou l’achat groupé de billets. Il s’agit de deux pistes pouvant renforcer les effets de la mise en place d’un ticket unique à l’échelle nationale. 

Ainsi, certains dispositifs de ticket unique s’accompagnent d’une plateforme unifiée de distribution de titres et d’information multimodale. Celle-ci facilite la connaissance des services proposés et l’achat groupé de billets combinant plusieurs modes de transport. L’information est une étape primordiale pour favoriser l’usage des transports en commun afin d’appréhender les liaisons existantes, notamment lorsqu’un usager ne voyage pas sur son territoire de résidence.En effet, avant d’acheter un produit tarifaire, il faut connaître, non seulement le réseau, mais le trajet à effectuer et identifier les canaux d’achat. L’accès à l’information en amont du trajet est donc une brique indispensable à l’usage des transports en commun. Un support unique associé à un système d’information multimodale unifié, sous forme d’un unique calculateur d’itinéraire national faciliterait l’accès à l’information et simplifierait la réalisation de trajets « complexes » en transports en commun (par exemple des trajets impliquant plusieurs réseaux qui n’apparaissent jusqu’ici sur aucun calculateur d’itinéraire commun). 

Par ailleurs, le ticket unique devient un outil de facilitation des démarches d’achat dès lors qu’il s’accompagne de guichets communs à différents réseaux, qu’il fonctionne avec un dispositif de « pay-as-you-go » ou qu’il propose des forfaits communs. D’une part, dans le cas des systèmes « pay-as-you-go », l’usager paie automatiquement à un portique ou une borne, à l’arrivée ou à la sortie du réseau. L’expérience des usagers ponctuels des transports en commun s’en trouve facilitée, notamment pour des trajets pour lesquels on achète d’ordinaire des tickets par carnet ou à l’unité, mais également pour des personnes utilisant les transports en commun en dehors de leur bassin de vie habituel (touristes, visiteurs).

D’autre part, les exemples de politiques publiques de tickets uniques apparaissent souvent liés à la mise en place de produits tarifaires communs, tels que des forfaits. Le ticket unique allemand (1) est ainsi un abonnement illimité utilisable sur l’ensemble des réseaux du territoire. En ce sens, le « ticket unique » qui y est proposé est avant tout un « forfait unique ». Ces forfaits facilitent considérablement le processus d’achat, en permettant l’acquisition de plusieurs trajets en une seule démarche.

Ainsi, amputé des composantes liées à l’information ou à la tarification, un ticket unique qui ne serait qu’un support portefeuille ne permettrait pas l’expérience usager d’une mobilité « sans couture » à même d’inciter à l’utilisation de modes de transport plus vertueux. La mise en place d’un calculateur d’itinéraires unifié ou la mise en place d’un forfait unique ou de dispositifs fluidifiant les processus d’achat pourrait permettre de faciliter l’expérience usager. Dans les mois à venir, des expérimentations seront menées en France au sein de certaines régions volontaires. Ces premières esquisses permettront de laisser entrevoir la forme de ticket unique envisagée à l’échelle nationale.

Entre juin et août 2022, l’Allemagne a mis en place un ticket unique s’appuyant sur un forfait mensuel au prix de 9 € (pré-payé) pour les transports publics locaux et régionaux, l’initiative a été prolongée sous forme d’un abonnement mensuel, le Deutschland-Ticket, à 49 € par mois.

Ewa

Pourquoi le Pass rail en France est une mauvaise réponse à une bonne question

L’expérience de l’été 2022 du ticket unique à 9 euros en Allemagne pour les TER et les transports en commun urbains va se prolonger sous la forme d’un titre unique à 49 euros. Les décideurs politiques français, qui cherchent des solutions pour lutter contre le réchauffement climatique, regardent avec intérêt cette mesure. L’intention est louable, mais la mesure fait-elle diminuer l’usage de la voiture et est-elle applicable au contexte français ? L’Insee allemande a constaté que, pendant l’été 2022, le titre à 9 euros a eu un impact très faible sur le trafic routier. Les ventes de titres se sont en effet essentiellement concentrées dans les zones urbaines, là où l’usage de la voiture est le plus faible et où se trouve déjà l’essentiel de la clientèle actuelle des transports en commun.

Outre la saturation de certaines lignes de transports qu’a généré la mesure, elle revient également très chère : 1 400 euros la tonne de CO2 évitée, près de 30 fois le montant actuel de la taxe carbone française et ce montant devrait être dépassé avec la généralisation via le ticket à 49 euros puisque son coût est estimé à 5 milliards d’euros par an d’après Christian Böttger (1) professeur à l’université de Berlin et expert sur les questions de transport (https://www.destatis.de/DE/Service/EXSTAT/_Interaktiv/mobilitaet-personenverkehr.html) La situation entre la France et l’Allemagne sur l’offre TER n’a rien à voir. L’Allemagne fait rouler quatre fois plus de TER que la France pour un budget double, soit une efficacité deux fois supérieure en Allemagne : le train.km coûte 35 euros en France, 17 euros en Allemagne. L’usager allemand participe à 50  % des coûts d’exploitation des transports publics, soit deux fois le niveau actuel français, l’un des plus faibles des pays de l’OCDE.

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Hasardeux en termes de report modal

Le réseau ferroviaire allemand est en meilleur état avec un âge moyen de 17 ans, alors que le nôtre est de 29 ans et nécessite un effort budgétaire important pour sa régénération. L’infrastructure ferroviaire dans la plupart des grandes agglomérations françaises ne permet pas d’augmenter les cadences de TER aux heures de pointe. Les nœuds ferroviaires identifiés par la commission Mobilité 21 avait pointé dès 2013 cet enjeu, qui représente un investissement d’environ 15 milliards d’euros pour les seules grandes agglomérations. Côté finances publiques, la France a une dette de 112 % du PIB fin 2022, contre 66 % en Allemagne, alors que les taux d’intérêts sont remontés et que le service de la dette française va fortement augmenter. La réplicabilité telle quelle au contexte français de la mesure allemande paraît ainsi très hasardeuse en termes de report modal et à coup sûr très coûteuse pour les finances publiques alors que l’Etat comme les Régions doivent investir comme jamais pour faire baisser les émissions du trafic routier. Ajoutons que 98 % des déplacements du quotidien se réalisent sur des distances inférieures à 100 km et, hormis les connexions avec l’Ile-de-France, le besoin de disposer d’un titre unique national est le fait d’une toute petite minorité qui ne justifie sans doute pas de tels niveaux de dépenses publiques.

Erreur de diagnostic

Toutes les enquêtes d’opinion montrent par ailleurs que les Français demandent plus de transports en commun et non une baisse des tarifs. Le Credoc dans son enquête 2022 « Conditions de vie et aspiration des Français » note que 5 % seulement des Français déclarent ne pas prendre les transports publics pour des questions de coût et plus de 50 % parce qu’ils ne disposent pas d’une offre à proximité de leur domicile ou avec des fréquences suffisantes. En France, c’est en effet le manque d’alternatives en transports en commun depuis le périurbain et les villes moyennes qui explique que des centaines de milliers de voitures engorgent les agglomérations aux heures de pointes puisqu’un quart à un tiers des actifs des agglomérations n’y résident pas.

L’offre TER est actuellement trois fois inférieure à la demande. Une rame de TER a une capacité d’emport de 400 personnes environ. Une voie d’autoroute assurant 2 000 personnes par heure, il faudrait cinq trains par heure, soit un toutes les 12 minutes pour remplacer une voie d’autoroute, un toutes les six minutes pour en remplacer deux et donc désaturer massivement le trafic routier qui aujourd’hui engorge les agglomérations depuis les périphéries. Sans compter le besoin massif de parcs relais.

C’est la raison d’être des services express régionaux métropolitains (SERM). C’est une insuffisance d’offre alternative à la voiture que nous devons combler et non un problème de demande : la baisse du prix des transports publics pour l’usager représente une erreur de diagnostic et dégradera la capacité à financer plus d’alternatives à la voiture, sans baisse significative de l’usage de la voiture. Par ailleurs une fois en place il sera quasi impossible de revenir dessus : il est donc indispensable de bien peser le pour et le contre avant de s’y engager.

 

Le voyageur occasionnel toujours perdant

Si le pass à 49 euros est une mesure à l’efficacité et à l’utilité douteuse, il pose néanmoins la question bien réelle de la facilité d’accès aux services de transports publics et de leur tarification. Les technologies du numérique permettent aujourd’hui de faciliter l’achat de ces services. L’usage de la carte bancaire se répand dans toutes les grandes villes : accéder aux transports publics est enfin aussi simple qu’acheter une baguette de pain et pour des services aussi peu coûteux, cela fait augmenter l’usage. Des réseaux de transport en zones rurales à l’étranger utilisent la carte bancaire avec une tarification à la distance, les passagers badgeant à la montée et à la descente. Pourquoi ne pas déployer dans les TER cette technologie qui évite les queues devant des distributeurs automatiques parfois en panne, ou le téléchargement d’applications mobiles parfois complexes à utiliser ? Demain, ceux souhaitant bénéficier d’un tarif spécial pourraient simplement s’identifier sur le site web de l’AOM en indiquant leur numéro carte bancaire, et le tarif correspondant leur serait appliqué après usage.  Les solutions pour faciliter l’accès existent donc, et nul besoin de s’attaquer à la ressource qu’est la tarification pour le faire, sauf à glisser lentement mais sûrement vers la gratuité, solution de facilité qui rejoint les travers décrits par Alfred Sauvy, puisque ce serait la dette publique ou les entreprises qui en porterait le coût.

Côté tarification, les périodes d’inflation ont historiquement toujours été des moments de crise pour les transports publics, puisque les coûts de production du service augmentent alors que les décideurs hésitent à augmenter les recettes. Pourtant en France, en 2022 les salaires ont en grande partie compensé la hausse des prix selon l’INSEE (2). Depuis 1995, alors que l’offre de transport s’est considérablement étoffée dans les centres-villes, les revenus disponibles des ménages ont progressé de 50  % mais les tarifs ont à peine suivi l’inflation. La tarification au forfait comporte par ailleurs de nombreux désavantages et notamment celui de ne pas considérer le transport public comme un bien commun, c’est-à-dire une ressource publique rare. Imagine-t-on tarifer l’eau ou l’énergie de manière forfaitaire ? C’est pourtant ce que l’on fait avec les transports en commun.

C’est la structure des tarifications qu’il faut adapter. Les transports en commun coûtent en moyenne trois fois moins cher à l’usager que la voiture. Cependant, si on distingue les abonnements des tarifs au ticket, le prix payé au km par les occasionnels est légèrement supérieur à celui de la voiture. On rétorquera qu’au-delà du seul coût monétaire, ce qui compte c’est le temps de parcours. En ajoutant au coût monétaire, le temps de parcours multiplié par la valeur du temps (qui dépend des revenus et des motifs de déplacements) on obtient un coût global du transport. Le temps de parcours pèse 90 % du coût global pour l’abonné, mais 60 % pour le non abonné voire 50 % pour les revenus plus faibles : si le tarif ne compte pas pour l’abonné c’est nettement moins vrai pour le voyageur occasionnel. Les calculs de coût global montrent que le voyageur non abonné des transports en commun est toujours perdant face à la voiture que ce soit pour les transports urbains ou les TER. Cela signifie que pour ceux ne se déplaçant pas tous les jours – les temps partiels, les télétravailleurs, les multi-employeurs, … – les tarifs abonnés ne sont pas intéressants et les tarifs au ticket trop coûteux. Ceci incite les revenus faibles non éligibles aux tarifs sociaux à utiliser la voiture… ou à frauder les transports publics. Il y a là un gisement important de report de la voiture vers les transports en commun. C’est d’ailleurs la conclusion à laquelle arrive la Paris School of Economics, PSE, dans une récente étude portée par Transdev : la tarification à l’usage est celle qui favorise le plus le report modal.

L’évolution de la tarification est un sujet sensible et son acceptabilité dépend de l’équité du dispositif. Le Credoc a testé en 2022 différentes formules auprès des Français. Il en ressort qu’un tiers des Français sont favorables à une tarification en fonction des revenus et un autre tiers en fonction de la distance et des revenus. Les deux tiers des français sont également favorables à une suppression de l’abonnement qui serait remplacé par une prise en charge intégrale par les entreprises des seuls trajets domicile-travail, les autres trajets étant tarifés au coût du ticket unitaire. Les Français sont donc plus ouverts qu’on ne le pense aux adaptations de la tarification des transports. En Ile-de-France, on pourrait s’interroger sur l’équité sociale de la gratuité offerte aux petits Parisiens, de familles aisées comme populaires, alors qu’une personne au Smic à temps partiel ou non salarié ne bénéficie d’aucune réduction ni soutien de son entreprise. Notre tarification sociale ne joue que pour les personnes en situation de grande précarité alors que les seconds et troisièmes déciles de revenus qui font l’effort de se loger au centre-ville n’ont droit à aucune aide. Le risque est grand que nos grandes villes ne deviennent des centrifugeuses pour les classes moyennes inférieures. Une introduction d’une tarification à l’usage et selon le quotient familial, en conservant les tarifications pour les personnes en grande précarité, semble être une piste permettant d’augmenter la fréquentation et les recettes, qui soit acceptable par la population et souhaitable en termes de mixité sociale en ville.

Agir sur les recettes

L’enjeu de la décarbonation des transports suppose un choc d’offres de transports en commun sur les liaisons entre le périurbain, les villes moyennes avec les agglomérations. Financer ce choc ne peut se faire que via la réduction des coûts unitaires, l’optimisation des dépenses et enfin l’augmentation des recettes. La concurrence nous permettra de venir à la hauteur de notre voisin allemand, soit deux fois plus de TER à coût public constant. L’optimisation des dépenses suppose d’ajuster les moyens aux besoins et de focaliser les transports en commun là où il est possible et nécessaire d’opérer un report modal significatif. Tout ceci est indispensable et produira ces effets à moyen terme. A court terme, c’est sur les recettes qu’il faut agir pour équilibrer le financement des transports publics.

L’option de l’augmentation des impôts des entreprises est celle des années 1970 : pour préserver le pouvoir d’achat après le premier choc pétrolier, nous avons taxé nos entreprises, avec des conséquences sur notre industrie et l’emploi dans les villes moyennes. Alors que nous sommes engagés dans une politique volontariste de (re)localisation de l’industrie en France, c’est une politique de baisse des taxes sur les entreprises qui est mis en œuvre très progressivement depuis dix ans, la France étant encore le second pays de l’UE en niveau d’impôts de production. L’autre option, politiquement plus délicate mais nécessaire, est celle de la tarification. Dans les villes d’Asie, la règle est que la vente des tickets doit couvrir les dépenses. En France, le voyageur n’en paie que le quart, contre plus de la moitié en Allemagne. Ainsi, plus nous créons de lignes de transports en commun, plus nous creusons le déficit public et augmentons les difficultés de financement. La crise récente autour du prix du pass navigo est un révélateur de la situation financière des transports publics. Nous avons réalisé le Grand Paris Express par la dette, couverte massivement par des taxes sur les entreprises et les ménages, et sommes aujourd’hui dans l’incapacité de financer son exploitation. Il ne faut pas écarter de revenir à terme à un ratio R/D de 50 % là où nous en étions en 1995, par une adaptation progressive de la tarification qui tienne compte des usages et des revenus. Faire porter l’effort aux seuls budgets publics nous fera aller de crise en crise. Avec les immenses besoins que nécessite la décarbonation des mobilités il nous faut pourtant privilégier l’investissement sur la consommation.

Jean Coldefy

(1) https ://www.berliner-zeitung.de/mensch-metropole/deutschlandticket-9-euro-ticket-bahnexperte-ich-wuensche-mir-dass-das-ticket-wieder-abgeschafft-wird-christian-boettger-db-bahn-bvg-vdv-li.342866

(2) https ://www.lesechos.fr/economie-france/conjoncture/les-augmentations-de-salaires-ont-compense-en-grande-partie-linflation-en-2023-1978140

Jean Coldefy est l’auteur de l’ouvrage « Mobilités : changer de modèle – Solutions pour des déplacements bas carbone et équitable » (https://www.decitre.fr/livre-pod/mobilites-changer-de-modele-9782384541898.html).

Retrouvez l’intégralité de la tribune de Jean Coldefy : https://www.ville-rail-transports.com/ferroviaire/pourquoi-le-pass-rail-en-france-est-une-mauvaise-reponse-a-une-bonne-question/

Ewa

Grands Prix de la Région Capitale 2023

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La cérémonie de remise des Grands Prix de la Région Capitale, qui a eu lieu le 3 octobre au siège du conseil régional d’Ile-de-France, s’est tenue après les Premières Assises du Mass Transit organisées par Ville, Rail & Transports. Ces Assises appelées à se renouveler ont réuni quelques-uns des grands experts dans ce domaine venant de plusieurs pays (lire pages 70 à 77). Huit prix ont été attribués, après le vote d’un jury réunissant à la fois des journalistes spécialistes des transports et des associations d’usagers. Ils ont récompensé des initiatives prises par des opérateurs, des autorités organisatrices, des établissements publics ou des élus pour améliorer le fonctionnement des transports publics, faciliter l’accès à l’information, favoriser l’utilisation des modes dits doux et plus généralement contribuer à un développement plus durable. L’ensemble des participants s’est ensuite retrouvé au cours d’un cocktail convivial permettant de poursuivre les échanges.

 

gprc 2023 48 copie▷ PASS GESTION DE PROJET 

Keolis et Transdev ex-aequopour leurs actions en faveur de l’emploi

Jérôme Dupont, directeur opérationnel et Julie Lamaignere, responsable des Ressources humaines, (Keolis Seine et Oise Est) ont reçu un trophée pour l’initiative de Keolis de recourir au sport pour trouver de nouveaux profils. De son côté, Céline Fischer, directrice des Ressources humaines chez Transdev Île-de-France a reçu ce prix pour les tournées pour l’emploi lancées par Transdev.

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▷ PASS MODERNISATION

la RATP pour la modernisation de la ligne 11

Youenn Dupuis (à droite), directeur général adjoint Ile-de-France chez Keolis a remis ce prix à Claire-Hélène Coux, directrice déléguée de la maîtrise d’ouvrage ainsi qu’à Gilles Fourt, chef du département projets ferroviaires et pôles à IDFM.

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▷ PASS LOGISTIQUE URBAINE

Haropa Port pour le lancement de navettes sur la Seine remplaçant des poids lourds

Antoine Berbain, directeur général délégué de Haropa Ports, a reçu ce prix, accompagné par Jonathan Fammery, Senior manager procurement & operations steering – Area France, Hapag Lloyd France (à gauche) et par Claus Ellemann Jensen de Greenmodal (à droite).

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gprc 2023 66 copie▷ PASS AMÉNAGEMENT URBAIN

Paris libère de l’espace en faisant payer le stationnement des motos

David Belliard, adjoint chargé de la transformation de l’espace public auprès de la maire de Paris, s’est vu décerner ce prix. Il était accompagné par, de gauche à droite, François Wouts directeur de la voirie, Francis Pacaud, chef du service déplacement, et de Dany Taloc, responsable du stationnement.

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▷ PASS PÉRIURBAIN

Saint-Quentin-en-Yvelines utilise la trottinette pour les derniers kilomètres

Alain Ribat (à gauche), directeur de SNCF Transilien a remis le trophée à la Ville de Saint-Quentin-en-Yvelines, représentée par Jean-Baptiste Hamonic, vice-président délégué aux transports et aux mobilités durables, et à Emmanuel Veiga, directeur général adjoint Développement économique et directeur des mobilités.

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▷ PASS SMART CITY 

Transilien pour sa cartographie digitale et le guidage piéton

Pierre Ravier (à droite), le directeur général adjoint chargé de l’exploitation à IDFM, a remis ce prix à Alain Ribat, directeur de SNCF Transilien, et à Marie Pawlak, chef de projet cheminement piéton.

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gprc 2023 51 copie▷ PASS INNOVATION

Transilien pour la gestion de l’affluence en temps réel

Le prix a été décerné à Alain Ribat, directeur de SNCF Transilien et à Soizic Goasguen, chef de projet IV Affluence.

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▷ PASS INTERMODALITÉ

Vélib’ Métropole pour les stations vélos géantes autour du Stade de France

Pierre Talgorn, directeur régional Ile-de-France chez Transdev (à droite), a remis cette récompense au Syndicat Autolib’ et Vélib’ Métropole, représenté par son président Sylvain Raifaud, également conseiller de Paris. 

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Les nouveaux défis du chemin de fer Congo-Océan

Autorail Billard A 135 D en panne sur la ligne du CFCO en 1941-1942.

Le chemin de fer Congo-Océan (CFCO), qui a connu bien des vicissitudes au cours de sa longue histoire, demeure néanmoins une véritable institution, tant pour les cheminots que pour les 5,8 millions d’habitants de ce pays francophone d’Afrique centrale. Malgré la vétusté de son infrastructure qui pénalise fortement ses performances, il reste l’épine dorsale de l’économie de la République du Congo et, malgré toutes les épreuves qu’il a subies, le CFCO n’est pas pour autant un vestige du passé. Il a su se relever et, plus que jamais, il est appelé à jouer à l’avenir un rôle crucial dans l’émergence de ce pays.

Par Jésus Providence Niazaire1

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Jésus Providence Niazaire

Complément indispensable pour l’efficacité des opérations de transport et de logistique maritime, pièce maîtresse de la chaîne multimodale d’approvisionnement, le chemin de fer Congo-Océan (CFCO) apparaît comme l’outil incontournable du développement économique qui se profile durablement au Congo. Parce que l’ouverture programmée de nouveaux tronçons permettra le désenclavement et un meilleur équilibre pour les territoires des départements des deux Cuvettes et de la Sangha. Et parce que la construction envisagée d’un nouveau tronçon de 1 500 km, le chemin de fer de l’Ouest (plus connu sous le nom de chemin de fer Nord-Congo), pour relier Pointe-Noire et la Sangha, permettra de valoriser et développer le vaste potentiel minier encore inexploité du chemin de fer Nord-Congo.

Le sous-sol congolais dispose en effet d’un potentiel de plusieurs milliards de tonnes de réserves de minerai de fer, dont 517 millions pour le seul gisement de classe mondiale du mont Nabemba. La problématique des choix futurs est complexe, c’est pourquoi, pour relever ces nouveaux défis et prendre les décisions pertinentes qui s’imposent, les instances gouvernementales devront disposer des informations idoines nécessaires pour étayer leurs choix et les soumettre aux partenaires et organismes de financement internationaux.

Comme l’a écrit monsieur Jean-Pierre Loubinoux, ancien directeur général de l’UIC (Union internationale des chemins de fer), « le chemin de fer constitue le moyen de transport le mieux adapté pour le déplacement de gros volumes tels que les minerais ou la desserte des zones peuplées. Ce mode de transport dispose des potentiels multiformes et a la possibilité d’apporter le développement socio-économique général aux communautés qu’il dessert en matière d’emplois, de production, de revenus, de développement des différents types d’industrie, etc. ». N’oublions pas, cependant, que le mode ferroviaire est un système global intégré qui repose sur la notion de transport guidé, fonction qui est assurée par la voie ferrée, ce qui signifie qu’un convoi ne peut pas changer de direction. Le chemin de fer a donc besoin d’une infrastructure (ponts, tunnels, buses, murs de soutènement, etc.) et d’une superstructure performantes, à savoir : les rails, les traverses et leurs attaches, le ballast, la sous-couche et les appareils de voie, de la même manière que l’automobile a besoin d’une route ou d’une autoroute. La voie ferrée est donc constamment soumise à des contraintes exercées par le contact entre roue et rail.

Dans le domaine d’interaction voie-véhicule, la charge par essieu, la charge totale annuelle transportée et la vitesse de circulation constituent des paramètres fondamentaux dans l’étude des efforts et de la fatigue supportés par la voie. Précisément, un des points faibles du réseau actuel réside incontestablement dans la capacité de charge limitée de ses ouvrages d’art (charge par essieu limitée à 19 tonnes) et à la faiblesse d’origine de l’armement de la voie qui n’a pas été dimensionné pour un trafic lourd, de type minier, par exemple. De l’avis de nombreux spécialistes, la modernisation du réseau et la mise à niveau de l’infrastructure et de la superstructure impliqueront nécessairement, à terme, un renouvellement complet de la voie existante et un renforcement de ses capacités techniques, de sorte à pouvoir supporter dans le futur les tonnages élevés qui lui seront imposés. Pour la construction des lignes futures, à vocation minière, se posera sans doute le problème de l’écartement de la voie. Des raisons évidentes, d’ordre économique, poussent légitimement tous les réseaux ferroviaires à élever la charge admissible par essieu. Néanmoins, il est indispensable de trouver le juste compromis entre les économies d’exploitation et l’accroissement des frais d’entretien résultant de l’augmentation de cette charge. Dans l’étude économique nécessaire à la modernisation d’une ligne ferroviaire, ou bien lors de la construction d’une nouvelle ligne, elle n’est cependant qu’un élément du calcul, faisant intervenir la cadence de remplacement des rails fortement sollicités de ce fait.

À l’instar d’un être vivant, la voie ferrée a un cycle de vie. Elle naît, vit et meurt. Au cours de son existence, elle nécessite une maintenance préventive et curative qui, lorsqu’elle n’est pas faite en temps utile, engendre des coûts exponentiels, très élevés. Augurons, qu’après les investissements colossaux consentis par le gouvernement de la République du Congo, sous l’impulsion du président Denis Sassou Nguesso pour moderniser et augmenter la performance du port de Pointe-Noire, un des ports majeurs en eau profonde du golfe de Guinée, le renouveau du CFCO, son complément naturel, sera vite à l’ordre du jour.

1. Jésus Providence Niazaire est expert et consultant ferroviaire auprès de l’UIC (Union internationale des chemins de fer), membre de l’AFFI, l’Association ferroviaire française des ingénieurs et cadres. Actuellement, directeur Stratégie et Développement commercial d’IEC International, un tech think-tank privé pour les infrastructures et la planification des transports, il est originaire d’une famille de cheminots.

Les nouveaux défis du chemin de fer Congo-Océan

Né du besoin de relier la capitale Brazzaville à la mer, le fleuve Congo n’étant pas navigable au-delà de cette ville, c’est en 1886, que sur la suggestion de l’explorateur Pierre Savorgnan de Brazza, le fondateur de la colonie, les autorités décidèrent la construction d’un chemin de fer reliant le fleuve à l’océan, pour transporter par train, jusqu’à la façade Atlantique, les produits tropicaux d’exportation. Après maintes tergiversations et plusieurs études, le tracé définitif fut adopté en 1911. Le premier coup de pioche est donné à Brazzaville le 6 février 1921 et à Pointe-Noire le 1er janvier 1923. 

Les travaux furent menés simultanément en partant des deux extrémités de la ligne. Au bout de treize ans, les deux équipes se rejoignirent à Moubotsi à 191 km de Pointe-Noire le 13 avril 1934. L’inauguration officielle eut lieu le 10 juillet 1934 à Pointe-Noire sous l’égide du gouverneur général de l’Afrique équatoriale française (AEF), Raphaël Antonetti. La construction de cette ligne à écartement de 1 067 mm, longue de 510 km, comprenant 172 ponts et viaducs, fut une véritable épopée de treize années tragiques qui virent des milliers d’ouvriers mourir d’accidents, d’épuisement, de faim ou de mauvais traitements pour avoir sous-estimé l’obstacle technique que représentait le franchissement du massif du Mayombe, situé au cœur d’une forêt équatoriale des plus hostiles. Sa traversée nécessita la construction du tunnel ferroviaire du mont Bamba, le plus long d’Afrique à cette époque (1 694 m), dont le percement fut un véritable exploit. Le nombre des victimes est estimé à 16 000, sur un total de 125 000 travailleurs enrôlés ! Les autorités coloniales allèrent recruter la main-d’œuvre jusqu’aux confins septentrionaux de l’AEF, au Cameroun, en Centrafrique, au Tchad et même en Chine. En France, des consciences, comme l’écrivain André Gide et le grand journaliste Albert Londres, dénoncèrent le « scandale du Congo-Océan », et l’affaire provoqua de vifs débats à la Chambre des députés. 

En 1962 fut inaugurée la ligne ferroviaire de la COMILOG, la Compagnie minière de l’Ogooué, qui part de la gare CFCO de Mont-Bélo jusqu’à la frontière gabonaise à Mbinda. Longue de 285 km, elle fut construite pour l’évacuation du manganèse de Moanda au Gabon par le port de Pointe-Noire.

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Autorail Billard A 135 D en panne sur la ligne du CFCO en 1941-1942.

En 1978, lorsque débutèrent les travaux du « réalignement » consistant à réaliser un tronçon de voie neuve et un nouveau tunnel permettant de raccourcir le trajet et de supprimer le goulot d’étranglement que constituait l’ancien tronçon fortement endommagé, le consortium européen chargé des travaux rencontra presque les mêmes difficultés que les pionniers de 1920. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, le Mayombe refusait toujours de se laisser franchir, entraînant des retards de plusieurs années, et des surcoûts abyssaux.

Enfin, entre 1997 et 2000, lors de la guerre civile et des troubles qui s’ensuivirent dans la région du Pool, le CFCO subit près de deux ans d’interruption de trafic et de lourdes pertes de matériels et d’équipements : six ponts détruits, le système de télécommunication mis hors d’usage, le matériel roulant ainsi que plusieurs kilomètres de voie endommagés.